Le renouveau de la réfrigération magnétique

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Le renouveau de la réfrigération magnétique
Mohamed Balli, Cyril Mahmed, David Duc, Petri Nikkola, Osmann Sari, Jean
Christophe Hadorn, Fouad Rahali
To cite this version:
Mohamed Balli, Cyril Mahmed, David Duc, Petri Nikkola, Osmann Sari, et al.. Le renouveau
de la réfrigération magnétique. Revue Générale du Froid, 2012, Production du Froid, 102
(1121), pp.45-54. <hal-01185989>
HAL Id: hal-01185989
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Submitted on 23 Aug 2015
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Le renouveau de la réfrigération magnétique
Mohamed Balli, Cyril Mahmed, David Duc, Petri Nikkola, Osmann Sari
Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO)
Avenue des sports 20, Yverdon-Les-Bains, Suisse
Jean Christophe Hadorn, Fouad Rahali
Clean Cool Systems
Avenue des sports 20, Yverdon-Les-Bains, Suisse
Résumé
Basée sur l’effet magnétocalorique (EMC), la réfrigération magnétique est considérée
actuellement comme l’une des alternatives sérieuses pour remplacer les systèmes de
réfrigération traditionnels. Cet article présente différents aspects de la réfrigération
magnétique ainsi qu’un récent développement dans ce domaine réalisé par la Haute Ecole
Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO). Pour faciliter la lecture, l’origine physique de
l’EMC, le principe de la réfrigération magnétique et des éléments théoriques de base ont été
rappelés. Les derniers développements relatifs aux matériaux et sources de champ magnétique
sont également rappelés dans cet article. Enfin, les auteurs présentent le réfrigérateur
magnétique qu’ils ont développé très récemment en collaboration avec la société Clean Cool
System (CCS). La nouvelle machine a été conçue en tenant compte de la compacité du
système, des performances thermodynamiques et des besoins du marché. Afin d’obtenir des
champs magnétiques suffisants pour cette application, une source de champ innovante a été
mise au point. Une nouvelle conception des matériaux magnétocaloriques permet de réduire
très significativement l’énergie consommée durant les processus de magnétisation et de
démagnétisation. Utilisant les plaques du gadolinium comme réfrigérant et le cycle
thermodynamique AMRR1, ce système a permis de produire une puissance frigorifique
supérieure à 100 W pour un écart de température entre les sources de chaleur supérieur à 15
K.
1
AMRR = active magnetic regeneration refrigeration (Réfrigération par régénération magnétique active)
Page 1 sur 17
Abstract
Based on the magnetocaloric effect (MCE), magnetic cooling is considered in recent years as
a serious alternative to replace conventional systems. In this paper, we present the various
aspect of the magnetic cooling as well as our recently developed magnetic refrigerator. In
order to more understand the physical origin of the MCE and the magnetic cooling, theoretical
backgrounds are developed. The recent developments on magnetocaloric materials and
magnetic field sources are also the subject of this paper. In the last part we present the recent
developed magnetocaloric machine at HES-SO in collaboration with Clean Cool System
Company (CCS). The magnetocaloric machine was designed taking into account the market
and thermodynamic performance requirements. In addition, the design options lead to a
compact system easier for using. In order to generate sufficient magnetocaloric effect, an
innovative magnetic field source was developed based on permanent magnets arranged
following an original configuration. However, in order to reduce the energy absorbed by the
machine, a new architecture for the magnetocaloric block was proposed. Using the active
refrigeration thermodynamic cycle (AMRR) and gadolinium plates as a refrigerant, a cooling
power higher than 100 W and a temperature span larger than 15 K were reached.
1.
Introduction
Dans le contexte actuel de pénurie des ressources énergétiques et d’augmentation des
émissions des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la réduction de l’utilisation des fluides
frigorigènes de synthèse ainsi que de la consommation d’énergie constituent des défis majeurs
pour l’industrie du froid. Des mesures ont été adoptées au plan international. Certains Etats
les ont concrétisées par des réglementations. De plus, des activités de recherches intenses sont
menées par des laboratoires pour faire face à ces défis. Clean Cool Systems en collaboration
étroite avec la HES-SO s’est engagée dans cette direction en développant de technologies
innovantes, en particulier la réfrigération magnétique. Cette dernière, considérée actuellement
comme l’une des alternatives sérieuses aux systèmes de réfrigération conventionnels connaît
un renouveau ces dernières années parce que économe en énergie et sans nocivité pour
l’environnement. L’intérêt suscité par la réfrigération magnétique est dû essentiellement à son
efficacité énergétique élevée et à l’absence de fluides frigorigènes dangereux pour
l’environnement. Son historique est présenté dans l’encadré 1.
