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Du grec uncien au xrrc moderne
7
ASPECTS DU GREC MODERNE
Irène TSAMADOU-JACOBERGER & Sophie VASSILAKI
RÉSUMÉ
Notre présentation porte sur des ph6riornène.s lin~uistique,s-repères,
autour desquels, nous
semble-t-il, est construite toute la problémutique d6velopple uctuellement sur le grec moderne.
Duns cette perspective, nous uhordons successivemc~ntlu question de l’évolution de lu langue en
rupport uvec son @tutactuel, des yuesfions likes aux critégories grunimuticales fondumentules du
nom et du verhe (tr,mp.s et dirithèse), et, enfin, qicelqucs uspects de la subordinution.
ABSTRACT
Our pre.sentationfocuses on muin linguistic phenomena on which is centred, to our mind,
recent reseurch into Modern Greek. From this viewpoint, we consider successively the issue of
the l u n p u p evolution related to the Innguugc of toduy us well us is.sicesfalling within the fielù of
the noun, thc verb (tense und voice) und the subordintition.
1. DU GREC ANCIEN AU GREC MODERNE
1.1. Périodisation
Lorsqu’on évoque l’histoire de la langue grecque depuis ses débuts jusqu’à sa
forme actuelle, le grec moderne, on distingue habituellement quatre étapes dans son
évolution et sur cette base on établit la ‘chaîne’ : <grec classique - grec hellénistique
commun, la koiné (KOLV~]
S L ~ ~ K T O -Sgrec
)
médiéval - grec moderne>, “sans aucune
rupture de continuité”, selon l’expression de Mirambel.
Afin de préciser le contenu de ces étapes, notamment à partir de la koiné
hellénistique jusqu’à nos jours, nous citerons, i titre d’exemple, la datation proposée par
Tonnet (1003, pp. 20-22), qui, s’appuyant sur des critères à la fois linguistiques et
historiques, s’inscrit dans la tradition instaurée dans ce domaine par les travaux
d’Andriotis et de Browning’. Partant du principe que “théoriquement la koiné
alexandrine se parle encore aujourd’hui”, Tonnet considkre les différentes périodes qu’il
propose comme des “étapeh” dans l’évolution de la koiné :
-.
I
~ « u renvoyons
s
~e lecteur a u x principaux ouvrages consacrés 5 i’tiistoire tic ~ ilangue
l
grecque,
dans Icscliiels i l trouvera tous I C \ coniiiientairc\ des datations ainsi que tous les éléments
pcrmettant de comprcndrc les phbiiomknes fondainentaux dans I’bvolution de la langue q u i
sont bvoqués ici de maiiii.re succincte. II s’agii. dans l’ordre de leur parution, de Browning
(1969). Uabiniotis (I985), Andrioti\ (1002) et Tonnet (l903).
8
Irkne 7Samudou-Jucoberh.er& Sophie Vussiluki
(i) Période macédonienne et romaine: de la mort d’Alexandre 323 av. J.-C. à la
conquête arabe de l’Égypte (642 : prise d’Alexandrie).
(ii) Période obscure : du VIe au XIe siècle. À la fin de cette période le grec
moderne est déjà formé : un Grec d’aujourd’hui comprend la langue populaire du milieu
du XIIe siècle (poèmes prodromiques).
(iii) Période du grec médiéval : XIIe siècle - 1453 (prise de Constantinople par
les Turcs).
(iv) Période de l’occupation turque : XVe - début XVllIe siècle.
À partir du XVIIIe siècle, période du grec moderne.
D’une manière générale, on considère donc que le grec moderne a ses racines
dans le grec ancien et les fondements de sa structure actuelle dans la koiné alexandrine.
Sa structure se dessine pendant la période médiévale et se stabilise dans la période qui
suit, c’est-à-dire, en gros, à partir de la fin du 18e siècle jusqu’à la période actuelle2.
Cela signifie qu’on admet l’invariance d’un certain nombre de structures
fondamentales (rôle de l’accent, flexions, opposition aspectuelle ‘présent-aoriste’), les
changements prenant plutôt la forme de I’aduptation (évolution du système phonétique,
redistribution dans les déclinaisons) ct du renouvellement (notamment dans la catégorie
du verbe : nouveau subjonctif, nouveau futur, nouveau parfait) que de la rupture.
