Les origines et les débuts de la Guerre froide
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avec le gouvernement polonais de Londres, lequel n’avait jamais cessé de combattre les
Allemands. S’il devait arriver qu’un jour la France fût amenée à changer cela, elle ne le ferait que
d’accord avec ses trois alliés.
Prenant la parole à son tour, le maréchal Staline s’échauffa. A l’entendre, grondant, mordant,
éloquent, on sentait que l’affaire polonaise était l’objet principal de sa passion et le centre de sa
politique. Il déclara que la Russie avait pris "un grand tournant" vis-à-vis de cette nation qui était
son ennemie depuis des siècles et en laquelle, désormais, elle voulait voir une amie. Mais il y avait
des conditions. "La Pologne, dit-il, a toujours servi de couloir aux Allemands pour attaquer la
Russie. Ce couloir, il faut qu’il soit fermé, et fermé par la Pologne elle-même." Pour cela, le fait de
placer sa frontière sur l’Oder et sur la Neisse pourrait être décisif, dès lors que l’Etat polonais
serait fort et "démocratique". Car, proclamait le maréchal, "il n’y a pas d’Etat fort qui ne soit
démocratique".
Staline aborda, alors, la question du gouvernement à instaurer à Varsovie. Il le fit avec brutalité,
tenant des propos pleins de haine et de mépris à l’égard des "gens de Londres", louant hautement
le "Comité de Lublin", formé sous l’égide des Soviets, et affirmant qu’en Pologne, celui-ci était seul
attendu et désiré. Il donnait à ce choix, qu’à l’en croire aurait fait le peuple polonais, des raisons
qui ne démontraient que son propre parti pris. "Dans la bataille qui libère leur pays, déclara-t-il,
les Polonais ne voient pas à quoi servent le gouvernement réactionnaire de Londres et l’armée
d’Anders. Au contraire, ils constatent la présence et l’action du "Comité de la libération nationale"
et des troupes du général Berling. Ils savent, d’ailleurs, que ce sont les agents du gouvernement de
Londres qui furent cause de l’échec de l’insurrection de Varsovie, parce qu’ils la déclenchèrent
avec la pire légèreté, sans consulter le commandement soviétique et au moment où les troupes
russes n’étaient pas en mesure d’intervenir. En outre, le Comité polonais de la libération nationale
a commencé d’accomplir sur le territoire libéré une réforme agraire qui lui vaut l’adhésion
enthousiaste de la population. Les terres appartenant aux réactionnaires émigrés sont distribuées
aux paysans. C’est de là que la Pologne de demain tirera sa force, comme la France de la
Révolution tira la sienne de la vente des biens nationaux."
Staline, alors, m’interpella : "Vous avez dit que la France a de l’influence sur le peuple polonais.
C’est vrai ! Mais pourquoi n’en usez-vous pas pour lui recommander la solution nécessaire ?
Pourquoi prenez-vous la même position stérile que l’Amérique et l’Angleterre ont adoptée jusqu’à
présent ? Nous attendons de vous, je dois le dire, que vous agissiez avec réalisme et dans le même
sens que nous." Il ajouta, en sourdine : "D’autant plus que Londres et Washington n’ont pas dit
leur dernier mot. - Je prends note, dis-je, de votre position. J’en aperçois les vastes conséquences.
Mais je dois vous répéter que le futur gouvernement de la Pologne est l’affaire du peuple polonais
et que celui-ci, suivant nous, doit pouvoir s’exprimer par le suffrage universel." Je m’attendais à
quelque vive réaction du maréchal. Mais, au contraire, il sourit et murmura doucement : "Bah !
nous nous entendrons tout de même."
Charles de Gaulle, "Mémoires de guerre", tome III, "Le salut, 1944-1946", Paris, Plon
(coll. Le livre de poche), 1959, pp. 78-80.
L’ensemble du dialogue, résumé ici par de Gaulle, se trouve dans le même volume (pp.
383-390) et contient de petites différences qui ne remettent pas en cause le fond, sinon
que la remarque finale concernait tous les pays de l’est et pas seulement la Pologne.
Message de Churchill au président Truman, 12 mai 1945
Message de Churchill au président Truman, 12 mai 1945
"(...) Que se passera-t-il entre temps du côté de la Russie ? J’ai toujours travaillé pour l’amitié avec