Le déroulement du mariage musulman - "Nikâh"

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Le déroulement du
musulman - "Nikâh"
mariage
Question : Pourriez vous me détailler les différentes étapes
du mariage religieux en Islam ?
Réponse : Dr Abdoul Karîm Zaydân, dans son ouvrage intitulé
« Al Moufassal Fî Ahkâmil Mar’ah », aborde de façon très
détaillée le déroulement du mariage musulman, ainsi que
certains aspects en rapport direct avec cette célébration. Ce
que vous allez lire ci-dessous est une synthèse de ses écrits,
complétée d’éléments provenant d’autres références, comme le
« Halâl wa Harâm » de Cheikh Khâlid Sayfoullâh et le « Fiqh
ous Sounnah » de Sayyid Sâbiq r.a. :
* Moment opportun pour le mariage ?
Le mariage peut se faire à n’importe quel moment de l’année :
Dans certaines régions du monde, on considère que les mariages
contractés durant quelques périodes déterminées ne sont pas
bénis. Ce genre de croyances est tout à fait contraire aux
enseignements de l’Islam et doit donc être dénoncé de la façon
la plus ferme.
Pour ce qui à présent de savoir s’il existe des occasions
particulières durant l’année où il est mieux que le mariage y
soit célébré, on peut trouver dans les ouvrages de Fiqh les
deux éléments suivants :
* Certains savants, parmi les « salaf sâlihin » (pieux
prédécesseurs, des trois premières générations), appréciaient
que le mariage religieux soit célébré un vendredi. C’était là
l’avis de Samoura Ibn Djoundoub r.a., Râchid Ibn Saïd r.a.,
Habîb Ibn ‘Outbah r.a… (Réf : « Al Moughniy » – Volume 6 /
Page 538)
* Selon d’autres savants, il est bien que le Nikâh ait lieu
durant le mois de Chawwâl, comme l’avait fait le Prophète
Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avec Aïcha (radhia
Allâhou anha). (Réf : « Char’h Mouslim » de l’Imâm An Nawawi
r.a. et « Ihyâ Ouloûmid Din » – Volume 2 / Page 36)
* Présence de personnes pieuses.
Des oulémas châféites ont émis l’avis qu’il est recommandé
qu’un groupe de personnes pieuses soit présent lors de la
célébration du « Nikâh », en sus des témoins. (Réf :
« Moughniy oul Mouhtâdj » – Volume 3 / Page 144)
* Khoutbat oun Nikâh.
Il est recommandé de débuter la célébration du mariage
religieux par la récitation d’une « Khoutbah », c’est à dire
d’un court sermon en arabe comprenant des formules de louange
d’Allah, de demande de bénédiction en faveur du Prophète
Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et quelques passages
du Qour’aane. La meilleure « Khoutbah » à réciter à cette
occasion est celle qui est rapportée par Ibn Mas’oûd (radhia
Allâhou anhou), qui relate que le Prophète Mouhammad
(sallallâhou alayhi wa sallam) leur avait enseigné de réciter
la formule suivante en cas de besoin :
« Louange à Allah ; nous le louons, nous lui demandons Son
aide et Son pardon. Et nous recherchons protection auprès de
Lui contre notre propre mal et contre le mal que nous avons
commis. Celui qu’Allah guide, personne ne peut l’égarer et
Celui qu’Il égare, personne ne peut le guider. Je témoigne
qu’il n’y a de divinité qu’Allah et je témoigne que Mouhammad
est Son serviteur et messager. » Puis on fait suivre la
Khoutbah des trois versets coraniques suivants : « O les
croyants, craignez Allah comme il le mérite, et ne mourrez
qu’en étant soumis » (Sourate 3 / Verset 102) – « O les
hommes, craignez votre Seigneur qui vous a créés à partir
d’une seule personne de qui il a créé son conjoint. Il a, de
ces deux (personnes), disséminé beaucoup d’hommes et de
femmes. Et craignez Allah au nom de qui vous vous demandez,
ainsi que les parentés. Allah observe ce que vous faites »
(Sourate 4 / Verset 1) – « O les croyants, craignez Dieu et
tenez des propos droits, Dieu réformera vos actions et
pardonnera vos péchés. Et celui qui suit ce que Dieu et son
Prophète (ont dit), celui-là a réussi d’un énorme succès. »
(Sourate 70 / Verset 71) (Réf : Ibn Mâdja, Abou Dâoûd, entre
