Michel-Alain Mombo mort et ascension de pharaon en Égypte ancienne (2778-2263 av. J.-C.) MORT ET ASCENSION DE PHARAON EN ÉGYPTE ANCIENNE (2778-2263 av. J.-C.) Du même auteur, chez L’Harmattan : Le pouvoir du roi d’Égypte d’après la spiritualité pharaonique (2778-1085 av. J.-C.). © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-00519-5 EAN : 9782343005195 Michel-Alain MOMBO MORT ET ASCENSION DE PHARAON EN ÉGYPTE ANCIENNE (2778-2263 av. J.-C.) Collection IREA Collection dirigée par David Gakunzi Fournir des clés permettant de mieux comprendre l'Afrique, son histoire, ses réalités et mutations actuelles, ainsi que sa géopolitique, voilà l'ambition de cette collection de l'IREA (Institut de recherche et d'études africaines). La collection - qui réunit aussi bien des essais, des monographies que des textes littéraires issus des travaux et des débats animés par l'Institut - a pour vocation de faire connaître au grand public les travaux d'auteurs confirmés mais également ceux de jeunes talents encore méconnus. Les ouvrages de la collection sont rédigés dans une langue conviviale, vivante et accessible. Dernières parutions Méthode GAHUNGU, Burundi et Rwanda : réconcilier les ethnies, 2012. Emmanuel Nguélondélé Mongo, Au service du Congo. Entretien avec Cyriaque Mongo Dzon, Tome 1, 2012. Emmanuel Nguélondélé Mongo, Au service du Congo. Entretien avec Cyriaque Mongo Dzon, Tome 2, 2012. René N’Guettia KOUASSI, Les défis du développement de l’Afrique contemporaine, 2012. Joao Maria Futi, Essai de morphologie lexicale du Cisuundi du Cabinda (Angola), 2012. Philippe Duval, Côte d’Ivoire. Chroniques de guerre 2002-2011, 2012. Brian Tourré, De la « Francafrique » à la « Chinafrique », 2012. Théophile Obenga, L’État fédéral d’Afrique noire : la seule issue, 2012. Jean-David N’Da, Le nouvel ordre ivoirien, 2012. Roger Gballou, Côte d’Ivoire : souveraineté bafouée, 2011. Calixte Baniafouna, La démocratie de l’ONU en Côte d’Ivoire, 2011. A mes enfants « Regardez en haut, vous, les dieux qui êtes dans l’au-delà. Le roi Ounas est arrivé, devenu un grand dieu, de sorte que vous puissiez le voir. » Textes des Pyramides des anciens Egyptiens, formule 252, chapitre 272-274. AVANT-PROPOS L’épreuve, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se produit, a une dimension qui l’apparente au sacré, en ce sens qu’elle attire et repousse en même temps. Il n’est pas inutile de souligner que la facette sacrée de l’épreuve ne fait pas appel à notre force physique, même si celle-ci peut se révéler nécessaire. Pour être vécue intensément et être surmontée, l’épreuve sollicite, en premier, la force mentale et par-delà tout, l’étincelle spirituelle qui couve en nous tout en nous rappelant le devoir de nous élever au niveau de la divinité. Dans les Textes des Pyramides des anciens Egyptiens, une formule invite pharaon à se lever pour « voir ce qu’Horus, son fils, a fait pour lui »1. La perfection ou les caractéristiques du dieu 1 Textes des Pyramides des anciens Egyptiens, formule 670, chap. 1975. Nous savons qu’Horus est le fils d’Osiris et d’Isis, des personnages de l’Ennéade d’Héliopolis. Il s’agit, par conséquent, des membres de la lignée divine, selon la cosmogonie d’Héliopolis. Ce qui signifie en clair que le roi se rattache, par ce fait même, à la lignée divine, d’autant plus qu’il prend la place d’Osiris, ce qui fait de lui – symboliquement - le père d’Horus. Il acquiert la perfection et toutes les autres caractéristiques d’Osiris. Pour approfondir la question des liens entre Horus et pharaon, lire: Thomas George Allen, Horus in the Pyramid Texts, A Private Edition Distributed by The University of Chicago Libraries, 1916. Tout récemment (03 décembre 2012), une thèse a été soutenue à Paris, à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), portant sur l’œil-Oudjat. Nous savons que cet œil est étroitement lié à Rê et Horus (œil d’Horus). Cette étude a bien montré que l’œil-Oudjat est en rapport avec la bonne marche de l’Egypte et du monde. Il a donc une dimension cosmique qui le rattache à Hathor et Horus. Or, nous savons aussi que l’une des prérogatives majeures de pharaon est de protéger l’Egypte et veiller sur son rayonnement sur la terre et dans l’univers. Pour plus de détails sur l’œil-Oudjat, cf. Noémi Villars, L’offrande de l’œil-oudjat dans les temples d’Egypte gréco-romaine, thèse de doctorat, Paris, EPHE, 2012. 