Hommage à Stéphane GRAPPELLI Raconter Stéphane Grappelli, c'est évoquer tout à la fois un siècle de jazz mondial, la rencontre -on serait tenté d'écrire la "fusion" - d'un homme et d'un instrument, d'une musique et d'un interprète, tour à tour compositeur, pianiste, et bien sur violoniste. C'est écrire la fabuleuse histoire de Mister swing, de Newport à Carnegie Hall, de Montreux à Juan les Pins, du Boeuf sur le Toit à la Salle Pleyel, de 1921 (date à laquelle il reçoit son premier violon) à l'an 2000, auquel il réserve sûrement dès à présent quelques jam sessions de derrière les fagots, feeling garanti. Né à Paris en 1908, il est élevé par son père qui lui apprend le solfège et s'initie dés l'âge de cinq ans à la musique et à la danse chez la mythique Isadora Duncan, danseuse américaine établie à Paris. A douze ans, il s'inscrit au Conservatoire, à quinze il entre dans l'orchestre du Gaumont Théâtre, perfectionnant son violon et "pianotant comme un chien se jette à l'eau" pour accompagner les films muets. Ayant découvert le jazz, il se lie d'amitié avec le pianiste Stéphane Mougin et fait en 1929 ses premières armes dans l'orchestre de "Grégor et ses Grégoriens", abandonnant bientôt le piano pour le violon. Engagé en 1934 au Claridge dans l'orchestre de Louis Vola, il rencontre Django Reinhardt et fonde l'année suivante avec lui le Quintette du Hot Club de France qui enregistre son premier disque chez Ultraphone avec les légendaires Lady be good, Sweet Sue, Tiger Rag etc. Séparés par la guerre (Django à Paris, Stéphane à Londres, où il s'était produit au Palladium en 1939), il se retrouvent en 1947 au Boeuf sur le Toit, reformant pour un temps le Quintette à la demande de Charles Delaunay. Après un mémorable concert à la Salle Pleyel en 1947, ils continuent de se produire ensemble jusqu'en 1950, date à laquelle Django se retire. Il disparaîtra trois ans plus tard, et en 1953, Stéphane rentre au pays et y entame sa seconde carrière. Dès lors, sa vie ressemble à un continuel tour du monde en musique, de Newport 69 à Montreux 73 et Carnegie Hall 1974, de l'Olympia à l'Albert Hall, une tournée perpétuelle (avec, entre autres, le pianiste Marc Hemmeler, les guitaristes Marc Fosset et Martin Taylor, les contrebassistes Patrice Caratini et Jacques Sewing), qui va s'accompagner d'une multitude d'enregistrements historiques, soit sous son nom, soit avec les plus grands. Il jouera ainsi avec (entre autres) Bill Coleman, Coleman Hawkins, Barney Kessel, Clark Terry, Oscar Peterson, Gary Burton, Baden Powell, Martial Solal, Earl Bines, Teddy Wilson, Philip Catherine, Larry Coryell, Michel Legrand, Claude Bolling, McCoy Tyner, et bien sûr, la plupart de ses confrères violonistes de jazz, de Jean-Lue Ponty et Didier Lockwood à Joe Venuti, Yo Yo Ma, Eddie South, et Sir Yehudi Menuhin qui lui voue amitié et admiration musicale. Ce qui ne l'empêche pas de composer aussi quelques musiques de film au passage: Les valseuses (Bertrand Blier), Milou en Mai (Louis Malle)... Aujourd'hui encore, Stéphane Grappelli vient de terminer à 88 ans une tournée aux EtatsUnis, commencée au Hollywood Bowl de Los Angeles, qui témoigne d'une longévité quasi unique dans la profession. Stéphane Grappelli - aussi jeune que le jazz lui-même - est l'un de ceux qui, par son élégance inimitable, sa musicalité unique, a contribué dans son pays à l'éclosion d'un langage original, à l'invention d'un style. L'homme et l'artiste suscitent cette admiration respectueuse, cette déférence que l'on doit aux plus grands.