La compensation des atteintes à la biodiversité

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Cahier technique 2012-01
LA COMPENSATION DES ATTEINTES À LA BIODIVERSITÉ :
LORSQU’IL N’Y A PAS D’AUTRES SOLUTIONS
PRINCIPES COMPTABLES POUR METTRE EN OEUVRE LA SÉQUENCE
« ÉVITER - RÉDUIRE - COMPENSER »
CHARLES GERMANEAU, FABIEN QUÉTIER, JULIE GOBERT, LAURE PERSEGOL, MARC BARRA & JOËL HOUDET
D
ans un contexte marqué par une actualité
croissante sur l’érosion de la biodiversité, les
entreprises prennent peu à peu conscience de leurs
responsabilités. Cela s’illustre notamment par des
avancées méthodologiques en matière de comptabilité des
interdépendances entre entreprises et biodiversité (impacts
et dépendances)1 et par l’évolution de la réglementation,
notamment en France (Grenelle de l’Environnement,
réforme des études d’impacts, loi européenne sur la
responsabilité environnementale). Dans ce même pays,
la formulation d’une doctrine nationale sur la séquence «
éviter – réduire – compenser » (séquence ERC) les atteintes
à la biodiversité devrait prochainement être publiée.
Ce cahier technique a deux principaux objectifs. D’une
part, il vise à faire le point sur les enjeux théoriques et
techniques de la séquence ERC : sa portée ne se limite
ni aux projets soumis à l’évaluation environnementale
et aux impacts accidentels, ni aux frontières françaises.
D’autre part, ce cahier technique propose aux maîtres
d’ouvrage d’utiliser des cadres comptables écologiques
et économiques, rigoureux et transparents, pour mettre en
œuvre la séquence ERC de manière satisfaisante, quel que
soit le pays ou le projet concerné.
Enfin, nous examinons les différents modèles de
comptabilité écologique et économique pour
appliquer la séquence ERC de manière socialement
et écologiquement acceptable, tout en s’assurant de
la viabilité financière du projet. A terme, cela pourrait
impliquer plus d’investissements dans des alternatives qui
permettent d’éviter et de réduire les impacts au maximum
(infrastructures éco-conçues, ingénierie écologique2).
En effet, réaliser des mesures compensatoires efficaces
entrainerait des surcoûts trop onéreux dans nombre de
cas : cela pourrait rapidement inciter les entreprises à
changer de comportement. Mettre en œuvre de manière
rigoureuse la séquence ERC constituerait un des
catalyseurs clefs pour une économie réellement verte,
fondée sur le maintien et l’amélioration du potentiel
naturel, et non pas la réparation des dommages.
Aussi, dans un premier temps, nous nous intéressons
aux principes de la séquence ERC, et en particulier
à l’importance de la satisfaction des équivalences
écologiques entre attributs de biodiversité impactés et
attributs visés par les mesures compensatoires. Ensuite,
nous examinons les différents risques liés à la mise en
œuvre de mesures compensatoires. Au-delà des aspects
écologiques, légaux, financiers ou institutionnels, nous
invitons les firmes à prendre plus systématiquement en
compte les dimensions sociales et culturelles de leurs
projets (en particulier lorsqu’elles opèrent à l’étranger); cela
afin de s’assurer de l’acceptation des mesures préconisées
par toutes les parties prenantes, notamment les populations
locales directement concernées.
1
2
Synergiz, en partenariat avec Natureparif, travaille sur un guide « Bilan Biodiversité » à paraître fin 2012.
Houdet, J., Barra, M., Germaneau, C., 2011. L’ingénierie écologique pour les entreprises : comment répondre à vos besoins tout en protégeant la
biodiversité ? Cahier technique 2011-02, Synergiz - GAIE, 11p. – http://www.synergiz.fr/?p=718
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LA COMPENSATION DES ATTEINTES À LA BIODIVERSITÉ :
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PRINCIPES COMPTABLES POUR METTRE EN OEUVRE LA SÉQUENCE ÉVITER - RÉDUIRE - COMPENSER
(Crédit photo : Kalense Kid - Flickr)
SOMMAIRE
Introduction : la séquence éviter – réduire – compenser
3
1. Eviter, réduire, puis compenser : l’importance des équivalences écologiques
4
1.1. Tendre vers l’horizon de zéro perte nette de biodiversité
1.2. La notion d’équité pour une compensation acceptable
1.3. Développer des équivalences écologiques désagrégées
4
6
7
2. Maîtriser les risques liés à la compensation
12
3. Quantifier les pertes et les gains de biodiversité : les modèles de comptabilité écologique et économique
16
Conclusions
20
Annexes
21
Figures et tableaux
23
Références
24
2.1. Les risques liés aux facteurs écologiques
2.2. Les dimensions socio-culturelles
2.3. Les facteurs légaux, financiers et institutionnels
3.1. Les différentes approches pour évaluer les équivalences écologiques
3.2. Les implications économiques pour l’entreprise
13
14
15
16
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(Crédit photo : Julien Bertrand)
INTRODUCTION : LA SÉQUENCE
EVITER - RÉDUIRE - COMPENSER
L
e principe de la compensation des impacts résiduels
sur la biodiversité existe en France depuis la loi du
10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il a
depuis été repris dans de nombreux textes législatifs et
réglementaires, tant européens (directive habitats, faune,
flore3, directive plans et programmes4) que nationaux
(études d’impacts, code de l’environnement et régime
ICPE, évaluation des incidences Natura 2000, études des
incidences – loi sur l’eau).
Dans un cadre propre à chacune des réglementations
concernées, qui en précise les modalités, la compensation
intervient pour contrebalancer les effets négatifs d’un
projet de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements, lorsque
toutes les mesures envisageables ont été mises en œuvre
pour éviter puis réduire les impacts négatifs dudit projet
sur la biodiversité. La compensation intervient donc à la
fin de la séquence « éviter – réduire – compenser » (dite
ERC). Elle porte sur l’impact négatif « résiduel » éventuel
d’un projet et consiste, en dernier recours, à mener des
actions qui permettent de maintenir la biodiversité dans
un état équivalent ou meilleur à celui observé avant la
réalisation du projet.
Malgré les textes réglementaires faisant référence à la
séquence ERC, on constate depuis plusieurs décennies
en France que « l’exploitation des espèces à un rythme
supérieur à la vitesse de renouvellement de leurs
populations entraîne leur déclin » (Stratégie nationale
pour la biodiversité 2011-2020, MEDDTL, 2011). Si
le renforcement de la réglementation depuis 2007 et le
nouveau décret relatif à l’étude d’impact5 suscitent un
renouveau du dispositif de 19766 et offrent l’opportunité
d’une meilleure intégration des questions de biodiversité
dans les décisions d’aménagement, la mise en œuvre
de la séquence ERC sur le terrain est peu évidente faute
de méthodologie et de protocole clairs. On compense
1 hectare de forêt par 10 hectares de prairie, on déplace
une espèce dans un nouvel habitat sans se soucier des
effets sur le long terme, on plante des alignements
d’arbres en monoculture sans s’interroger sur la viabilité
de l’écosystème sans la diversité fonctionnelle adéquate.
Toutefois, compenser avec exactitude l’intégralité et les
spécificités de chaque site impacté est illusoire, car chaque
site impacté est unique, notamment du fait de sa situation
géographique, de sa trajectoire historique et de ses usages.
Par ailleurs, il n’est pas possible de concevoir un indicateur
unique « miracle », capable de mesurer le « niveau » de
biodiversité initial. Les paramètres à prendre en compte sont
multiples et dépendent de chaque enjeu considéré : espèces,
habitats, fonctionnalités socio-écologiques, ou encore
services écologiques utilisés par diverses parties prenantes.
Vous l’aurez compris, la dimension socio-culturelle de la
séquence ERC ne doit pas être négligée (Gobert 2010 ;
Landsberg et al., 2011) : une attention toute particulière
doit être portée aux populations humaines impactées
par le projet, notamment au niveau des changements de
disponibilité des services écologiques qu’elles utilisent.
Pour remédier à ces lacunes et passer de la théorie à
l’action, une des clefs se situe dans le développement d’une
comptabilité d’équivalences écologiques désagrégées (se
reporter au Tableau 1 p. 8). Celle-ci implique une évaluation
adéquate de chacun des attributs potentiellement impactés.
Il s’agit bien de mettre en œuvre une compensation
« en nature » : la compensation monétaire est exclue du
dispositif.
3
La directive habitat, faune, flore est le nom d’usage renvoyant à la Directive 92/43/CEE sur la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore
sauvages, et instituant le réseau Natura 2000.
4
5
6
Directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
Les décrets portant réforme des études d’impact et enquêtes publiques ont été publiés le vendredi 30 décembre 2011.
L’article 2 de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 stipule que les projets doivent faire l’objet d’une étude d’impact présentant, entre autres, « les mesures
envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement »
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1-EVITER,RÉDUIRE,COMPENSER:L’IMPORTANCE
DES ÉQUIVALENCES ÉCOLOGIQUES
1.1. Tendre vers l’horizon de zéro perte nette de
biodiversité
L
a séquence ERC vise à respecter le principe de « zéro
perte nette » de biodiversité, une expression qui mérite
quelques explications.
Le concept de « zéro perte nette » de biodiversité désigne le
point où les gains générés par des mesures compensatoires
deviennent équivalents aux pertes dues aux impacts
d’un projet. Ainsi, s’il y a bien destruction de certains
éléments de biodiversité, les mesures compensatoires
sont censées permettre d’atteindre la neutralité
écologique du projet, par la restauration d’attributs
équivalents à ceux qui ont été détruits ou dégradés, et
leur sécurisation sur le long-terme (en perpétuité, sinon
la compensation n’a pas de sens7). Pour aller plus loin, la
notion de gain net signifie que les gains de biodiversité
sont plus importants que les pertes (BBOP 2009).
