La Chambre de Commerce de Marseille pendant l'occupation allemande (12 novembre 1942 - 23 août 1944) Témoignage d'un contemporain Nap oléo n a remarqu é à ju s le til re les diffiCllll és d e l'hisloire la plu s contemporain e. « A UCUll his/orien , dict e-t-i1, n'arrive jll S qU ' a n os jours. » El l'A nglais Wall er Raleigh avail avanl llli con sla lt' qll e les fail s les pills proch es sonl les plu s malaisés à connaître el ù domin er. Ces diffi cultés bien COllflu e s red oublent, p Olir d es raisons lJu'il n'est pas besoin d'analyser, lorsqu'il s'agit de l' occllpalion . Malgré la remarquable organisation du Comité d'His loire d e III S econde Gu erre m ondiale qu'anim e ftl. Henri 111icll el, malgré 1(:3 l.·nqllêtes d ont il a pris l'initiative et les publications dont il a pris la charge, ce tte histoire douloureuse, faut e d'archives parfois, reste souvent confuse, approximative, d éform ée par d es préf éren ces politiqu es ou d es souvenirs tronqués. A la cruaulé d es temps s uccM e la brutalité d'affirmalions sans nuances et parfois san s fondem enl . C' est pourquoi il faut savoir gré à M. Rmile R egis d'alloir ouvert le dossier d e la Chambre d e Comm erce d e ll1al'seille durant ces années sombres; il le fait d e manière d épollillée el précis(', sans for cer le ton . A u Alarseillais, ù l'historien pro{cssionnd qlu' je suis, ces pages apportent beaucoup: elles apprennenl ulle rés istance (ail e non d e refu s brutaux et impossibles, mais d'aterm oie· m ents, d e temps gagn é, d'archives soustrail es, de matériel éga rt>. R ésistan ce ù la petit e semaine qui cherchait ci sauver c(' qui pUl.llJui! être sauvé: dan s le cas d' un port aussi importanl, les chan ces d e d ébarquem ent, dans le ca s d e l'ex p os ition d e l'Europ e ronlre. le bolchevisme, l'honneur qui n'était pas une moindre ricb esse. Pierre GUIR,1L . LA CHAMBRE DE COMMERCE DE MARSEILLE 163 Le 8 novembre 1942, les forces alliées d ébarquent en Afrique du Nord. Le 11 novembre, l'arnlée allemande envahit la zone sud et arrive à Marseille le 12 d ans la ma tinée. La Kriegsmarine occupe le p ort et crée une Hafenkommandantur qui demande immédiatem ent la livraison des seize grues floUantes du port et d' un certain nombre de m ahonnes pour les envoyer en Cyrénaïque où l'olTensive a lliée contre l'Afrika Korps progr esse. Ces engins appartenaient à des sociétés de manutention privées. Le chef d'exploita tion du port réunit leurs représen tant s et le directeur des services techniques de la Chambre de Commerce. Celui-ci remarqua que la leUre ù'Hiti er a u gouvernemen t français précisait que les troupes, qui avaient franchi la ligne d'armistice, « opéraient » en zone sud par suite des circon stances créées par le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, mai s n'étaient pas ùes troupes d'occupation. En conséquence, ces troupes devaien t avoir non le droit de réquisition, mais seulement la possibilité d'utiliser le matériel aux conditions nonnales en payant les redevances d'usage. Ce point de vue fut opposé par la Direction du Port aux officiers de la Kriegsmarin e qui s'en IllonLrèrcnl fort contrariés, si bien que les discussions trainèrent pendant plusieurs jours . Finalement, les Allemands saisirent les grues purement et simplement, sans fannalités juridiques, en prenant aele de nos protestalion s. Ce lles-ci n'ava ient pas cependant été inutiles. D'abord, elles avaient fait gagner un temps précieux, car, à l'approch e d e l'hiver, la navigation de pareils cngins en Méditerranée é tait dangereuse . En fait, aucun d'eux ne parvint à quitter la côte fr ançaise. Ensuite, ellcs perlllircllt de faire reconnaît re par les aulorités allemandes qu'clles n'avaient pas le droit de réquisition ou de prise ùe guerre et qu'ell es devaient utili ser le m atériel du port comme un usager ordinaire. Ceci eut pour conséquence de permettre la perception des taxes d'usages des engins