L’évolution de la langue grecque fut donc longue, lente, régulikre et conservatrice quant
a u rythme de son renouvellement interne-’.
Mais la formule de Mirambel “sans aucune rupture de continuité”, ne règle pas,
nous semble-t-il, le problème de la continuité de la langue4, autrement dit, la question
En ce qui concerne l’évolution de la langue orale, cf. Browning (1969, p. 20) : “Periodisation of
the history of the spoken language is (. ..) difficult, and inevitably only approximate. It is clear,
however, that behind the curtain of traditional linguistic uniformity, the modern Greek
language had largely assumed its form by the tenth century.”
Cf. Browning (1969, p. 12) : “Perhaps connected with this continuous identity over some three
and a half millcnia is thc slowness of change in Greek. I t is still recognisably the same
language today as it was when the Homeric poems were written down, probably around 700
B.C., though i t must be observed that the traditional orthography masks many of the
phonological changes which have taken place. The continuity of lexical stock is striking though here too things are not as simple as they seem at first sight. And though there has been
much rearrangement of niorphologicnl patterns, there has also been much continuity, and
Greek is quite clearly even today an archaic, ‘Indo-European’ type of language, like Latin or
Russian, not a modern, analytical language, like English or Persian. Earlier stages of the
language are thus accessible to speakers of later stages, in a way that Anglo-Saxon or even
middle English is not accessible to speakers of modern English.”
Question fort débattue actuellement en Grèce (cf., entre autrcs, l’article du linguiste A.-F.
Christidis dans le journal “To Vima” (29.01.95 : “Mythes nationalistes”). L’analyse de G.
Drettas (1994, p. 221) concernant la tradition dans les études portant sur IC grec post-classique
et moderne nous semble bien résumer le problème : “Cette tradition, qui remonte aux dernières
décennies du siècle dernier, a élaboré une Vulgate doni l’élément essentiel est constitué par la
croyance en une koiné homogène issue du dialectc attique. Les variétés modernes sont conçues
comme des rejetons de cette langue mère prestigieuse, et la relation généalogique qui les unit
garantit l’unité profonde du domaine linguistique grec ii travers l’histoire. L’idéologie
unitariste du grec commun résistant ii la longue durée s’est constituée dans la mouvance
politique du dénioticisme et, depuis lors, elle entretient une grande méfiance vis à vis des
méthodes et des analyses de la linguistique actuelle, dans la mesure où la pratique scientifique
Du grec ancien au grec moderne
9
du rapport entre grec ancien et moderne, au moins telle qu’elle a été posée par une
certaine tradition (cf. Mirambel, entre autres, 1980a, Tonnet 1993, p.168) : grec
moderne, langue nouvelle issue du grec ancien ou forme actuelle d’une langue qui
“n’est pas morte”. On sait que le problème est en réalité beaucoup plus complexe. Un
élément fondamental dans l’évolution du grec consiste sans doute dans le fait que toute
son histoire est marquée 2 la fois par la diversification et la convergence (notamment
dans la formation des langues communes).
11 y a en effet, d’un côté :
- diversification dicilectule à différentes époques : période antique, XlIe siècle
( o n date de cette époque, 1204, prise de Constantinople par les Croisés, l’apparition des
dialectes grecs modernes), XVIle/XVIlIe siècles (développement de parlers régionaux
et expansion de la pratique des dialectes : Heptanèse, Constantinople, Smyrne, etc.).
- diglossie, c’est-à-dire une forme de rupture autour de l’ère chrétienne entre la
pratique courante de la langue et sa fornie écrite en grec atticisant, ce qui provoque une
réaction de retour à une langue “correcte” (‘dites A et non B”, cf. Browning 1969, p. 49
sv.). C’est 12 que trouve son origine, aux alentours du Ile siècle, le mouvement atticiste
auquel participent non seulement les intellectuels païens, mais aussi les Pères de
1’6glise yu’ Andriotis appelle ~ O L J U ~ T ~ ~ (“nourrissons
+ E ~ S
des muses”) parce qu’ils
étaient élèves des écoles de rhétorique grecque du I v e siècle.
