Et si on reproduisait le
génie ?
Qui n’a jamais avancé la théorie selon laquelle s’il était nul
en maths, ce n’était pas de sa faute mais que c’était
génétique et que s’il avait des problèmes en orthographe,
c’était un truc de famille. On est tous biens contents de
pouvoir accuser nos aïeux pour notre faiblesse dans un domaine
ou un autre. Et si on postulait que le génie (ou l’absence de
génie) pouvait être transmissible dans les gènes. Et si on
reproduisait le génie ?
C’est ce pari fou que s’était lancé Robert Graham dans les
années 80. Créer une banque de sperme dont les donneurs
seraient exclusivement des prix Nobel ! A défaut de trouver
plus de trois prix Nobel plus vraiment en âge de procréer, il
étendit ses recherches aux hommes ayant un QI supérieur à la
moyenne ! 215 bébés Nobel sont nés aux E.-U. Ils ont
aujourd’hui une trentaine d’année et seulement un s’est
distingué comme étant plus intelligent que la moyenne. Les
autres préférant conserver l’anonymat. Le but de Graham était
de faire entrer dans l’humanité des bébés supérieurement
intelligents dans un monde qu’il trouvait de plus en plus
décadent.
Aujourd’hui l’eugénisme de Graham est perpétué par les banques
de sperme américaines. En cherchant son donneur sur internet,
les futurs parents peuvent avoir accès à des critères très
précis : physique d’abord, taille, poids, couleur des yeux,
couleur et texture des cheveux… Puis à des critères comme le
signe astrologique, les diplômes, le métier, les hobbies… Sur
le site de Fairfax, il existe un « programme des doctorats »
pour pouvoir choisir un donneur docteur en un domaine bien
particulier.
Choisir son bébé sur Fairfax
« We stand behind our Product », le marketing de ce site est
clair : que se passe-t-il si le « produit » est décevant ?
Peut-on être satisfait ou remboursé ? Jusqu’où pourrait aller
l’eugénisme ? Les critères s’affinent de plus en plus :
athlétisme, capacités intellectuelles, capacités artistiques…
La naissance d’un enfant se prépare comme l’achat d’un nouveau
canapé sur le « catalogue » IKEA. Or il faut tout de même
garder en mémoire qu’un enfant ne s’échange pas. Si l’on en
croit les expériences de Graham le génie est difficilement
reproductible alors peut-être est-il préférable de laisser
faire la nature…
En voyant de quoi l’humanité est déjà capable, le scénario de
« Bienvenue à Gattaca » ne nous paraît plus si lointain. Et si
on sélectionnait les meilleurs enfants et jetait les autres ?
L’eugénisme menant à un darwinisme social avancé. Il s’agit en
effet dans le film d’Andrew Niccol de ne garder que les bébés
ayant suffisamment de chance de réussite et de laisser tomber
les « éléments défaillants ». Les hommes et femmes perdent
leur qualité première d’être humain pour rester uniquement des
produits, des rouages d’un système bien ordonné. Ce film de la
fin des années 1990 restera-t-il toujours un film
d’anticipation ou est-ce que l’humain marche à grand pas vers
ce progrès effrayant ?
Nina Pareja
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