Règlement modifiant le Règlement sur l`immigration et la protection

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 PAR COURRIEL : [email protected]
Le 3 juillet 2013
Madame Caroline Riverin Beaulieu
Directrice adjointe
Direction générale de l’immigration
Citoyenneté et Immigration Canada
365, avenue Laurier Ouest, 8e étage
Ottawa (Ontario) K1A 1L1
Objet :
Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection
des réfugiés
Madame,
Le Barreau du Québec désire vous faire part de ses commentaires concernant le
Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés,
publié dans la Gazette du Canada, Partie I, le 18 mai 2013 (ci-après « Règlement »).
Ce Règlement revoit la définition de l’enfant à charge. En 2002, faisant suite à
l’entrée en vigueur du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, l’âge
auquel un enfant pouvait être considéré à charge est passé de 18 à 21 ans. Selon le
Règlement proposé, l’âge de l’enfant à charge passera de 21 à 18 ans.
Dans sa forme actuelle, le Règlement va à l’encontre des objectifs énoncés par le
législateur dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés1 (ci-après « la
Loi »). La modification proposée ne semble fondée que sur des préoccupations
économiques alors que la Loi indique clairement que l’immigration doit servir plusieurs
objectifs, y compris des objectifs sociaux, culturels et humanitaires.
De plus, cette modification aura pour effet certain d’augmenter le volume des
demandes humanitaires, ce qui alourdira leur processus de traitement alors que le
ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration vise un résultat contraire.
Le Ministère invoque les avantages économiques de l’immigration ainsi que son rôle
dans le développement d’une économie solide et prospère. Afin d’atteindre cet
1
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27.
…2 Madame Caroline Riverin Beaulieu
Objet : Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
objectif, le Ministère vise à créer un système d’immigration efficace et efficient qui
réponde aux besoins du Canada en matière de main-d’œuvre et d’économie.
Le résumé de l’étude d’impact de la réglementation explique que les enfants à charge
représentent 30 % de tous les immigrants admis annuellement au Canada. Selon les
statistiques auxquelles les auteurs de l’étude font référence, les enfants à charge plus
âgés, soit ceux de 19 à 21 ans lors de leur arrivée au pays, ont de moins bons résultats
économiques que ceux qui arrivent ici à un plus jeune âge. De plus, le résumé affirme
que les enfants à charge plus âgés ont plus de mal à s’intégrer au marché du travail,
un phénomène qui serait plus marqué chez les immigrants qui n’ont pas été
sélectionnés en fonction de leurs propres compétences.
Le résumé note que l’exception actuelle pour les enfants à charge plus âgés qui
poursuivent des études à temps plein rendrait le traitement des demandes difficile et
inefficace. On indique que la vérification de l’inscription et de la présence aux cours
de ces enfants est un processus qui est long et qui a révélé plusieurs cas de fraude.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés cherche à favoriser l’atteinte de
plusieurs objectifs. En mars 2001, l’honorable Elinor Caplan, ministre de la
Citoyenneté et de l’Immigration, témoigna devant le Comité permanent de la
Citoyenneté et de l’Immigration et la Chambre des communes. Elle présenta de la
façon suivante les buts du projet de loi C-11, le projet qui est à l’origine de la
présente Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et des règlements qui
devaient accompagner sa mise en application :
« The regulations to accompany Bill C-11 will include measures to
ensure that we're able to select the skilled immigrants and
temporary workers who will be so critical to our economy in the
years ahead. Skilled workers will no longer be limited to narrow
occupational categories; rather, they will be those who are flexible
and best able to adapt to our evolving economic needs. Of course,
this is not to say that independent immigrants will be limited to
professionals with advanced university education. We will also
welcome those with education and experience in the skilled trades.
« Bill C-11 and its regulations will also strengthen our ability to
reunite families. They will expand the family class by increasing the
age of dependent children from 19 to 22 years, and they will exempt
sponsored spouses, partners, and dependent children of immigrants,
as well as refugees and their dependants, from the admissions bar on
the ground of excessive demand on the medical system.
« We are working to make the entire system better. We've been
making significant improvements to client service. We're clearing the
backlogs across the system. In fact, colleagues, as we are able to
now meet our targets and service standards, we're dropping the word
“backlog” and replacing it with the term “inventory”, to describe
2
Madame Caroline Riverin Beaulieu
Objet : Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
only the persistent demand from people around the world who want
to come to Canada.
« And we are proposing legislative changes, which are before you in
this bill, changes that will give us the tools we need to attract more
skilled workers to Canada, bring families together more quickly, and
honour our humanitarian commitments2. »
Le projet de loi C-11 devait donc favoriser le développement économique, permettre
la réunification des familles et répondre aux engagements humanitaires du Canada.
