Le rôle des lymphocytes cytotoxiques dans l`évolution de l`infection

Le rôle des lymphocytes cytotoxiques dans l'évolution de l'infection SIV
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°42 - janvier-février 96
NEF
Le rôle des lymphocytes cytotoxiques dans
l'évolution de l'infection SIV
Yves Rivière
département des rétrovirus, Institut Pasteur (Paris)
Early
suppression
of SIV
replication by
CD8+ nef-
specific
cytotoxic T
cells in
vaccinated
macaques
Gallimore A.,
Cranage M.,
Cook N.,
Almond N.,
Bootman J.,
Rud E.,
Silvera P.,
Dennis M.,
Corcoran T.,
Stott J.,
McMichael
A., Gotch F.
Nature
Medicine,
1995, 1, 11,
1167-1173
Les résultats de l'étude, chez des macaques vaccinés avec des
virus recombinants de la vaccine exprimant la protéine nef du
SIV, de l'intensité de la réponse CTL spécifique, mettent l'accent
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Le rôle des lymphocytes cytotoxiques dans l'évolution de l'infection SIV
sur le rôle potentiel des CTL, détectables avant les anticorps
neutralisants, sur le contrôle précoce de la virémie au cours de
l'infection primaire.
Dans la plupart des infections virales, les effecteurs
cellulaires cytotoxiques (lymphocytes T cytotoxiques ou
CTL) sont impliqués dans l'élimination du virus de
l'organisme. Ces lymphocytes CD8+ sont capables d'identifier
les antigènes d'origine virale présents dans les cellules
infectées et de les détruire de façon spécifique. Outre leur
fonction cytotoxique, les CTL inhibent la réplication du virus
par l'intermédiaire d'un ou plusieurs facteur(s) soluble(s) (1).
Dans l'infection humaine par le VIH-1, notre connaissance de
la nature des effecteurs et des antigènes viraux reconnus a
beaucoup progressé, et la question du rôle des effecteurs
cytotoxiques dans l'évolution de la maladie est essentielle.
Plusieurs études montrent un rôle bénéfique de cette réponse
immunitaire chez les patients infectés par le VIH.
Lors de l'infection primaire, la charge virale est très élevée,
puis elle diminue en quelques semaines. Sa réduction est
concomitante avec la détection de CTL spécifiques du virus et
précède l'apparition d'anticorps neutralisants (2, 3).
D'autre part, chez des sujets asymptomatiques, la présence de
CTL activés in vivo, spécifiques de la protéine gag, est
statistiquement corrélée avec un risque réduit d'évolution vers
la maladie, indépendamment des autres marqueurs
pronostiques (4).
L'infection du macaque rhésus par le virus de
l'immunodéficience du singe (SIV en anglais) est sans doute
le modèle de choix pour l'étude de la physiopathologie de
l'infection de l'homme par le VIH, en raison des similitudes
observées entre ces deux infections, pour ce qui concerne la
structure et l'organisation génomique de l'agent causal, le
tropisme cellulaire, les voies de transmission, le type
d'infection et la réponse immune de l'hôte infecté et le tableau
clinique de la maladie.
¬ Le travail présenté ici porte sur l'étude, chez des macaques
vaccinés avec des virus recombinants de la vaccine exprimant
la protéine nef du SIV, de l'intensité de la réponse CTL
spécifique de cette protéine présente dans les lymphocytes
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périphériques des animaux vaccinés, et de la capacité de ces
mêmes populations lymphocytaires à contrôler la réplication
du SIV.
Sept macaques ont reçu à 5 semaines d'intervalle trois
injections par scarification (de 500 millions d'unités formant
plages) de virus de la vaccine recombinant exprimant la
protéine nef du SIV. Les mesures des activités cytotoxiques
spécifiques de nef et de l'inhibition de la réplication virale
dans des lymphocytes CD4+ autologues par les lymphocytes
CD8+ après infection in vitro par du SIV ont été effectuées
après la dernière injection de virus recombinant. Chez les 7
macaques immunisés, une activité CTL d'intensité variable
selon les animaux a été mise en évidence à partir des
lymphocytes circulants.
