Réseaux sociaux : de nouvelles perspectives pour la publicité

affairescommunication
78 - Le Commerce du Levant - Août 2010
Réseaux sociaux : de nouvelles
perspectives pour la publicité
En plein développement au Liban, les réseaux sociaux, largement dominés par Facebook,
représentent un potentiel important pour la publicité.
Ernestine Gauthey
«La publicité sur Internet a un fort
potentiel de croissance », lit-on
dans le troisième rapport sur les
médias arabes publié en février dernier par le
Club de la presse de Dubaï et Value Partners.
D’après ce document, le taux de croissance de
la publicité en ligne au Liban pourrait être de
47 % entre 2009 et 2013. Les réseaux
sociaux, Facebook en tête, pourraient en être
les principaux bénéficiaires.
D’après une étude publiée le 13 mai par
ComScore sur la publicité en ligne aux États-
Unis, le site qui a enregistré au premier tri-
mestre 2010 le nombre d’impressions publici-
taires le plus important (176 307, soit 16,2 %
du total) n’était autre que Facebook.
De tels chiffres ne sont bien sûr pas dispo-
nibles au Liban, mais les différents acteurs
locaux de la publicité en ligne interrogés
convergent sur un point : depuis un an envi-
ron, les annonceurs libanais se lancent dans
la publicité sur les réseaux sociaux. En
témoignent les campagnes de plus en plus
nombreuses qu’on peut voir en particulier
sur Facebook : Sayfco, Eurojar, ou encore
Crest et son jeu concours en partenariat
avec
Femme Magazine
.
« Dès 2007, certaines entreprises libanaises ont
commencé à utiliser ces réseaux en complé-
ment des campagnes publicitaires réalisées sur
les autres médias. Aïshti, par exemple, a été
l’une des premières à avoir systématiquement
un budget réservé à Facebook, explique Élie
Achkouty, directeur commercial de la régie
publicitaire Adline Media Network. Aujourd’hui,
nous réalisons de plus en plus de campagnes
sur les réseaux sociaux. »
UN CIBLAGE PRÉCIS
Outre le développement de l’utilisation de
ces réseaux au Liban (Facebook annonçait
mi-juillet 962 440 comptes actifs au Liban,
ce qui en fait de loin le réseau social le plus
utilisé dans le pays, malgré une légère
baisse constatée ces derniers mois), plu-
sieurs éléments expliquent cet engoue-
ment. En premier lieu, la précision du
ciblage que l’on peut réaliser lorsqu’on
achète des bannières sur ces réseaux,
grâce aux données renseignées par les uti-
lisateurs lors de l’ouverture de leur comp-
te. Mais aussi grâce aux groupes qu’ils
rejoignent ensuite et aux différentes infor-
mations qu’ils partagent sur ces réseaux.
Sur Facebook, par exemple, il est possible
de cibler un public en fonction du pays, de
l’âge (plus de 30 % des inscrits au Liban
ont entre 25 et 34 ans), du sexe (près de
55 % sont des hommes), de la langue (plus
de 92 % utilisent l’anglais), de leur situa-
tion amoureuse (célibataire ou marié), de
leur niveau d’études et de leur emploi. Le
réseau social va même plus loin : il permet
de déterminer un groupe ayant un intérêt
commun (40 800 inscrits sur Facebook au
Liban aiment par exemple le chocolat) et
de lui adresser des publicités adaptées.
Facebook n’est bien sûr pas le seul à propo-
ser ce type de ciblage très précis :
Myspace, aujourd’hui dépassé, a été l’un
des premiers à le proposer, et d’autres
réseaux tels que Jeeran, Maktoob ou
Linkedin le permettent également.
En avril dernier, le PDG de Facebook, Marck
Zuckerberg, a même annoncé un nouveau
système, “Instant personalization”, qui per-
met à des entreprises partenaires de parta-
ger les données personnelles des utilisateurs
pour leur proposer une navigation personna-
lisée. Exemple : un utilisateur qui cliquerait
sur le bouton “J’aime” d’un film sur le site
IMDB (une base de données spécialisée sur le
cinéma) se verrait ensuite proposer des publi-
cités pour l’achat du DVD correspondant. En
clair, il s’agit d’outils permettant d’aller plus
loin dans la collecte des données personnelles
pouvant être utilisés par les publicitaires.