De l’autre côté, o n observe, à dittérentes époques également, la tendance 2 la
formation d’une langue conimune:
- la koiné alexandrine,
- In langue coniiiiiine orale de la période byzantine (langue de la poésie
po6iries prodrorniqiies, Xlle sikcle), qui subit elle aussi une rupture aux XlVe et XVe
siecles (ronians de chevalerie), nianifestCe par l’apparition d’une nouvelle versification
fondke sur l’intensité. 11 s’agit de la création d’une nouvelle structure rythmique fondée
sur l’alternance : syllabe accentuée - syllabe atone, (rythme iambique, vers h quinze
syllabes : TTOXLTLKOÇ IJT~XOS, quatre mètres - coupe obligatoire - trois mètres - syllabe
atone).
- la tentative de formation de dialectes standard
compris par tous l e s Grecs6,
comme la koiné littéraire crétoise7 .
’
pourrait remettre en cause certains objets de la croyance.” Cependant, selon Christidis, cité cidessus, c’est cet “argument mythique de la langue unique i travers les siècles” q u i justifierait
actuellement la politique du retour à l a katharévousa et i l’enseignement du grec ancien
cornme langue de référence.
Cf. Browning (1969) : “The third period, from the fifteenth century to 1821, is one in which, f o r
all the relative abundance of material, it is not easy to detect developments in the spoken
tongue. To it belong the formation of a more o r less standardised Cretan literary dialect, its
replacernent by an incipient literary language in the Ionian Islands, and the first steps toward
the creation of modern standard demotic.’’
15 Vers le XlVe siècle, cf. Tonnet (1993, p. 70) : “C’est précisément la période pendant laquelle,
échappant au facteur de régularisation qu’était la présence partout du grec archaïque de
l’administration byzantine, la langue parlée dans les provinces occupées par les Francs
(Français ou Vénitiens) s’est différenciée en dialectes. La pression de la culture antique
disparaissant, et peut-être I’exeniple français aidant, une culture en langue ‘vulgaire’ se fait
jour. En témoignent les Chroniqucs et Ici, Romans de chevalerie grecs.” P. 83 : “Les raisons
qui ont alors favorisé la rédaction de p o h e s en langur vulgaire cn Crète sont les niCrnes que
celles q u i aviticnt donrii. naissance i I;I Chronique de Morée el aux romins de chevalcric
Irène Tsumadou-Jacoberger & Sophie Vassilaki
10
Après ces généralités, nous allons esquisser deux étapes de l’évolution du grec
vers sa forme actuelle :
(i) celle de la koiné par rapport à l’attique du Ve siècle, c’est-à-dire les
changements qui annoncent les développements ultérieurs;
(ii) celle de la période médiévale où se mettent en place les structures du grec
moderne.
1.2. La koiné
- Disparition du système des quantités : La très ancienne opposition phonologique entre
voyelles longues et brèves disparaît progressivement. À partir du 2e siècle av. J.-C., le
système des quantités commence à ne plus fonctionner, comme le montrent les
premières fautes d’orthographe dans les inscriptions (~rp6uosrov pour mpOa WTTOV). Ce
phénomène important semble lié au changement de nature de l’accentuation (cf. Tonnet
1993, p. 26).
- AccentuationX:De nature fondamentalement musical, l’accent amorce son évolution
vers un accent d’intensité (accent dit dynamique), vers le lIIe siècle de notre ère. Dans
la chaîne, ceci a entraîné un allongement relatif de toutes les voyelles accentuées et un
abrègement relatif de toutes les voyelles atones. Les voyelles n’avaient plus de quantités
propres indépendantes de leur accentuation. L’accent unique du grec moderne, qui au
niveau de l’échelle sonore se réalise plutôt comme aigu, date de cette période.