La capacité de tendre vers l’horizon de zéro perte nette
repose sur l’évaluation de l’état socio-écologique initial
des milieux potentiellement impactés, cela afin de pouvoir
comparer dans l’espace et dans le temps l’évolution des
attributs de biodiversité soumis à la séquence ERC : avant
et après impact mais aussi avant et après compensation.
A titre d’exemple, la réglementation française impose une
étude d’impact pour tout projet d’aménagement8, soit « une
analyse de l’état initial du site et de son environnement,
portant notamment sur les richesses naturelles et les
espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de
loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; (...),
une analyse des effets directs et indirects, temporaires
et permanents du projet sur l’environnement (…) ».
Encadré 1 - Éviter, réduire, compenser : Ne pas oublier l’ordre !
La hiérarchie des mesures est primordiale pour la mise en œuvre de la séquence ERC.
Tout d’abord, le porteur de projet devrait s’efforcer d’éviter toute atteinte à la biodiversité. Cette première étape est la plupart du
temps négligée : de nombreux impacts non évités sont aisément identifiables pour nombre de projets. En effet, un projet est rarement
abandonné ou entièrement repensé pour cause d’impacts irréversibles sur la biodiversité. Sa rentabilité économique prend souvent le
dessus sur ses impacts environnementaux ou sociaux. Ceci conduit certains gouvernements à fermer les yeux sur des projets désastreux.
Dans certains cas toutefois, des projets ont dû être abandonnés en raison de manifestations locales et de pressions médiatiques trop
importantes. C’est notamment le cas d’un projet de mine de gisement d’or en Guyane, qui a été abandonnée sur décision du président
de la république française. Au Venezuela, le gouvernement refuse pour le moment d’exploiter les nappes de pétrole situées au cœur
du Parc National de Yasuni (les dégâts engendrés seraient pour l’essentiel irréversibles) et demande à la communauté internationale
de partager les coûts d’opportunités associés à leur non-exploitation. D’autres projets sont malheureusement moins médiatisés et les
communautés locales souvent démunies face à certaines multinationales. Par exemple, on peut mentionner les mines de cuivre en
Zambie ou l’exploitation forestière incontrôlée en république Démocratique du Congo.
S’il n’est pas possible d’éviter toutes les atteintes, les mesures de réduction devraient être mises en œuvre pour l’ensemble
des phases du cycle de vie du projet. C’est au niveau des phases de construction et d’usage / d’exploitation que les entreprises
font souvent le plus d’efforts, même s’il est rare qu’elles s’intéressent à un impact clef, celui de la fragmentation du paysage
(infrastructure routière, projets immobiliers).
Les impacts non évités ou réduits, dits résiduels, devraient systématiquement faire l’objet d’une compensation en nature
sur un horizon de zéro perte nette. En d’autres termes, les mesures compensatoires viennent en dernier recours, lorsqu’il est
démontré que le maître d’ouvrage ne peut ni éviter, ni réduire les impacts de son projet.
En complément des actions compensatoires, le porteur de projet peut volontairement mettre en place des mesures additionnelles
de conservation.
Enfin, la mise en place systématique de mesures de suivi des actions d’évitement, de réduction et de compensation est
préconisée. Il s’agirait pour le porteur du projet d’en évaluer la performance sur le long terme, et de rendre compte de l’atteinte
(ou non) de l’objectif de zéro perte nette à ses diverses parties prenantes. Cela impliquerait de jouer sérieusement au jeu de la
transparence, par exemple via un site internet rendant publiques l’ensemble des données.
8
Code de l’environnement, Article L122-1, modifié par LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 - art. 230
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En d’autres termes, la conception des mesures compensatoires
devrait se réaliser sur la base d’une comparaison quantifiée
et détaillée (désagrégée) entre cet état initial et l’état attendu,
après projet, des différents sites affectés par la séquence
ERC. La compensation appelle ainsi à la quantification des
équivalences écologiques entre ce qui est impacté et ce qui
doit être compensé.
dépasser les siècles (forêts anciennes, tourbières). Aussi, la
faisabilité de la compensation devrait être systématiquement
démontrée et les résultats des mesures compensatoires
mesurés et mis à disposition du plus grand nombre (par
exemple via diffusion sur un site internet indépendant). Cela
nécessiterait la sélection ou le développement d’indicateurs
appropriés sur le cours, le moyen et le long terme.
Dans le cas de la compensation par l’offre, où le maître
d’ouvrage se tourne vers un opérateur qui a déjà réalisé
une action pouvant servir de mesure compensatoire (ex.
projet Coussoul dans la plaine de la Crau piloté par la CDCbiodiversité), il s’agirait de démontrer les équivalences
écologiques entre les impacts résiduels éventuels du maître
d’ouvrage et les mesures compensatoires réalisées ex ante
par l’opérateur.
Autre nécessité, la mise en place d’objectifs et de jalons
permettant une certaine flexibilité dans la mise en œuvre de
la séquence ERC afin de:
• pallier au manque de connaissance sur les dynamiques
d’interactions entre les composantes de la biodiversité
sur le site impacté et ceux dédiés à la compensation ;
• mieux contrôler l’atteinte ou non de zéro perte nette,
en fonction des échéances et objectifs spatio-temporels
du projet ;
• mieux intégrer la dimension sociale dans l’adaptation
locale de la séquence ERC.
Toutefois, il convient de rappeler que le principe de
précaution implique d’éviter les dégâts irréversibles. On
ne peut pas considérer comme mesure compensatoire
adéquate des actions portant sur des milieux que l’on n’est
pas en mesure de réhabiliter, de restaurer ou de sécuriser.
De plus, l’anticipation des gains générés par les mesures
compensatoires est parfois difficile, en particulier pour
certaines espèces aux longs cycles de vie ou pour certains
milieux complexes dont le temps de reconstitution peut
Une démarche commune de conception
dimensionnement des mesures compensatoires
et
Différentes procédures ont été élaborées pour concevoir
et dimensionner les mesures compensatoires dans les
différents pays ayant intégrés la séquence ERC dans leur
Figure 1 : conception et dimensionnement de la compensation (Quétier et Lavorel, 2011)
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réglementation environnementale, comme les Etats-Unis,
l’Allemagne ou l’Australie (Voir Tableau 1 p.8). Bien que
ces procédures répondent de façon hétérogène aux défis
posés par l’objectif de zéro perte nette, elles respectent toutes
une même démarche d’ensemble (Quétier et Lavorel, 2011)
(Figure 1), détaillée en Annexe C et résumée ci-dessous :
•
•
•
•
•
Étape 1 : identifier précisément les enjeux ou attributs
de biodiversité potentiellement impactés.
Étape 2 : caractériser les pertes, pour chacun des enjeux
identifiés, via une échelle d’évaluation qui permette de
comparer la situation avant impact et après impact.
Étape 3 : évaluer les gains attendus d’une mesure
compensatoire ou d’une sélection de mesures
compensatoires, pour chacun des enjeux identifiés.
Étape 4 : pour chacune des mesures compensatoires
proposées, et pour chaque enjeu identifié, déterminer
le nombre d’actions requises pour atteindre une
équivalence, en faisant le rapport des pertes sur les
gains par action.
Etape 5 : optimiser la compensation de l’ensemble
des impacts résiduels du projet en fonction de
plusieurs paramètres (opportunités foncières, savoirfaire mobilisable, acceptation sociale des actions
proposées).
1.2. La notion d’équité pour une compensation
acceptable
L
a mise en œuvre de la séquence ERC doit se faire
de manière équitable de façon à en partager les
responsabilités (ex. en France, le maître d’ouvrage est
entièrement responsable pour la mise en œuvre de la
séquence et des coûts associés), les droits, les risques et les
bénéfices entre l’ensemble des parties prenantes, et dans
le respect des lois et des coutumes, notamment à travers
la reconnaissance des droits des communautés locales et
des populations indigènes. La notion d’équité, en matière
de compensation, renvoie à quatre dimensions principales:
l’équité sociale, l’équité géographique, l’équité temporelle
et l’équité écologique. Bien que cette dernière en soit la
dimension prioritaire, les trois autres dimensions méritent
également notre attention.
Equité sociale
Comme l’a médiatisé l’Evaluation des Ecosystèmes
du Millénaire en 2005, le bien-être humain dépend en
9
grande partie d’une multitude de services écologiques
retirés de la biodiversité et des écosystèmes : services
d’approvisionnement (matières renouvelables et épuisables),
services de régulation (régulation du climat, du cycle de
l’eau) et services culturels (écotourisme, la biodiversité
comme patrimoine mondial). C’est particulièrement le
cas dans certaines régions du monde où les populations
humaines puisent une large part de leur subsistance dans
les milieux à caractère naturel. En Europe, les populations
locales ont également de nombreux usages de la biodiversité
(chasse, pêche, loisirs) et y attachent de nombreuses valeurs
(symboliques, religieuses, patrimoniales). Il importe donc
de prendre en compte ces usages et valeurs lors de la
mise en œuvre de la séquence ERC, en particulier pour la
conception et la mise en œuvre des mesures compensatoires.