et de procurer ainsi les l'ecelles nécessa ires pour payer le 'p ersonnel titulaire e t surtout de conserver sur place ce per sonnel indispensable pour le fonctionnement d es engins. Il fut exonéré du S.T .O. (Service du Travail Obliga toire); a insi aucun des agents d es services techniques de ta Chambre de Commerce n e quitta son pos te, à l'exception de deux 164 E. RêGIS ou trois d'en tre eux qui, malgré les instructions et les avertissements 'lui leur avaient été donnés, r épondirent à des cOIl\'ocations individu elles. Enfin, ceci permit à tout le personnel des services techniques de circuler librement sur le port et de recneillir des renseignements précieux qui fur ent transmis aux organisations de résislance. Les bureaux et ateliers, situés au centre du port, ne furent évacués 'lue le 16 août 1944, après le débarquement des Alliés en Provence. Une vingtaine d'agents auxiliaires furent licenciés et placés dans les entreprises de travaux publics requises par l'Organisation Todt .t ainsi protégés également contre le S.T.O . .'. Après l'enlèvcment des grues /lottantes, la Kriegsmarin e donna l'ordre à une entreprise ùe la place de démonler, le 2H décClllbre 1942, seize grues modernes pour les expédier également cn Cyrénaïque, malgré nos protestations véhémentcs. Ce travai l nécessitait l'emploi de la grue floUante Golia th de 150 tonnes de la Chambre de Commerce. Comme l'Organisation Todt l'utilisait également pour la préparation du chantier de la base sous-marin e, la Direction des Services Techniques manœuvra entre les ùeu x serviccs, si bien qu'elle reçut l'ordre d e l'O.T. d'amar rer la grue a u môle H, près du chantier, en un endroit très dangereux pour Ull engin de 70 m de h aut 'lui n'a 'lue quelques décimètres de tirant d'eau. Dès le premier coup de mistral, les câbles de lixatioll des crochets de suspension rOlllpirent les flasques s'entrechoquèrent et se brisèrent, immobilisant l'appareil. J La Direc tion des Services Techniques informa les autorités allemandes que la réparation demanderait au )\101nS trois mois. Furieux, les Allemands, après des menaces et des accusations de sabotage, firent venir les ingénieurs de la Société DEMAG 'lui avail construit la grue en 1932 au titre des réparations. Ils apportèrent les plans d'exécution de la grue que les ingénieu rs ùes Services Techniques, stupéfaits, n'avaient jamais vus! Les ordres pour ln réparation des pièces abîmées furent donnés inllnédia lement, mais les ingénieurs averlirent les entreprises chargees des travau x '1u'elles devaient travailler très soigneusement et très lenlemenl. La r éparation dura trois m ois et demi, malgré le contrôle des LA CHAMBRE DE COMàŒRCE DE MARSEIL LE 165 Allemands. Lorsque la grue fut remise en service, l'Afrika Korps était chassé de Cyrénaïquc et capitulait hientôt au cap Bon le 12 mai 1943. Les grues r estèrent sur les quais en partie démontées ! Le président de la Chambre de Commerce fit alors une dém arche auprès du Hafenkommandant pour obtenir l'autorisation de les remettre en état afin d'éviter qu'elles ne s'abîment. Elle lui fut accordée après de longs pourparlers ' . ... Dès l'arrivée des troupes allemandes, la Chambre de Commerce mil en sûreté ses archives historiques el unc partie de ses collections artistiques dans une chapelle du domaine du Général à Puyloubier, appartenant à so n vicc-président, M. Camille Grand-Dufay. Lcs Services Techniqu es chargés de celle opération en profitèrent pour Illêler aux caisses d'archives un lot important de caisses de pièces en cuivre e t en bronze destinées à l'entretien des grues, qui furent ainsi soustraites à la réquisition. Signalons que, profitant de la construction par les Allemands d'abris bétonnés, sur la digue du large, ils d émontèrent toutes les lignes électriques et cachèrent les câbles dans les caves des bâtiInents de la rue Saint-Cassien 2. Ces réserves de cuivre permirent, dès la Libération, d'obtenir