Les origines et les débuts de la Guerre froide
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Les origines et les débuts de la Guerre froide
Les origines et les débuts de la Guerre froide
35 pages A4, 46 documents
par @clioTexte
Mise en ligne : samedi 12 décembre 2015
i Histoire contemporaine i B. Deuxième moitié du XXe siècle - Guerre froide i 1945 : ONU, début de la
Guerre froide, les deux Allemagne
Histoire du monde, Histoire politique, Histoire contemporaine, Guerre froide
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" Il y a les sceptiques - c’est moi tout seul , - qui dis vous êtes tous des bons jobards, Hitler n’a pas
pu casser les reins à Staline, c’est vrai, grosse déception pour le capitalisme mondial et pour les
dames qui donnent à la quête, mais il a quand même fait du bon boulot, ne serait-ce que toute
cette Europe cassée qu’il va falloir rebâtir, tout ce bon matériel de guerre envolé en fumée ou
coulé au fond de l’onde amère, ça a déjà fait circuler pas mal de fric, ça n’a pas fini. Staline n’est
pas assez con pour se lancer dans la révolution universelle, c’est bon pour des Lénine, des Trotski,
Staline a une bonne place, il vient de se la consolider, du granit, il s’est nommé maréchal de
l’URSS, maintenant il est vieux, il est fatigué, il s’est bien marré, il va se regarder dans la glace
avec son bel uniforme et manger des gaufrettes, ça m’étonnerait même qu’il vienne jusqu’ici. Vous
en faites pas, ça se terminera entre bons compères, comme celle de Quatorze, tu me donnes
Varsovie, je te donne Ouagadougou, tout le monde encule tout le monde et au bout du traité il y a
la Troisième Mondiale, automatique, la routine."
François Cavanna, Les Russkoffs, Prix interallié, 1979
"(En 1945) Toutes les conditions semblent réunies, institutionnelles, politiques, psychologiques,
pour préserver la liberté et la paix.
Or, moins de deux ans après, les vainqueurs sont désunis ; le terme "désunis" est même faible
pour caractériser la situation de 1947. Deux blocs hostiles se dressent l’un contre l’autre dans une
forme de guerre inédite pour laquelle on a été obligé d’inventer un nom, plus exactement une
image, celle de la guerre froide. La situation de 1947 est aussi différente que possible de ce que le
monde espérait en 1945."
René Rémond, Le XXe siècle de 1914 à nos jours, p. 170-171
"1. La guerre froide est née de l’affaiblissement dramatique de l’Europe. Elle est la fille de la
Deuxième guerre mondiale. C’est qu’en 1945, à l’exception des Etats-Unis et de l’Union soviétique
qui ont souffert inégalement du conflit, il n’y a que des vaincus. L’Allemagne et l’Italie, d’un côté,
la Grande-Bretagne et la France, de l’autre, ont perdu l’essentiel de leur influence. (...) Les deux
supergrands sont face à face. L’Europe, principal champ clos des rivalités entre les Etats-Unis et
l’Union soviétique, est entrée dans la bipolarisation.
2. Les Etats-Unis et l’Union soviétique sont deux puissances messianiques , encore que leurs
messianismes soient contradictoires. Chacune des sociétés propose un modèle, non point
seulement un modèle politique ou économique, mais un modèle de civilisation, un choix
fondamental. Chacune considère qu’il est de son devoir, de sa mission, voire de son essence de se
faire le champion de cette civilisation, de se porter à la tête d’un camp. (...)
3. De toute évidence, chacun des supergrands perçoit mal les intentions de l’autre. Ou bien les
exagère. Les Américains ont tendance à imaginer le pire, qu’il s’agisse de la Roumanie, de la
Pologne, de la Hongrie, qu’il s’agisse de la Grèce et de la Turquie, qu’il s’agisse de l’Europe
occidentale. Ils constatent que, partout elle est présente, l’Armée rouge donne à l’Union
soviétique l’occasion de grignoter l’influence des Occidentaux, qu’un empire se crée à l’est de
l’Elbe, qu’il pourrait bien s’étendre à l’ouest, voire au sud, que les Soviétiques ont des intentions
expansionnistes qui ne laissent pas d’inquiéter."
KASPI André. Débat sur la guerre froide.
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« Pourquoi raconter l’histoire de la guerre froide ? Parce que, bien souvent sans que nous nous en
rendions compte, elle nous a tous façonnés. Elle a affecté nos croyances et nos habitudes, la façon
dont on vit à San Francisco et à Pékin, à La Havane et à Kinshasa ; elle a coupé des villes et des
pays en deux, détruit et créé des nations, fait porter les armes à des dizaines de millions
d’hommes, tué des centaines de milliers d’entre eux, rempli les bagnes politiques, suscité
l’enthousiasme, la souffrance et la peur et, comme toutes les grandes épreuves, le meilleur et le
pire. Il est vain de se demander ce qui se serait passé si elle avait été évitée - sans doute d’ailleurs
ne pouvait-elle pas l’être. En revanche, il n’est peut-être pas inutile d’en rappeler l’évolution quand
ce ne serait que pour nous persuader, devant les certitudes en apparence les plus assurées, - que le
monde est en perpétuel devenir et que les renversements qui se sont produits hier peuvent très
bien se reproduire demain. Qu’on songe seulement que la Russie soviétique, en un demi-siècle,
aura été successivement l’alliée, ou l’associée, de l’Allemagne contre les signataires du traité de
Versailles, de la France contre Hitler, de Hitler contre la France, l’Angleterre et la Pologne, de
l’Angleterre et des États-Unis contre Hitler, de la Chine contre les États-Unis avant que ceux-ci à
partir de 1971 deviennent les alliés de fait de celle-là. »
André Fontaine, Histoire de la guerre froide, tome 1, Paris, Seuil, Coll. « Point histoire ».
