L`appel du sucre - Les Timbrés de l`orthographe

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 L'appel du sucre Très tôt, Stéphane arrive à l'usine. Son labeur consiste à faire redémarrer les machines assoupies depuis la pause nocturne. Les quatre cents cannes récoltées commencent à être livrées. Elles doivent être traitées sur-­‐le-­‐champ, sinon elles risquent de se déshydrater et leur précieuse teneur en sucre n'en serait que diminuée. (fin dictée cadets) À force, Stéphane ne remarque plus l'odeur particulière qui saisit dès l'entrée franchie, composée de relents de mélasse opiniâtres, parfois pestilentiels. L'extraction du jus de canne, obtenu par broyage à travers une série de bruyants cylindres, demande une attention particulière. Dès potron-­‐minet, il lui faut également veiller sur la bagasse, résidu fibreux glané concomitamment au liquide brunâtre. (fin dictée juniors) Quelle que soit l’étape du processus de fabrication, Stéphane s’en occupe avec minutie : l’épuration du vesou additionné de lait de chaux, suivie de l'évaporation, puis de la cuisson et, enfin, de la cristallisation. Mais c'est phase de la centrifugeuse qui a sa préférence, immense essoreuse dont la sourde rumeur l’enivre avec la vigueur exaltante de tambours géants. Exsangue, mouillée par la sueur comme s’il eût plu à verse, le cœur battant au rythme de l'usine qui l’a vue grandir depuis les années quatre-­‐vingt, pleinement dévouée, Stéphane s'affaire à son travail, travail qui par parenthèse ne conviendrait nullement aux sybarites. Son acolyte, le rondouillard Gaspard, vêtu d’un sarrau aux stries kaki, salue Stéphane alors qu'ils se retrouvent nez à nez dans une coursive tout en longueur. – Ça roule ? lance Gaspard, hilare, les joues écarlates. Mais Stéphane ne manque pas de lui rappeler les tâches qu’ils se sont réparties : – N'oublie pas de vérifier la température. Note tout, sinon on va à vau-­‐l'eau. Ferme bien le sas. La dernière fois, quel pataquès ! Gaspard soupire, l'échine lasse. Un cauchemar, ce personnage ! Ç’a beau être un canon moulé dans une salopette, je n’en voudrais pas ! Cette hurluberlue est mariée avec son usine, soudée corps et âme avec elle. Sa seule obsession : le sucre, même pas la caïpirinha ! Tatiana de Rosnay Finale nationale des Timbrés de l’orthographe, 15 juin 2013 Commentaires sur les difficultés de la dictée cent Le déterminant (ou adjectif) numéral cardinal cent prend la marque du pluriel quand il est multiplié et n’est suivi d’aucun autre nombre, ce qui est le cas ici. Il fallait donc écrire cents, avec la marque du pluriel s. opiniâtres, pestilentiels Ce sont les relents qui sont opiniâtres et pestilentiels, et non la mélasse. Il faut donc accorder ces adjectifs avec relents et les mettre au masculin pluriel, soit avec un s final. concomitamment Cet adverbe, qui signifie « simultanément, en même temps que » s’écrit avec un seul t (sans compter le t final, bien entendu). Comme tous les adverbes qui se terminent par [amɑ̃] (ceux qui riment avec maman), il s’écrit avec deux m. Il s’écrit avec un a car il dérive de l’adjectif concomitant qui s’écrit, lui-­‐même, avec un a. quelle que On écrit quel que en deux mots car l’on a affaire à la locution pronominale quel que suivie du verbe être au subjonctif. Il ne faut pas confondre cette locution avec l’adverbe ou déterminant quelque, qui, eux, s’écrivent en un seul mot. Quel est ici attribut du sujet étape qui est un nom féminin, employé ici au singulier. On écrit donc quelle au féminin singulier. vesou Le vesou est le jus que l’on obtient après avoir écrasé la canne à sucre. Vesou est un mot créole des Antilles, dont l’origine est inconnue. C’est un nom masculin : il fallait donc mettre additionné au