Dans ce qui suit, les différents aspects de la réfrigération magnétique ainsi que le réfrigérateur
magnétique développé récemment à la HES-SO, sont décrits.
2.
Notions de base
L’effet magnétocalorique (EMC) se traduit par l’échauffement ou le refroidissement d’un
matériau magnétique magnétisé ou démagnétisé. Il est le résultat du changement de l’entropie
du matériau dû aux couplages entre les moments magnétiques et le réseau atomique sous
l’action d’un champ magnétique extérieur [8]. L’entropie totale d’un matériau magnétique est
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la somme de l’entropie magnétique Sm, de l’entropie atomique Sat et de l’entropie électronique
Sel. Elle est donnée par :
S (T, H) = Sm (B, T) + Sat (T) + Sel (T)
(1)
Avec T température du matériau et B champ magnétique appliqué.
Contrairement à l’entropie magnétique qui dépend fortement du champ magnétique, les
entropies électronique et atomique sont indépendantes du champ appliqué à l’exception de
quelques matériaux qui présentent une transition magnétique de premier ordre2. L’application
d’un champ magnétique élevé permet d’aligner les moments magnétiques créant ainsi une
forme d’ordre dans le solide (Fig. 1). Ce passage d’un état magnétique désordonné à un état
ordonné est accompagné d’une réduction isotherme au niveau de l’entropie magnétique de
∆Sm (Fig.2). Dans des conditions adiabatiques, l’entropie totale reste constante. Ainsi, la
diminution de l’entropie magnétique est compensée par l’augmentation de l’entropie
atomique dans le sens inverse provoquant l’augmentation de l’intensité des vibrations
atomiques augmentant la température du matériau. Ce changement de température est connu
sous le nom de la variation de température adiabatique ∆Tad. L’EMC est caractérisé
principalement par les deux quantités thermodynamiques ∆Tad et ∆Sm, illustrées sur la figure
2 pour une température initiale T0 et un champ variant de BI à BF. L’origine physique et
magnétique de l’EMC est détaillée dans l’encadré 2.
Figure 1. Visualisation du principe de l’effet magnétocalorique
2
Une transition magnétique est dite de premier ordre lorsque l’aimantation du matériau présente une
discontinuité au voisinage de la température de changement de phase. Dans le cas où l’aimantation varie
lentement dans la phase de transition, la transition magnétique est dite de second ordre.
Page 3 sur 17
Figure 2: Variations de l’entropie magnétique ∆Sm et de la température adiabatique pour un
champ variant de BI à BF (BF > BI) et une température initiale de T0.
Cycle AMRR3 et le principe de la réfrigération magnétique
3.
L’exploitation directe de l’effet magnétocalorique pour refroidir au voisinage de la
température ambiante ne permet pas d’atteindre des écarts de températures importants entre
les sources de chaleur chaude et froide, en particulier avec des systèmes utilisant des aimants
permanents.
Pour des applications frigorifiques et pompes à chaleur, l’EMC peut être amplifié grâce à des
cycles magnétothermiques spécifiques appelés cycle à régénération AMRR. La majorité des
réfrigérateurs magnétiques conçus durant ces dernières années utilisent ce type de cycle. La
réalisation d’un cycle AMRR repose sur trois composants principaux (Fig.3) :
•
•
•
3
une source de champ magnétique,
un matériau magnétocalorique (réfrigérant solide),
un fluide caloporteur pour le transfert thermique.
AMRR = réfrigération magnétique active à régénération
Page 4 sur 17
Figure 3: Principe de la réfrigération magnétique à base du cycle AMRR.
BI
BF
>B
I
Figure 4: Cycle thermodynamique utilisé dans la réfrigération magnétique (BI < BF)
Le cycle AMRR d’un système de réfrigération magnétique se décompose en deux processus
adiabatiques et deux isochamps (Fig. 4).
