Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville D IRECTION G ÉNÉRALE P a r i s , l e 1 3 a v r i l 2 0 1 0 DE LA COHÉSION SOCIALE ___________________________ Mission analyse stratégique, synthèses et prospective Dossier suivi par : Sylvie Zimmermann Adjointe à la chef du bureau ADINESS Sous-direction 1 Tél. 01 40 56 64 89 Courriel : [email protected] NOTE Etats généraux de l’enfance Atelier N° 4 : Prise en compte des situations de précarité Objet : Séance 13 avril 2010 – Propos introductifs à la question de l’accès à la santé et aux soins des enfants des familles précaires. Etat sommaire des lieux : actions déjà engagées par les pouvoirs publics en matière de santé et d’accès aux soins, difficultés rencontrées L’état de santé des enfants pauvres est-il similaire à celui des autres enfants ? Leur recours aux soins diffère-t-il de celui des enfants qui ne sont pas pauvres ? I) Quelques éléments de constat : Tout comme pour leurs parents les déterminants sociaux de la maladie et les déterminants sanitaires des problèmes sociaux ont un fort impact sur les enfants : qualité de vie (enfants dans un habitat insalubre), accès aux soins (accès restreint aux médecins spécialistes) et accès à l’information sur l’éducation à la santé pour limiter les comportements à risque développés à l’âge adulte. 1 ¾ L’état de santé des enfants : miroir des inégalités sociales : On relève dès l’enfance un moins bon état dentaire et une plus grande fréquence du surpoids chez les enfants vivant dans un ménage pauvre. Il est probable qu’une moins bonne hygiène alimentaire associée à des comportements de prévention moins développés puisse être responsable de ces différences qui se perpétuent à l’adolescence puis à l’âge adulte. La prévalence de surpoids et d’obésité croît rapidement en France, spécialement depuis le début des années 1990 (20 ans de retard sur les Etats-Unis) ; mais surtout elle apparaît de plus en plus jeune (16% des enfants en surpoids contre 5% en 1980) et frappe plus nettement les populations défavorisées (25% des enfants défavorisés). Une fois acquise elle est très difficilement réversible. Les résultats des bilans de santé 2 menés en milieu scolaire auprès des élèves de CM2 corroborent ce constat : en 2005, l’obésité est deux fois plus présente en ZEP qu’ailleurs puisque ce sont 6,8% des enfants concernés contre 3,2%, et le surpoids modéré touche 18,9% dans les écoles situées en ZEP contre 15,6% en dehors des ZEP. La proportion d’enfants de CM2 ayant au moins deux dents cariées non soignées est deux fois plus élevée en ZEP qu’ailleurs (respectivement 15,5% et 7,1%°). En CM2, 11% des enfants portent un appareil dentaire, mais les élèves scolarisés en ZEP en sont moins souvent équipés (6,8% contre 11,5%). Enfin, alors que les troubles de la vision, connus ou observés lors de l’examen, concernent un enfant sur deux comme hors ZEP, seuls 21% des enfants des ZEP sont équipés de lunettes contre 26% ailleurs. L’écart entre les proportions d’adolescents ayant au moins deux dents cariées non soignées selon les catégories sociales est de 4,1 points. L’intoxication par ingestion ou inhalation de plomb, appelé saturnisme, provoque des troubles qui peuvent être irréversibles, notamment des atteintes du système nerveux. Le jeune enfant est particulièrement sensible à la toxicité du plomb et il est souvent plus exposé que l’adulte (ingestion de poussières par activité main ou bouche). L’exposition générale de la population française a diminué depuis une vingtaine d’années à la suite de la limitation, puis de la suppression, de l’usage du plomb tétraéthyle dans les essences (1er janvier 2000). La principale source d’exposition qui subsiste est la peinture à la céruse présente dans les locaux anciens, les populations exposées étant surtout celles dont l’habitat est dégradé ; c’est donc une pathologie très liée au contexte socio-économique. Les symptômes de l’intoxication par le plomb sont peu spécifiques et passent souvent inaperçus ; le dépistage doit s’appuyer sur une recherche active des facteurs de risque d’exposition, surtout chez les enfants de moins de trois ans. ¾ La prise en charge des frais des soins de santé : Les enfants des familles précaires ne rencontrent pas d’obstacles majeurs à la prise en charge de leurs soins de santé. En effet, ils sont couverts par l’assurance maladie du ménage en qualité d’ayant droit mais l’accès aux soins peut être freiné pour les enfants des familles qui ne disposent pas de complémentaire CMU ou de mutuelle. 