Cohésion sociale, famille, solidarités Les fiches Repères Famille, relations intergénérationnelles La jeunesse est la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Ponctuée d’expériences individuelles et de découvertes, elle participe à la construction progressive des individus dans leur rôle d’adulte. Si cette étape appelle à une autonomisation des jeunes, elle n’est pas dépourvue de liens étroits avec le cadre familial dont ils sont issus. Comment est donc appréhendée cette étape au sein des familles ? Quelles relations entretiennent les jeunes avec leurs parents ? Quel regard portent-ils sur leur famille et quelle famille construisent-ils ? Quels sont finalement les liens entre jeunes et familles ? La famille ou des modèles familiaux ? Selon l’INSEE, la famille regroupe sous un même toit les couples, mariés ou non, avec le cas échéant leur(s) enfant(s), ainsi que les adultes vivant seuls avec leur(s) enfant(s). Au sein d’une famille, il est donc question d’union, de filiation, de parenté et de cohabitation. Depuis une trentaine d’années, le modèle traditionnel familial est remis en cause par des mutations profondes initiées en partie par les jeunes eux-mêmes : ces derniers se détachent des formes traditionnelles et optent pour une vision plus libérale et moderniste de la famille que leurs aînés (partage des tâches ménagères, activité professionnelle féminine, nécessité de la bilatéralité parentale pour l’épanouissement de l’enfant, homoparentalité, etc.) [Jean-Hugues Déchaux in Galland, Roudet, 2012]. Il n’existe non plus un modèle de famille mais une diversité de situations familiales ( voir encadré 1). tableau 1 Aide financière familiale reçue rapportée à la consommation selon la catégorie sociale du ménage Consommation moyenne en € Petits indépendants 19 167 Cadres supérieurs, professions libérales 34 280 Professions intermédiaires 25 951 Employés 18 383 Ouvriers 19 457 Ensemble 22 934 Source : Observatoire des inégalités (à partir de l’enquête budget des familles, INSEE, 2000). © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mars 2013 Aide offerte en € 548 1 282 284 446 424 60 Part de la consommation en % 2,8 3,7 3,2 2,4 2,2 2,9 1 Cohésion sociale, famille, solidarités Les fiches Repères encadré 1 Quelle famille pour les jeunes d’aujourd’hui ? Vers la construction de sa famille ? L’image traditionnelle de la famille nucléaire est aujourd’hui dépassée par les évolutions qui traversent la société française. Si, traditionnellement, la famille était instituée par le mariage, elle lui préexiste désormais et revêt de multiples formes. Premier constat : les Français sont aujourd’hui moins nombreux à se marier (249 000 mariages en 2009 contre 416 500 en 1972, le plus haut niveau). S’il n’est pas encore totalement abandonné (entre 250 000 et 300 000 unions civiles annuelles en moyenne sur les quinze dernières années), le mariage est néanmoins contracté de plus en plus tard : l’âge moyen des mariés est passé de 26,8 ans chez les femmes et 28,7 ans chez les hommes en 1994 à respectivement 29,8 ans et 31,7 ans en 2009. Il est d’ailleurs bien souvent officialisé non pas, comme par le passé, avant l’installation en couple, mais après plusieurs mois, voire plusieurs années, de vie commune. Les jeunes couples ont également moins d’enfants que leurs parents (un à deux par famille), même si le taux de fécondité en France se maintient à un niveau relativement élevé (2,01 enfants par femme en 2010). L’âge moyen au premier enfant tend à reculer face à l’entrée plus tardive dans le monde du travail : autour de 30 ans pour les femmes qui, avec le développement de l’accès à la contraception, peuvent choisir le moment où elles désirent devenir mères, et autour de 32 ans pour les hommes. Dernier constat : les formes de la famille se diversifient. Les unions libres, le pacte civil de solidarité (PACS), les familles recomposées, les familles monoparentales ou encore les familles homoparentales deviennent plus fréquents. Source : INSEE, estimations de population et statistiques de l’état civil. Famille et valeurs des jeunes Malgré le processus de construction identitaire et d’autonomisation qui caractérise la période de la jeunesse, les jeunes restent toujours attachés à la famille. En 2008, 85 % d’entre eux la considéraient comme un domaine très important de la vie. Ils valorisaient l’idée d’affection et le respect et gardaient de fortes attentes envers leurs parents (Roudet, 2012). Cette place privilégiée de la famille dans les valeurs des jeunes Français concerne à la fois les relations intergénérationnelles (intérêt croissant pour les conditions de vie des membres de la famille, la solidarité familiale, le soutien mutuel) et les relations intragénérationnelles (importance croissante depuis les