La consultation des parties prenantes, via des démarches
participatives, permettra au maître d’ouvrage d’identifier
les populations impactées et d’établir avec leur accord une
compensation écologiquement rigoureuse et socialement
acceptable (après avoir évité les impacts irréversibles),
qui garantisse notamment la continuité de leur accès à ces
services. En d’autres termes, la localisation des mesures
compensatoires est un enjeu clef (degré de proximité et
d’accessibilité).
Equité géographique
La biodiversité varie significativement dans l’espace du fait
de la variabilité des conditions climatiques et pédologiques9,
de processus biogéographiques opérant sur le très long
terme, mais aussi à cause des variations des activités
humaines (types, intensité). Raisonner à l’échelle de zones
socio-écologiques pertinentes (bassin versant, bio-région),
et limiter les distances entre site(s) impacté(s) et site(s)
des mesures compensatoires permet de limiter les risques
de non atteinte de zéro perte nette, en s’assurant du respect
des équivalences écologiques.
Equité temporelle
A moins d’exiger que les mesures compensatoires soient
effectives avant les impacts, les résultats des mesures
compensatoires ne peuvent pas être instantanés. Par
exemple, la restauration écologique d’un site utilisé pour
des mesures compensatoires peut prendre beaucoup de
temps. Des incertitudes considérables sur les moyens et pas
de temps nécessaires peuvent générer des délais importants
ou conduire à leur échec: effets écologiques en cascade,
phénomènes naturels tels que des feux, des inondations,
ou des maladies. Une possible solution consiste à utiliser
Pédologie : étude des réactions réciproques entre les différentes phases (liquide, gazeuse, solide) qui composent le sol.
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la Valeur Actualisée Nette de Biodiversité (VANP) pour
estimer l’équité entre les pertes et les gains sur une période
donnée, dans une logique similaire à la valeur nette actualisée
utilisée en finance. Cette valeur est calculée à partir d’un
taux d’actualisation (mesure du consentement à accepter
l’échange d’une perte aujourd’hui contre un gain incertain
demain), une unité de mesure qui permet de comparer
les pertes et les gains de biodiversité, et les intervalles
de temps (considérant à la fois la durée de vie du projet
et le temps nécessaire à la restauration de la biodiversité
en question). C’est cette approche qui est utilisée pour
compenser les pertes dites « intermédiaires » causées par
les pollutions accidentelles, que ce soit aux Etats-Unis
(procédure « Natural Resource Damage Assessment ») ou
en Europe (directive de responsabilité environnementale)
(Pioch et al., 2010).
L’équivalence écologique ou l’équité dans le type de
biodiversité
L’équité dans le type de biodiversité (ou l’équivalence
écologique) entre un impact et sa mesure compensatoire est
rarement démontrée par les maîtres d’ouvrage et autorités
environnementales, en France comme à l’étranger. Cela
s’explique en partie par deux raisons :
• Il n’existe pas deux éléments de la biodiversité qui
soient identiques ;
• L’absence de critères d’aide à la décision clairs et
standardisés pour définir l’équivalence écologique
entre les attributs de biodiversité appelés à disparaître
et ceux qui résulteront des mesures compensatoires.
Sur le terrain, l’équivalence écologique se traduit souvent par
des approches « surface » (1ha de perdu pour 6 de gagnés
pour des milieux très rares en Afrique du Sud), « espèces »
(programme de conservation d’un oiseau, d’un amphibien,
d’un mammifère) ou encore « milieu » (restauration d’une
zone humide).
Néanmoins, suivre certaines règles pourrait aider les
maîtrises d’ouvrage et leurs parties prenantes à calculer et
respecter les équivalences écologiques :
• Fixer des limites dans les échanges possibles entre
certaines composantes connues de biodiversité. Par
exemple, une espèce menacée ne devrait pas être
remplacée par une autre espèce ;
• Fixer un seuil de tolérance dans le déclin de la
productivité10 entre site(s) impacté(s) et site(s)
candidat(s) pour les mesures compensatoires. Par
exemple, il ne serait pas possible de remplacer un site de
10
•
•
petite surface et d’excellente condition écologique par
un site de large surface mais de condition écologique
faible ;
Fixer des limites sur ce qui peut être substitué par des
unités indirectes ou agrégées (indices). Par exemple,
à travers la méthode Habitat-hectare, l’augmentation
de certains composants de l’indice (ex. volume de
bois mort) peuvent cacher des changements négatifs
d’autres composants (ex. perte d’arbres vivants).
Définir des seuils minima pour chaque composante
clé constituant l’unité agrégée pourrait contribuer à
résoudre ce problème (Voir Tableau 1 p.8).
Fixer des exigences de maintien du contexte paysager
pour les sites des mesures compensatoires. Des seuils
adéquats (taille, connectivité avec d’autres parcelles de
végétation à caractère naturel) devraient être définis et
respectés afin d’assurer la viabilité écologique à long
terme des mesures compensatoires.
1.3. Développer des équivalences écologiques désagrégées
A
fin de satisfaire l’exigence de « zéro perte nette » sur
laquelle repose la séquence ERC, le porteur du projet
devra faire appel à un outil spécifique : la comptabilité
des équivalences écologiques entre les pertes (attributs
éventuellement impactés) et les gains (attributs visés par les
mesures compensatoires) de biodiversité.
Aussi, une prise en compte indépendante et une
hiérarchisation de l’ensemble des enjeux de biodiversité
pour les parties prenantes est nécessaire : on ne peut pas
additionner des espèces avec des services écologiques,
ou des marais avec des populations d’orchidées. Cela
renvoie au développement d’une comptabilité nonmonétaire pour suivre les mesures de la séquence ERC
pour chaque espèce clef, chaque habitat clef, chaque
fonction et service écologique clef. On s’intéressera ainsi
au calcul d’équivalences écologiques désagrégées,
illustrées par la Figure 2. Dans cette optique, l’entreprise
doit s’intéresser à l’ensemble de l’écosystème concerné, et
non pas considérer uniquement l’impact sur un habitat ou
une espèce isolé(e), par exemple une espèce emblématique
(ce qui est malheureusement souvent le cas…). Il ne s’agit
pas non plus de considérer la séquence ERC sous un angle
purement écologique : les enjeux de biodiversité ont aussi
des dimensions économiques et sociales, d’où l’importance
de la quantification des impacts sur la disponibilité des
services écologiques.
Cette productivité renvoie à la « condition écologique » du site analysé, notamment au regard de son potentiel de production de biomasse, à sa
richesse spécifique, ou encore à son intérêt fonctionnel.
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Figure 2 : le concept d’équivalences écologiques désagrégées dans le cadre de la séquence ERC. Chaque colonne correspond à
une composante clef de la biodiversité. Les colonnes sont regroupées en quatre catégories : espèces végétales, espèces animales,
habitats et services écologiques.
Tableau 1 : comparatif des méthodes d’évaluation des équivalences écologiques (Adapté de Quétier & Lavorel 2011)
* Discounted Service Acre-Year / Surface - services - années actualisée : Unité de mesure permettant de comparer dans le temps l’évolution
de la qualité d’un service écologique ou habitat par hectare.
Le MEDEF a récemment publié un ouvrage illustrant les
efforts d’entreprises françaises en matière de maîtrise de
leurs impacts sur la biodiversité (Briand 2010). Nombre de
ces projets ont été soumis à la séquence ERC.
Nous avons ici cherché, pour certains d’entre eux, à
hiérarchiser les données divulguées par rapport aux
différentes étapes de la séquence ERC. S’il ne s’agit
pas d’une évaluation de la pertinence ou de la viabilité
écologique des différentes mesures réalisées, on note
toutefois l’absence systématique d’une démonstration de
la prise en compte et de l’articulation de chaque étape de la
séquence ERC. Cela suggère la nécessité d’une éducation
plus efficace des entreprises sur le sujet, notamment afin
que leurs discours soit plus structurés et transparents.
Afin d’améliorer la lecture des résultats de l’analyse, ces
derniers sont synthétisés dans le Tableau 2 ci-après.
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Exemples de
projets
Structure : GSM et
Lafarge Granulats
(p.16)
Projet : restauration
écologique et
paysagère d’un site
d’extraction
Structure : Société
Le Nickel / Groupe
Eramet (Nouvelle
Calédonie) (p. 22)
Projet : opération de
revégétalisation des
sites d’extraction de
minerai de nickel en
Nouvelle-Calédonie
Etapes de la séquence ERC prises en
comptes et communiquées par l’entreprise
Mesures d’évitement : aucune précision.
Mesures de réduction ou compensatoires :
Travaux de génie écologique de reconstitution de
prairies sèches, humides, grèves alluviales, plans
et mares, roselières.
Création d’espaces complémentaires aux
fonctions écologiques particulières : alternance de
milieux ouverts, semi-ouverts, et fermés de façon
à satisfaire les différents besoins des espèces
(nourriture, sécurité et calme, reproduction).
Mesures d’évitement : non précisée.
Remarques générales
Intégration des parties prenantes dans le projet de
restauration du site.
Diversité des milieux créés favorable à la présence
et au développement d’une multitude d’espèces.
Caractère pédagogique du projet.
L’étude de cas ne fait pas mention de l’état initial
du site ni de la mise en place d’indicateurs qui
permettent un suivi de la biodiversité sur le cycle de
vie de la carrière.
Techniques favorisant le développement des
espèces endémiques.
Mesures de réduction : re-végétalisation des sites
Diversité des espèces végétales sélectionnées.
impactés à l’aide d’une quarantaine d’espèces
indigènes qui peuvent s’implanter spontanément
Bien que soit mentionnée une amélioration de
sur d’anciens sites miniers.
la densité de recouvrement végétal depuis 1990,
aucun chiffre de comparaison n’est précisé.