Ed. de 1983
Notion de BLOC
Notion de BLOC
« Cette période est dominée par la notion de bloc, c’est-à-dire l’existence d’ensembles, en fait deux,
s’opposant l’un à l’autre dans tous les domaines. Tout pays, toute situation se trouvent en quelque
sorte contraints de se définir par rapport à cette notion, de se lier à l’un-ou-l’autre des blocs. C’est
l’ère de l’exclusive et du manichéisme.
Cette logique de la guerre froide, selon laquelle celui qui n’est pas un allié ne peut être qu’un
ennemi, implique l’organisation de blocs. Le bloc a deux caractères :
a/ Il exige une union globale, qui touche les armées, les économies, les régimes et, bien sûr, la
politique internationale. Le concept de guerre froide suggérant un conflit total et permanent,
l’alliance classique ne saurait convenir : le dispositif doit, lui aussi, être total et permanent. Le
caractère quasi-religieux de l’affrontement idéologique efface toute frontière entre politique
intérieure et politique extérieure. Enfin, le bloc tend à imposer une manière de vivre à l’Ouest,
l’« American way of life » ; à l’Est, les lendemains qui chantent. (...).
b/ Le bloc s’appuie sur une puissance directrice. Celle-ci est à la fois le protecteur incontesté -
même s’il est parfois pesant - et la synthèse presque parfaite des valeurs, qui assurent et justifient
la solidarité du bloc. Le bloc résulte bien d’un monde où se déploient des idéologies détentrices de
vérités absolues et de promesses d’un bonheur terrestre »
P. MOREAU DEFARGES, Les relations internationales dans le monde d’aujourd’hui. Les
dérives de puissance, Éditions S.T.H., 1981.
L’accord des pourcentages
L’accord des pourcentages
Visite de Winston Churchill à Moscou, 9 octobre 1944
"Nous avons atterri à Moscou l’après-midi du 9 octobre (1944) ; (...). A dix heures ce soir-là nous
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avons eu notre première réunion importante au Kremlin. Le moment était approprié, et j’ai dit
"réglons notre conflit dans les Balkans. Vos armées sont en Roumanie et en Bulgarie. Nous avons
des intérêts, des missions et des agents là-bas. Qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous pour des
petites choses. En ce qui concerne la Grande Bretagne et la Russie, pourquoi ne prédomineriez-
vous pas à nonante pour-cent en Roumanie, alors que nous aurions notre mot à dire à nonante
pour-cent en Grèce, et partager la Yougoslavie cinquante-cinquante ? " Pendant que cela était
traduit, j’ai écrit sur une demi feuille de papier :
Roumanie
Russie.........................90 %
Les autres.....................10 %
Grèce
GB.............................90 %
(en accord avec USA)
Russie.........................10 %
Yougoslavie..................50-50 %
Hongrie.......................50-50 %
Bulgarie
Russie.........................75 %
Les autres.....................25 %
J’ai poussé ce papier vers Staline, qui avait alors entendu la traduction. Il y a eu une petite pause.
Puis il a pris son crayon bleu et fait une grande coche sur le papier, qu’il nous repassa. Tout fut
décidé en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire."
CHURCHILL, Winston, "Triumph and Tragedy", Houghton Mifflin, Boston, 1954, pp.
226-228
Rencontre entre de Gaulle et Staline : de la Pologne
Rencontre entre de Gaulle et Staline : de la Pologne
Dans ses Mémoires, le général de Gaulle relate son entretien avec Staline, en 6 décembre
1944 à Moscou, au sujet des deux "gouvernements" polonais, l’un, pro-occidental, à
Londres, l’autre, pro-soviétique, à Lublin.
"Là-dessus, vint au jour le véritable enjeu du débat. Comme nous nous y attendions, il s’agissait de
la Pologne. Voulant savoir ce que, décidément, les Russes projetaient de faire à Varsovie quand
leurs troupes y seraient entrées, je posai nettement la question à Staline, au cours d’une
conférence que nous tînmes au Kremlin le 6 décembre. (...)