•
L’aimantation du matériau magnétocalorique conduit à son réchauffement. Dans des
conditions adiabatiques chaque point du matériau magnétocalorique voit sa
température augmenter de ∆T suite à l’application du champ magnétique.
•
Dans la deuxième étape, le fluide caloporteur circule du réservoir froid vers le
réservoir chaud pour évacuer l’énergie-chaleur générée par le matériau
magnétocalorique.
•
Désaimantation adiabatique du matériau magnétocalorique conduisant à son
refroidissement.
•
Ecoulement du fluide caloporteur du réservoir chaud pour évacuer l’énergie froide
vers le réservoir froid.
Ainsi, les températures de la source chaude et de la source froide évoluent progressivement
jusqu’à atteindre chacune une température d’équilibre après un certain nombre de cycles. Ceci
permet de créer un gradient de température dans le matériau magnétocalorique (Fig. 3, courbe
en rouge).
4.
Matériaux magnétocaloriques
Le matériau magnétocalorique constitue le cœur du réfrigérateur magnétique. C’est une
composante critique qui influence considérablement les performances thermodynamiques de
la machine. La mise en œuvre et l’utilisation des matériaux magnétocaloriques performants
Page 5 sur 17
sont d’une grande importance pour le développement de la réfrigération magnétique au
voisinage de la température ambiante.
Figure 5: Effet magnétocalorique du gadolinium.
Actuellement le gadolinium (Gd), terre rare qui présente un EMC important au voisinage de la
température ambiante (Fig.5), est le matériau utilisé dans la majorité des démonstrateurs et
prototypes de réfrigération magnétique. Toutefois, en dépit de son pouvoir magnétocalorique,
le gadolinium n’est pas adapté pour des applications destinées au marché, en raison de son
prix très élevé. De plus le gadolinium présente d’autres inconvénients comme sa capacité de
réfrigération limitée au voisinage de 300 K et son oxydation facile comme la plupart des
terres rares. L’utilisation du gadolinium dans les systèmes de réfrigération est néanmoins
préférée à celle d’autres matériaux magnétocaloriques en raison de son usinage facile et de sa
disponibilité sur le marché. Pour remplacer le gadolinium dans les systèmes de réfrigération
magnétique, de nouveaux matériaux magnétocaloriques ont été mis au point Parmi ces
matériaux, les composés de lanthane, de type LaFe13-xSix, sont les plus prometteurs pour les
applications de la réfrigération magnétique (voir encadré 3).
Ces composés LaFe13-xSix présentent généralement un EMC géant à basses températures au
voisinage de leur point de Curie4, TC, proche de 200 K. Pour les applications au voisinage de
la température ambiante (domestiques et industrielles), le point de Curie peut être augmenté
par l’insertion de certains éléments interstitiels en particulier l’hydrogène, sans affecter
l’EMC [11]. Une autre façon d’augmenter la température de Curie au voisinage de 300 K est
la substitution d’une faible quantité de fer par du cobalt [12]. Vu l’instabilité chimique et
mécanique des hydrures LaFe13-xSixHy, les composés La(Fe, Co)13-xSix semblent actuellement
être les plus adaptés pour les applications de la réfrigération magnétique. À la HES-SO, le
4
Température au-dessus de laquelle le matériau perd ses propriétés ferromagnétiques. L’EMC présente sa
valeur maximale à la température de Curie.
Page 6 sur 17
gadolinium, dans un premier temps, a été utilisé comme réfrigérant afin d’optimiser les
systèmes développés. Toutefois, afin de remplacer le gadolinium dans les démonstrateurs, des
matériaux à base de La(Fe, Co)13-xSix sont en cours de test et de développement en
collaboration avec des partenaires académiques et industriels. Ainsi, la simple variation de la
concentration du cobalt dans La(Fe, Co)13-xSix, une large gamme d’applications peut être
couverte.
La figure 6 montre l’EMC de deux composés à base de La(Fe, Co)13-xSix avec des points de
Curie différents, mesuré dans des conditions pratiques [13]. Au voisinage de 300 K, l’EMC
maximum présenté par les La(Fe, Co)13-xSix est de l’ordre de 2 K pour un tesla ce qui est
suffisant pour les applications qui utilisent le cycle AMRR. De plus, l’EMC présenté par les
composés La(Fe, Co)13-xSix est comparable à celui du Gd (2.8 K/T à 294 K) comme on peut le
constater sur la figure 5. Ainsi, les propriétés magnétocaloriques remarquables, l’hystérésis
faible et le cout moins élevé font des matériaux La(Fe, Co)13-xSix de très bons candidats pour
remplacer le gadolinium.