autres…)
Il est à noter que la lecture de cette « Khoutbah » n’est pas
nécessaire (« wâdjib ») lors du « Nikâh » selon la majorité
des savants, contrairement à ce que soutiennent certains
oulémas comme Dâoûd Adh Dhâhiriy r.a. (Voir à ce sujet les
écrits de l’Imâm Tirmidhi dans ses « Sounan », et de Ibn
Qoudâma dans « Al Moughniy » – Volume 6 / Page 537) En effet,
certains Hadiths relatent des mariages (comme par exemple
celui entre un homme des « Bani Soulaym » et Oumâmah bint
Abdil Mouttalib – Réf : « Sounan Abi Dâoûd ») qui avaient été
conclus en présence du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi
wa sallam), sans qu’une quelconque « Khoutbah » n’ait été
prononcée en préambule.
* Accord entre l’homme et le représentant de la femme.
Après la Khoutbah, l’accord entre l’homme et la femme (par le
biais de son représentant, à qui elle aura fait part
préalablement de son consentement ; à noter que certains
savants permettent que l’accord soit conclu directement entre
les futurs époux…) portant sur leur volonté de s’unir et
devenir époux, sera nécessairement exprimé lors de la
cérémonie du mariage. Cet agrément constitue en fait le
« cœur » (« roukn ») même du mariage islamique. Pour que
celui-ci soit considéré comme étant valide suivant la
jurisprudence musulmane, il faut surtout que :
* les deux personnes contractant le mariage soient sensées et
responsables.
* l’échange de consentements – la « proposition » et
l' »acceptation » / « al îdjâb wal qouboûl »- ait lieu au
cours d’une même assemblée -madjlisoun wâhid. (Il est à noter
que les avis divergent quelque peu entre les savants
concernant ce qui est considéré comme faisant partie ou non
d’une « même assemblée » et concernant la nécessité ou non
que l’acceptation suive immédiatement la proposition ; mais
il s’agit là de détails d’ordre secondaire que je ne
détaillerai pas ici par souci de concision…)
Dans la pratique, voici comment se déroule la plupart du temps
l’accord du mariage :
L’Imâm (qui est, souvent, celui qui célèbre le mariage…
quoique cela ne soit nullement indispensable, celui-ci pouvant
être accompli par n’importe quel autre musulman…) demande, en
présence de deux témoins minimum, au responsable de la future
mariée s’il donne celle-ci en mariage au jeune homme présent.
Après son approbation, il demande au jeune homme s’il accepte
de prendre la fille désignée comme épouse, en rappelant à
chaque fois ce qui a été fixé pour le « Mahr » (dot). Dès que
l’accord est exprimé de part et d’autre, le mariage est
conclu.
* Présence de témoins.
L’accord du mariage en Islam doit se faire nécessairement en
présence de témoins (deux au minimum) : Cette condition a été
énoncée par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa
sallam) lui même dans plusieurs Hadiths, rapportés notamment
par Ibn Abbâs (radhia Allâhou anhou) (Tirmidhi), Aïcha (radhia
Allâhou anha) (Bayhaqui), ‘Imrân Ibn Houssayn (radhia Allâhou
anhou) (Nayl oul Awtâr). Après avoir cité le Hadith de Ibn
Abbâs (radhia Allâhou anhou), l’Imâm Tirmidhi écrit : « Et la
pratique des savants parmi les Compagnons (radhia Allâhou
anhoum) et ceux qui les ont suivi, que ce soit les Tâbéines et
les autres est en accord avec ce Hadith ; ils disent : « Point
de mariage sans témoins » (…) »
Cet avis est celui de Oumar (radhia Allâhou anhou), comme en
témoigne la Tradition présente dans le Mouwatta de l’Imâm
Mâlik r.a. et qui relate que l’illustre Compagnon (radhia
Allâhou anhou) avait une fois refusé de reconnaître la
validité d’un mariage qui avait été conclu sans témoins. C’est
là également la position de Ali (radhia Allâhou anhou), Ibn
Abbâs (radhia Allâhou anhou), Saïd ibnoul Moussayib r.a., Al
Hassan r.a., An Nakhaï r.a., Qatâdah r.a., Ath Thawri r.a., Al
Awzâï, ainsi que celle des savants de l’école hanafite,
châféite et hambalite : Selon eux donc, tout mariage conclu
sans la présence de témoins est invalide.