années 1980 de la fidélité au sein du couple), même si la dimension intergénérationnelle ne constitue plus aujourd’hui à leurs yeux un impératif moral. Jeunes et famille : le rôle des parents dans le devenir adulte Si les parents participent à la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge (socialisation primaire), leur rôle se poursuit tout au long de la jeunesse en tant que soutien dans le devenir adulte. La famille devient un lieu d’échanges et de services dont les liens avec les jeunes, à partir de leur adolescence et du processus d’individualisation qui la caractérise, ne sont jamais complètement rompus (Galland, 2011) : si la jeunesse est de fait marquée par de nouvelles expériences, des découvertes et la construction de l’identité, les jeunes expérimentent leur autonomie tout en restant sous « l’aile protectrice » de la famille. Ces liens persistent d’autant plus que l’entrée dans la vie adulte est aujourd’hui retardée par la prolongation de la scolarisation des jeunes et les difficultés d’insertion professionnelle : l’accès retardé à un premier emploi et l’installation plus tardive en couple, deux étapes aujourd’hui désynchronisées, rendent les jeunes plus dépendants de leur cercle familial (Galland, 2011). Aussi, la décohabitation est reportée et la famille devient un refuge et un soutien, notamment au niveau encadré 2 Entraide familiale et inégalités sociales Les transferts privés d’argent entre générations améliorent la situation économique des jeunes. Toutefois, les disparités sont fortes et le soutien financier des familles n’est pas de même niveau entre les classes les plus favorisées et les classes défavorisées. Aussi, la solidarité financière intergénérationnelle prolonge les inégalités sociales observées dans la société. © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mars 2013 2 Cohésion sociale, famille, solidarités Les fiches Repères financier, même une fois que les jeunes ont quitté le domicile familial (voir encadré 2). Les jeunes expérimentent donc l’autonomie même s’ils n’ont pas les moyens de leur indépendance (Singly de, 2004). Aujourd’hui, les liens familiaux se resserrent dans un contexte de crise : la frustration et la souffrance générées par le ralentissement vers l’accès à l’autonomie sont partagées au sein de la famille qui devient pour beaucoup une sphère de repli. Cette période de transition, à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte, fonctionne sur une socialisation familiale qui implique des relations de soutien réciproques entre jeunes et parents. Processus déjà entamé au cours de l’adolescence, cette nouvelle étape insère les jeunes au sein des générations. Les relations intergénérationnelles se trouvent alors conditionnées par le positionnement délicat du jeune entre enfant/adulte et autonome/dépendant. Famille, échanges intergénérationnels et politiques familiales Ces questionnements influencent l’action publique développée en direction de la jeunesse. Catégorie ne bénéficiant pas de statut social reconnu, les jeunes ne sont pas oubliés par les systèmes de solidarité nationale pour autant. Cependant, les aides, notamment financières, ne leur sont pas directement octroyées en fonction de leur situation individuelle, mais par l’intermédiaire de leurs parents ou en fonction du niveau de revenu de ces derniers. Aussi, la sphère privée, via la famille, devient l’un des vecteurs par lequel l’État assure une prise en charge de la jeunesse. Cette « familialisation » de la jeunesse renvoie « aux familles la prise en charge des problèmes de jeunes » (Cicchelli, 2007) : selon les points de vue, elle légitime les solidarités familiales ou alimente les dépendances générationnelles*. Marie Dumollard * Voir à ce sujet la fiche Repères de Francine Labadie consacrée aux ressources des jeunes. Bibliographie Bibliographie • Cicchelli V., 2007, « Les jeunes adultes en France : un débat politique et scientifique », in Loncle P. (dir.), Les jeunes. Questions de société, questions de politique, Paris, La Documentation française. • Singly F. de, 2010, Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Armand Colin, 4e éd. • Galland O., Roudet B. (dir.), 2012, Une jeunesse différente ? Les valeurs des jeunes Français depuis 30 ans, Paris, La Documentation française. • Galland O., 2011, Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin, 5e éd. • Van de Velde C., 2008, Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, Paris, Presses universitaires de France. • Van de Velde C. (dir.), 2010, dossier thématique « Jeunes d’aujourd’hui, France de demain », Problèmes politiques et sociaux, no 970. • Segalen M., 2010, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 7e éd. © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mars 2013 3