1 Voir, notamment, le chapitre sur « Dégradation de la santé et de la situation sociale : des processus intriqués et des déterminants communs qui remontent à l’enfance » - rapport de mission sur l’amélioration de la santé de l’enfant et de l’adolescent du Professeur Danièle SOMMELET (octobre 2006) 2 Voir « Etudes et résultats » sur La Santé des enfants scolarisés en CM2 en 2004-2005 L’amélioration de la couverture maladie est indéniable suite aux réformes menées par les pouvoirs publics depuis la fin des années 1990 3 et a largement amélioré la couverture maladie de la population, dont les enfants des familles pauvres. Selon une étude la DREES 4 en 2006 les jeunes de moins de 20 ans constituent 40% des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). A noter que 30 % des ménages bénéficiaires sont monoparentaux, soit cinq fois plus que dans le reste de la population. En juillet 2009, 4,27 millions de personnes bénéficiaient de la CMUC. Quant à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), après une lente montée en charge du dispositif, 396 000 personnes s’étaient fait délivrer une attestation en 2009 (données d’août 2009). Aujourd’hui, plus de 90% de la population bénéficie d’une couverture complémentaire avec des taux d’effort (part de revenu que les ménages consacrent à la couverture complémentaire) très variables : de 3% pour les ménages les plus aisés à 10% pour les plus pauvres. Cette différence signifie concrètement qu’une augmentation du coût de la couverture complémentaire a une incidence beaucoup plus forte sur les ménages pauvres que sur les autres 5 . De nombreuses actions de prévention se font dans les écoles sans que les enfants démunis aient pour autant accès aux soins dont ils ont besoin. Selon une étude du Fonds CMU rendue publique en juin 2006 qui visait à quantifier et à expliquer le refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la CMU lors de la prise de rendez-vous téléphonique, les refus parmi les dentistes s’avèrent très élevés et on peut présumer que le taux de refus pour de l’orthodontie aurait été encore plus élevé. Selon une étude du CREDES 6 de mars 2003 sur l’état de santé des enfants pauvres et recours aux soins ambulatoires, lorsque l’on demande aux parents de noter l’état de santé de leurs enfants sur une échelle allant de 0 (très mauvaise santé) à 10 (excellente santé), on relève que 15% des enfants pauvres sont considérés comme ayant un état de santé moyen et presque 4% seraient en très mauvaise santé. Dans les ménages plus aisés, ces proportions sont de respectivement 13% et 2%. II) Quelle prise en compte par les pouvoirs publics des inégalités sociales de santé pour les enfants des familles pauvres ? En terme de suivi de l’état de santé des enfants et d’action de prévention, les principaux leviers sont ceux de la Protection maternelle et infantile (jusqu’à 6 ans) et de la santé scolaire. Des programmes gouvernementaux de prévention et de réduction de la sécurité sanitaire viennent compléter ces actions. 