Figure 6: Effet magnétocalorique présenté par deux composés à base de La(Fe, Co)13-xSix.
5.
Types de production de champ magnétique
Des champs magnétiques importants pour la création de l’entropie dans les matériaux sont un
élément clef dans un système de réfrigération. La source magnétique est équivalente à un
compresseur dans les systèmes conventionnels.
Page 7 sur 17
Figure 7: La source magnétique CCS (gauche) avec le champ généré (droite).
Deux types de production de champs magnétiques existent. Les électro-aimants - qui
consomment de l’électricité pour produire le champ - et les aimants permanents.
Des électroaimants peuvent être utilisés pour produire des champs allant de 0 à 10T.
Toutefois, cette technique nécessite l’utilisation des fluides cryogènes comme l’hélium pour
maintenir les bobines supraconductrices à 4 K, ce qui affecte significativement la conception
et le coût de la réfrigération magnétique. Par conséquent, le développement des sources
magnétiques à base d’aimants permanents est un aspect important pour la commercialisation
de la réfrigération magnétique. Encouragé par la découverte des aimants NdFeB, un nombre
considérable de travaux a été consacré à cette thématique et de nouvelles sources magnétiques
basées sur des aimants permanents ont été rapportées récemment. À titre d’exemple, on peut
citer la structure développée par Lee et al [14].
Pour la machine frigorifique conçue à la HES-SO [15, 16], une source du champ compacte et
innovante conçue à partir des aimants permanents a été mise au point (Fig. 7). Dans cette
dernière, des aimants NdFeB ont été arrangés suivant une configuration originale, ce qui
permet de produire des champs magnétiques élevés. Pour pallier la complexité de la structure
géométrique, le code de calcul Flux 3D a été utilisé pour simuler le champ magnétique
généré. Dans la figure 7 sont présentés la mesure expérimentale et le calcul théorique de la
distribution du champ magnétique dans l’entrefer de la source adoptée pour notre système. Le
champ produit est de l’ordre de 1,5 T et présente une grande homogénéité. En ajustant les
paramètres géométriques de la source magnétique comme la longueur et la hauteur de
l’entrefer, des champs magnétiques supérieurs à 2 T peuvent être obtenus. De plus, cette
source a la capacité d’être utilisée à la fois par les systèmes de réfrigération magnétique
linéaires et rotatifs.
6.
Description du réfrigérateur magnétique développé à la HES-SO (Cristal I)
Le système de réfrigération magnétique développé récemment à la HES-SO est présenté sur
les figures 8 et 9. Il est constitué de deux sources magnétiques produisant un champ de 1,5 T
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et de deux régénérateurs (du froid et de la chaleur). Chaque régénérateur est constitué de
plaques de gadolinium d’une épaisseur de 1 mm, de 8 mm de largeur et de 100 mm de
longueur. L’utilisation de deux sources magnétiques permet de doubler la puissance
frigorifique produite. Afin de réduire l’énergie électrique consommée, chaque régénérateur est
divisé en deux blocs de gadolinium (Fig. 10).
En effet dans un système de réfrigération magnétique, l’énergie dépensée est liée
essentiellement aux efforts mécaniques fournis durant la magnétisation et la démagnétisation
du matériau magnétocalorique et à la circulation du fluide caloporteur dans le régénérateur.
La force d’interaction magnétique entre le matériau magnétocalorique et la source magnétique
(aimant) ainsi que les couples résultants influencent largement l’efficacité thermodynamique
des systèmes de réfrigération magnétique. Le coefficient de performance d’une machine
frigorifique magnétique est donné par la relation (9).
