LA COMPENSATION DES ATTEINTES À LA BIODIVERSITÉ :
LORSQU’IL N’Y A PAS D’AUTRES SOLUTIONS
PRINCIPES COMPTABLES POUR METTRE EN OEUVRE LA SÉQUENCE ÉVITER - RÉDUIRE - COMPENSER
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INTRODUCTION : LA SÉQUENCE
EVITER - RÉDUIRE - COMPENSER
Le principe de la compensation des impacts résiduels
sur la biodiversité existe en France depuis la loi du
10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il a
depuis été repris dans de nombreux textes législatifs et
réglementaires, tant européens (directive habitats, faune,
ore3, directive plans et programmes4) que nationaux
(études d’impacts, code de l’environnement et régime
ICPE, évaluation des incidences Natura 2000, études des
incidences – loi sur l’eau).
Dans un cadre propre à chacune des réglementations
concernées, qui en précise les modalités, la compensation
intervient pour contrebalancer les effets négatifs d’un
projet de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements, lorsque
toutes les mesures envisageables ont été mises en œuvre
pour éviter puis réduire les impacts négatifs dudit projet
sur la biodiversité. La compensation intervient donc à la
n de la séquence « éviter – réduire – compenser » (dite
ERC). Elle porte sur l’impact négatif « résiduel » éventuel
d’un projet et consiste, en dernier recours, à mener des
actions qui permettent de maintenir la biodiversité dans
un état équivalent ou meilleur à celui observé avant la
réalisation du projet.
Il s’agit bien de mettre en œuvre une compensation
« en nature » : la compensation monétaire est exclue du
dispositif.
3 La directive habitat, faune, ore est le nom d’usage renvoyant à la Directive 92/43/CEE sur la conservation des habitats naturels de la faune et de la ore
sauvages, et instituant le réseau Natura 2000.
4 Directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
5 Les décrets portant réforme des études d’impact et enquêtes publiques ont été publiés le vendredi 30 décembre 2011.
6 L’article 2 de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 stipule que les projets doivent faire l’objet d’une étude d’impact présentant, entre autres, « les mesures
envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement »
Malgré les textes réglementaires faisant référence à la
séquence ERC, on constate depuis plusieurs décennies
en France que « l’exploitation des espèces à un rythme
supérieur à la vitesse de renouvellement de leurs
populations entraîne leur déclin » (Stratégie nationale
pour la biodiversité 2011-2020, MEDDTL, 2011). Si
le renforcement de la réglementation depuis 2007 et le
nouveau décret relatif à l’étude d’impact5 suscitent un
renouveau du dispositif de 19766 et offrent l’opportunité
d’une meilleure intégration des questions de biodiversité
dans les décisions d’aménagement, la mise en œuvre
de la séquence ERC sur le terrain est peu évidente faute
de méthodologie et de protocole clairs. On compense
1 hectare de forêt par 10 hectares de prairie, on déplace
une espèce dans un nouvel habitat sans se soucier des
effets sur le long terme, on plante des alignements
d’arbres en monoculture sans s’interroger sur la viabilité
de l’écosystème sans la diversité fonctionnelle adéquate.
Toutefois, compenser avec exactitude l’intégralité et les
spécicités de chaque site impacté est illusoire, car chaque
site impacté est unique, notamment du fait de sa situation
géographique, de sa trajectoire historique et de ses usages.
Par ailleurs, il n’est pas possible de concevoir un indicateur
unique « miracle », capable de mesurer le « niveau » de
biodiversité initial. Les paramètres à prendre en compte sont
multiples et dépendent de chaque enjeu considéré : espèces,
habitats, fonctionnalités socio-écologiques, ou encore
services écologiques utilisés par diverses parties prenantes.
Vous l’aurez compris, la dimension socio-culturelle de la
séquence ERC ne doit pas être négligée (Gobert 2010 ;
Landsberg et al., 2011) : une attention toute particulière
doit être portée aux populations humaines impactées
par le projet, notamment au niveau des changements de
disponibilité des services écologiques qu’elles utilisent.
Pour remédier à ces lacunes et passer de la théorie à
l’action, une des clefs se situe dans le développement d’une
comptabilité d’équivalences écologiques désagrégées (se
reporter au Tableau 1 p. 8). Celle-ci implique une évaluation
adéquate de chacun des attributs potentiellement impactés.
(Crédit photo : Julien Bertrand)