Plantation d’espèces végétales exotiques dites
« nurses » qui contribuent à préparer le terrain
Pas de données concernant le retour d’espèces
et disparaissent en quelques années pour laisser
place aux espèces locales à croissance plus lente. animales sur le site, bon indicateur du succès de sa
restauration écologique.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Structure : Sita Mos, Mesures d’évitement : aucune précision.
filiale de Sita France
/ Groupe GDF Suez
Mesures de réduction : plantation de chênes
(p. 41)
pubescents et autres espèces arborescentes et
arbustives exogènes sélectionnées par l’ONF.
Projet :
reconstitution d’une
Mesures compensatoires : aucune précision.
chênaie sur le site
d’une installation de
stockage de déchets
Inventaire des espèces végétales présentes sur le
site avant-projet, pour réintroduction en fin de vie
du site de stockage.
Structure : Société
du dragage du Val
de Loire (SDVL) du
groupe Brangeon (p.
70)
Mesures d’évitement : extraction du sable
à l’aide d’engins électriques pour éviter les
pollutions par hydrocarbures.
Succès du réaménagement écologique du site
permettant une augmentation de la population de
sternes d’année en année depuis 2006.
Mesures de réduction :
Installation de radeaux artificiels pour la
nidification et la reproduction des sternes
pierregarins.
Impact positif du réaménagement observé pour les
hirondelles de rivage.
Projet : utilisation
du génie écologique
pour favoriser
l’installation d’une
population de sternes
pierregarin sur le site
d’une sablière
Création de milieux propices à la nidification des
hirondelles de rivage, et à leur colonisation des
berges et à la nidification des sternes naines.
Les données fournies ne permettent pas de
comprendre l’efficacité de la reconstitution du
biotope d’origine.
Aucune donnée sur la compensation des impacts
éventuels au niveau des sols, notamment dus aux
lixiviats.
Pas de précision quant aux impacts sur la
biodiversité du site de l’activité d’extraction
(espèces animales et végétales, milieux et services
écologiques).
Mesures compensatoires : aucune précision.
Tableau 2 – Analyse des séquences ERC dans la prise en compte de la biodiversité de cas concrets ; MEDEF 2010.
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DÉBUT DU TABLEAU PAGE 9
Exemples de
projets
Structure : CEMEX
(p. 90)
Projet : création
de milieux qui
favorisent la
biodiversité
dans le cadre du
réaménagement
d’une carrière
Structure : Lafarge
Granulats Nord,
Groupe Lafarge (p.
107)
Projet : déplacement
d’un arbre qui
présente des indices
de présence d’une
d’insecte espèce
protégée au niveau
national (le grand
capricorne)
Structure : Escota
(p.109)
Projet : prise
en compte de
la présence
d’hirondelles
rousselines dans
l’organisation
de l’entretien
d’ouvrages d’art
Etapes de la séquence ERC prises en
comptes et communiquées par l’entreprise
Mesures d’évitement : aucune précision.
Mesures de réduction :
Création d’une zone humide et de plusieurs
types d’aménagements favorisant la présence,
la reproduction et le nourrissage de plusieurs
espèces animales (notamment avifaune et gibiers)
Plantation de 14 essences d’arbres qui viennent
compléter la végétation spontanée.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Projet : prise
en compte de
la connectivité
écologique d’un site
industriel
Réaménagement réalisé en concertation avec les
parties prenantes locales.
Réflexion menées à la fois sur les espèces et les
milieux.
Pas de données quant à l’état initial du site.
Comment a été mise en œuvre la séquence ERC ?
Mesures d’évitement ou de réduction :
Préparation d’une piste de déplacement de
l’arbre en veillant à ne pas dégrader les pelouses
silicicoles.
Actions d’évitement focalisées sur le grand
capricorne, une espèce d’insecte protégée (approche
patrimoniale).
Mesures d’évitement : mise en place d’un
observatoire de l’hirondelle rousseline pour
effectuer un suivi de l’évolution de l’espèce et
évaluer les impacts des travaux sur les différents
sites ; déplacement des périodes de travaux
d’entretiens pour éviter les impacts en période de
reproduction (Viaduc de Reyran).
Préservation d’une espèce, entrainant des impacts
positifs pour la préservation d’autres espèces.
Pas de donnée disponible sur les autres impacts de
la carrière.
Via pelle hydraulique munie d’une pince
coupante, déplacement de l’arbre vers un nouveau
Pas de donnée disponible quant au succès de
site.
l’action d’évitement.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Mesures de réduction : prise en compte des
préconisations du CEEP permettant de limiter
les perturbations sur les colonies d’hirondelles
pendant les travaux de réfection.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Structure : Arcelor
Mittal (p.146)
Remarques générales
Suivi organisé de l’évolution de l’espèce et des
impacts du projet.
Démonstration de la prise en compte d’une
composante de la biodiversité dans un projet,
n’entraînant pas de surcoût selon le maître
d’ouvrage.
Aucune mesure compensatoire des impacts
résiduels n’est précisée pour les espèces, habitats,
écosystèmes et services écologiques impactés par
l’ouvrage d’art.
Mesures d’évitement : aucune précision.
Gestion différenciée des espaces verts du site.
Mesures de réduction : gestion écologique des
espaces verts de l’emprise foncière aucune.
Volonté de lutte contre la fragmentation via
l’analyse des corridors écologiques existants et le
souhait d’intégrer le site à la trame verte régionale.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Absence d’information sur les résultats des
démarches. Quels bénéfices écologiques ?
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Exemples de
projets
Etapes de la séquence ERC prises en
comptes et communiquées par l’entreprise
Structure : ASF (p.
152)
Mesures d’évitement : étude d’impact et
ajustement du tracé
Projet : assurer le
franchissement de
l’autoroute A89
par la grande faune
(ASF)
Mesures de réduction : réalisation de passages
à faune (180 points de passage potentiels sur 130
km).
Structure : Réseau
Ferré de France
(p.156)
Projet : prise
en compte de la
biodiversité lors de
la conception d’une
ligne à Grande
Vitesse
Mesures compensatoires : aucune précision.
Remarques générales
Intégration des parties prenantes dès la phase de
conception du projet jusqu’aux phases d’entretien
et de suivi des passages à faune spécifiques.
Passages à faune de différentes fonctionnalités/
caractéristiques (passages unidirectionnels,
passages répétés, tranchées couvertes) pour
favoriser le déplacement de différentes espèces.
Manque d’information sur l’efficacité des passages
à faune. Combien d’animaux les empreintes-ils sur
une période donnée ? Des structures sont-elles plus
efficaces que d’autres ?
Mesures d’évitement : Etudes préliminaires
Les mesures réalisées concernent chaque étape de
permettant de définir le tracé de la ligne en évitant la séquence ERC.
les zones naturelles les plus remarquables ou
sensibles.
Toutefois, il demeure difficile de comprendre leur
articulation. Sur quelle base ont été conçues les
Repérage des axes de déplacements des
mesures compensatoires ? Quelles équivalences
mammifères.
écologiques ?
Inventaires « insectes » et « reptiles » réalisées
avant les travaux.
Mesures de réduction :
Photographie complète des milieux en amont
du projet permettant de prévoir des mares de
substitution, des passages à faune.
Absence de données quantitatives sur l’efficacité
des mesures pendant et après les travaux (ex.
mesures contre les collisions, passages à faune,
habitats recréés).
Prise en compte de l’aspect visuel et sonore :
intégration paysagère.
Eradication des espèces invasives.
Mise en place de barrières/grillages/filets durant
les travaux pour limiter les passages de la
faune vers le chantier et empêcher les engins de
dégrader la biodiversité alentour.
Réalisation d’un passage à grande faune.
Mesures compensatoires:
Acquisition de zones humides et pelouses sèches
en compensation de la destruction d’habitats de
l’avifaune.
Réalisation de mares à reproduction pour les
amphibiens.
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PRINCIPES COMPTABLES POUR METTRE EN OEUVRE LA SÉQUENCE ÉVITER - RÉDUIRE - COMPENSER
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Exemples de
projets
Structure : Véolia
Eau (p. 183)
Projet : mise
en place d’une
gestion différenciée
des espaces afin
de préserver la
biodiversité (Veolia
Eau)
Structure : EDF (p.
192)
Projet : la méthode
« piégeagetransport » pour
le franchissement
des barrages
hydroélectriques
(restauration du
saumon en Garonne)
Etapes de la séquence ERC prises en
comptes et communiquées par l’entreprise
Mesures d’évitement : aucune précision.
Mesures de réduction : prairie de fauche ou
tonte extensive, lutte contre les plantes invasives,
objectif zéro phytosanitaire (2010).
Mesures compensatoires : aucune précision.
Mesures d’évitement : aucune précision.
Remarques générales
Volonté de sensibiliser les collaborateurs de
l’entreprise.
Pas d’information sur l’activité même de
l’entreprise et les impacts associés (emprise
foncière, traitement de l’eau).
Focalisation sur une espèce patrimoniale de poisson
(saumon).
Mesures de réduction :
Mise en place de passes à poissons en amont et en Pas de données sur l’état des écosystèmes affectés
aval de la Garonne.
par les infrastructures.
Arrêts de turbinages dans les périodes de
dévalaison de l’anguille notamment.
Ouvertures de vannes et de chasses assurant le
transport des sédiments.
Le système semblerait fonctionnel mais absence de
données quantitatives permettant la comparaison
entre le nombre de franchissements avant et après
l’installation des infrastructures.
