nard François voit rouge et le fait savoir avec
une âpreté proportionnelle au sentiment d’in-
justice ressenti.
Nous ne sommes pas
des nuisibles!
Bernard François est le principal porte-parole du
“Groupement des producteurs wallons de gra-
nulés et de filière bois énergie”, une association
naissante chargée de défendre le secteur. Il s’est
impliqué personnellement dans le combat car
«à force de tirer sur la corde, elle finit par se
rompre. Aujourd’hui, quand on s’assoit autour
d’une table, on se sent coupable parce qu’on
est un acteur du bois énergie. Il y a une chape
de plomb. Ce n’est pas normal ! Nous ne
sommes pas des nuisibles! On est là pour aider
la Wallonie à se conformer à ses engagements
en matière de transition énergétique et nous
sommes une composante à part entière de la fi-
lière bois. Simplement, qu’on nous respecte !».
Si le ton adopté se fait plus martial, l’homme sait
parfaitement contre qui il guerroie. «Nous
sommes attaqués par deux fédérations. Je com-
prends Cobelpa, qui représente les papetiers, car
elle est dans son rôle. Par contre Fedustria, la fé-
dération belge des industries du bois, ne repré-
sente absolument pas le secteur bois wallon, et
encore moins le bois énergie. Ces gens sont au
service de la Flandre et défendent les intérêts des
industriels de là-bas. On les retrouve dans tous
les lieux de pouvoir, or ces individus sont néfastes
à la Wallonie! Tout ce qui les intéresse, c’est cap-
ter notre bois aux prix les plus bas possible».
Le coup de gueule passé, Bernard François veut
démontrer qu’une cohabitation paisible est tout
à fait possible. « Il faut tordre le cou aux idées
reçues. Le bois énergie n’est pas en mesure de
faire mourir qui que ce soit, ni le panneau, ni le
papier. Notre potentiel maximum est de 600 à
650000 tonnes par an. En 2013, nous avons mis
sur le marché quelque 400000 tonnes de pellets
et plaquettes forestières, issues de 700000 t de
bois frais. Dans le même temps, les secteurs du
papier et du panneau consommaient 8 millions
de tonnes de bois. Onze fois plus que nous! De
grâce, arrêtez de tirer la couverture vers vous…
Il faut que l’on se partage le bois, en se respec-
tant et en travaillant ensemble».
Si derrière tout ce qui vient d’être dit on mesure
l’ampleur du chantier, c’est sans compter sur un
vers déjà bien installé dans la pomme. «Le sec-
teur du bois énergie, en Belgique, est totale-
ment déréglé, c’est affolant! Lorsque Electrabel
a converti sa centrale des Awirs aux pellets, ça
a été le début de la misère. Des sociétés se sont
installées sur notre territoire avec des capacités
de production et des prix de vente sans rapport
avec la réalité locale. Ces nouveaux entrants ne
sont pas parvenus à l’équilibre financier alors
qu’Electrabel allait rechercher ses pellets hors
de nos frontières. Bilan, aujourd’hui l’offre est
très supérieure à la demande. Une épuration va
se faire. Elle est d’ailleurs déjà à l’œuvre avec la
récente disparition de Seco-Bois, un fabricant
de pellets basé à Mariembourg et qui n’aura ré-
sisté qu’un peu plus d’un an!».
Autre frein à l’essor du secteur bois énergie, «le
monde de la finance et les francs-tireurs. Ces
Le combat fait rage sur le marché du pellet avec un excédent d’offre et un hiver doux. Attention tout de même à ce que l’on achète, le pellet industriel est loin de rivaliser en termes
calorifiques avec son homologue à vocation domestique, comme le Badger Pellets.
Les sciures, générées en interne, serviront aux pellets.
LES INFOS DE RND - 1er trimestre 2014 - 5
gens-là sont des opportunistes qui nous malmè-
nent. Ils sont ici depuis environ deux ans et im-
portent massivement des pellets à bas prix qui
ne sont pas PEFC ou FSC. J’en veux pour preuve
les 10000 tonnes de pellets radioactifs (césium
137), provenant de Lituanie, qui ont été retirés
du marché. La population doit être prévenue de
tels agissements et des risques sanitaires encou-
rus. Ces gens déstabilisent complètement le
marché… ».
Bernard François entrevoit une solution pour
contrer ces exactions, « obliger les importateurs
à respecter toutes les normes en vigueur afin de
mettre sur le marché des produits équivalents
en qualité aux produits wallons. Des contrôles
suivis et efficaces doivent être diligentés au plus
vite. Les normes existent, qu’ils les appliquent
eux aussi!».
Mais il y a urgence, «il faut dès maintenant pro-
téger le secteur du bois énergie. De quelle ma-
nière ? En respectant nos engagements en
matière d’utilisation d’énergies renouvelables et
de transition énergétique. On peut développer
l’offre à la manière du gouvernement luxem-
bourgeois qui incite les particuliers à acheter
massivement des poêles à pellets. Partout en
Wallonie, et surtout dans les bâtiments publics,
cette énergie devrait remplacer le mazout ».
Sitôt achevée sa phrase, sondant les yeux de
notre témoin, on sent bien que la transposition
entre les deux contrées tient, à cet instant, du
vœu pieux.
Au moment d’achever cet échange, Bernard
François revient sur le groupe de travail bois
énergie du cabinet Nollet. « Je fonde pas mal
d’espoirs sur le travail collectif mené dans cette
enceinte. J’ai l’impression que nous avons été
entendus et j’espère que ceci se reflétera dans
les actes… Il y a de l’espoir!». À défaut d’actes,
au moins des recommandations étaient atten-
dues pour fin mars.
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