- Disparition de l’aspiration ( + i X w a i ç ) : Dès le Ille siècle on observe des défauts
d’assimilation devant initiale aspirée ( K a T ’ EKaaTov, K a T ’ jpk) ou au contraire des
aspirations sans fondement : ;+’ ETOÇ (au lieu de <IT’ ETOS), p û ’ aVpiov (au lieu de
P E T ’ afipiov). En grec moderne les assimilations d’aspiration - ou plutôt leur trace
consistant dans la présence d’une fricative au lieu de l’occlusive étymologique relèvent d e l’identité lexicale du mot. la conscience linguistique synchronique ne les
percevant pas comme des assimilations (elles peuvent être masquées par des graphies
en un seul mot comme dans a+oC, KaûoXou, K a û h , etc.). Quant aux formations
récentes, seule la langue savante y introduit artificiellement le souvenir de l’aspiration
(srpwûmoup-y6s ‘premier ministre’, de TTPWT-~JTTOU~YOÇ),alors que la dimotiki n’en fait
rien (an ’ O,TL [ i p w ) .
grecs à l’époque précédente. Dans ces régions ‘franques’ les
Grecs cultivés avaient accès aux littératures de leurs conquérants et y trouvaient des exemples
2 imiter. II leur suffisait, pour créer i leur tour, de puiser dans le vaste fonds de la poésie
populaire orale grecque et d’emprunter des canevas fournis par l’étranger. Le grec parlé
acquiert là les lettres de noblesse que Byzance lui avait le plus souvent refusées.”
( L T T T I O T L K ~puûtaTopipaTa)
Cf. Mirambel (1980a, p. 1091, col. I): “... les racines de la littérature néo-hellénique
s’enfoncent dans la période byzantine. Or, une ligne de démarcation étahlie au Xe siècle ne
serait, dans une certaine mesure, que conventionnelle. A partir de ce siècle, le nouvel esprit,
tout en coexistant avec l’ancien longtemps encore, ne cesse dc lutter pour son
affranchissement: il s’agit de dép er les contradictions culturelles, d’arriver à une synthèse à
la fois nationale et linguistique. Parfois cette synthèse f u t partiellement atteinte (littérature
crétoise, chansons populaires). Mais Ics antinoniies de la société grecque aont trop profondes
pour pcrmetirc une conciliation dkfinitive au seul niveau de la superstructure.”
Sur l’accentuation du grec moderne, on peut consulter le livre de H. Tonncl (1984), dans lequel
on trouve égalcinent une brèvc histoire dc l’acceniuation du grec.
Du grec uncien uu grec moderne
II
- Modifcution de la prononciution des voyelles (iotucisme) et des consonnes :
Les diphtongues à 2e élément iota se prononcent [e] ( a i ) ou [il ( E L ,01, UL).
Les diphtongues au, EU se prononcent [af], [efl devant consonne sourde et [av],
.
.
[ev] devant consonne sonore ou voyelle.
.Les consonnes occlusives sonores [b], [g], [d] ont évolué en continues, et les
anciennes aspirées [ph], [kh], [th] ont eu le même sort, ce dont témoignent des graphies
latines comme
etc.
.Les voyelles simples ont conservé leur prononciation ancienne, excepté q qui
Fyllis, Filippus,
se pronconce [il et U qui se prononcera [y] jusqu’au Xe siècle.
.Outre ces altérations, il y a aussi des phénomènes d’amuïssement. Nous
mentionnerons simplement le cas de la voyelle O atone dans les finales -10s (noms
propres), -LOU : AuTWUL(O)~,
.rrorilpi(o)u, .rraiôi(o)u.
- Autres chungernents
A) Dans le domaine nominal :
- Multiplieution des dirninutgy, qui jouera un rôle important dans la redistribution
des déclinaisons. À partir du suffixe de base -LOUon obtient -iôiou, -aôiou, -oirôiou,
-apiou, -a$iou, -U$LOU, -UKLOU ( - ~ K L -6ôp~ou.
),
(Cf. Andriotis 1992, p. 48).
- Dispurition totale du duel.
- Remplacement progressif‘ du dutif par le génitif (pronom personnel), par
l’accusatif et par les groupes prépositionnels.
- Sirnplijïcution et recul d~ lu -?e dklinuison par remodelage analogique
(auahoyiK6s ptTarrXaap6s) sur la base de la l e déclinaison qui va progressivement
absorber des pans entiers de la 3e : apparition d’un nouvel accusatif avec généralisation
du -U final (TOU .rraTipau, TOU a-ra-rijpau, T ~ ] U ûuya-ripau, etc.), puis à partir de là,
création d’un nominatif nouveau : h naTipas, fi BuyaTÉpa, fi u6K-i-a (sur le modèle
Tapiaç - TaKiau pour le masculin, $&pa - fiLipau pour le féminin).