Face à cet avis largement majoritaire, on trouve une autre
opinion : Celle-ci, défendue par les oulémas de l’école
mâlékite, soutient que la présence de témoins durant la
célébration du Nikâh n’est pas une condition de validité pour
le mariage ; ce qui est nécessaire, c’est que des témoins
soient présents lorsque les époux se rencontrent, l’essentiel
(« maqsad ») étant que la nouvelle du mariage soit connue
(« i’lân »). Néanmoins, on peut opposer à ce second avis le
fait que les Hadiths n’ont pas seulement imposé le « i’lân »
du mariage : Ils ont également mentionné différents niveaux
pour ce « i’lân », le premier et le plus important étant la
présence de témoins lors du « Nikâh ».
Il est à noter que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi
wa sallam) a également donné des recommandations visant à
faire en sorte que la nouvelle du mariage se répande le plus :
Il a ainsi demandé à ce que la célébration du Nikâh se fasse
dans une mosquée, que le mariage soit annoncé et que l’on
fasse usage du tambourin (douff) après. (Tirmidhi)
Cette dernière recommandation concernant l’usage du tambourin
à l’occasion du mariage est mentionnée dans de nombreux
Hadiths. Certaines Traditions relatent encore que, lors des
mariages à l’époque de la Révélation, il y avait également des
chants (licites). On trouve une allusion à cela par exemple
dans le Hadith rapporté par l’Imâm Boukhâri r.a. et dans
lequel Roubayyi’ bint mouawwidh bin ‘afrâ (radhia Allâhou
anha) raconte que, lors de la cérémonie qui fut organisée
lorsqu’elle rejoint son mari, il y avait des fillettes qui
chantaient et qui faisaient usage du douff. Dans un autre
Hadith rapporté par Aïcha (radhia Allâhou anha), il est
mentionné que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa
sallam) s’enquit auprès de celle-ci de la raison pour laquelle
elle n’avait pas envoyé des fillettes pour accompagner, avec
chants et tambourin, une nouvelle mariée qui allait rejoindre
son époux. Il avait à cette occasion rappelé que les ansâr
aimaient bien le divertissement. (Boukhâri, avec les
commentaires de Ibn Hadjar r.a.)
Il convient de souligner cependant que cette recommandation du
Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) concernant
le divertissement ne s’étend bien évidemment pas à la musique
et les chants qui ne sont pas licites. (Lire à ce sujet
l’article suivant : La musique est-elle permise en Islam… ?)
Enfin, rappelons encore que, selon de nombreux oulémas, il
n’est pas permis aux femmes de chanter en présence d’hommes
étrangers, car cela constitue un facteur de tentation et il y
a une règle juridique qui préconise que « ce qui conduit à
l’interdit est aussi interdit ».
* Félicitations et invocations.
La célébration du « Nikâh » prend fin avec des invocations qui
sont faites en faveur des nouveaux mariés. Dans un Hadith de
Abou Houraïra (radhia Allâhou anhou) (cité par Tirmidhi, Abou
Dâoûd et Ibn Mâdja), il est indiqué que lorsque le Prophète
Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) présentait ses
félicitations à quelqu’un qui venait de se marier, il faisait
les invocations suivantes en sa faveur : « Bârakallâhou lak wa
bâraka ‘alayk wa djama’a baynakoumâ fî khayr » – « Qu’Allah
t’accorde Sa bénédiction, et qu’Il envoie Sa bénédiction sur
toi et vous unisse tous les deux dans le bien. »
* Walîmah.