rapidement les câbles nécessaires à la remise en état du r ésca u électriquc du port et de gagncr ainsi plusieurs Illois. Marchandises en/reposées dans le port. De juill et 1940 il novembre 1942, Mar seille fut le seul grand port fran çais disponible, et il assura régulièrement les r elations avec l'Afrique du Nord et m ême avec l'A.O.F. pour les cargaisons dont les Alliés toléraient le passage par Gibraltar pour permellre 1. Il faut signaler que, le 25 décembre 1944, un accident analogue se produisit, les Américains ayant conduit la grue Goliath au môle H malgré les avertissements des ingénieurs de la Chambre. L'immobilisation était une catastrophe car des navires chargés de locomotives arrivaient. Les spécialistes deman· daient plus de trois semaines pour fai re la rép<lra tion. Le personnel de la Chambre réuss it, par un prodige d'acrobatie et d'h<lbileté technique, à remettre Ja grue e n servi ce en moins d'une semaine et la réparation définitive ne fut faite qu'un an après, lorsque le Japon eut capitulé. 2. Siège de la Direction des Services Techniques de la Chambre de Commerce. 166 E. R1~GIS d e ravitailler la zone libre. Aussi, le Il novembre 1942, il Y avait plus de 3 nlÎlIions de to nnes de marchandises dans les hangars. Les Allemands transformant le port en un port militai re, il fallait évacuer l'apidcluen t ces marchandises pour éviter qu'clles ne fussent prises ou pillées. Le président put savoir, au début de janvier 1943, que l'inlendant von Barby avail la charge de ces m a rchand ises ct, au cours d'uuc audience à l'Hôtel Spendid, il lui fit accepter 'lue la Chambre ùe Commerce soit chargée de préparer les dossiers d'enlèvement, de les lui faire signer et d e remettre les marchandises aux réceptionnaires. Un service spécial fut rapidement organisé dont le personnel s'acquitla de cette tâcbe d élicate avec une intelligence ct une persévérance dignes d'éloges. Il fallait parfois in sister lrois ou quatre fois pour obtenir la signature des bordereaux d'enlèvcment ct cinq mois d 'efforts furent nécessaires pOUl' évacuer la totalité d es m a rchan ùises. Au moins, ri en n e fut perdu ni prélevé, grâce au fail que la Chambre d e Comm erce put assurer la direction des opérations 3. Les interventions ùu président a uprès des autorités allemandes devenaient d e plus en plus fréquentes et difficiles. Les réquisitions d'a ppartements, d'hôtels, se Illultipliaie nt et la Gestapo opérait des arrestations de plus en plus nombreuses dans tous les milie ux. Pour ga rùer l'auùience des occupants el obtenir des r endez-vous qu'il denl a ndait per sonnellement sans appui des représentants du gouverncment, il lui fallait une introduc tion. Après lllill'c réflexion ct avec l'accord de la Chanlbl'e, qui estima que to ut d c vaiL être tenté pour la d éfcn se du pod e t de ses resso rti ssa nts e t qu'une att ilude purement négative serait inutile, il réunit, le 20 Illai 1943. autour du con su l gé néral d'Allelnagne et des autorités préfectorales. la dizaine d 'omciers allemands qu i commandaient le por t, e t la Ges tapo, en avertissant les ha u ts fonctionnaires fr a nçais que leur présence n'é ta it pas nécessaire 4. Celle réunion facilita grandem ent 3. Archives Chambre de Commerce. Dossiers de la série Re. D'autre part, l''::vacuation de la zone portuaire étant décidée par les a utorités allemandes au début du Illois de mars 1944, la Chambre de Commerce eut qualité pour obtenir des dél'ogJ.t~ùns en faveur des entreprises .commerciales, . indu ~tr ielles et artisanales a inSI que de lem- personnel. Le servIce ôes évacuations fut installé dans le grand hall de la Eourse et reçu t, dès le premier jour, p lus d'un millier de persOlUlCS. 