COP =
Q Frig
(9)
W m + W pompe
où Q Frig est l’énergie froide produite, Wpompe est l’énergie consommée par le système de
pompage du fluide caloporteur et Wm est le travail nécessaire pour la magnétisation et la
démagnétisation du gadolinium. Ce dernier constitue une large partie de l’énergie totale
fournie à la machine, il est donné par
W mag =
→
r →
F
∫ m ⋅ dl
(10)
→
où F m représente la force magnétique et dl représente le déplacement des blocs
magnétocaloriques durant les processus d’aimantation et de désaimantation, étant donné que
le source du champ magnétique reste immobile.
Les deux équations (9) et (10) montrent que, plus les forces magnétiques sont élevées, plus le
travail magnétique est élevé et par conséquent moins le système de réfrigération est efficace.
Ainsi la réduction des forces magnétiques est d’une grande importance pour la mise au point
des systèmes de réfrigération magnétique efficace. Pour cette raison, une nouvelle
configuration des matériaux magnétocaloriques dans le régénérateur a été proposée à la HESSO [17]. La nouvelle conception est présentée sur la figure 10. Le schéma complet de
fonctionnement de Cristal I est illustré par la figure 11. Ainsi, quand la première partie du
régénérateur est démagnétisée, la seconde partie est magnétisée ce qui permet de compenser
et de réduire les forces magnétiques dans le système de réfrigération magnétique. La figure 12
illustre la simulation numérique des forces mises en jeu dans la machine développée dans le
cas d’un régénérateur en monobloc de gadolinium et en deux blocs de gadolinium séparés.
Nous constatons qu’avec le dernier design, on réduit largement les forces magnétiques. Selon
les calculs, il permet de réduire l’énergie consommée de plus 90 % comparée au design
standard. Les calculs ont été validés par la mesure directe des forces sur la machine : un bon
accord est observé entre les résultats expérimentaux et ceux issus des simulations numériques.
Page 9 sur 17
Figure 8: Conception du réfrigérateur Figure 9: Une vue du réfrigérateur magnétique
magnétique « Cristal I ».
« Cristal I »
Figure 10: Nouvelle conception du régénérateur
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Figure 11: Schéma complet de fonctionnement du réfrigérateur développé à la HES-SO. Ici
seul un régénérateur est montré à cause de la symétrie
Figure 12: Comparaison entre la force mise en jeu selon la conception du régénérateur
(standard ou HES-SO).
La figure 13 représente un exemple de l’évolution des températures de la source froide et de
la source chaude du réfrigérateur magnétique. Utilisant le cycle AMRR décrit dans la section
3, les températures des deux sources évoluent progressivement jusqu’à atteindre chacune un
état d’équilibre. Après un certain nombre de cycles AMRR, on obtient un écart de
température de l’ordre de 10 K pour une fréquence de 0,5 Hz. Cet écart relativement bas est
attribué aux mauvaises propriétés thermiques de l’huile siliconée utilisée comme fluide
caloporteur. Ce fluide a été utilisé essentiellement pour protéger les plaques du gadolinium
des phénomènes de corrosion comme l’oxydation. A noter que la chaleur spécifique de l’huile
siliconée est de 1,6 kJ/kg.K. Toutefois l’utilisation des fluides caloporteurs comme l’eau, a
Page 11 sur 17
permis d’atteindre des écarts de températures plus élevés. Très récemment un écart de
température voisin de 30 K est observé sur une version améliorée (Cristal II) du prototype
présenté dans cet article. Les résultats obtenus seront prochainement publiés.
Figure 13: Écart de température obtenu entre les deux sources de Cristal I utilisant l’huile
siliconée comme fluide caloporteur.
7.
Conclusions et perspectives
Dans la première partie, les différents aspects de la réfrigération magnétique sont présentés.
Le système de réfrigération magnétique préindustriel développé « Cristal I » a été également
présenté dans la deuxième partie de cet article. Des efforts ont été déployés pour rendre cette
machine plus compacte et efficace. Afin de produire des champs suffisants pour les
applications, une source magnétique innovante de CCS a été utilisée. Par ailleurs, pour réduire
l’énergie électrique consommée par la machine, une nouvelle configuration du réfrigérant
magnétocalorique a été mise au point. Comparée aux conceptions classiques, celle-ci a permis
d’économiser plus de 90 % de l’énergie nécessaire pour magnétiser et démagnétiser les
matériaux magnétocaloriques. Utilisant dans un premier temps le gadolinium comme matériau
magnétocalorique, l’écart maximum de température entre les deux sources de chaleurs obtenu
sur la version améliorée de Cristal I avoisine les 30 K pour une puissance froide comprise
entre 100 et 200 W. Pour remplacer le gadolinium dans les systèmes de réfrigération, de
nouveaux matériaux en particulier les LaFe13-xSix sont en cours de test et les résultats
préliminaires sont encourageants.
