Du grec uncien au xrrc moderne 7 ASPECTS DU GREC MODERNE Irène TSAMADOU-JACOBERGER & Sophie VASSILAKI RÉSUMÉ Notre présentation porte sur des ph6riornène.s lin~uistique,s-repères, autour desquels, nous semble-t-il, est construite toute la problémutique d6velopple uctuellement sur le grec moderne. Duns cette perspective, nous uhordons successivemc~ntlu question de l’évolution de lu langue en rupport uvec son @tutactuel, des yuesfions likes aux critégories grunimuticales fondumentules du nom et du verhe (tr,mp.s et dirithèse), et, enfin, qicelqucs uspects de la subordinution. ABSTRACT Our pre.sentationfocuses on muin linguistic phenomena on which is centred, to our mind, recent reseurch into Modern Greek. From this viewpoint, we consider successively the issue of the l u n p u p evolution related to the Innguugc of toduy us well us is.sicesfalling within the fielù of the noun, thc verb (tense und voice) und the subordintition. 1. DU GREC ANCIEN AU GREC MODERNE 1.1. Périodisation Lorsqu’on évoque l’histoire de la langue grecque depuis ses débuts jusqu’à sa forme actuelle, le grec moderne, on distingue habituellement quatre étapes dans son évolution et sur cette base on établit la ‘chaîne’ : <grec classique - grec hellénistique commun, la koiné (KOLV~] S L ~ ~ K T O -Sgrec ) médiéval - grec moderne>, “sans aucune rupture de continuité”, selon l’expression de Mirambel. Afin de préciser le contenu de ces étapes, notamment à partir de la koiné hellénistique jusqu’à nos jours, nous citerons, i titre d’exemple, la datation proposée par Tonnet (1003, pp. 20-22), qui, s’appuyant sur des critères à la fois linguistiques et historiques, s’inscrit dans la tradition instaurée dans ce domaine par les travaux d’Andriotis et de Browning’. Partant du principe que “théoriquement la koiné alexandrine se parle encore aujourd’hui”, Tonnet considkre les différentes périodes qu’il propose comme des “étapeh” dans l’évolution de la koiné : -. I ~ « u renvoyons s ~e lecteur a u x principaux ouvrages consacrés 5 i’tiistoire tic ~ ilangue l grecque, dans Icscliiels i l trouvera tous I C \ coniiiientairc\ des datations ainsi que tous les éléments pcrmettant de comprcndrc les phbiiomknes fondainentaux dans I’bvolution de la langue q u i sont bvoqués ici de maiiii.re succincte. II s’agii. dans l’ordre de leur parution, de Browning (1969). Uabiniotis (I985), Andrioti\ (1002) et Tonnet (l903). 8 Irkne 7Samudou-Jucoberh.er& Sophie Vussiluki (i) Période macédonienne et romaine: de la mort d’Alexandre 323 av. J.-C. à la conquête arabe de l’Égypte (642 : prise d’Alexandrie). (ii) Période obscure : du VIe au XIe siècle. À la fin de cette période le grec moderne est déjà formé : un Grec d’aujourd’hui comprend la langue populaire du milieu du XIIe siècle (poèmes prodromiques). (iii) Période du grec médiéval : XIIe siècle - 1453 (prise de Constantinople par les Turcs). (iv) Période de l’occupation turque : XVe - début XVllIe siècle. À partir du XVIIIe siècle, période du grec moderne. D’une manière générale, on considère donc que le grec moderne a ses racines dans le grec ancien et les fondements de sa structure actuelle dans la koiné alexandrine. Sa structure se dessine pendant la période médiévale et se stabilise dans la période qui suit, c’est-à-dire, en gros, à partir de la fin du 18e siècle jusqu’à la période actuelle2. Cela signifie qu’on admet l’invariance d’un certain nombre de structures fondamentales (rôle de l’accent, flexions, opposition aspectuelle ‘présent-aoriste’), les changements prenant plutôt la forme de I’aduptation (évolution du système phonétique, redistribution dans les déclinaisons) ct du renouvellement (notamment dans la catégorie du verbe : nouveau subjonctif, nouveau futur, nouveau parfait) que de la rupture. L’évolution de la langue grecque fut donc longue, lente, régulikre et conservatrice quant a u rythme de son renouvellement interne-’. Mais la formule de Mirambel “sans aucune rupture de continuité”, ne règle pas, nous semble-t-il, le problème de la continuité de la langue4, autrement dit, la question En ce qui concerne l’évolution de la langue orale, cf. Browning (1969, p. 20) : “Periodisation of the history of the spoken language is (. ..) difficult, and inevitably only approximate. It is clear, however, that behind the curtain of traditional linguistic uniformity, the modern Greek language had largely assumed its form by the tenth century.” Cf. Browning (1969, p. 12) : “Perhaps connected with this continuous identity over some three and a half millcnia is thc slowness of change in Greek. I t is still recognisably the same language today as it was when the Homeric poems were written down, probably around 700 B.C., though i t must be observed that the traditional orthography masks many of the phonological changes which have taken place. The continuity of lexical stock is striking though here too things are not as simple as they seem at first sight. And though there has been much rearrangement of niorphologicnl patterns, there has also been much continuity, and Greek is quite clearly even today an archaic, ‘Indo-European’ type of language, like Latin or Russian, not a modern, analytical language, like English or Persian. Earlier stages of the language are thus accessible to speakers of later stages, in a way that Anglo-Saxon or even middle English is not accessible to speakers of modern English.” Question fort débattue actuellement en Grèce (cf., entre autrcs, l’article du linguiste A.-F. Christidis dans le journal “To Vima” (29.01.95 : “Mythes nationalistes”). L’analyse de G. Drettas (1994, p. 221) concernant la tradition dans les études portant sur IC grec post-classique et moderne nous semble bien résumer le problème : “Cette tradition, qui remonte aux dernières décennies du siècle dernier, a élaboré une Vulgate doni l’élément essentiel est constitué par la croyance en une koiné homogène issue du dialectc attique. Les variétés modernes sont conçues comme des rejetons de cette langue mère prestigieuse, et la relation généalogique qui les unit garantit l’unité profonde du domaine linguistique grec ii travers l’histoire. L’idéologie unitariste du grec commun résistant ii la longue durée s’est constituée dans la mouvance politique du dénioticisme et, depuis lors, elle entretient une grande méfiance vis à vis des méthodes et des analyses de la linguistique actuelle, dans la mesure où la pratique scientifique Du grec ancien au grec moderne 9 du rapport entre grec ancien et moderne, au moins telle qu’elle a été posée par une certaine tradition (cf. Mirambel, entre autres, 1980a, Tonnet 1993, p.168) : grec moderne, langue nouvelle issue du grec ancien ou forme actuelle d’une langue qui “n’est pas morte”. On sait que le problème est en réalité beaucoup plus complexe. Un élément fondamental dans l’évolution du grec consiste sans doute dans le fait que toute son histoire est marquée 2 la fois par la diversification et la convergence (notamment dans la formation des langues communes). 