4. Archi ves. Chc:unbrc de Commerce. Registre des délibérations n° 152, pag..:s 192 ct 193. Séance du 10 m ai 1943. LA CHAMBRE DE COMMERCE DE MARSEILLE 167 ses démarches ultérieures et lui donna notamment accès au commandant Muller, chef de la Gestapo, a uprès de qui il intervint presque quo tidiennelnellt pour obtenir, tres souvent avec succès, la libération de personnes arrê tées '. D'au tre pa,·t, le présidcnt était souvent a lerté par des comm cr~, a nts ch ez qui la police allema nde avait pris des marchandises qu'elle transpor tait dans un local ,\ Arenc. Il arrivait parfois que ces lnesurcs é talcnt consécu tives à des ventes de marchandises fa ites par des particuliers aux Allemands à des prix de marché noir. Il fallait dOllC ê tre très cÎl'collspect, lnais les interventions furent fréquenles ct abou tiren t :\ la restitution des marchandises en levées. Les autorités allemandes entreprirent, par ailleurs, de fnire un recensement des usin es ùe la région so us prétexte ùe déterminer leurs m oyens de protection contre les bombardements. En l'ai L, il s'agissait d'une enquête sys tématiqu e sur leur capacité. Le président obt int qu'un représen tant de la Chambre de Commerce accompagne les enquêteurs allemanùs de façon à prévenir les indu striels interrogés el à éviter qu'ils ne donnenl des rense ignements trop précis. Le nOlubre des interventions du présid ent pour protester contre les réquisitions d'appartements, d' hôtels, de lycées et collèges fut considérable, bien qu'elles ne ressortissent pas de la Compagnie Consulaire. En juin 1943, le président obtint que l'on n'opère pas de nouvelles réquisitions avant d'avoir utilisé les anciennes. A la fin de l'année 1943, les locau x de l'école Chevrenl, à la Blancarde, furent réquisitionnés pour y installer l'Institut allemand . Après de pénibles négociations, le président obtint auparavant son transfert dans un local approprié a u cours Pienc-Pugct. Il ne put empêcher cependant l'i ns tall ation, a u début de 1944, d' un grand nombre de cheminots allemands dans le quartier de la Blancarde. '.*. Lors de la réquisition du parc Chanot au profit de la Marine a llemande, au déb ut de 1943, le président avait évité celle du Musée des Colonies appartenant à la Chambre de Commerce selon les -S. - Le lecteur compre ndra très bien les raisons pour lesquelles il n'cst pas possible d'indiquer ici le nom de ces personnes dont la liste dépasse largement la cinquantaine. Elles appartenaient à tous les milieux, à toutes les confessions, pal"fo is militants communis tes ou membres de la Résistance. 168 E. R~GJS termes de la lettre du 3 avril 1943 du général Helfster, commandant la place de Ma rseille. Mais, le 23 mars 1944, la Chambre fut avisée de la réquisition de ce bâ timent. Après de multiples pourparlers, le président oblint que la salle des dior amas soit laissée libre pour y resserrer les collec tions évacuées. Elle fut ensuite murée J)ûur l' isoler d es au tres sall es. L'occupa tion eut lieu le 8 "'Til , ayant été ainsi r etardée de près d e 14 mois 6. Dans le coura nt de l'an née 1943, un e entreprise de répara ti on navale reç ut l'ordre de démon ter quatre grues et de les me Ure sur wagons. Le président et le direc teur des Services Techniques sc rendirent immédiatement au près du Hafenkommandant pour protester. Ils ne purent obtenir satisfaction. mais les agents ùe ]a Ch ambre subtilisèrent les billes de r oulement des cabines, en rendant ainsi le remontage impossible ava nt de se r éapprovisionner en billes ap propriées, ce qui paraissail difficile dans un port de la mer Noire vcrs lequel les w agons deva ient ê tl'e acheminés. On n'a pas re trouvé la trace de ces grues après la guerre. En avril 1944, quelques semaines avant le débarquement en Normandie, les bombardements sur T oulon se multiplièrent (il y en cut une vingtaine) et la Hafenkoffiln andaulur inform a la Chambre ùe sa décisio n de démo nter Ics m oteurs el les treuil s des gru cs « pour éviter leur destruction éventuelle ». Le président, l'appel ant que ce m a térie l appartenait à )' Asscmbl ée consul airc, dem anda qu 'il soit entreposé dans des