Amplitude réduite des débits d’éclusées,
progressivité des lâchers d’eau.
Mesures compensatoires : aucune précision.
Tableau 2 – Analyse des séquences ERC dans la prise en compte de la biodiversité de cas concrets ; MEDEF 2010.
2
- MAÎTRISER LES RISQUES LIÉS À LA
COMPENSATION
a mise en œuvre de la séquence ERC comporte
de nombreux risques, en particulier au niveau de
la conception et du dimensionnement des mesures
compensatoires. Par exemple, certains impacts résiduels
ne peuvent en aucun cas faire l’objet de mesures
compensatoires : les dernières populations d’une espèce
sont irremplaçables. Aussi, les maîtres d’ouvrage
devraient porter plus d’attention aux facteurs permettant
de déterminer le niveau de risque que présentent leurs
projets. Ces risques peuvent être d’ordre :
• écologique ;
• socio-culturel ;
• légal, financier et institutionnel.
En outre, en fonction du niveau de risque attribué pour chacun
de ces facteurs, il est fortement suggéré de vérifier la faisabilité
des mesures compensatoires proposées (Voir Encadré 4 p.18).
Cela permettrait au maître d’ouvrage d’estimer si l’atteinte de
zéro perte nette ou de gain net est possible.
(Crédit photo : GFDL)
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Facteurs
écologiques
Risque d’impacts potentiellement non-compensables
Faible
Proportion de
composants de
biodiversité affectée
De très faible à faible (ex. 0,1% - 1%)
mesurée à une échelle appropriée
Irremplaçabilité
des composants de
biodiversité affectée
(sur le site et audelà)
De faible à modérée : éléments
de biodiversité affectés présents sur
plusieurs sites ; multiples options
viables de conservation de ces attributs
écologiques ailleurs.
Vulnérabilité des
composants de
biodiversité affectée
(sur le site et audelà)
De faible à modérée :
• Peu de milieux, populations ou
services écologiques en danger, en
déclin, ou présentant un risque de
forte dégradation ou de perte ;
• Les communautés, espèces ou
écosystèmes sont répandus ou en bon
état de conservation dans des zones
protégées assurant leur viabilité.
• Il existe plusieurs opportunités pour
améliorer l’état de conservation des
attributs concernés.
Etat de la
biodiversité
potentiellement
impactée
Modéré
Elevé
De modérée à élevée (ex.
1-10%) mesurée à une
échelle appropriée
D’élevée à très élevée
(ex. >10%) mesurée à une
échelle appropriée
Modérée à élevée : des
évolutions négatives
(régionales, globales)
affectent les éléments de
biodiversité impactés, de
sorte qu’une part significative
de sites, de populations ou
de processus et services
écologiques sont menacés de
disparition ou de dégradation.
Elevée : il reste peu de
la biodiversité affectée
(<10-30%) et/ou une forte
proportion de ce qui en reste
est menacée (dégradation,
disparition). Dans des cas
extrêmes (biodiversité
fortement vulnérable), il y a
un risque élevé d’extinction
dans les 50-100 ans à venir.
De modérée à élevée : les
attributs de biodiversité
affectés ne sont pas banaux,
mais il y a plusieurs options
viables de conservation
d’attributs équivalents ailleurs.
Elevée : La biodiversité
affectée est restreinte à
quelques sites seulement,
de sorte qu’il n’y a pas (ou
peu) de site viable pour des
mesures compensatoires.
La biodiversité sur le site est réduite
ou dégradée. Il y a de nombreuses
opportunités viables pour contribuer
à sa conservation ailleurs (milieux en
meilleur état).
L’état de la biodiversité
La biodiversité sur le site est en
sur le site est modéré. Il
bon/très bon état. Il existe peu
existe plusieurs opportunités ou pas d’opportunité(s) pour
contribuer à sa conservation via
viables pour contribuer à sa
conservation ailleurs (milieux des mesures compensatoires
en meilleur état).
sur d’autres sites.
11
Tableau 3 – Niveaux de risques d’impacts d’un point de vue écologique ; adapté de BBOP (2011-a)
2.1. Les risques liés aux facteurs écologiques
D
’un point de vue écologique, le Tableau 3 nous
explique que les mesures compensatoires devraient
être conceptualisées en fonction de l’état de la biodiversité
potentiellement impacté, et cela à plusieurs niveaux de
considération :
• Sa quantité : attributs de biodiversité répandus ou non
sur le site ou ailleurs ;
• Sa qualité : irremplaçabilité, vulnérabilité, état sur le
site ;
• Le nombre d’options ou d’opportunités viables pour
les mesures compensatoires envisagées ;
• Le contexte territorial dans ses multiples dimensions
(sociales, culturelles).
Les attributs de biodiversité risquant d’être fortement
affectées par un projet peuvent ne pas être substituables.
Dans ce cas, seul l’abandon du projet est valable : envisager
des mesures compensatoires n’est ici pas une option.
Selon le niveau de d’irremplaçabilité et de vulnérabilité
des attributs de biodiveristé potentiellement impactés
(espèces, habitats, services écologiques), il est nécessaire
de démontrer que les mesures compensatoires envisagées
assureront leur substitution et / ou leur maintien effectif.
Par exemple, une espèce rare12 ou menacée présentant
un fort risque d’extinction en raison du projet ne pourra
faire l’objet d’une substitution, contrairement à une espèce
commune13. Pour effectuer ce type d’arbitrage, il s’avère
indispensable de s’appuyer sur l’avis de scientifiques
indépendants.
11
Le Business & Biodiversity Offset Program (BBOP) est un groupement d’entreprises, d’institutions financières, de gouvernements et de représentants
de la société civile qui a pour mission d’élaborer un standard international en matière de compensation des dommages à la biodiversité (http://bbop.
forest-trends.org/).
12
13
La rareté d’une espèce répond à deux principales caractéristiques : un faible effectif de ses populations et/ou une aire de distribution limitée.
Bien qu’il existe des nuances, on considère une espèce ordinaire/commune comme généralement abondante et de fait peu encline à une extinction
imminente.
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2.2. Les dimensions socio-culturelles
L
a mise en œuvre de la séquence ERC tend à minorer,
voire souvent à ignorer les aspects humains, sociaux
et culturels des écosystèmes. Cela est souvent le cas dans
les pays où la législation est moins contraignante et où
le contrôle de son respect probablement plus laxiste: par
exemple, l’exploitation minière au Gabon14, en Zambie15
(cuivre) et en Bolivie (silicium). En outre, la conception
des mesures compensatoires est régulièrement confinée
à leur dimension écologique. Or, les riverains de zones
humides ou forestières, notamment urbaines et périurbaines, retirent nombre de bénéfices sociaux (loisirs) et
économiques (aménités influençant les prix immobiliers)
de leur présence et fonctionnement. C’est pourquoi il est
nécessaire de prendre en considération, d’une part, le niveau
de dépendance des populations humaines aux attributs de
biodiversité potentiellement impactés et, d’autre part, les
valeurs culturelles et sociales que ces populations leurs
accordent. Bien entendu, à cela s’ajoute la nécessité de
prendre en compte le respect des droits humains, et la
maitrise des impacts sanitaires et socio-économiques du
projet.
Anticiper et gérer les inégalités générées par les mesures
compensatoires
Si les mesures d’évitement et de de réduction des atteintes
à la biodiversité sont réalisées sur le site impacté (« in situ
»), les mesures compensatoires se réalisent obligatoirement
hors-site (« ex situ »16), ce qui peut générer des inégalités
socio-culturelles:
• Le territoire impacté par un projet s’expose à la
perte potentielle d’un (ou plusieurs) service(s)
écologique(s) dont ne peuvent plus bénéficier les
populations locales ;
• Lorsque les mesures compensatoires ne peuvent se
faire à proximité des impacts du projet, les populations
qui en bénéficient (a) ne sont pas les mêmes que
celles qui les perdent et (b) sont potentiellement
moins nombreuses car les mesures compensatoires
sont souvent au sein d’espaces aux populations moins
denses (ex. en raison foncier moins cher).
Par tenter de minimiser ces inégalités potentielles, les
mesures compensatoires devraient satisfaire à la fois une
exigence d’intégrité (qualité des écosystèmes restaurés) et
14
15
16
de fidélité (reflet de l’histoire du lieu) (Higgs 2003). En
ce sens, l’usage intégré des savoirs et pratiques (profanes
et locaux / scientifiques et territoriaux) pourrait permettre
une adaptation de la séquence ERC à l’ensemble des
contextes socio-culturels. Les compensations socioenvironnementales permettraient d’appliquer cette vision
englobante (Gobert 2010)17.
Les compensations socio-environnementales
La compensation socio-environnementale pourrait se
définir comme l’attribution de mesures compensatoires
à une population subissant les effets négatifs d’un
projet (nuisances, risques, perte de bien-être et de biens
environnementaux) : ces mesures visent à rétablir un «
équilibre » entre impacts négatifs et retombées positives.
Les mettre en œuvre exige, en amont du projet, des
négociations avec les différents acteurs pour établir
un diagnostic partagé et aussi exhaustif que possible
de la situation. Ces mesures de compensation socioenvironnementales peuvent se décliner selon des formes
diverses et combiner plusieurs types de mesures :
• Des mesures compensatoires écologiques,
• Une bourse du travail permettant l’embauche
privilégiée des riverains,
• Des formations professionnelles à destination des
habitants afin de mettre en correspondance offre et
demande de travail,
• Une offre d’aménités environnementales (création
de parcs, aménagement paysager pour diminuer les
impacts visuels…).