11 y a en effet, d’un côté : - diversification dicilectule à différentes époques : période antique, XlIe siècle ( o n date de cette époque, 1204, prise de Constantinople par les Croisés, l’apparition des dialectes grecs modernes), XVIle/XVIlIe siècles (développement de parlers régionaux et expansion de la pratique des dialectes : Heptanèse, Constantinople, Smyrne, etc.). - diglossie, c’est-à-dire une forme de rupture autour de l’ère chrétienne entre la pratique courante de la langue et sa fornie écrite en grec atticisant, ce qui provoque une réaction de retour à une langue “correcte” (‘dites A et non B”, cf. Browning 1969, p. 49 sv.). C’est 12 que trouve son origine, aux alentours du Ile siècle, le mouvement atticiste auquel participent non seulement les intellectuels païens, mais aussi les Pères de 1’6glise yu’ Andriotis appelle ~ O L J U ~ T ~ ~ (“nourrissons + E ~ S des muses”) parce qu’ils étaient élèves des écoles de rhétorique grecque du I v e siècle. De l’autre côté, o n observe, à dittérentes époques également, la tendance 2 la formation d’une langue conimune: - la koiné alexandrine, - In langue coniiiiiine orale de la période byzantine (langue de la poésie po6iries prodrorniqiies, Xlle sikcle), qui subit elle aussi une rupture aux XlVe et XVe siecles (ronians de chevalerie), nianifestCe par l’apparition d’une nouvelle versification fondke sur l’intensité. 11 s’agit de la création d’une nouvelle structure rythmique fondée sur l’alternance : syllabe accentuée - syllabe atone, (rythme iambique, vers h quinze syllabes : TTOXLTLKOÇ IJT~XOS, quatre mètres - coupe obligatoire - trois mètres - syllabe atone). - la tentative de formation de dialectes standard compris par tous l e s Grecs6, comme la koiné littéraire crétoise7 . ’ pourrait remettre en cause certains objets de la croyance.” Cependant, selon Christidis, cité cidessus, c’est cet “argument mythique de la langue unique i travers les siècles” q u i justifierait actuellement la politique du retour à l a katharévousa et i l’enseignement du grec ancien cornme langue de référence. Cf. Browning (1969) : “The third period, from the fifteenth century to 1821, is one in which, f o r all the relative abundance of material, it is not easy to detect developments in the spoken tongue. To it belong the formation of a more o r less standardised Cretan literary dialect, its replacernent by an incipient literary language in the Ionian Islands, and the first steps toward the creation of modern standard demotic.’’ 15 Vers le XlVe siècle, cf. Tonnet (1993, p. 70) : “C’est précisément la période pendant laquelle, échappant au facteur de régularisation qu’était la présence partout du grec archaïque de l’administration byzantine, la langue parlée dans les provinces occupées par les Francs (Français ou Vénitiens) s’est différenciée en dialectes. La pression de la culture antique disparaissant, et peut-être I’exeniple français aidant, une culture en langue ‘vulgaire’ se fait jour. En témoignent les Chroniqucs et Ici, Romans de chevalerie grecs.” P. 83 : “Les raisons qui ont alors favorisé la rédaction de p o h e s en langur vulgaire cn Crète sont les niCrnes que celles q u i aviticnt donrii. naissance i I;I Chronique de Morée el aux romins de chevalcric Irène Tsumadou-Jacoberger & Sophie Vassilaki 10 Après ces généralités, nous allons esquisser deux étapes de l’évolution du grec vers sa forme actuelle : (i) celle de la koiné par rapport à l’attique du Ve siècle, c’est-à-dire les changements qui annoncent les développements ultérieurs; (ii) celle de la période médiévale où se mettent en place les structures du grec moderne. 1.2. La koiné - Disparition du système des quantités : La très ancienne opposition phonologique entre voyelles longues et brèves disparaît progressivement. À partir du 2e siècle av. J.