interrogation à visée morale, c'est l'éthique.
L'éthique ne nous donne aucune réponse, bien au contraire : elle remet en cause, elle doute,
elle exige de repenser les évidences, elle vient déranger le connu, l'ordre établi, en un mot
elle remet en mouvement notre capacité à penser par nous-mêmes, elle suscite notre
discernement et notre esprit critique.
Tout ne peut pas être fait, tout ne peut pas être dit
L'éthique ne doit pourtant pas se contenter d'être une réflexion intellectuelle sur un thème
d'actualité, mais s'exercer à partir de problèmes concrets, de difficultés cliniques rencontrées
au quotidien dans nos pratiques. Elle ne s'exerce pas pour trouver une solution à un problème
donné, mais pour développer la conscience de ceux et celles qui s'y exercent afin de leur
permettre d'agir. Non pas en croyant bien faire, mais en faisant bien (sachant que cette notion
reste asymptotique). L'éthique, c'est une manière de parler de spiritualité en termes laïcs.
C'est prendre en compte cette dimension de l'être humain non objective, non rationnelle, non
quantifiable, mais qui le fonde dans son essence même. C'est en cherchant à conceptualiser
le domaine du subjectif que l'éthique contribue à développer la connaissance que l'humain
peut avoir de lui-même. En effet, avec les progrès de la science, il redécouvre l'importance de
la morale : tout ne peut pas être fait, tout ne peut pas être dit. Un acte est toujours motivé par
l'intention qui l'anime, et il aura obligatoirement des conséquences.
Comment faire pour que celles-ci ne nous soient pas préjudiciables ? Comment éviter les
pièges de la naïveté de celui qui croît bien faire, et dont les actes peuvent avoir des
conséquences désastreuses ? Comment faire la part des choses entre l'apparence d'une
situation et sa réalité ?
C'est donc à chacun d'entre nous d'argumenter devant tous de ce qui fonde notre action et de
s'ouvrir à la critique constructive pour que, dans le dialogue, se construise " une morale
nouvelle ".
Façons de faire, façons de dire
Cette morale nouvelle ne doit en aucun cas être perçue comme un mot d'ordre auquel il
faudrait se plier, mais comme un réajustement permanent à la réalité quotidienne, dans une
responsabilité personnelle, individuelle, prenant en compte à la fois les réalités concrètes et
objectives d'une situation, mais aussi l'histoire et l'aspect subjectif des êtres humains qui y
participent, c'est-à-dire soi et l'autre. L'aspect concret d'une situation (comme l'aspect
technique du soin) est souvent facile à appréhender. Mais dès que nous voulons aborder
l'aspect subjectif des choses, tout se complique infiniment. Comment annoncer par exemple à
un patient qu'il est en rechute d'une leucémie pourtant traitée depuis plus d'un an dans le
service ? Il convient donc de disposer, là aussi, dans le domaine du subjectif, de quelques
repères, quelques recours. Non pas des recettes car, in fine, c'est la manière (subjective) de
tenir un discours (objectif) qui sera retenue par le patient. C'est bien la façon de dire du
praticien (et nous sommes là dans le domaine de sa subjectivité pure, notion tout à fait
qualitative) qui permettra au patient d'être rassuré, ou au contraire angoissé. La teneur