Les lymphocytes circulants des deux animaux qui
présentaient la plus forte activité CTL contre la protéine nef
avaient également la capacité de contrôle de la réplication du
SIV in vitro. On peut cependant noter que ce contrôle n'est
effectif qu'après le dixième jour de coculture. On ne peut pas
exclure que ces deux fonctions de cytolyse et de contrôle de
la réplication virale soient médiées par différentes sous-
populations de lymphocytes.
Trois semaines après la dernière immunisation, tous les
macaques immunisés, ainsi que 4 animaux non immunisés
pris comme témoins, ont reçu une inoculation d'épreuve d'un
clone moléculaire pathogène de SIV (50 doses minimales
infectieuses 50p100). Chez les 4 animaux témoins et chez 6
des 7 animaux immunisés, le virus a été mis en évidence dans
les lymphocytes circulants. Le maximum de la virémie est
situé entre la deuxième et la quatrième semaine après
l'inoculation d'épreuve, et la mesure de l'intensité de la
réplication du virus chez l'animal (mesure de la charge virale)
montre une corrélation inverse entre la charge virale et
l'intensité de la réponse CTL mesurée avant l'inoculation
d'épreuve.
Autrement dit, les plus faibles charges virales sont mises en
évidence chez les animaux qui avaient les réponses CTL les
plus intenses après immunisation. Les anticorps neutralisants
ne semblent pas intervenir dans ce phénomène, car ils
n'étaient pas détectables après l'immunisation. Après
l'épreuve virulente, les anticorps n'ont été détectés que chez
deux animaux (un témoin et un immunisé) huit semaines
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après l'infection, soit à la fin de la virémie.
¬ Ce travail souligne l'importance de l'induction d'activité
CTL spécifique du virus par une préparation vaccinale. Les
résultats mettent l'accent sur le rôle potentiel des CTL,
détectables avant les anticorps neutralisants, sur le contrôle
précoce de la virémie au cours de l'infection primaire, et
complètent ainsi les observations chez l'homme infecté par le
VIH, qui rapportaient la présence avant et au moment de la
séroconversion d'effecteurs CTL spécifiques du VIH (2,3,5).
Une preuve plus directe du rôle bénéfique des CTL pourrait
être apportée dans le modèle animal de l'infection du macaque
par le SIV par des études de déplétion ou de reconstitution
des lymphocytes CD8+.
Il faut aussi souligner que cette étude confirme que l'induction
de CTL par des préparations vaccinales n'est pas suffisante en
elle-même pour prévenir la réplication du virus dans
l'organisme. A ce jour, la majorité des essais de vaccination
effectués chez le macaque avec des virus recombinants de la
vaccine exprimant des protéines de SIV ont montré une
absence de protection contre la maladie. On peut regretter que
les auteurs ne donnent aucune information quant à la
protection des animaux infectés contre la maladie, bien que le
virus d'épreuve utilisé dans le protocole expérimental soit une
souche pathogène de SIV. - Yves Rivière
1 - Buseyne, Rivière Y
«HIV-specific CD8+ T-cell immune responses and viral replication»
AIDS, 1993, 7 (suppl2), S81-S85
2 - Borrow P, Lewicki H
«Virus-specific CD8+ cytotoxic T-lymphocyte activity associated with
control of viremia in primary HIV infection»
J Virol, 1994, 68, 6103-6110
3 - Koup RA, Safrit JT
«Temporal association of cellular immune responses with the initial
control of viremia in primary HIV infection»
J Virol, 1994, 68, 4650-4655
4 - Rivière Y, McChesney MB, Porrot F et al.
«Gag-specific cytotoxic responses to HIV type 1 are associated with a
decreased risk of progression to AIDS-related complex or AIDS»
AIDS Research & Hum Retrovir, 1995, 8, 903-907
5 - Lamhamedi-Cherradi S, Culmann-Penciolelli B, Guy B et al.
«Different patterns of HIV-1 specific cytotoxic T-lymphcyte activity
after primary infection»
AIDS, 1995, 9, 421-426
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