-C., le système des quantités commence à ne plus fonctionner, comme le montrent les premières fautes d’orthographe dans les inscriptions (~rp6uosrov pour mpOa WTTOV). Ce phénomène important semble lié au changement de nature de l’accentuation (cf. Tonnet 1993, p. 26). - AccentuationX:De nature fondamentalement musical, l’accent amorce son évolution vers un accent d’intensité (accent dit dynamique), vers le lIIe siècle de notre ère. Dans la chaîne, ceci a entraîné un allongement relatif de toutes les voyelles accentuées et un abrègement relatif de toutes les voyelles atones. Les voyelles n’avaient plus de quantités propres indépendantes de leur accentuation. L’accent unique du grec moderne, qui au niveau de l’échelle sonore se réalise plutôt comme aigu, date de cette période. - Disparition de l’aspiration ( + i X w a i ç ) : Dès le Ille siècle on observe des défauts d’assimilation devant initiale aspirée ( K a T ’ EKaaTov, K a T ’ jpk) ou au contraire des aspirations sans fondement : ;+’ ETOÇ (au lieu de <IT’ ETOS), p û ’ aVpiov (au lieu de P E T ’ afipiov). En grec moderne les assimilations d’aspiration - ou plutôt leur trace consistant dans la présence d’une fricative au lieu de l’occlusive étymologique relèvent d e l’identité lexicale du mot. la conscience linguistique synchronique ne les percevant pas comme des assimilations (elles peuvent être masquées par des graphies en un seul mot comme dans a+oC, KaûoXou, K a û h , etc.). Quant aux formations récentes, seule la langue savante y introduit artificiellement le souvenir de l’aspiration (srpwûmoup-y6s ‘premier ministre’, de TTPWT-~JTTOU~YOÇ),alors que la dimotiki n’en fait rien (an ’ O,TL [ i p w ) . grecs à l’époque précédente. Dans ces régions ‘franques’ les Grecs cultivés avaient accès aux littératures de leurs conquérants et y trouvaient des exemples 2 imiter. II leur suffisait, pour créer i leur tour, de puiser dans le vaste fonds de la poésie populaire orale grecque et d’emprunter des canevas fournis par l’étranger. Le grec parlé acquiert là les lettres de noblesse que Byzance lui avait le plus souvent refusées.” ( L T T T I O T L K ~puûtaTopipaTa) Cf. Mirambel (1980a, p. 1091, col. I): “... les racines de la littérature néo-hellénique s’enfoncent dans la période byzantine. Or, une ligne de démarcation étahlie au Xe siècle ne serait, dans une certaine mesure, que conventionnelle. A partir de ce siècle, le nouvel esprit, tout en coexistant avec l’ancien longtemps encore, ne cesse dc lutter pour son affranchissement: il s’agit de dép er les contradictions culturelles, d’arriver à une synthèse à la fois nationale et linguistique. Parfois cette synthèse f u t partiellement atteinte (littérature crétoise, chansons populaires). Mais Ics antinoniies de la société grecque aont trop profondes pour pcrmetirc une conciliation dkfinitive au seul niveau de la superstructure.” Sur l’accentuation du grec moderne, on peut consulter le livre de H. Tonncl (1984), dans lequel on trouve égalcinent une brèvc histoire dc l’acceniuation du grec. Du grec uncien uu grec moderne II - Modifcution de la prononciution des voyelles (iotucisme) et des consonnes : Les diphtongues à 2e élément iota se prononcent [e] ( a i ) ou [il ( E L ,01, UL). Les diphtongues au, EU se prononcent [af], [efl devant consonne sourde et [av], . . [ev] devant consonne sonore ou voyelle. .Les consonnes occlusives sonores [b], [g], [d] ont évolué en continues, et les anciennes aspirées [ph], [kh], [th] ont eu le même sort, ce dont témoignent des graphies latines comme etc. .Les voyelles simples ont conservé leur prononciation ancienne, excepté q qui Fyllis, Filippus, se pronconce [il et U qui se prononcera [y] jusqu’au Xe siècle. .Outre ces altérations, il y a aussi des phénomènes d’amuïssement. Nous mentionnerons simplement