11 Osiris sont intégrées dans la physiologie de la personne de pharaon qui devient, par la magie des rites2, le père d’Horus. Ce qui revient à dire que la perfection émanant de la divinité est indispensable dans l’exercice du pouvoir. Trois mille ans après la civilisation pharaonique, Jésus le Christ demandait à ses disciples « d’être parfaits comme leur père céleste est parfait »3, afin de mériter le royaume de Dieu. Si la perfection4 n’était pas nécessaire, cette recommandation n’aurait pas été formulée en des termes aussi directs. Pour ce faire, tout porte à croire que l’épreuve imprime en l’homme la détermination d’aspirer à plus grand que lui. Un proverbe asiatique stipule que « l’homme est le fils de l’obstacle ». C’est en surmontant les épreuves (obstacles) que l’homme acquiert la force nécessaire pour aller au-delà de l’humain et s’apparenter à la divinité. De même que l’oiseau, pour avancer, est condamné à voler surtout lorsque les vents sont contraires, de même pharaon se rattache à la lignée divine pour s’approprier les qualités démiurgiques. Les récits mythologiques5 y contribuent ; l’action des clergés6 l’y aide. 2 Sur le rite, nous préférons l’approche de P. Legendre : « […] Stipuler le rite en tant qu’ordre, mais non pas sous un statut vaguement qualifié de juridique, mais en tant qu’ordre de la parole. […] ». In « Légalité du rite », Essai sur le rituel II, Colloque du centenaire de la Section des sciences religieuses de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, sous la direction de : Anne-Marie Blondeau et Kristofer Schipper, LouvainParis, 1990, p. 17-18. Le groupe de mots « ordre de la parole » s’applique bien à la civilisation de l’Egypte ancienne où la parole joue un rôle déterminant à toutes les étapes de la vie. 3 Bible, Evangile selon Saint Matthieu, chap. 5, verset 48. 4 La divinité, dans toutes les théologies, est toujours présentée comme un modèle de pureté et de perfection. Le roi acquiert cette perfection par sa filiation divine. 5 Le mythe de Rê qui se crée lui-même ; le mythe d’Osiris et Seth ; le mythe du meurtre et de la résurrection d’Osiris, etc. 12 Toutefois, il est impossible de s’approcher de la nature divine sans fournir le moindre effort. L’effort devient alors une pièce théâtrale qui se joue sur une scène truffée d’embûches : ce sont les épreuves qui élèvent l’être humain et font de lui un dieu. Dans notre approche, la gestion de la nature divine devient la septième épreuve de pharaon, au sens où ce statut implique des responsabilités à assumer, si le roi veut continuer à tenir la barre du navire du pouvoir. Ces responsabilités, assumées véritablement, confèrent au souverain d’Egypte le statut d’ancêtre pour l’ensemble des Egyptiens et de nsw7 non seulement pour l’Egypte, mais aussi pour l’ensemble de l’univers. La septième épreuve débouche donc sur la réalisation d’un projet immense : l’éveil de la parcelle divine en l’Homme ; d’abord dans la personne du roi, ensuite dans l’âme du peuple tout entier. Dans l’Egypte ancienne, cette donnée prend une tournure exceptionnelle. En effet, pharaon n’est pas seulement roi d’Egypte, il est le souverain maître de toutes les nations et de tous les peuples parcourus par la lumière de Rê, le dieu soleil qui préside à la création de toutes choses. Le roi égyptien a une vocation universelle. La septième épreuve est un programme de souveraineté : l’Egypte est la propriété privée des dieux. Par conséquent, seuls des êtres divins peuvent la diriger. 6 Pharaon est le grand prêtre de la religion égyptienne. Comme il ne peut pas être partout à la fois, il nomme des grands prêtres qui le représentent à la tête des temples. 7 C’est le roi en égyptien ancien. 