locau x chois is pal' e llc. Après de lahorieuscs discussions, les Allemands accep tèrent. à conùition que le m atéri el soit pl acé da ns les hangars du port. Les Services T echniqu es consl!1lère llt bie nt ô t que les moteurs étaient chargés s ur camions et dirigés yers la gare d' Arenc. Ils apprirent que l'Organisu tion 'Todt lcs envoyait da ns les usines nllema ndes. Le préside nt dem anda imm édia teme nt ulle Hudicncc au Hafenl<ommandant Sl oos. Après a\'o ir essuyé un refus ca légoriqu e, il finit pur ê tre reç u 3\'eC le directeur d es Services Techniqu es et l'interprète de la Chambre (chef d' une organisa tion militaire d e r ésislance) . A l'exposé de la situation, le COJnmanda nl S loos fu rieux d'ê tre déjo ué et peul-être non infon né - fi l sortir les représentants de la Ch ambre qui entendirent à travers la por te une violente di scussion léléphonique avec l' Or ga- 6. Archi ves. Chambre de Commerce. Série T. Dossier 29. LA CHAMBRE DE COMMERCE DE MARSEILLE 169 nisation Todt. Lorsqu'il fil rentrer les Français, le commandant Stoos, calmé, leur dil: c: J'i gnorais cc qui ce passait, vous pouvez reprendre votre matériel et le meUre ail vous voulez. » Le président e t le directeur des Services Techniques se rendirent immédiatement à la gare d'Arenc. Les wagons n'étaien t pas encore partis. Mais il fallut discuter pendant quinze j ours pour obtenir l'exécution de l'ordre du HaCenkonunandant, el c'est finalement grâce à l'initiative courageuse du chef de gare <{ue le matériel put ê tre récupéré et dispersé dans quatre ou cinq locaux de la ville. Ce malériel permit, il la Libération, la r emise r apide en éta t des quelque vingt-cinq grues 'lui n'étaient pas tombées à la mer . .'. R eslauranl d e l'Office de placem enl allemand. La Chambre de Commerce a organisé, en 1941 et au début de 1942, un Comité Mixte d'Entraide pour la création de cantines et de restaurants destinés aux salariés les moins favorisés. Pour y ê tre adlnis, il fallait gagner moins de 3.000 F par IllOis, cette SODune étant augmentée de 500 F pour le sa larié marié et de 500 F par enfant. Donc, un pèrc de deux enfan ts devait gagner moins de 4.500 F pa r mois pour y être admis. CeUe œuvre, uniqne en France, a centralisé jusqu'à cinq restaurants, six cent cinquante cantines et vingt ct un cenlres de distribution du plat à emporter, alimentant jusqu'à 50.000 rationnai res. Partout en France, des comités de ce genre furent créés, nIais généralement en ordre dispersé. Marseille est sans doule la seule granù e ville de France où cette œuvre eut une direclion unique. Le président de la Chambre, 'lui en avait été le créateur, en fut le président en cette qualité. Il était assisté d'un com ité de quelques personnes comprenant un représentant de la vill e de Marseille, le président du Secours national, le directe ur d épart emental du Ravitaillement, deux représeniants ouvriers et un représentant des cadres. Celle Œuvre a pu functionnel' sans aucun e sllbv~ntion et fournir pendant deux ans, à. environ cinquante mill e rationnaires, un plat cuisiné ou les éléments pour le fabriquer. Or, l'Office de placement a llemand voulut organiser lui-même des restaurants de celte nature et en oU'7rit effectivement un qui bénéficia de certains avanLages imposés au service du ravitaillement 170 E. RÉGIS fran çais. L'Office d e place ment a llema nd voul ait développer cd te œ uvre s pcctae ulaÎl' c eL d e publi cité. Aprl's ull e di scussio n lo ng ue e t di meil e, le président de la Cha mb re obtint 'I" e le COl1lit é Mi xte d ' Entra ide, qu ' il présidait, n it le c" Hlrù lc de s t1 c n rt."cs cl l\ bl o<jll é('s p OUl' cc res ta ura nt ct qu c de n o u vea u x res taura nt s PC so ie nt p as créés. notamme nt sur le Vieu x-Port. C'é ta it 1,\ l'occupé qlli cont rô la it l'occupa nt. E:r:posilion anlibolchevique. Lorsqu'on lui fit dem a nùer d e prè lr l' Ir gra nd h:lll du P :l b i ~ de la