le cas de la voyelle O atone dans les finales -10s (noms propres), -LOU : AuTWUL(O)~, .rrorilpi(o)u, .rraiôi(o)u. - Autres chungernents A) Dans le domaine nominal : - Multiplieution des dirninutgy, qui jouera un rôle important dans la redistribution des déclinaisons. À partir du suffixe de base -LOUon obtient -iôiou, -aôiou, -oirôiou, -apiou, -a$iou, -U$LOU, -UKLOU ( - ~ K L -6ôp~ou. ), (Cf. Andriotis 1992, p. 48). - Dispurition totale du duel. - Remplacement progressif‘ du dutif par le génitif (pronom personnel), par l’accusatif et par les groupes prépositionnels. - Sirnplijïcution et recul d~ lu -?e dklinuison par remodelage analogique (auahoyiK6s ptTarrXaap6s) sur la base de la l e déclinaison qui va progressivement absorber des pans entiers de la 3e : apparition d’un nouvel accusatif avec généralisation du -U final (TOU .rraTipau, TOU a-ra-rijpau, T ~ ] U ûuya-ripau, etc.), puis à partir de là, création d’un nominatif nouveau : h naTipas, fi BuyaTÉpa, fi u6K-i-a (sur le modèle Tapiaç - TaKiau pour le masculin, $&pa - fiLipau pour le féminin). - Autre phénomène important (qui va jouer un rôle plus tard) : plutôt que de modifier la morphologie, on préfère, quand deux mots sont en concurrence pour la même notion, éviter celui q u i appartient i la 3e déclinaison (Tonnet 1993, p. 29). On emploie irp6BaTou ‘mouton’ à la place de ds, gén. o i k , -rrXo^Lou ‘bateau’ à la place de uaiiç, gén. U E & , etc. (liste dans Andriotis 1992, pp. 54-55). - On note enfin divers changements par nivellement analogique : à la place de l’article féminin ai apparaît la forme du masculin oi (01 . auôptç Kai yuualK€s). .les féminins de la l e déclinaison en -a bref (4 SOEa) forment désormais leur génitif non plus en -qs mais en .De même, les masculins de la le déclinaison en -as remplacent le génitif O1 -as. -ou par une forme en - a : b T a p i a s , TOÛ Tapi-ou > TOÛ 7 a p i - a . Même phénomène , TT~ED~EUTO> Û -fi. avec les masculins en -qs,6 . r r p ~ a B ~ u f i sTOÛ La désinence - E S du nominatif pluriel de la 3e déclinaison ( a u ô p ~ s , y u u a k e s ) remplace celle de la l e déclinaison; oi Tapiai > oi Tapies. Ce changement se généralisera plus tard. Du nominatif, cette désinence s’étend à I’aïcusatif, les deux cas cessant ainsi de se différencier formellement : oi p f j u ~ s - TO^ p f j u ~ s . Enfin, plusieurs féminins en -0s deviennent masculins : i> 6 TrAaTauoy, i > h yir+oç, 4 > i) K i 6 p o ç . . . 12 lrPne Tsamaduu-Jacuberger & Sophie Vassilaki B) Dans le domaine verbal : - Les verbes uthématiques en -PL sont remplacés par des thématiques non-contractes (verbes dits barytons, formant la première conjugaison). Aiôwpi > SiSm, &qlqpL > a+;w. - Les désinences de l’aoriste sigmatique (-a, -as, - E , -ap~v, -aTc, -au) s’étendent aux aoristes thématiques (&na, dôapev, fiXBav, etc.). - Le subjonctif commence à perdre son identité morphologique par suite d’une homophonie entre certaines de ses formes et les formes correspondantes de l’indicatif. Parallèlement s’amorce l’évolution qui conduira au subjonctif à prémorphème va,et plus tard, par contrecoup, au futur périphrastique en &.I - Amorce du processus de disparition de l’infinitif, remplacé, dans certains de ses emplois, par une subordonnée au subjonctif avec la conjonction ‘[va qui perd progressivement sa valeur finale ( O ~ K tipi 6Eioç 1y-a -A&g ‘je ne suis pas digne de ddier’ ). - Confusion entre parjiuit et aoriste. - Lefutur synthdiyur disparuîr progressivement et fait place soit à des formes de l’ancien subjonctif, soit au présent de l’indicatif. - L’optatifà valeur d’irréel/potentiel sort progressivernent de l’usage. C) Syntaxe : - Lu coordination l’emporte sur la subordination (Fpxou ~d L S t ‘viens et vois’, au lieu de EAûWv Bi,litt. ‘étant venu vois’). - Lu complétive avec O n suivi d’un verbe persunnc.1 supplante les tours au participe ou à l’infinitif après les verbes du type “voir”, “entendre”, “croire” : K a \ &)EL %L QKOAOU~G, ‘tu verras qu’il suit’ p i v o p i q ~ tOTL GAûou KaTaAÛOaL TOV v6pov ‘ne croyez pas que j e sois venu.. .’