- Autre phénomène important (qui va jouer un rôle plus tard) : plutôt que de
modifier la morphologie, on préfère, quand deux mots sont en concurrence pour la
même notion, éviter celui q u i appartient i la 3e déclinaison (Tonnet 1993, p. 29). On
emploie irp6BaTou ‘mouton’ à la place de ds, gén. o i k , -rrXo^Lou ‘bateau’ à la place de
uaiiç, gén. U E & , etc. (liste dans Andriotis 1992, pp. 54-55).
- On note enfin divers changements par nivellement analogique :
à la place de l’article féminin ai apparaît la forme du masculin oi (01
.
auôptç Kai
yuualK€s).
.les féminins de la l e déclinaison en -a bref (4 SOEa) forment désormais
leur génitif non plus en -qs mais en
.De même, les masculins de la le déclinaison en -as remplacent le génitif
O1
-as.
-ou par une forme en - a : b T a p i a s , TOÛ Tapi-ou > TOÛ 7 a p i - a . Même phénomène
,
TT~ED~EUTO>
Û -fi.
avec les masculins en -qs,6 . r r p ~ a B ~ u f i sTOÛ
La désinence - E S du nominatif pluriel de la 3e déclinaison ( a u ô p ~ s ,
y u u a k e s ) remplace celle de la l e déclinaison; oi Tapiai > oi Tapies. Ce changement
se généralisera plus tard. Du nominatif, cette désinence s’étend à I’aïcusatif, les deux
cas cessant ainsi de se différencier formellement : oi p f j u ~ s - TO^ p f j u ~ s .
Enfin, plusieurs féminins en -0s deviennent masculins : i>
6 TrAaTauoy,
i > h yir+oç, 4 > i) K i 6 p o ç .
.
.
12
lrPne Tsamaduu-Jacuberger & Sophie Vassilaki
B) Dans le domaine verbal :
- Les verbes uthématiques en -PL sont remplacés par des thématiques non-contractes (verbes dits barytons, formant la première conjugaison). Aiôwpi > SiSm,
&qlqpL > a+;w.
- Les désinences de l’aoriste sigmatique (-a, -as, - E ,
-ap~v,
-aTc, -au)
s’étendent aux aoristes thématiques (&na, dôapev, fiXBav, etc.).
- Le subjonctif commence à perdre son identité morphologique par suite d’une
homophonie entre certaines de ses formes et les formes correspondantes de l’indicatif.
Parallèlement s’amorce l’évolution qui conduira au subjonctif à prémorphème va,et
plus tard, par contrecoup, au futur périphrastique en &.I
- Amorce du processus de disparition de l’infinitif, remplacé, dans certains de
ses emplois, par une subordonnée au subjonctif avec la conjonction ‘[va qui perd
progressivement sa valeur finale ( O ~ K tipi 6Eioç 1y-a -A&g ‘je ne suis pas digne de
ddier’ ).
- Confusion entre parjiuit et aoriste.
- Lefutur synthdiyur disparuîr progressivement et fait place soit à des formes de
l’ancien subjonctif, soit au présent de l’indicatif.
- L’optatifà valeur d’irréel/potentiel sort progressivernent de l’usage.
C) Syntaxe :
- Lu coordination l’emporte sur la subordination (Fpxou ~d L S t ‘viens et vois’,
au lieu de EAûWv Bi,litt. ‘étant venu vois’).
- Lu complétive avec O n suivi d’un verbe persunnc.1 supplante les tours au
participe ou à l’infinitif après les verbes du type “voir”, “entendre”, “croire” : K a \ &)EL
%L QKOAOU~G,
‘tu verras qu’il suit’ p i v o p i q ~ tOTL GAûou KaTaAÛOaL TOV v6pov
‘ne croyez pas que j e sois venu.. .’. Noter aussi l’emploi de nrOs dans : &LIT~)YYELAE ô&
$pYv rrc;ls cl%U TOV Z y y ~ A o v i v T@ OLKW ab-roû a-raûiv-ra ‘il nous a annoncé
qu’il avait vu.. .’).