masculin. exsangue L’adjectif exsangue signifie au sens littéral « qui s’est vidé (ex-­‐) de son sang ». Il faut donc bien un s après le x. Notez que l’on peut également prononcer [eksɑ̃g], en faisant entendre le s, ce qui est davantage conforme à l’étymologie. Dans le texte, exsangue a son sens par extension de « pâle, livide ». mouillée Il fallait bien comprendre que Stéphane n’est pas un homme, mais une femme. Certes, il s’agit d’un prénom porté plus souvent par un homme, mais il existe des Stéphane femmes : Stéphane Audran, par exemple. L’indice qui permettait de lever le doute est que Stéphane est un canon. Or, d’après le Petit Larousse, et le Petit Robert aussi d’ailleurs, canon ne s’emploie qu’à propos d’une femme. Il fallait donc écrire au féminin : mouillée, qui l’a vue grandir (vue, v-­‐u-­‐e), dévouée, cette, hurluberlue, mariée et soudée. eût La langue littéraire utilise volontiers le subjonctif imparfait ou plus-­‐que-­‐parfait au lieu de l’imparfait ou du plus-­‐que-­‐parfait de l’indicatif après comme si. On a donc ici un plus-­‐que-­‐parfait du subjonctif (eût plu) au lieu du plus-­‐que-­‐parfait de l’indicatif (comme s’il avait plu). L’auxiliaire avoir se met donc à l’imparfait du subjonctif et porte un accent circonflexe sur le u. quatre-­‐vingt Lorsque quatre-­‐vingts est cardinal (c'est-­‐à-­‐dire lorsqu’il sert à compter ; par exemple, il a quatre-­‐
vingts ans), on met un s à vingt. Mais lorsqu’il est ordinal (c'est-­‐à-­‐dire lorsqu’il sert à donner le rang occupé dans une série et qu’on peut le remplacer par quatre-­‐vingtième), on écrit vingt sans s. Ici, il a bien sa valeur ordinale : les années quatre-­‐vingt, ce sont les quatre-­‐vingtièmes années du vingtième siècle. par parenthèse Dans l’expression par parenthèse, le nom parenthèse reste au singulier. Il ne désigne pas ici le signe typographique qui marche souvent par paire, mais le contenu que l’on place, ou non d’ailleurs, entre ces signes. sybarites Les sybarites sont des personnes qui recherchent une vie facile dans le luxe et le raffinement. Le nom sybarite vient du nom des habitants de Sybaris, ancienne colonie grecque située sur le golfe de Tarente, en Italie. Ses habitants étaient réputés pour leur goût du luxe et des plaisirs ainsi que pour leur mollesse. kaki Lorsqu’un nom désignant une plante, un animal, une pierre, etc. est employé comme adjectif de couleur, il ne s’accorde pas. C’est ici le cas de kaki. Il fallait donc l’écrire sans s. réparties Réparties est le participe passé du verbe pronominal se répartir. Bien que ce verbe se conjugue avec l’auxiliaire être aux temps composés, son participe passé ne s’accorde pas avec son sujet. Se répartir se construisant avec un complément d’objet direct, on lui applique les mêmes règles d’accord que celles qui régissent l’accord des participes passés conjugués avec l’auxiliaire avoir : à savoir, le participe passé reste invariable, sauf s’il est précédé du complément d’objet direct avec lequel, dans ce cas, il s’accorde. Ici, le complément d’objet direct qu’, mis pour les tâches, précède le participe passé (les tâches qu’ils se sont réparties). On mettra donc réparties au féminin pluriel, comme tâches. Ç’a On a affaire ici au pronom ça que l’on élide devant le verbe a. Ç’a beau être est l’équivalent de Ça a beau être ou de Cela a beau être. On ne peut écrire ça en un seul mot, car dans ce cas, il manquerait le verbe avoir. caïpirinha La caïpirinha est un cocktail fait à base d’alcool de canne à sucre, de sucre de canne et de citron vert. Le nom caïpirinha est un mot brésilien, diminutif du portugais caïpira qui désigne un paysan rustre. Ce sont des paysans qui ont créé le cocktail. 
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