. Noter aussi l’emploi de nrOs dans : &LIT~)YYELAE ô& $pYv rrc;ls cl%U TOV Z y y ~ A o v i v T@ OLKW ab-roû a-raûiv-ra ‘il nous a annoncé qu’il avait vu.. .’). - Reprise typiquement néohellénique de l’article défini : TO 8Aov TO rpâypa (cf. grec moderne i, K a A k 0 nadpas). - Reprise d’un nom défini par un pronom enclitique : cf. grec moderne TO ypappa TO iaTcLXa (Andriotis, 1992, p. 54). - Début de l’emploi redoublé des mots ( G i r X w a ~ ç )pour exprimer une valeur 660 , o+66pa. Tax6 mX6) ou distributive (~Ic~ijABov intensive ( ~ P T L U ~ T L a+66pa 6 h , etc.). - Plusieurs verbes qui étaient soit transitifs, soit intransitifs commencent à avoir un double emploi; certains verbes actifs s’emploient à la place de verbes moyens. Comme on le verra plus loin, la conjugaison de ces deux changements va jouer un rôle décisif dans la structuration de la catégorie de la diathèse en grec moderne. - Extension de l’accusatif d’objet, qui supplante le datif ou le génitif - évolution qui entraîne à son tour (cf. ci-dessous) l’extension de l’emploi des prépositions (notamment de 6 ~ ~ 6 ) . Selon la formule d’ Aridriotis, la koiné, dans sa variété orale et son unicité en tant que langue écrite, serait u n tissu constitué d’une chaîne polychrome (les anciens dialectes) et d’une trame unie (l’attique). 1.3. Période médiévale Cornnie o n l’a v u , il est difficile, voire impossible, d’établir des limites chronologiques précises dans l’évolution de la langue, surtout en ce qui concerne cette 13 Du grec ancien au grec moderne longue période dite médiévale, que la pauvreté relative de notre documentation a fait considérer comme la période “obscure” de l’histoire du grec ... On considère généralement, de manière tout à fait conventionnelle, que cette période médiévale couvre, en gros, un espace de 10 siècles (du 1Ve au XVe siècle) durant lequel il y a, d’une part, stabilisation des changements survenus antérieurement et, d’autre part, apparition de phénomènes nouveaux mais, encore une fois, s’inscrivant dans un processus évolutif “sans rupture de continuité”. Au niveau phonétique : - Le processus d’iotacisme s’achève : q est déjà [il, sauf dans quelques dialectes où il a gardé sa prononciation ancienne; U et 01, qui se prononçaient déjà [y], deviennent [il ii partir du Xe siècle. - w devient ou dans plusieurs mots : [oupiu, KXOUP~U, K O U U O ~ ~ I T L Uetc. , - K et IT devant T deviennent x et respectivement; il s’agit d’un phénomène caractéristique de la phonétique du GM, la dissimilation des consonnes occlusives en contact (à partir du XIVe siècle, cf. Tonnet 1993, p. 70-71) : u h q a > u U c a , T E $ > + (#IT+. - 8, après htadq>~ 4, x et U ? devient T :va ô ~ @ o U p > v~ a Ô E X T O U ~ E , @auw > ~ T ~ U W , T T L ~ ~ T ~ . - I x s nasales p et U cessent d’être prononcées devant les spirantes : uUp+q > ITcueEpos> ITEoEpk. - Signalons enfin l’apparition sporadique du phénomène d’aphérèse de l’initiale vocalique dans les verbes, les noms et les particules (prépositions, conjonctions, etc.) : pLipa< qptpa, p a ~<i O ~ ~ C ~ T L O U , < i p ~ ~ ÔEU ô , < o i ~ ô i v ,ITOU< ~ I T O U , u a v < Wuhu, etc. Duns le domuine nominal : - La fusion de la l e et de la 3e déclinaison est désormais accomplie