Sur la base des résultats obtenus, la réfrigération magnétique présente un grand potentiel pour
les applications au voisinage de la température ambiante. Les problématiques des échanges
thermiques, de la corrosion et de la mise en forme des matériaux magnétocaloriques sont en
cours de résolution. Ainsi depuis l’apparition de la notion de l’effet magnétocalorique géant à
la fin de 1990, la réfrigération magnétique a connu des avancées considérables. Son avenir est
désormais prometteur.
Page 12 sur 17
8.
Remerciements
Les auteurs remercient Clean Cool Systems, Interreg IV-a, France-Suisse, l’office fédéral de
l’énergie, Bern, Nestlé et la Romande Energie Renouvelable pour leurs supports financiers.
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Page 14 sur 17
Encadré 1: Historique de la réfrigération magnétique
La réfrigération magnétique est basée sur l’exploitation de l’effet magnétocalorique (EMC),
c’est à dire l’échauffement ou le refroidissement de certains matériaux magnétiques en
réponse à l’application ou la suppression d’un champ magnétique extérieur. Découvert par
Warburg en 1881 [1], l’effet magnétocalorique a été utilisé à partir des années trente pour
atteindre les très basses températures par la démagnétisation adiabatique d’un sel de
gadolinium, Gd2(SO4)38H2O [2]. Cette technique a permis à Giauque et McDougall
d’atteindre 0,25 K en 1933 [2], et leurs travaux ont été récompensés par le prix Nobel obtenu
seize ans plus tard en 1949. La réfrigération magnétique au voisinage de la température
ambiante a vu le jour presque cent ans après la découverte de l’EMC quand Brown [3] a
développé un système de réfrigération performant en utilisant le gadolinium comme matériau
actif. Utilisant 158 grammes de gadolinium et un électroaimant développant un champ
magnétique de 7 T, Brown a obtenu en 1976 un écart de température entre la source chaude et
la source froide de l’ordre de 46 K. Pour le transfert thermique, un fluide à base d’eau et
d’alcool a été utilisé. A la fin des années 1990, deux avancées majeures ont eu lieu. La
première concernait la découverte de l’effet magnétocalorique géant dans les composés
Gd5(Ge1-xSix)4 [4]. L’EMC géant est la conséquence de la forte variation de l’aimantation au
voisinage de la température de transition du matériau magnétocalorique, donnant naissance à
un changement considérable de l’entropie et de la température. On parle de l’EMC géant
lorsque ce dernier est presque deux fois supérieur à celui du gadolinium (voir encadré 3).
La deuxième avancée est la mise au point par Zimm et al [5] d’un prototype démontrant la
faisabilité de la réfrigération magnétique au voisinage de l’ambiante. Pour un écart entre la
source froide et la source chaude de 10 K, le système développé par Zimm et al [5] a permis
d’atteindre une puissance de 600 W, un coefficient de performance (COP) de 10 et une
efficacité de 60 % par rapport au cycle de Carnot. Ces deux avancées ont révolutionné le
domaine de la réfrigération magnétique à température ambiante. Depuis, une activité de
recherche importante est menée pour le développement des systèmes de réfrigération efficace
et la mise en œuvre de matériaux (réfrigérants) performants. Les développements récents au
niveau des systèmes et des matériaux et alliages sont rapportés dans les références [6] et [7].
En outre, une machine frigorifique magnétique innovante a été développée très récemment par
CCS et la HES-SO, Yverdon-Les-Bains, Suisse. Elle fait l’objet de la dernière partie de cet
article.
Page 15 sur 17
Encadré 2: origine physique de l’effet magnétocalorique
Pour une pression constante, la différentielle de l’entropie totale dS peut être exprimée en
considérant le champ B et la température T comme variables d’état, dans ce cas dS est donnée
par la relation (2).