Après la cérémonie du mariage, il est recommandé de préparer
un repas (en fonction de ses moyens), appelé « Walimah », et
d’y convier les membres de la famille et les personnes
démunies. (Certains savants de l’école châféite sont d’avis
qu’il est nécessaire de faire le « walîmah ».)
Le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) lui même
avait fait le « Walîmah », et il avait également recommandé à
ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum) de le faire (Voir
notamment le Hadith de Abdour Rahmân Ibné Awf (radhia Allâhou
anhou) évoquant cela dans le Sahîh Boukhâri.)
Il y a des divergences sur la question de savoir à quel moment
ce repas doit avoir lieu : Certains savants sont d’avis que
cela se fait après la cérémonie et avant la consommation du
mariage, tandis que d’autres pensent qu’il se fait après que
l’union ait été consommée. (Il y a également d’autres avis qui
ont été émis… Voir à ce sujet les détails présentés par Sayyid
Sâbiq r.a. dans son « Fiqh ous Sounnah » – Volume 2 / 373)
Ibnous Soubouki r.a. rappelle néanmoins qu’en ce qui concerne
le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), le
« Walîmah » avait lieu après la consommation du mariage. (Réf
: « Al Moufassal » – Volume 6 / Page 151)
Par ailleurs, il est très important de souligner que le repas
du « Walîmah » (et la réception organisée à cette occasion)
doit se faire dans le strict respect des préceptes islamiques.
Les savants condamnent ainsi les dépenses excessives et le
gaspillage dans la réalisation du « Walîmah ». Il ne faut pas
non plus que cette réception revêt une dimension ostentatoire.
Comme indiqué précédemment, le « Walîmah » sera organisé selon
nos moyens : Néanmoins, on veillera à ne pas y convier
exclusivement des personnes aisées, en excluant les pauvres.
Abou Houreïra (radhia Allâhou anhou) condamnait cela
sévèrement en disant : « Le pire des repas est celui du
« Walîmah » auquel on n’a invité que les riches et délaissé
les pauvres (…) » (Boukhâri) Des propos allant dans le même
sens sont rapportés de Ibn Abbâs (radhia Allâhou anhou) et Ibn
Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) (« Fath oul Bâriy » – Volume 9
/ Pages 244 et 245)
En ce qui concerne la personne qui reçoit une invitation
personnelle au repas du « Walîmah » (da’wah khâssah), selon
pas mal de savants, il lui est obligatoire d’honorer celle-ci
– sauf s’il a une excuse valable pour ne pas le faire ; c’est
le cas par exemple lorsqu’il y a des choses illicites dans la
réception et qu’il ne peut rien faire pour qu’elles soient
enlevées -Pour d’autres exemples d’excuses valables, voir les
propos de Ibn Hadjar r.a., cités par Sayyid Sâbiq r.a. « Fiqh
ous Sounnah » – Volume 2 / Page 374-375) : Cette opinion est
rapportée notamment des savants de l’école châféite, de
l’école hambalite et de l’Imâm Mâlik r.a. ; certains, comme
Ibn Abdil Barr r.a., Qâdhi Iyâdh r.a. et l’Imâm An Nawawi r.a.
sont même allés jusqu’à évoquer un accord entre les savants à
ce sujet. Mais Ibn Hadjar r.a. remet en question ce dernier
point, étant donné qu’il y a bien des savants qui sont d’avis
que le fait d’accepter l’invitation du « Walîmah » n’est pas
obligatoire, mais seulement recommandée : Cheikh Khâlid
Sayfoullâh r.a. affirme que c’est là la position des oulémas
hanafites en général (il cite comme référence à ce sujet les
« Fatâwa Hindiyya », Volume 5 / Page 343).
Voici donc les grandes lignes du déroulement du mariage
religieux en Islam.
Wa Allâhou A’lam !
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