dans les masculins et les féminins. Duns le domuine verbal - Évolution affectant l’usage et ia piace de l’augment : t!p€uVÛTo, &KQTEÔiX€TO, klTEpLTTaTqauU. - Formation de nombreux présents en -vu remplaçant des formes anciennes sans -U- : Gipuw, KXEiUW, (#Iipvo. - De l’aoriste - m a des verbes -6m o n tire de manière systématique des présents e n -WUW : GqXWuw, uTE+avWuo. - 12a terminaison -qu de l’aoriste passif est remplacée par - q K a : i n - r a û q ~ a , ?UTpa$llKa. - Le verbe cipi prend la forme tipat (médio-passive), et la forme CUT[ est remplacée par Evil Fuat. - Le futur n’a pas encore sa fornie périphrastique moderne; il est niarqué soit par le nouveau subjonctif soit par la périphrase @&Auplus infinitif. - Rien que le parfait périphrastique n’existe pas encore dans sa forme actuelle, c’est-à-dire avec le verbe “avoir” (Exw) + forme invariable en -ad’origine infinitivale (périphrase attestée 5 partir du XVIe siècle)‘, une forme périphrastique commence A U. Tonnet ( 1993),p. 107: “Cette apparition tardive du parlait périphrastique avec l’infinitif n o u s semble liée ii la très lente évolution d u sens de l’infinitif. Tant que YP&$EL(V) signifiait ‘l’action d’écrire’ (envisagée globalemeni, mais sans réfkrcnce i s a réalisation), In locution ixw yph$ci(u) PtPhiou voulait dirc ‘j’ai i écrire un livre’ Quand TO ~ p a $ c t est devenu l’exact Cquivalcnt du subhtantif-ro -yp&$ipo ‘le lait réalisé d’écrirc, l’écriture’, la locution en 14 Irène Tsarnadou-Jacoherger & Sophie Vussiluki faire son apparition, construite avec le verbe ‘avoir’ + participe parfait accordé avec le complément : ypappivov E X W . Cette formation est attestée de bonne heure pour le plus-que-parfait : dxa ypappivov, avec une variante dxa ypaiJr~t,est déjà usuel au XIVe siècle (cf. Hatzidakis 1905, p. 585, Browning 1969, pp. 68-69). Après ce parcours historique, rapide et schématique, nous abordons maintenant l’essentiel de notre exposé - la présentation du grec moderne dans son état actuel. 2. LE GREC MODERNE ‘STANDARD ’ (H N E M U ~ V LK ~ oL~~) Le grec actuel s’est formé sur la base des idiomes du sud, en particulier du Péloponnèse. La langue parlée et écrite aujourd’hui en Grèce, la langue néo-hellénique commune, est celle de l’après-diglossie, période qui commence avec la réforme de 1975 qui instaure la dimotiki comme langue officielle. 2.1. Quelques repères dans le système phonologique Le grec moderne possède vingt-trois phonèmes dont cinq vocaliques et dix-huit consonantiques. Système vocalique Les cinq voyelles du grec moderne forment u n syftème parfaitement symétrique : [a] centrale (ouverte, antérieure) [e] moyenne, antérieure [il fermée antérieure [O] moyenne, postérieure [U] fermée, postérieure Contrairement au grec ancien, leur longueur n’a pas de valeur distinctive; elles sont toutes légèrement plus longues lorsqu’elles sont accentuées. On notera le problème de la réalisation de /i/ lorsqu’il est non-accentué et suivi d’une voyelle. Si l’on excepte les cas où il apparaît dans des mots d’origine savante (katharévousa), /i/ peut se réaliser : (1) comme palatalisation d’une consonne vélaire (/’kialid > ['taka], /’xionil> [‘çoni]) ou des consonnes [I] et [n] (/’ilios/ > [Uos], /’niad > [ kata]); (2) comme [çl, s’il est précédé d’une consonne non-vélaire sourde (/’matid > i‘matçal); ( 3 ) comme U], s’il est précédé d’une consonne sonore ou de [r] (/pelaid > [pe’a.ja],Aoy a’riazo/ > [loya‘rjazo]). est venuc i signifier, cornnie aujourd’hui, ‘j’ai ii rnon actif l’écriture d’un livre”’. La présence de l’auxiliaire É x w dans la nouvellc Iorme a évidemment joué un rôle dans son évolution sériixltiquc.