3 La loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU a permis de garantir le caractère universel de la couverture maladie en France et promu l’accès à l’assurance maladie complémentaire (CMUC). Le dispositif de la CMUC a été complété en 2005 par l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), pour atténuer les effets liés à la fixation d’un seuil de revenus pour le bénéfice de la CMUC 4 Etudes et Résultat n°675 – Janvier 2009 – Quelles caractéristiques sociales et quel recours aux soins pour les bénéficiaires de la CMU en 2006 5 Extrait du rapport 2009-2010 de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) – Chapitre 2 « Bilan de dix ans d’observation sociale en France et en Europe » (p 86) 6 « Consultance en Santé Publique » est un bureau d’étude indépendant ¾ La santé scolaire La mission de suivi de la santé des élèves confiée à l’éducation nationale par la loi a été renforcée par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance qui instaure le renforcement de la prévention en prévoyant la mise en place de bilans médicaux obligatoires dans les 6ème, 9ème, 12ème et 15ème années de l’enfant, en partenariat avec la médecine de ville. L’action relative à la santé des élèves porte notamment sur la facilitation de l’accès aux soins. ¾ Les programmes de prévention et de sécurité sanitaire : o Les Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et aux soins (PRAPS) comportent des publics prioritaires, dont les jeunes en situation de vulnérabilité et les familles monoparentales féminines ; o Le deuxième Programme national nutrition santé (2006-2010) comporte de nouveaux axes comme un plan d’action de prise en charge de l’obésité avec un ciblage spécifique des populations défavorisées. Une série de mesures figurent ainsi dans ce plan, dont certaines relayées grâce aux campagnes de l’INPES (fruits et légumes…). o On peut également citer des actions dans le cadre du Plan périnatalité en direction de la lutte contre l’habitat insalubre. ¾ L’aide alimentaire Une réforme en cours de l’aide alimentaire tend, notamment, à disposer de connaissances des publics par tranche d’âge afin que les circuits de distribution proposent des produits adaptés à la physiologie des bénéficiaires. A ce jour, un effort est déployé pour favoriser la distribution de fruits et légumes (frais ou en conserve) et de protéines animales (poisson). Des initiatives associatives soutenues par les pouvoirs publics proposent des produits adaptés aux nourrissons (ex : Restau du cœur bébés et Croix rouge Française) ¾ Les outils de la connaissance et de l’évaluation des politiques publiques La loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 a défini pour la première fois des objectifs de santé quantifiés, susceptibles d’être atteints à un horizon quinquennal. Ces 100 objectifs sont assortis d’indicateurs qui font l’objet d’un suivi annuel coordonné par la DREES et mobilisant l’ensemble des institutions productrices de données de santé en France. Déclinés selon les dimensions sociodémographiques et régionales chaque fois que les données sont disponibles, assortis de comparaisons européennes, ces indicateurs dessinent un panorama de l’état de santé en France. Parmi ces objectifs on peut noter : o un objectif de réduction de 50% de la prévalence des enfants ayant une plombémie (n°18). L’indicateur associé est le nombre d’enfants dépistés pour le saturnisme ; o un objectif d’interruption de l’augmentation de la prévalence de l’obésité et du surpoids chez les enfants (n°12). Les données sont celles du cycle triennal d’enquêtes en milieu scolaire ; o un objectif de réduction des obstacles financiers d’accès aux soins pour les personnes en situation précaire (n°33). Un sous-indicateur porte sur le renoncement aux soins dentaires ou optiques à âges et sexes comparable en fonction du revenu par unité de consommation (objectif 33) ; o un objectif de réduction de 30% l’indice carieux des enfants âgés de 6 à 12 ans (n°91). Un sous-indicateur mesure l’évolution de cet indice carieux par PCS des parents. ¾ Le tableau de bord sur le suivi de la baisse d’un tiers de la pauvreté en cinq ans comprend un objectif de réduction de la pauvreté des enfants. Parmi les onze objectifs de suivi de la baisse de la pauvreté figure un objectif sur la pauvreté des enfants avec 3 indicateurs associés dont un indicateur sur la santé bucco-dentaire (écart entre la proportion d’adolescents ayant au moins deux dents cariées non soignées selon les catégories sociales).