- Reprise typiquement néohellénique de l’article défini : TO 8Aov TO rpâypa
(cf. grec moderne i, K a A k 0 nadpas).
- Reprise d’un nom défini par un pronom enclitique : cf. grec moderne TO
ypappa TO iaTcLXa (Andriotis, 1992, p. 54).
- Début de l’emploi redoublé des mots ( G i r X w a ~ ç )pour exprimer une valeur
660
,
o+66pa. Tax6 mX6) ou distributive (~Ic~ijABov
intensive ( ~ P T L U ~ T L a+66pa
6 h , etc.).
- Plusieurs verbes qui étaient soit transitifs, soit intransitifs commencent à avoir
un double emploi; certains verbes actifs s’emploient à la place de verbes moyens.
Comme on le verra plus loin, la conjugaison de ces deux changements va jouer un rôle
décisif dans la structuration de la catégorie de la diathèse en grec moderne.
- Extension de l’accusatif d’objet, qui supplante le datif ou le génitif - évolution
qui entraîne à son tour (cf. ci-dessous) l’extension de l’emploi des prépositions
(notamment de 6 ~ ~ 6 ) .
Selon la formule d’ Aridriotis, la koiné, dans sa variété orale et son unicité en tant
que langue écrite, serait u n tissu constitué d’une chaîne polychrome (les anciens
dialectes) et d’une trame unie (l’attique).
1.3. Période médiévale
Cornnie o n l’a v u , il est difficile, voire impossible, d’établir des limites
chronologiques précises dans l’évolution de la langue, surtout en ce qui concerne cette
13
Du grec ancien au grec moderne
longue période dite médiévale, que la pauvreté relative de notre documentation a fait
considérer comme la période “obscure” de l’histoire du grec ... On considère
généralement, de manière tout à fait conventionnelle, que cette période médiévale
couvre, en gros, un espace de 10 siècles (du 1Ve au XVe siècle) durant lequel il y a,
d’une part, stabilisation des changements survenus antérieurement et, d’autre part,
apparition de phénomènes nouveaux mais, encore une fois, s’inscrivant dans un
processus évolutif “sans rupture de continuité”.
Au niveau phonétique :
- Le processus d’iotacisme s’achève : q est déjà [il, sauf dans quelques dialectes
où il a gardé sa prononciation ancienne; U et 01, qui se prononçaient déjà [y], deviennent
[il ii partir du Xe siècle.
- w devient ou dans plusieurs mots : [oupiu, KXOUP~U, K O U U O ~ ~ I T L Uetc.
,
- K et IT devant T deviennent x et
respectivement; il s’agit d’un phénomène
caractéristique de la phonétique du GM, la dissimilation des consonnes occlusives en
contact (à partir du XIVe siècle, cf. Tonnet 1993, p. 70-71) : u h q a > u U c a , T E $ >
+
(#IT+.
- 8, après
htadq>~
4, x
et U ? devient
T
:va ô ~ @ o U p
> v~ a Ô E X T O U ~ E , @auw > ~
T ~ U W ,
T T L ~ ~ T ~ .
- I x s nasales p et U cessent d’être prononcées devant les spirantes : uUp+q >
ITcueEpos> ITEoEpk.
- Signalons enfin l’apparition sporadique du phénomène d’aphérèse de l’initiale
vocalique dans les verbes, les noms et les particules (prépositions, conjonctions, etc.) :
pLipa< qptpa, p a ~<i O ~ ~ C ~ T L O U , < i p ~ ~ ÔEU
ô , < o i ~ ô i v ,ITOU< ~ I T O U , u a v <
Wuhu, etc.
Duns le domuine nominal :
- La fusion de la l e et de la 3e déclinaison est désormais accomplie dans les
masculins et les féminins.
Duns le domuine verbal
- Évolution affectant l’usage et ia piace de l’augment : t!p€uVÛTo,
&KQTEÔiX€TO,
klTEpLTTaTqauU.
- Formation de nombreux présents en -vu remplaçant des formes anciennes sans
-U- : Gipuw, KXEiUW, (#Iipvo.