Je rappelai que, de tout temps, la France avait voulu et soutenu l’indépendance polonaise. Après la
première guerre mondiale, nous avions fortement contribué à la faire renaître. (...) Nous tenions
pour nécessaire que reparaisse une Pologne maîtresse de ses destinées, pourvu qu’elle soit amicale
envers la France et envers la Russie. Ce que nous pouvions avoir d’influence sur les Polonais, - je
précisai : " sur tous les Polonais", - nous étions résolu à l’exercer dans ce sens. J’ajoutai que la
solution du problème des frontières, telle que Staline nous l’avait lui-même exposée, à savoir : "La
ligne Curzon" à l’est et "l’Oder-Neisse" à l’ouest, nous paraissait acceptable. Mais je répétai qu’à
nos yeux il fallait que la Pologne fût un Etat réellement indépendant. C’est donc au peuple
polonais qu’il appartenait de choisir son futur gouvernement. Il ne pourrait le faire qu’après la
libération et par des élections libres. Pour le moment, le gouvernement français était en relation
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avec le gouvernement polonais de Londres, lequel n’avait jamais cessé de combattre les
Allemands. S’il devait arriver qu’un jour la France fût amenée à changer cela, elle ne le ferait que
d’accord avec ses trois alliés.
Prenant la parole à son tour, le maréchal Staline s’échauffa. A l’entendre, grondant, mordant,
éloquent, on sentait que l’affaire polonaise était l’objet principal de sa passion et le centre de sa
politique. Il déclara que la Russie avait pris "un grand tournant" vis-à-vis de cette nation qui était
son ennemie depuis des siècles et en laquelle, désormais, elle voulait voir une amie. Mais il y avait
des conditions. "La Pologne, dit-il, a toujours servi de couloir aux Allemands pour attaquer la
Russie. Ce couloir, il faut qu’il soit fermé, et fermé par la Pologne elle-même." Pour cela, le fait de
placer sa frontière sur l’Oder et sur la Neisse pourrait être décisif, dès lors que l’Etat polonais
serait fort et "démocratique". Car, proclamait le maréchal, "il n’y a pas d’Etat fort qui ne soit
démocratique".
Staline aborda, alors, la question du gouvernement à instaurer à Varsovie. Il le fit avec brutalité,
tenant des propos pleins de haine et de mépris à l’égard des "gens de Londres", louant hautement
le "Comité de Lublin", formé sous l’égide des Soviets, et affirmant qu’en Pologne, celui-ci était seul
attendu et désiré. Il donnait à ce choix, qu’à l’en croire aurait fait le peuple polonais, des raisons
qui ne démontraient que son propre parti pris. "Dans la bataille qui libère leur pays, déclara-t-il,
les Polonais ne voient pas à quoi servent le gouvernement réactionnaire de Londres et l’armée
d’Anders. Au contraire, ils constatent la présence et l’action du "Comité de la libération nationale"
et des troupes du général Berling. Ils savent, d’ailleurs, que ce sont les agents du gouvernement de
Londres qui furent cause de l’échec de l’insurrection de Varsovie, parce qu’ils la déclenchèrent
avec la pire légèreté, sans consulter le commandement soviétique et au moment les troupes
russes n’étaient pas en mesure d’intervenir. En outre, le Comité polonais de la libération nationale
a commencé d’accomplir sur le territoire libéré une réforme agraire qui lui vaut l’adhésion
enthousiaste de la population. Les terres appartenant aux réactionnaires émigrés sont distribuées
aux paysans. C’est de que la Pologne de demain tirera sa force, comme la France de la
Révolution tira la sienne de la vente des biens nationaux."
Staline, alors, m’interpella : "Vous avez dit que la France a de l’influence sur le peuple polonais.
C’est vrai ! Mais pourquoi n’en usez-vous pas pour lui recommander la solution nécessaire ?
Pourquoi prenez-vous la même position stérile que l’Amérique et l’Angleterre ont adoptée jusqu’à
présent ? Nous attendons de vous, je dois le dire, que vous agissiez avec réalisme et dans le même
sens que nous." Il ajouta, en sourdine : "D’autant plus que Londres et Washington n’ont pas dit
leur dernier mot. - Je prends note, dis-je, de votre position. J’en aperçois les vastes conséquences.
Mais je dois vous répéter que le futur gouvernement de la Pologne est l’affaire du peuple polonais
et que celui-ci, suivant nous, doit pouvoir s’exprimer par le suffrage universel." Je m’attendais à
quelque vive réaction du maréchal. Mais, au contraire, il sourit et murmura doucement : "Bah !
nous nous entendrons tout de même."
Charles de Gaulle, "Mémoires de guerre", tome III, "Le salut, 1944-1946", Paris, Plon
(coll. Le livre de poche), 1959, pp. 78-80.
L’ensemble du dialogue, résumé ici par de Gaulle, se trouve dans le même volume (pp.
383-390) et contient de petites différences qui ne remettent pas en cause le fond, sinon
que la remarque finale concernait tous les pays de l’est et pas seulement la Pologne.
Message de Churchill au président Truman, 12 mai 1945
Message de Churchill au président Truman, 12 mai 1945
"(...) Que se passera-t-il entre temps du côté de la Russie ? J’ai toujours travaillé pour l’amitié avec
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