Les raisons invoquées par la ministre se retrouvent dans la Loi sur l’immigration et la
protection des réfugiés. Elles sont énoncées à l’article 3 (1), comme en témoigne son
libellé :
« 3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :
« a) de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum
d’avantages sociaux, culturels et économiques;
« b) d’enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada
dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel;
« b.1) de favoriser le développement des collectivités de langues
officielles minoritaires au Canada;
« c) de favoriser le développement économique et la prospérité du
Canada et de faire en sorte que toutes les régions puissent bénéficier
des avantages économiques découlant de l’immigration;
« d) de veiller à la réunification des familles au Canada;
« e) de promouvoir l’intégration des résidents permanents au
Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des
obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société
canadienne;
« f) d’atteindre, par la prise de normes uniformes et l’application
d’un traitement efficace, les objectifs fixés pour l’immigration par le
gouvernement fédéral après consultation des provinces;
« g) de faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs
temporaires qui viennent au Canada dans le cadre d’activités
commerciales, touristiques, culturelles, éducatives, scientifiques ou
autres, ou pour favoriser la bonne entente à l’échelle internationale;
2
Comité permanent de la Citoyenneté et de l’Immigration, Témoignages, Procès-verbal du 1 mars 2001,
http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=1040558&Mode=1&Parl=37&Ses=1&La
nguage=E
3
Madame Caroline Riverin Beaulieu
Objet : Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
« h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la
sécurité de la société canadienne;
« i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la
sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de
territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un
danger pour la sécurité;
« j) de veiller, de concert avec les provinces, à aider les résidents
permanents à mieux faire reconnaître leurs titres de compétence et
à s’intégrer plus rapidement à la société3. »
Comme l’indique l’article 3 (1), la Loi doit permettre au Canada de retirer de
l’immigration plusieurs avantages tout en favorisant la réunification des familles en sol
canadien. On peut conclure que les objectifs de la Loi ne se limitent pas à la seule
préoccupation de développement économique.
Dans ce contexte, il est surprenant que le ministère de la Citoyenneté et de
l’Immigration ait choisi de justifier la modification proposée en faisant appel
uniquement à une argumentation d’ordre économique. Les réfugiés et les immigrants
de la catégorie de la famille ne sont pas sélectionnés en fonction de leur potentiel
économique, comme le sont les immigrants de la catégorie économique.
La modification envisagée remet en cause l’objectif de réunification familiale qui est
mentionné à l’article 3 (1) d)4. Un abaissement de l’âge de l’enfant à charge de 21 à
18 ans compromettra la réunification des familles alors que les enfants célibataires
âgés de 19, 20 ou 21 ans font encore partie de la famille et ont besoin du soutien de
leurs parents.
Nous considérons qu’il serait souhaitable de conserver l’âge limite des enfants à
charge à 21 ans, mais de ne plus y inclure les étudiants de 22 ans et plus. Ainsi, le
Règlement respecterait les objectifs de la Loi tout en éliminant une contrainte
administrative. La difficulté de vérifier le statut d’étudiant ne peut justifier
l’abaissement de l’âge de l’enfant à charge, car ceci n’a aucun lien avec la
problématique de la vérification du statut d’étudiant.
La question de la réunification familiale comporte une dimension économique dans la
mesure où les nouveaux arrivants demeurent inquiets au sujet des membres de leur
famille qui vivent à l’étranger. Ces préoccupations ont pour effet de limiter leur
potentiel économique. Les parents qui seront contraints de laisser des enfants jeunes
adultes derrière eux enverront de l’argent à l’étranger pour subvenir à leurs besoins,
ce qui représentera une perte économique pour le Canada.
Le Barreau du Québec note que les références citées dans le résumé concernant les
enfants à charge plus âgés, et qui font état de leurs difficultés d’intégration et de leur
3
4
Précité, note 1, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27, article 3 (1).
Idem, article 3 (1) d).
4
Madame Caroline Riverin Beaulieu
Objet : Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
faible potentiel économique,
supplémentaires et détaillées.
mériteraient
d’être
étayées
par
des
sources
Dans la note 1 du résumé, on soutient, sur la base d’une seule source statistique, qu’à
l’âge de 30 ans, les enfants à charge qui sont arrivés au pays entre les âges de 15 à
18 ans gagnent un salaire qui est supérieur de 20 % à celui des enfants qui ont immigré
entre les âges de 19 à 21 ans.
Nous soulignons qu’une personne qui gagne un salaire moins élevé contribue à
l’économie canadienne et on ne peut prétendre que cette personne représente un
fardeau pour la société dans son ensemble. La note 1 citée laisse entendre le contraire
et ne peut justifier une entrave à l’objectif de réunification familiale qui est prévu
dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Finalement, le Barreau du Québec appuie toute mesure qui pourrait faciliter et
abréger le processus administratif lié à toute demande d’immigration, mais il rappelle
que les remèdes envisagés ne peuvent remettre en cause les obligations juridiques qui
incombent au gouvernement canadien.
Le fait de réduire l’âge d’admissibilité des enfants à charge aura pour effet
d’augmenter le nombre de demandes de considérations humanitaires pour les enfants
âgés de 19 à 21 ans. En somme, on alourdira le processus de traitement des demandes
au lieu de simplifier l’administration du programme.
En résumé, le Barreau du Québec vous soumet avec respect que la définition actuelle
d’enfant à charge devrait être maintenue, soit jusqu’à l’âge de 21 ans. La
modification proposée d’abaisser cet âge à 18 ans va à l’encontre des objectifs prévus
à l’article 3 de la Loi, dont ceux de la réunification familiale et du respect des
engagements humanitaires du Canada.
Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos sentiments distingués.
Le directeur général,
Claude Provencher
CP/EJ/cg
Réf. 123
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