- De l’aoriste - m a des verbes -6m o n tire de manière systématique des présents
e n -WUW : GqXWuw, uTE+avWuo.
- 12a terminaison -qu de l’aoriste passif est remplacée par - q K a : i n - r a û q ~ a ,
?UTpa$llKa.
- Le verbe cipi prend la forme tipat (médio-passive), et la forme CUT[ est
remplacée par Evil Fuat.
- Le futur n’a pas encore sa fornie périphrastique moderne; il est niarqué soit par
le nouveau subjonctif soit par la périphrase @&Auplus infinitif.
- Rien que le parfait périphrastique n’existe pas encore dans sa forme actuelle,
c’est-à-dire avec le verbe “avoir” (Exw) + forme invariable en -ad’origine infinitivale
(périphrase attestée 5 partir du XVIe siècle)‘, une forme périphrastique commence A
U. Tonnet ( 1993),p. 107: “Cette apparition tardive du parlait périphrastique avec l’infinitif
n o u s semble liée ii la très lente évolution d u sens de l’infinitif. Tant que YP&$EL(V) signifiait
‘l’action d’écrire’ (envisagée globalemeni, mais sans réfkrcnce i s a réalisation), In locution
ixw yph$ci(u) PtPhiou voulait dirc ‘j’ai i écrire un livre’ Quand TO ~ p a $ c t est devenu
l’exact Cquivalcnt du subhtantif-ro -yp&$ipo ‘le lait réalisé d’écrirc, l’écriture’, la locution en
14
Irène Tsarnadou-Jacoherger & Sophie Vussiluki
faire son apparition, construite avec le verbe ‘avoir’ + participe parfait accordé avec le
complément : ypappivov E X W . Cette formation est attestée de bonne heure pour le
plus-que-parfait : dxa ypappivov, avec une variante dxa ypaiJr~t,est déjà usuel au
XIVe siècle (cf. Hatzidakis 1905, p. 585, Browning 1969, pp. 68-69).
Après ce parcours historique, rapide et schématique, nous abordons maintenant
l’essentiel de notre exposé - la présentation du grec moderne dans son état actuel.
2. LE GREC MODERNE ‘STANDARD ’ (H
N E M U ~ V LK
~
oL~~)
Le grec actuel s’est formé sur la base des idiomes du sud, en particulier du
Péloponnèse. La langue parlée et écrite aujourd’hui en Grèce, la langue néo-hellénique
commune, est celle de l’après-diglossie, période qui commence avec la réforme de 1975
qui instaure la dimotiki comme langue officielle.
2.1. Quelques repères dans le système phonologique
Le grec moderne possède vingt-trois phonèmes dont cinq vocaliques et dix-huit
consonantiques.
Système vocalique
Les cinq voyelles du grec moderne forment u n syftème parfaitement
symétrique :
[a] centrale (ouverte, antérieure)
[e] moyenne, antérieure
[il fermée antérieure
[O] moyenne, postérieure
[U] fermée, postérieure
Contrairement au grec ancien, leur longueur n’a pas de valeur distinctive; elles sont
toutes légèrement plus longues lorsqu’elles sont accentuées.
On notera le problème de la réalisation de /i/ lorsqu’il est non-accentué et suivi
d’une voyelle. Si l’on excepte les cas où il apparaît dans des mots d’origine savante
(katharévousa), /i/ peut se réaliser :
(1) comme palatalisation d’une consonne vélaire (/’kialid > ['taka], /’xionil>
[‘çoni]) ou des consonnes [I] et [n] (/’ilios/ > [Uos], /’niad > [ kata]);
(2) comme [çl, s’il est précédé d’une consonne non-vélaire sourde (/’matid >
i‘matçal);
( 3 ) comme U], s’il est précédé d’une consonne sonore ou de [r] (/pelaid >
[pe’a.ja],Aoy a’riazo/ > [loya‘rjazo]).
est venuc i signifier, cornnie aujourd’hui, ‘j’ai ii rnon actif l’écriture d’un livre”’. La présence
de l’auxiliaire É x w dans la nouvellc Iorme a évidemment joué un rôle dans son évolution
sériixltiquc.
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