13 INTRODUCTION Dans les Textes des Pyramides des anciens Egyptiens, les formules magiques rivalisent en précision pour dire que le roi d’Egypte ne meurt pas, il est un excellent candidat à la résurrection. Le message spirituel de ce corpus peut être résumé par la formule suivante : « Osiris le roi, les âmes de Pe t’applaudissent ; elles te disent : Osiris le roi, tu es parti, mais tu reviendras, tu t’es endormi, mais tu t’éveilleras ; tu es mort, mais tu vivras. Lève-toi et vois ce qu’Horus, ton fils, a fait pour toi »8. Dans cet extrait des Textes des Pyramides, apparaît déjà la personne d’Osiris, « […] Une autorité dépositaire de la puissance monarchique dans le domaine funéraire et détenteur d’une fonction éminemment juridique. »9. Osiris émerge sur la scène politico-religieuse de l’Egypte à l’aube de la Ve10 dynastie et tout défunt, pour survivre, doit s’approprier l’héritage rituel de ce dieu. Pharaon en est le premier héritier en tant que représentant des dieux et maillon invisible de l’Ennéade. 8 Textes des Pyramides des anciens Egyptiens, formules 670, chapitres 1975-1976. 9 B. Mathieu, « Mais qui est donc Osiris ? Ou la politique sous le linceul de la religion », ENIM 3, 2010, p. 79. 10 B. Mathieu, op. cit., p. 78. 15 Dès l’Ancien Empire (2778-2263 av. J.-C.), les textes religieux relatifs à la vie après la vie11 présentent l’au-delà comme le lieu de la continuation de la vie terrestre. Toutefois, cet au-delà n’est réservé qu’à pharaon et aux membres de sa famille, à cette phase de l’histoire de l’Egypte. Pharaon, fils et représentant des dieux sur le trône d’Egypte, rejoint – tout naturellement – ses parents dans l’autre monde. Or, l’univers baigne dans les eaux primordiales du Noun12. Le roi d’Egypte se voit dans l’obligation de prendre les barques13 de Rê pour effectuer le voyage de l’au-delà. Assimilé au Nil14, pharaon distribue la vie au même titre que les eaux nourricières de ce fleuve unique. Ainsi, comme le fleuve auquel il se configure, le roi ne rentre pas dans la vie en éternité sans surmonter les obstacles qui se dressent sur son chemin. D’ailleurs, les rites funéraires des anciens Egyptiens jouent le rôle d’un sacrifice propitiatoire, en ce sens qu’ils doivent déblayer au maximum le chemin menant à la vie en éternité. Pour le Nil, ces obstacles s’appellent 11 Pour les anciens Egyptiens, la mort physique n’est pas la mort, elle est le passage d’une vie à une autre ; de la vie terrestre à la vie en éternité dans l’au-delà. C’est pourquoi, au lieu de dire « la vie après la mort », il est judicieux de dire « la vie après la vie ». La mort physique n’est qu’une césure entre la vie (terrestre) et la vie (dans l’au-delà). Elle ne les arrête pas. Seule la seconde mort ou la mort définitive qui a lieu dans les salles d’abattage de l’au-delà, met fin aux fonctions vitales du corps. 12 Le Noun est considéré par les anciens Egyptiens comme le fleuve primordial d’où surgit Rê qui s’est créé lui-même. 13 Rê, le démiurge d’Héliopolis, dispose de deux barques : la barque diurne et la barque nocturne. Ces barques sont utilisées par les défunts qui font le voyage de la vie après la vie. Pour accéder à ces barques, il faut connaître les noms des entités divines qui les régissent. 14 Pharaon est assimilé au Nil par le biais de la personne d’Osiris dont le retour était symbolisé par la venue annuelle de la saison de l’inondation. 16 cataractes ; pour le roi, ils revêtent divers noms15 se rapportant tous à la mort, mais aussi à la mythologie qui est une dimension essentielle de la civilisation égyptienne. De même le Nil ne devient réellement le dieu Hâpy et un fleuve tranquille qu’après avoir vaincu les six cataractes, de même pharaon n’atteint la condition divine qu’en déjouant les pièges tendus sur le chemin menant à l’audelà. Des rites tels que le replacement et le témoignage du cœur du défunt16, la pesée de l’âme17… rappellent qu’il n’y a pas de vie éternelle sans épreuves. Dans cette perspective, Lanczkowski écrit : « Dans le cartouche des pharaons tels que Horemheb, Ramsès II, Amenmes... se trouve gravée l’expression Sétépen-Râ « est éprouvé par Râ »18. Hiéroglyphe sétépen-Râ « est éprouvé par Râ ». 15 Les obstacles que le roi rencontre sur le chemin menant au ciel lumineux de Rê sont multiformes. Il s’agit, entre autres, des génies malfaisants, de la faim, de la soif, du crocodile sobek, d’Apophis, etc. 16 « Formule pour empêcher qu’on enlève à N. son cœur dans l’empire des morts. Paroles dites par N. : O vous qui enlevez les cœurs, vous qui dérobez les viscères du cœur, vous qui faites se manifester le cœur de l’homme dans ce qu’il a fait, alors qu’il ne se reconnaît pas par suite de ce que vous avez fait, salut à vous, maîtres de l’éternité, organisateurs de la pérennité ! […] ». P. Barguet, Le Livre des Morts des anciens Egyptiens, Paris, Cerf, 1967, p. 72-73. 