La vérification des mesures compensatoires proposées
Il serait important de démontrer, à travers des processus
transparents et participatifs (sondages et enquêtes d’opinion
rendus publics), que les populations affectées :
• puissent subvenir à leurs besoins en dépit du projet et
qu’il existe des alternatives acceptables pour la perte
de services écologiques ;
• acceptent le projet et les mesures compensatoires
proposées (sans rémunération).
Plus le niveau de risque est élevé, plus les processus de
vérification devraient être rigoureux, transparents et
soumis à vérification externe.
http://www.brain-forest.org/img/Impacts_exploitation_miniere_HautOgooue.pdf
http://www.pambazuka.org/fr/category/comment/51172
Réaliser les mesures compensatoires sur le site impacté impliquerait de le remettre en son état d’origine, ce qui est rarement envisagé, et écologiquement
impossible dans la plupart des cas.
17
Cette vision est issue des réflexions relatives au « social-ecological sytems » (Olsson et al., 2004). Elle introduit une réflexion sur la résilience et la
capacité d’adaptation des milieux. Elle repose, qui plus est, sur une logique d’intégration des différentes échelles et de l’ensemble des entités en présence,
humaines et non humaines.
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Encadré 2 - Les aspects clés de la compensation
socio-environnementale
Justice procédurale
La compensation ne devrait pas s’évaluer uniquement
en termes de résultat. Elle nécessite une procédure
de négociation préalable avec l’ensemble des parties
prenantes, incluant les riverains subissant les dommages
et nuisances, pour :
• la mise en exergue des effets écologiques (parfois
minimisés dans les études d’impact) ;
• le travail sur les modalités adéquates de compensation ;
• le suivi et le contrôle.
L’objectif est bien de créer et consolider les rapports de
confiance entre parties prenantes.
Internalisation des externalités et non-substituabilité
des différents types de capital
Les compromis compensatoires sont des catalyseurs de
l’internalisation des externalités sociales et écologiques,
dans la mesure où ils reconnaissent les populations, les
collectivités territoriales, et leurs représentations de la
situation. Mais il ne s’agit pas seulement d’un transfert des
coûts : on parle co-construction d’un ordre local.
De plus, lors des choix des mesures compensatoires, il
faut garder à l’esprit que les transferts de capitaux ne sont
pas infinis (cf. notion de durabilité forte), et qu’il serait
inacceptable, pour la nature comme pour les riverains, que
les capitaux sociaux, écologiques et économiques puissent
être substituables entre eux.
2.3. Les facteurs légaux, financiers et institutionnels
D
’un point de vue légal, financier et institutionnel,
la possibilité de concevoir et de mettre en œuvre des
mesures compensatoires écologiquement et socialement
efficaces dépend de nombre de facteurs, notamment :
• La disponibilité des sites ;
• Les mécanismes réglementaires qui assurent la
possibilité de sécuriser les résultats sur le long terme ;
• La disponibilité des fonds pour leur mise en œuvre et
leur sécurisation sur le long terme ;
• Des connaissances et compétences techniques
connues et testées sur la base de données fiables (aux
échelles appropriées) ;
• Un système de gouvernance transparent et renforcé
par la capacité des organismes de régulation (autorité
environnementale appropriée) à soutenir la mise en
œuvre efficiente de la séquence ERC.
Plus le niveau de risque d’échec des mesures
compensatoires est élevé, plus leur sécurisation
écologique, légale, financière et institutionnelle doit être
vérifiée et assurée ex ante.
Par exemple, avoir connaissance de la disponibilité
d’un site pour la réalisation de la mesure compensatoire
peut suffire pour un niveau de risque d’échec faible. En
revanche, si le risque d’échec écologique des mesures
compensatoires est élevé, il est vivement recommandé
au maître d’ouvrage de sécuriser le succès des mesures
compensatoires avant le début du projet, notamment par
la signature d’un accord contractuel sur le long terme
(maîtrise d’usage), voire l’achat de l’ensemble des sites
possédant déjà l’ensemble des attributs recherchés.
En d’autres termes, une analyse à la fois spatiale et
temporelle s’avère utile si l’on veut pallier aux risques
d’échec des mesures compensatoires.
Comme l’ont récemment expliqué Gordon et al. (2011),
les bénéfices socio-écologiques d’une telle démarche
couplée sont substantiellement plus importants que ceux
d’une stratégie de sélection de sites fondée uniquement sur
une analyse spatiale.
(Crédit photo : GFDL)
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Encadré 3 - Quelles options pour pérenniser les mesures compensatoires en France ?
Afin de sécuriser la mise en œuvre des mesures compensatoires validées par les autorités concernées, plusieurs options sont
à la disposition du maître d’ouvrage :
1. La maîtrise foncière :
• Acquisition de terrains ;
• Conclusion de baux ruraux : bail emphytéotique (d’une durée de 18 à 99 ans), bail à domaine congéable, bail à
fermage (d’une durée minimale de 9 ans, renouvelable automatiquement) ;
2. La maîtrise d’usage :
• Contrat de bail, équivalent à un contrat de location ;
• Convention de gestion.
A ce jour, il existe peu de structures indépendantes et compétentes dans l’offre, la gestion et le suivi des mesures compensatoires.
On peut citer les Conservatoires d’espaces naturels régionaux et la CDC Biodiversité.
Cette « sous-traitance » ne doit cependant pas entrainer le transfert de l’obligation de résultat qui incombe au porteur de projet.
Bien que le pétitionnaire ou le maitre d’ouvrage doive rendre compte à l’administration de l’avancement de la réalisation de
ses obligations, il serait indispensable de mettre en place un mécanisme de contrôle de manière à sanctionner le non-respect
des obligations.
Par ailleurs, pour pérenniser les mesures compensatoires sur le long terme, le maître d’ouvrage pourrait envisager :
• La mise en place d’une protection réglementaire (réserve naturelle nationale, arrêté de protection de biotope), avec le
concours de l’Etat et des services décentralisés ;
• La création de servitudes spécifiques, concept juridique qui consiste au transfert volontaire et contractuel, par le
propriétaire d’un site, de certains droits et privilèges relatifs à la gestion du site. Cet outil juridique créé et mis en
application notamment aux Etats-Unis n’a pas d’équivalent en droit français et communautaire. Il serait pourtant un outil
pertinent dans de nombreux projets de compensation.
3 - QUANTIFIER LES PERTES ET LES GAINS DE
BIODIVERSITÉ : LES MODÈLES DE COMPTABILITÉ
ÉCOLOGIQUES ET ÉCONOMIQUES
3.1. Les différentes approches pour évaluer les
équivalences écologiques
P
our chacun des enjeux identifiés (cf. Annexe C
étape 1), l’évaluation d’un site impacté (cf. Annexe
C étape 2) ou d’un site candidat à la compensation (cf.
Annexe C étape 3) devrait se concentrer sur la « qualité »
des attributs de biodiversité considérés. Cette évaluation
devrait prendre en compte le degré de conservation de la
structure biophysique de l’habitat (y compris ses espèces
caractéristiques), le degré de conservation de ses fonctions
(y compris ses connexions spatiales - le « paysage
écologique ») et les perturbations récurrentes qu’il a subit,
qu’elles soient anthropiques ou non (Klesczewski et al.,
2010).
Cependant, développer des méthodes permettant
d’apprécier de façon reproductible l’état de conservation
de l’ensemble des attributs de biodiversité n’est pas sans
difficulté. Il s’agit de formuler une définition précise du «
bon état » servant de référence, sélectionner des indicateurs
fiables et faciles à utiliser ainsi que définir des valeurs seuils.
Nous décrivons ici trois approches permettant d’aborder
ces difficultés pour des projets de compensation :
• Le raisonnement circonstancié ;
• La notation selon des protocoles standardisés ;
• La notation selon des protocoles standardisés
permettant des comparaisons entre enjeux différents
grâce à des échelles de correspondance.
(Se reporter également au Tableau 1 p.8 pour comparer
les différentes méthodes).
Chacune de ces trois méthodes possède ses avantages et
inconvénients, et se trouve, de fait, adaptée à des situations
spécifiques (Voir Tableau 4 p.17).
Le raisonnement circonstancié laisse libre choix au
niveau des indicateurs et des méthodes de notation (y
compris qualitatives). Il peut être utilisé pour des impacts
sur la biodiversité remarquable nécessitant des précautions
particulières (ex. des espèces très rares ou vulnérables)
ou dans certains contextes très spécifiques dans lesquels
les méthodes standardisées ne peuvent pas s’appliquer.
C’est notamment le cas lorsque les données nécessaires
ne sont pas accessibles ou que les exigences écologiques
des espèces ne sont pas assez connues. En revanche, cette
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Tableau 4 – comparaison des méthodes d’évaluation d’équivalence écologique (++ : très adapté, + : adapté, - : peu adapté)
approche est plus difficile à opérer auprès des autorités
environnementales. Son manque de transparence rend
également difficile la communication avec les parties
prenantes. De plus, la comparaison avec d’autres projets
de compensation semble difficile du fait d’une possible
utilisation d’indicateurs développés de façon ad-hoc ou
basés sur des modèles écologiques calibrés localement (ex.
sur la base de suivis scientifiques préalables aux projets).