Bourse pOUf l'Expositi on anlibolclJ "y iquC', le p resident s'y ref1l sa d ' un e faço n fo rm e ll e. TI !"'I li a troll ve r le prl'frl cl lui dit CjuC'. s i Hne lell e numifestation devait avoir lie ll , eJl e d cynil êt r e o r gani st'c dan s un local gO llYf' rn emenl a l, pui squ e c'(Ha it le gOl1vcn ~ c m c nt qui Cil pren a it l'illitiative; 'lu'cn cc qui con cern a i( la Chambre d e COTlllll er Ce, ell e entendait t'ester entièrem ent r tran gèl'e il ccll e manifes tati on, cOlllm e il tout e ma nifesta tion p o litique. C'cs t al ors qu c le Palais de la Bo urse ful r éqnisiti on né. Le president \'oulut [ni re para ître l'ordr e d e r équisition d a ns la presse, mai s sa d emand e ne fut p a s a dmi se ; il put cependant le fa ire a ffi ch er il J'entrée d~ s locaux d e la Bourse; il y demeura pend a nt ln durée ne l'ex pos ition. Chac un put voir ainsi que la Cha mbrc (l e COllll11CreC n'l'lail pas consenta nte. Ayant refusé le Pal ais d e la Bourse pOlll' ('('Il e manifes talion , le présidenl r efu sa de fa ire partie du co1l1i1 {~ d' honneur el de participer à son inau g ural ion. Il s' ahsent a, vo lontairement, de la Cha mbre ce j our-là 7. Plan monétaire. Da ns le COl1ra nt de J'année 104 3, le président prit l' initiatin' d'une etude sur les plans m on eta ires, élud e qui fut adoptée par la Ch ambre d e Commerce de Marsei ll e 8 et en s uile par l'Assemblée des p rés idents des Chambres d e Comnlcr ce d e Fra n ce 9. Cette é tude préconi sait une soluti on sc ra pproch ant du plan an g l () ~ s a xo n. Ce tn 1\'a il fut censuré par la Gestapo, qui en a d'a ill eurs saisi les exemplaires non distribués; il a pu cep enda nt ê tre diffusé. 7. Archives. Cha mbre de Com merce. Registre d es délibérati ons n° 152. Séa nce exceptionnelle du 30 aoft t 1943 (pages 273 à 275) e t séa nce du 13 septembre 1943 (pagt.~ 277 à 280) et doss ier n° 6462. 8. Id., ibid., page 296. Séance d u 20 sep tembre. 9. Id. Registre des d élibérations n° 153, pa&c 57. Séance d u 14 février 1944. O.>mptc r;;:nd u de la réun ion d e l'Assemblée d es Pr ~s jd c nt s du 7 fév rieL LA CHMIBRE DE CO'ŒERCE DE MARSEILLE 171 Des /ruction du port. Dès le 8 juin 1944, les Allemands creusèrent le long des quais, tous les 20 mètres, des puits de min e descendu s jusqu 'au niveau de la mer et char gés de deux barils de 100 kg d'explosif. Les puits étaient refermes avec une chem inée pour le détonateur et la luise à feu , mais aucun dispositif ne rut mis en place. Interrogé, M. F le ury, ingén ie ur en chef des Poudres, confirma qu 'il s'agissait de mé linite en provenance de la poudrerie de Saint-Chamas, produit très stable, in sensible à l'eau, et qu'on ne pouvait neutraliser ces mines qu'cn coulant du ciment par les chenlÎnécs . De nombreux fournea ux fur ent ainsi bouchés par les agents de la Chambre de Comm erce, nIais ils étaient naturellement rClnis immédiatenlcnt en é tat par les AlIeJllands. Après avoir DIiué les quais, les Allenlands placèrent d es bombes d'avion au pied d es piliers de la gare maritime de la J oliette et des silos à blé d'Arenc. Le président, alerté par les Services Techniques, protesta immédiatement a uprès du consul général d'Allemagne et d u Hafenkomma ndant contre la destruction d'installa lions purement civiles, sans a ucun intérê t ntilitaire, et qui avaient une grande valeur commerciale 10. Le consul général d'Allemagne se montra favorable et promit que le Vicux-Port ne serait pas détruit. Le directeur des Services tecbniques et le président se rendirent à Aix auprès du grand-amiral Sud qui cOlllmandait la Méditerranée. 