17 La psychostasie présidée par Osiris assisté par Thot, est une étape redoutable de la vie après la mort dans l’Egypte ancienne. 18 Lanczkowski, Zur ägyptischen Religionsgeschichte des mittleren Reiches. Das Gespräch zwischen Atum und Osiris. Leiden-Cologne, 1953, p. 32. 17 Le symboole du soleiil (le cercle avec un poiint en son milieuu) est bien présent. p R Lee dieu Rê ou Râ. Khepri Nous propossons ci-dessus la transscription hiéroglyphiquue N d mot Kheppri19, l’une des appellaations du diieu Rê. On y du l signes suivants : le trrouve, clairrement meentionnés, les p placenta qui renvoiee à la naissaance de toutt être vivantt ; lee scarabée , le symbbole égyptieen de la traansformation, siigne solairre par exccellence. Ill indique que par lees l sse trransformatioons (en égyptien Khprw), l’homme reenouvelle et finit par aatteindre l’éttat divin. Poour les autrees siignes, le leecteur pourrra consulteer, à toutess fins utilees, C ou redécouvrrir n notre contribution inttitulée « Couvrir p pharaon »20. s processuus Si pharaon ne S n subissait aucune épreuve dans son mention (m mis à l’épreeuve par Rââ) d divinisatiion, cette m de nt au côté des noms dde n n’aurait pas figuré ausssi clairemen certains roiss. Mieux, uun adage cité dans pllusieurs payys d d’Afrique nooire stipule : « Les éprreuves forggent l’âme dde 199 Le mot Khepri est beauucoup plus uttilisé pour déésigner le soleeil leevant. 200 p : une M.-A. Mombo, M Couuvrir ou reedécouvrir pharaon gypte d’après la spiritualiité innterprétation du pouvoir du roi d’Egy phharaonique (22778-1085 av.. J.-C.), Paris,, L’Harmattann, 2013. 18 l’initié ». C’est en surmontant les obstacles que pharaon devient réellement fils de Rê. Par ailleurs, en analysant les formules des Textes des Pyramides, nous découvrons que les pyramides21 à degrés symbolisent aussi les marches que pharaon devait gravir pour accéder au ciel, à l’image d’un escalier dont on se sert pour atteindre les hauteurs qui nous éloignent du traintrain quotidien. Mais, peut-on gravir des marches sans fournir d’efforts22 ? Est-on réellement seul lorsque la volonté d’aller plus haut que soi s’impose ? Pour cette raison, il ne serait pas maladroit d’établir un lien, sur ce point précis, entre les marches des pyramides23 et l’échelle du songe de Jacob24. L’échelle est le signe visible de la 21 Nous rappelons que la pyramide est un attribut solaire, au même titre que l’obélisque qui est la matérialisation du soleil sur la terre. 22 Nous aurions pu écrire « sans avoir le sentiment d’être mis à l’épreuve » ? Ici, l’épreuve a pour, entre autres missions, de tester les connaissances (le degré de divinité) du roi. C’est par l’effort (l’épreuve) que l’on s’élève. Le système éducatif en vigueur dans de nombreux pays francophones, a donc raison de mentionner sur les polycopiés d’examens la mention « épreuve d’Histoire, de philosophie, de mathématiques, etc. ». Car il s’agit bien d’épreuves destinées à vérifier le savoir et les connaissances des apprenants. 23 Si tant est que nous puissions considérer la pyramide comme un gigantesque escalier. 24 Le récit de l’échelle de Jacob est rapporté dans le livre de la Genèse au chapitre 28, verset 12. Cette échelle dont le sommet touchait le ciel avec les anges qui montaient et descendaient, est aussi le lieu où Yahvé se tenait devant Jacob. Si nous admettons l’hypothèse selon laquelle le Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible) est l’œuvre de Moïse, le lien entre l’échelle de Jacob et les marches de la pyramide à degrés, peut être établi. En effet, la culture et l’éducation égyptiennes de Moïse ne sont plus à démontrer. Moïse fut un prince égyptien, élevé dans la cour de pharaon, initié aux mystères d’Osiris. Par conséquent, en écrivant ces récits, Moïse ne pouvait que puiser dans le fonds culturel qui était le sien : la civilisation de l’Egypte ancienne. Peut-on, honnêtement, nier cette vérité historique ? 19