A l’inverse, des méthodes de notation standardisées sont
plus faciles d’utilisation et permettent plus de transparence
dans les évaluations. Elles se basent sur l’utilisation
d’indicateurs et de protocoles prédéfinis pour des espèces,
des habitats et des services écologiques donnés. Un
protocole standardisé de notation est plus adapté aux enjeux
de biodiversité qui subissent des dommages connus et
récurrents (ex. les zones humides). Si la flexibilité de cette
méthode est moindre (choix des indicateurs, adaptation de
la compensation au contexte local qui doit être anticipée et
justifiée), elle permet de réduire les risques juridiques, et –
dans une perspective d’apprentissage collectif - de comparer
les projets de compensation entre eux. La standardisation
impose que les protocoles soient développés en amont
des projets et non pas projet par projet. Ceci permettrait
de mutualiser les coûts de développement et de réduire
les coûts de transaction liés à l’évaluation des projets et à
l’instruction des dossiers réglementaires.
Par ailleurs, la dimension sociale de l’équivalence peut
également être incorporée aux méthodes standardisées
lors de leur développement, notamment par le biais de
processus participatifs visant à révéler les hiérarchies
entre enjeux (ex. vis-à-vis de la fonctionnalité des zones
humides).
De ce type d’approche nait la possibilité d’envisager des
équivalences plus souples, autorisant les échanges entre
composantes de la biodiversité qui sont à priori différentes.
Il s’agit alors d’utiliser des méthodes de notation
standardisées associées à des échelles de correspondance
entre enjeux différents. Ce type d’approche est pertinent
quand la compensation est conçue comme un moyen
d’atteindre des objectifs de conservation de la biodiversité
en exigeant l’obtention de gains pour des enjeux
prioritaires en compensation de pertes pour des enjeux
moins prioritaires. Cette montée en gamme est connue
en anglais sous le terme de « trading-up ». Elle nécessite
toutefois qu’un consensus soit établi sur les enjeux pour
lesquels une montée en gamme est acceptable et sur les
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correspondances entre espèces, habitats à caractère naturel,
fonctions ou services écologiques - et cela en complément
du développement du protocole standardisé sur lequel elle
se fonde. En d’autres termes, il s’agirait pour les parties
prenantes de définir, en amont des projets, les priorités de
conservation de la nature dans une région donnée.
Ces trois approches reflètent un formalisme croissant qui
nécessite de multiples consensus sur les indicateurs, les
protocoles et la hiérarchisation des enjeux. Il est donc
illusoire de croire qu’une approche unique et définitive
puisse voir le jour rapidement pour faire face au renforcement
de la réglementation sur la séquence ERC. Elles dessinent
néanmoins un horizon vers lequel se projeter. Un horizon
où les différents acteurs de la compensation (aménageurs,
experts et scientifiques, autorités environnementales ou
porteurs d’enjeux) travaillent ensemble au développement
d’un formalisme qui garantisse le respect des principes de
l’équivalence écologique désagrégée ; et ceci en contribuant
positivement aux enjeux prioritaires de conservation de la
biodiversité, et en limitant les risques juridiques pour les
porteurs de projets.
3.2. Les implications économiques pour l’entreprise :
analyse coûts-avantages, analyse coûts-efficacité et
divulgation des performances aux parties prenantes
T
rois principales étapes peuvent être identifiées d’un
point de vue économique pour l’entreprise ayant
potentiellement des atteintes à la biodiversité:
1. L’analyse coûts-avantages des alternatives du projet
par rapport aux attributs de biodiversité potentiellement
impactés.
2. L’analyse coûts-efficacité de l’alternative préconisée ;
ce qui renvoie à la maîtrise des coûts liés aux différentes
mesures préconisée pour atteindre l’objectif de zéroperte-nette et implique le développement d’une
comptabilité de gestion environnementale dédiée à la
séquence ERC.
3. La divulgation des performances socio-écologiques de
la mise en œuvre de la séquence ERC et de l’atteinte
(ou non) de l’objectif de zéro-perte-nette.
L’analyse coûts-avantages des alternatives du projet
implique de faire appel aux divers outils d’évaluation
économique pour évaluer ses impacts sur les différents
services écologiques utilisés par les parties prenantes
et le porteur du projet ; et ce à l’ensemble des échelles
spatio-temporelles appropriées (Tableau 5) (Landsberg
et al., 2011). Un tel travail devrait permettre d’exprimer
Encadré 4 - Les contraintes dans le choix des méthodes
de mesures des pertes et des gains de biodiversité
Il existe plusieurs méthodes permettant de définir une
stratégie pour gérer ses atteintes à la biodiversité, ainsi
que pour de concevoir et dimensionner des mesures
compensatoires adaptées.
Certaines sont axées sur la rigueur scientifique et la
transparence. D’autres donnent la priorité aux solutions
pragmatiques permettant de répondre à des contraintes
d’ordre socio-économique.
En outre, toutes les méthodes n’ont pas atteint les mêmes
niveaux de maturité (retours d’expérience variables), ce
qui peut rendre difficile les arbitrages. Toutefois, plusieurs
facteurs peuvent être pris en compte:
• La disponibilité des connaissances écologiques et
des données : ex. données historiques et spatiales,
priorités de conservation, dépendances écologiques
des riverains ;
• L’échelle géographique de référence pour les
évaluations de pertes et de gains ;
• Les échéances du projet : ex. la date à laquelle est
attendue l’atteinte de zéro perte nette ;
• Les coûts socio-économiques de la séquence ERC
(dont impacts et mesures compensatoires) : ex.
coûts financiers pour le maître d’ouvrage, coûts
d’opportunité supportés par les parties prenantes,
notamment les riverains du projet et des sites des
mesures compensatoires ;
• La conformité des mesures compensatoires : ex.
conformité par rapport à la méthode de conception
et de dimensionnement retenue (principes, critères et
indicateurs - notamment quand il existe des méthodes
standardisées faisant jurisprudence), respect de la
réglementation nationale si existante.
les différentes valeurs socio-économiques associées aux
services écologiques potentiellement impactés et ainsi
permettre de mieux hiérarchiser les enjeux pour les parties
prenantes.
Toutefois, on doit se rappeler que la compensation « en
nature » des divers attributs socio-écologiques prime sur
toute forme de compensation monétaire. Si la compensation
pécuniaire pour des coûts d’opportunité peut s’avérer
pertinente (ex. activités économiques déplacées ou rendues
impossibles, temporairement ou dans le long terme), elle
demeure subordonnée, et potentiellement complémentaire, à
l’atteinte d’une zéro-perte-nette désagrégée pour l’ensemble
des attributs écologiques impactés. En d’autres termes, le
maître d’ouvrage et ses prestataires seront principalement
concernés par la gestion des coûts des mesures d’évitement,
des mesures de réduction et des mesures compensatoires.
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Méthodes d’évaluation économique
Prix direct du marché Prix du marché
Marchés alternatifs
Coûts de remplacement
Coût d’évitement des dommages
Facteurs de production
Evaluation indirecte
Prix hédoniques
Coûts de déplacement
Préférences déclarées Evaluation contingente
Délibération de
groupe
Choix multi-attributs
Evaluation de groupe
Services écologiques concernés
Service d’approvisionnement
Purification de l’eau, service de pollinisation
Séquestration du carbone, atténuation des dommages
Purification de l’eau, services d’approvisionnement,
disponibilité de l’eau
Seulement valeurs d’usage, activités de loisir, qualité de l’air
Seulement valeurs d’usage, activités de loisir
Tous les services écologiques
Tous les services écologiques
Tous les services écologiques
Transferts de valeur / Valeur moyenne, valeur moyenne
Tous les types de services écologiques, en fonction des
bénéfices
ajustée, fonction bénéfice
résultats d’études antérieures
Tableau 5 : quelles méthodes d’évaluation économique utiliser pour les différents services écologiques ? (TEEB, 2010)
Aussi, le maître d’ouvrage aura tout intérêt à développer
une comptabilité analytique dédié à la maîtrise des coûts
de mise en œuvre de la séquence ERC pour chaque attribut
de biodiversité potentiellement impacté. Dans cette optique,
il serait judicieux de comparer les coûts réels (mesures
de réduction, mesures compensatoires) aux coûts évités
(économies) qu’impliqueraient les mesures d’évitement (ex.
pas de mesure compensatoire). Parmi les différents types de
coûts possibles, on peut mentionner ceux :
• Des opérations techniques : coûts des opérations de
création, restauration ou réhabilitation dans le cas d’une
mesure compensatoire, coût (ou surcoût) de réalisation
dans le cas de mesures de réduction, surcoût du projet
versus économies réalisées dans le cas de mesures
d’évitement ;
• De la maîtrise foncière ou d’usage du site pour
chaque mesure compensatoire: coûts d’acquisition
ou de maîtrise d’usage (contrats de gestion, location),
frais notariés, taxes ou impôts, redevances ;
• Des opérations de gestion conservatoire (ou coûts
d’entretien) pour les mesures de réduction et de
compensation, frais souvent récurrents pendant la
période de gestion retenue;
• Des opérations de suivis des mesures de mise en
œuvre de la séquence ERC: les opérations de suivis
concernent le suivi du chantier (opérations techniques)
ainsi que les suivis scientifiques visant à évaluer
l’efficacité des mesures (durée et périodicité variables
selon le contexte).