11 s'exprimait parfaitement en français ct promit d'ex3nIiner la demande. Malheureusement, il mourut quelques jours plus lard d'une « insolation >. Compromis dans l'attentat contre Hitler du 20 juillet, il s'est probablem ent suicidé. Seul, le Vieux-Port échappa à la destruction, les All emands croyant probablement l'avoir rendu inaccessible par la chute du pont à tran sbordeur et l'épave du Cap-Corse coulée dans la passe. En fait les L.S.T. (Landing Ship Tank) purent débarquer directement h ommes et matériels au quai des Belges. Le 16 août, les Allemands se r éfu gièrent dans le port qu'ils firent évacuer. Le personnel des Services Techniques de la Chambre se replia d ans les locaux de l'Ecole d'Ingénieurs située au boulevard 10. Archives. Chambre de Commerce. Registre des délibérations n° 153, pages 233 et 234, séance du 26 juin, et pages 242 et 243, séance du la juillet 1944. 172 [. RÉGIS de la Mad elein e (aujourd'hui d e la Libératio n ) . P r ndnnl le d t"ménagement , la gru e Goli a th fll t mi se Ù. l'abri comme il sera dit plus loin. L es marins-pompiers nppnl'cillère n l cL t1 ll c rè r c nl Je b a l(>3 u -p ompc Alerte au mili e u c]'un ha ss i!1 Cil p rn lrgl.'n nt s n. c oque par une ceinture de mahonnes. Il s res tèrent lit pendant la bataill e d e Ma r seille cL puren t observe r 1{,5 m O U\'CIl1t'II[ S d e l'enn cm i. Des équipes d e so ldats polonais fire nt sau ler l'ys léma tiqucn1enl les fOllrnea ux de mines, d ont les d en x tiers e ll viro n cx pl osi'rent , ct lnollillèrcn L des 111in e5 lnagné liqu cs dans [ou t le port. T ous les n a \'ires et en gin s fl ott a nts (à l'(' xceptio n d ' lin n:n-il"(, s l1 iss~ d a ns le bassin d es Docks ) furcnt coul és. 11 y e lll plu s de d cu x ceni s épaves dans le porI. Quelqu es résis ta nts 'lui n e pllrent " Ire idenlifiés, entrés par les égouts, arrachèren t au dernier j our, avec I('s ponti er s, les di spositifs d e mise à fcu d es 11lines du quai e l du pont d e lu Pinèd e qui fur e nt ainsi mira c ul e use ment sa u vés . P end a nt l'évncuation d e la rH e Saint-Ca ssie n, le dir cclr ur d es Ser vices T echniques sc préoccupail d e sa uver la gru e Goliath qu e son én orm e s upers tr ucture ct son fnib1e tirant d' rH u rf'ndaÎPtll par ti culièrement vulnérable, lorsque le scaphandri e:'r 1\fa rills Negri vint Ini prop oscr d 'essayer d'obtenir d'un jeun e aid e d e c::lmp :1 11lri chi e n du HafcnJ<omma ndant l'orfll' c d e rem orqu er le Goliath VPTS les p orts nord sous prétexte d e trava ux, comm e il le f:.lÏ !'n it que lqu efois. Le directeur lui remit 200.000 F en espèces p OUT l'ollicier all cmn.nd ; l'opér atio n r éussit. La grue Goli a th fut r em orqu ée dan s l 'a n ~e d e Sauma ly par dcs fonds de 1 mèlre et enlourée de mah onnes ct d'embarcations en bois. Les explosifs, placés par les solda is chargés de couler les engins flottants, cr evèr ent la coque, l'cau envahit ln cal e e t la gru c posa sur le fond. Seuls les m oleurs é lectriques fur en t noyés. Dès la libération du p ort, la brèch e fut colmalée, les 1110teurs séch és et, quelques j ours après, la gru e put participer H U rc)ev3 ge d es r em orqu eurs el ass urer le d ébarqu em en t dcs camion s militaires. Grâce :'t sa prés ence. o n diri gea. vers Marseill e les navires spéciaux 'lui apportaient 700 locom otives envoyées par les U.S.A. à la S.N.C.F. Le ponton-mâturc S ansonne, d e 45 0 tonnes, de l'entrctrepri sc Chagnalld, qui était amarré dans le port nord, fut sauvé de la m ême faço n et contribua fortement au renflouement ùes navires coulés. LA CH AMBRE DE COMMERCE DE MARSEILLE 173 Grâce à ces efforts, Je matériel et les installations du port étaient pratiquement intacts le 22 ao ût 1944. Aurait-on pu évitcr leur destruction? Le président avait d emandé dès le 10 aoîtt à une organisation d e résistance de télégraphier à Alger pour demander u ne attaque aérienne du port. Dès la prise de la Préfecture par la Résistance, le 23 août, il se présenta a u Comité de Libération c t exposa )a siluation en insistan t pour qu'une i ntervention arnlée fût faite dans le port afin d'en sauver au nloins une partie. Malheureusement, rien ne put être fai t et, pendant près d'une semaine, les Allemands purent tout à loisir détruire