 ∂S 
 ∂S 
dS =   ⋅ dT + 
 ⋅ dB
 ∂T  B
 ∂B  T
(2)
La variation d’entropie est déterminée généralement à partir des mesures magnétiques et à
l’aide de la relation de Maxwell donnée par :
 ∂S 
 ∂M 

 =

 ∂B  T  ∂T  B
(3)
où M représente l’aimantation.
Pour un champ variant de 0 à B et en intégrant l’équation (3), ∆S est donnée par
B max
∫
∆S (T , ∆B) =
0
 ∂M 

 ⋅ dB
 ∂T  B
(4)
Cette équation montre que la variation de l’entropie en plus du champ magnétique, dépend
fortement de la dérivée de l’aimantation par rapport à la température. Ce dernier point signifie
que l’effet magnétocalorique dépend aussi de la nature de la transition magnétique (premier
ou second ordre) dans le solide. Pratiquement, l’aimantation est mesurée à des champs et des
températures discrets. En conséquence, la relation de Maxwell peut être approchée par
l’intégration numérique de l’équation (4) qui devient :
∆S = ∑
i
M i+1 − M i
⋅ ∆Bi
Ti+1 − Ti
(5)
M i +1 et M i sont respectivement les aimantations aux températures Ti +1 et Ti dans un champ
B. Toutefois, la variation d’entropie peut être également déterminée à partir des mesures de la
chaleur spécifique en utilisant la relation (6).
c P (T , B ) − c P (T ,0)
⋅ dT
T
0
T
∆S (T , B ) = ∫
(6)
La variation de la température adiabatique peut être mesurée directement par un système de
thermocouples ou déterminée indirectement à partir des mesures de la chaleur spécifique et de
l’aimantation. Dans des conditions adiabatiques la variation de l’entropie est nulle. Ainsi, à
partir des relations (2) et (3) et du second principe de la thermodynamique exprimé par :
 ∂S 
c P (T, B) = T ⋅  
 ∂T  B
(7)
La variation de la température adiabatique peut être écrite sous la forme :
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B
∆Tad (T, B) = − ∫
0
T  ∂M (T, B) 
⋅
 ⋅ dB
cP 
∂T
B
(8)
Ainsi l’utilisation et l’analyse des équations (1) à (8), permet d’obtenir des informations
cruciales sur les propriétés magnétocaloriques des matériaux solides.
Encadré 3: matériaux magnétocaloriques
Afin de proposer une alternative au gadolinium, des recherches se sont intensifiées ces
dernières années à travers le monde. Cette dynamique a conduit à la découverte, en 1997, de
nouveaux matériaux à EMC géant par Pecharsky et Schneidneir [4]. Il s’agit, des composés à
base de Gd5Ge2Si2 dont la particularité est de présenter des transitions magnéto-structurales
de premier ordre au voisinage de leur point de Curie. Ce type de transition de phase conduit à
des valeurs très élevées de la variation d’entropie contrairement au gadolinium qui présente
une transition de phase de second ordre. À titre d’exemple, sous un champ de 2 T, la variation
de l’entropie du composé Gd5Ge2Si2 à 276 K (TC) est de l’ordre de 14 J/kg.K, une valeur
presque trois fois supérieure à celle présentée par le gadolinium (5 J/kg.K). De plus les
matériaux à base de Gd5Ge2Si2 permettent de couvrir une large gamme d’applications par une
simple variation des concentrations de germanium et du silicium.
Bien que les matériaux Gd5(Ge1-xSix)4 présentent quelques inconvénients comme leur prix
élevé et une large hystérésis (dégradation de l’EMC), leur découverte a permis le
développement de nouveaux matériaux très performants et moins chers. Depuis 2002, des
avancées dans le domaine des matériaux sont significatives et très prometteuses pour les
applications. Ainsi des matériaux sans terre rare ou n’en contenant que très peu ont été
signalés, tels les composés à base de MnFeP1-xAsx [9], MnAs [10] et de LaFe13-xSix [11, 12].
L’hystérésis élevée et la toxicité du phosphore et de l’arsenic restent un grand obstacle pour
l’application des MnFeP1-xAsx et MnAs. En revanche, les composés à base de LaFe13-xSix
sont considérés actuellement comme la meilleure alternative au gadolinium en raison de leurs
excellentes propriétés magnétiques et magnétocaloriques, ainsi que de leur prix intéressant.
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