Enfin, toute entreprise ayant engagée un projet soumis à la
séquence ERC est invitée à divulguer à ses parties prenantes
au sein de ses rapports annuels :
•
•
•
•
Des informations quantitatives et qualitatives sur les
impacts évités, réduits et résiduels des différentes
alternatives envisagées pour son projet, permettant
ainsi la comparaison avec l’alternative retenue
(comptabilité désagrégée des attributs impactés, dont
valeurs socio-économiques) ;
Pour les différentes alternatives du projet, (a) les coûts
des mesures d’évitement et de réduction des impacts
(coûts de maintien du potentiel naturel) et (b) ceux des
mesures compensatoires envisagées ou / et mises en
œuvre (coûts de renouvèlement du potentiel naturel);
Des informations quantitatives et qualitatives sur les
résultats des mesures compensatoires réalisées pour
les impacts résiduels de l’alternative retenue : état
de conservation des attributs de biodiversité, ratios
d’équivalence écologique et territoriale utilisés,
démonstration de leur additionnalité par rapport à
l’action publique ;
Le détail des charges dépensées et des passifs /
provisions comptabilisés pour mettre effectivement en
œuvre la séquence ERC vers un horizon de zéro-pertenette de biodiversité.
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CONCLUSIONS
V
ia ce cahier technique, Synergiz a cherché à faire
le point sur les enjeux théoriques et techniques de la
séquence ERC, quel que soit le type d’activité ou le contexte
juridique, mais en s’appuyant sur plusieurs cas réels pour
illustrer les propos. Nous avons en outre exposé les différents
risques liés aux mesures compensatoires et avons présenté
les divers modèles de comptabilité écologique et économique
que les maîtres d’ouvrage pourraient mobiliser pour gérer
au mieux l’application de la séquence en partenariat avec les
parties prenantes. La divulgation systématique et régulière (le
long du cycle de vie du projet) de la comptabilité désagrégée
des équivalences écologiques utilisée pour chaque projet
soumis à la séquence ERC devrait devenir une priorité afin de
permettre à tous de comprendre les tenants et aboutissants des
mesures préconisées et effectivement mises en œuvre.
Outil indispensable pour s’assurer de la validité des mesures
préconisées, cette comptabilité implique de considérer
indépendamment chaque composante clef de la biodiversité
(diversité génétique, espèces, habitats, services écologiques)
sur l’ensemble de la séquence. Dans cette optique, la
compensation des atteintes à la biodiversité ne constitue que
l’ultime étape de la démarche : elle demeure subsidiaire à
la nécessité d’éviter les impacts du projet sur les attributs
de biodiversité les plus sensibles ou menacés (changement
du tracé d’une infrastructure). La réduction des impacts
constitue la seconde étape : elle doit être réalisée lors des
différentes phases subséquentes du projet (construction,
usage, fin de vie). L’atteinte d’un horizon de zéro perte
nette devrait ainsi être visée et pourrait, comme dans le cas
de milieux impactés fortement dégradés, se transformer
en gain net via des actions supplémentaires (restauration
écologique). Dans ce contexte, les maîtres d’ouvrage auront
tout intérêt à développer une comptabilité analytique dédié à
la maîtrise des coûts liés à la mise en œuvre de la séquence.
Toutefois, en droit français, la séquence ERC ne concerne
aujourd’hui que les projets soumis à l’évaluation
environnementale et aux impacts accidentels. Aussi, sa
sphère d’application pourrait être élargie à l’ensemble
des impacts (diffus) des personnes morales de droit public
et privé. Ces impacts renvoient à ceux de l’ensemble des
chaines de valeur, au-delà des frontières nationales et pour
tout type d’activités (ex. agricoles et pêcheries, cosmétiques,
gestion des eaux usées). Les prises de participation (actions)
ou les financements de projet pourraient également être plus
explicitement concernés. L’évolution récente du cahier des
charges de l’International Finance Corporation18 en matière
de compensation des atteintes à la biodiversité pour l’octroi
de ses prêts constitue une bonne illustration des changements
à anticiper ! Pour limiter les réticences au changement, il
s’agirait peut-être de discuter du partage des coûts de sa mise
en œuvre, par exemple par l’ensemble des acteurs impliqués
dans les chaînes d’approvisionnement.
(Crédit photo : Ophélie Alloiteau - Natureparif)
18
http://www.ifc.org/ifcext/sustainability.nsf/Content/PerformanceStandards
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ANNEXES A - Matrice des composantes clés de la biodiversité
Tableau 6 – Matrice des composants clés de biodiversité; adapté de BBOP 2011-a
ANNEXES B - Impacts potentiels du projet sur les composantes clés de la biodiversité
Tableau 7 – Impacts potentiels du projet sur les composants clés de biodiversité ; adapté de BBOP 2011-a
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ANNEXE C - Démarche générale de la séquence ERC
Cette annexe présente la démarche générale de la
séquence ERC reprise par la majorité des procédures
existantes de conception et dimensionnement de mesures
compensatoires.
Dans différents pays ayant institué le principe d’une
séquence ERC dans leur réglementation environnementale
(notamment les USA, l’Allemagne ou l’Australie),
différentes procédures ont été élaborées pour concevoir et
dimensionner les mesures compensatoires. Bien que ces
procédures répondent de façon hétérogène aux défis posés
par l’horizon de zéro perte nette, Quétier et Lavorel (2011)
ont montré qu’elles respectent toutes une même démarche
d’ensemble rappelée ci-dessous.
action (G). Le résultat se rapportera à une surface, à un
nombre d’interventions ; selon la conception de l’action en
question.
Etape 5 : cette phase est celle de l’optimisation de la
compensation de l’ensemble des impacts du projet. En
fonction des opportunités (ex. foncières), du savoir-faire
mobilisable en termes d’ingénierie écologique, mais
aussi de l’acceptabilité sociale des actions proposées, on
combinera les différentes mesures compensatoires proposées
pour l’ensemble des enjeux considérés, afin d’atteindre
l’équivalence pour chacun de ces enjeux.
Étape 1 : identifier précisément les enjeux ou attributs
socio-écologiques impactés qui seront l’objet d’actions
compensatoires. Les enjeux peuvent être de divers ordres:
intra-spécifique, espèces, habitats à caractère naturel,
fonctionnalités et services écologiques. Il est important de
noter que ne devraient être pris en compte que les enjeux
pour lesquels il est raisonnablement possible d’obtenir
des « gains » (ex. en termes de délais). Si ce n’est pas le
cas, la compensation n’est pas possible et le projet causera
inévitablement des pertes nettes.
La démarche proposée sépare les étapes d’appréciation des
impacts (étapes 1 et 2), de conception et de dimensionnement
des mesures compensatoires (étapes 3 et 4) et de mise
en œuvre concrète de ces mesures (étape 5). A l’étape 5,
outre les solutions techniques les plus fiables et les moins
couteuses, on pourra privilégier les mesures compensatoires
qui contribuent à compenser plusieurs enjeux à la fois en
faisant jouer les synergies écologiques (ex. pour des espèces
ayant des exigences écologiques proches). On appelle cela
le panachage. Cette optimisation devra toutefois se faire
sous la contrainte de l’équivalence pour chaque enjeu pris
séparément. C’est donc l’enjeu pour lequel la compensation
est la plus exigeante qui déterminera la compensation
nécessaire pour l’ensemble.
Étape 2 : caractériser les pertes, pour chacun des enjeux
identifiés, via une échelle d’évaluation qui permette de
comparer la situation avant impact et après impact (P).
L’évaluation prendra en compte tout élément clé de la
biologie ou de l’écologie de l’enjeu considéré, y compris les
interactions entre espèces, dans le temps et l’espace, et donc
au-delà des surfaces directement impactées.
Les étapes 2, 3 et 4 correspondent à l’évaluation de
l’équivalence au sens strict, de manière désagrégée (ex.
espèce pour espèce ou habitat pour habitat). C’est là que se
posent les questions méthodologiques les plus complexes
sur les exigences écologiques des espèces, leurs interactions
et les dynamiques temporelles et spatiales des milieux et des
fonctionnalités des écosystèmes.
Étape 3 : évaluer les gains attendus d’une mesure
compensatoure ou d’une sélection de mesures
compensatoires, cela pour chacun des enjeux identifiés (G).
La même échelle d’évaluation sera utilisée aux étapes 2 et
3, de façon à permettre la comparaison entre pertes et gains.
L’évaluation des gains se base donc sur une comparaison
avant et après compensation et prendra en compte les
interactions entre espèces et le contexte écologique dans
lequel s’inscrivent les sites candidats à la compensation.
Étape 4 : pour chacune des mesures compensatoires
proposées, et pour chaque enjeu identifié, on déterminera
le nombre d’actions requises pour atteindre l’équivalence
(N) en faisant le rapport des pertes (P) sur les gains par
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FIGURES ET TABLEAUX
Figures
Figure 1 : Conception et dimensionnement de la
compensation (Quétier et Lavorel, 2011) - p.5
Figure 2 : le concept d’équivalences écologiques
désagrégées dans le cadre de la séquence ERC. Chaque
colonne correspond à une composante clef de la
biodiversité. Les colonnes sont regroupées en quatre
catégories : espèces végétales, espèces animales, habitats
et services écologiques - p.8
Tableaux
Tableau 1 : Comparatif des méthodes d’évaluation des
équivalences écologiques (Adapté de Quétier & Lavorel
2011) - p.8
Tableau 2 : Analyse des séquences ERC dans la prise en
compte de la biodiversité de cas concrets ; MEDEF 2010
- p.9
Tableau 3 : Niveaux de risques d’impacts d’un point de
vue écologique ; adapté de BBOP (2011-a) - p.13
Tableau 4 : Comparaison des méthodes d’évaluation
d’équivalence écologique - p.17
Tableau 5 : Quelles méthodes d’évaluation économique
pour les différents services écologiques ? (TEEB, 2010)
- p.19
Tableau 6 : Matrice des composants clés de biodiversité;
adapté de BBOP 2011-a - p.22
Tableau 7 – Impacts potentiels du projet sur les composants
clés de biodiversité ; adapté de BBOP 2011-a. - p.22
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