systéma tiquement les ouvrages. Le 29 aoû t, il ne reslait plus rien! Les quais, les h an gars et les grues étaient délruits, 172 épaves gisaient dans les darses et les bassins. ... Parallèlement il cette action de résistance et de défense, la Chambre de Commerce a poursuivi méthodiquement son œuvre créatrice. En particulier: BUTeall d'éllldes. - Création d'un bureau d'études qui a fourni d'illlportanls tt'Hvaux sur les questions d'enseignement, de Iogenlent, les plans 11.lonélaires et toules questions se rapportant à l'économie française. Eco le d e radioéleclricilé el de radiolélégraphie. - Achat, pOUl' le pri x de 3.750.000 francs, d' un grand immeuble moderne destiné à in struire 600 élèves et en loger 80!l. Revue. Remplacement, en novembre 1941, d'u n bull etin désuet par une belle revue à laquelle ont collaboré en particulier M. le professc ur André Siegfried et M. l'ambassadeur François Charles-Roux. Aéroport. Etablissement et présentalion d'un proje t de construction dans la plaine de l'Arc d'un hydra.éroport capable de recevoir des hyd ravions de 500 tonnes, avec des pistes de 3 kilom ètres et des installations à l'échelle des aéroports les plus modernes ". La disparition des hydravions après la guerre fit aba ndônner - - 1 1. -Archjves. Chambre de Commerce. Registre des délibérations n" 152, page 289. Séance du 13 septembre 1943. 12. Id. Registre des délibérations n" 151. Séances du 3 février 1942 (pages 85 à 87) et du 31 août 1942 (pages 280 à 282). 174 E. RtGIS ce projet. Mais les éléments terrestres furent r epris, après la guerro, pour l'extension de Marignane oil furent construits les hangars records de 100 m X 60 m X 19 m et l'aérogare moderne in spir{'s des projets d'Auguste Perret pour l'aéroport de l'Arc. Port pétrolier. - Le 18 juillcl 1938, la Chamhre avail approuvé un avant-projet des travaux d'amélioration de Port-d e-Bollc Marligues el de conslruclion d'un bassin pétrolier il Lavéra. Elle confirmait ses intenlions le 2 décembre 1940 et décidait, le 14 février 1944 n, de demander la concession de ce port pétroli er. Il pouvait recevoir 12 millions de tonnes, avec des navires de 20.000 tonnes qui paraissaient alors monslrueux. C'est sur les bases de ce projet, convenablement aménagé, que la Chambre de COlnmerce cn obtint, après-guerre, la concession par décre t du 4 octobre 1949 et construisit les môles actuels de Lavéra qlli r eçoivent a nnuellement plus de 60 millions de tonnes avec des pétroliers de 70.000 tonnes environ. Aménagement du Rhône. - La Cham!>"e de Cummerre participa aux éludes de la Compagnie Nationale du Hhônc pour l'aménagement de la chute de Donzère-Mondragon. Elle s'éleva contre l'idée d'une doubl e écluse et obtint qu'on fi xe la longueur de l'écluse unique à 190 mètres. Gendarmerie maritime. - La Chanlbre de Commerce de Marseille soutint énergiquem ent les protestations de la Direction du Porl contre le projet de la Marine Nationale d'é labli r tlne gend~lr­ mcrie mari lime sur les terrains de la Compagnie des Docks c l Entrepùts qu'elle a\'ait expropriés à cet effet. Grâee à un e demande du président, accompagné du directeur des Services Tcchni(IuCS, l'amiral Auphan fit arrêter ces travanx et transférer le proj et ft Mourepiane. Après la guerre, les terrains d'Arenc furent incorporés :\ la concession de la Chambre de Commerce qui y construi sit UIlC grande station phytosanitaire ". Drapeau français. - Le pavillon fran ç.ais a continué de floU cr sur la façade du Palais de la Bourse, COInmc ayant la guerre, pendant toute la période de l'occupation. Emile REGIS, Président hOI1 orairt: de la Chambre de Commerce, <en exercice de 1941 li 1944 ). - - 1 3. -Archives. Chambre pages 72 à 74. Séance du 14 14. Archives. Chambre page 288 (séance du 29 août de Commerce. Registre des délibérations n" 153, février 1944. de Commerce. Registres des délibérations n° 150, 1941), et n° 151, page 170 (séance du 11 mai 1942).