Un dispositif qui rappelle étrangement
“Beacon”, une fonctionnalité similaire pré-
sentée par Facebook en 2007 et qui avait dû
être enterrée devant la fronde des utilisa-
teurs. Cette fois-ci, après des protestations
nombreuses et une plainte portée par des
avocats américains, Facebook a seulement
promis d’améliorer et de faciliter la gestion
des paramètres de confidentialité des utilisa-
teurs du réseau. La vague de protestations a
donc pris de l’ampleur : deux Canadiens ont
même lancé le Quit-Facebookday, le 31
La précision du ciblage
sur les réseaux sociaux,
grâce aux données
renseignées
par les utilisateurs,
exlique l’engouement
des publicitaires
mai dernier, pour inciter les utilisateurs à
fermer leurs comptes Facebook.
DES COÛTS MODÉRÉS
Sur les réseaux sociaux, les données
concernant les campagnes elles-mêmes
sont également très précises, ce qui per-
met aux annonceurs d’obtenir un feedback
précieux et quasiment immédiat sur l’im-
pact des bannières achetées. Ils peuvent
ainsi calculer et maîtriser le retour sur
investissement.
Enfin, les coûts, variables mais relativement
bas, ont achevé de convaincre les annon-
ceurs. Sur ces réseaux, ils ont le choix de
payer au nombre d’impressions (nombre de
fois où une publicité s’affiche) ou au nombre
de clics. En revanche, les prix varient forte-
ment d’un réseau à l’autre (Linkedin est par
exemple réputé plus cher que Facebook),
mais surtout d’une publicité à l’autre puis-
qu’ils sont déterminés en fonction du ciblage
et du message (certains mots-clés étant plus
onéreux que d’autres).
“UN JEU D’ENFANT”
La création de publicités sur Facebook est par
ailleurs extrêmement rapide et facile : « Un
jeu d’enfant », confiait même un respon-
sable marketing. En quelques clics, il est
possible de créer avec un texte une image et
un renvoi vers une page web ou Facebook
une publicité de 110 par 80 pixels qui s’affi-
chera dans la colonne de droite des pages
Facebook des utilisateurs ciblés. « N’importe
qui peut créer sa publicité pour la diffuser
sur Facebook, confirme Karim Saikali, fonda-
teur d’EcomLebanon.com. Il est donc très
difficile d’évaluer le volume de publicités
réalisées au Liban sur ce réseau social. »
D’autant que l’achat de bannières sur
Facebook peut être réglé via Paypal, un outil
de paiement en ligne sécurisé, pratique pour
les petits montants.
Pour acheter une bannière plus grande
sur la page d’accueil des utilisateurs de
Facebook, il faut en revanche passer par
le représentant exclusif du réseau dans la
région, Connect Ads, une agence web
basée au Caire qui représente également
MSN.
D’une certaine manière, l’essor de la
publicité sur les réseaux sociaux boule-
verse les pratiques des agences et des
régies publicitaires qui tentent de garder
la main sur la conception et la réalisation
des campagnes. « Si on veut savoir exac-
tement quel réseau est le plus adapté par
rapport à un public spécifique, dans un
pays donné, cela devient compliqué,
détaille un responsable marketing. On voit
donc des gens qui reviennent vers les
professionnels après avoir essayé de faire
eux-mêmes leurs campagnes. »
79 - Le Commerce du Levant - Août 2010
Élie Achkouty, directeur commercial
chez Adline Media Network
« Jusqu’à 2009, 75 à 80 % des espaces
publicitaires que nous vendions en ligne se
concentraient sur des sites classiques, en par-
ticulier ceux des journaux. Mais la situation
s’est renversée depuis un an : aujourd’hui, les
trois quarts des espaces publicitaires que nous
vendons en ligne sont sur les réseaux sociaux,
et en premier lieu sur Facebook. Viennent
ensuite MSN, puis YouTube et les autres.
Quant aux sites panarabes tels que Jeeran ou
Maktoub, très utilisés dans les pays arabes, ils
ne sont pas efficaces pour de la publicité ici.
C’est une des particularités du Liban. »
Yann Rotil, directeur associé
d’Ebizproduction
« Il y a deux principaux points d’entrée sur le
web : Google et Facebook. L’audience est
concentrée sur ces deux sites. L’intérêt princi-
pal de Facebook réside dans la précision du
ciblage et dans les outils d’analyse qui permet-
tent de connaître précisément le parcours de
l’internaute : s’il a cliqué sur une publicité pour
se rendre sur un site de e-commerce, est-ce
qu’il a fait ensuite un achat et, si oui, quel est le
montant du panier moyen ? C’est très rassu-
rant pour le client et cela permet de gérer les
campagnes avec une grande finesse et en
temps réel. »
Karim Saikali, fondateur
d’EcomLebanon.com
« Facebook assure une grande visibilité
pour un petit budget, ce qui est intéres-
sant pour des campagnes d’image et de
notoriété de marques.
Mais pour que cela devienne vraiment
efficace, il faut combiner l’achat de ban-
nières avec des renvois vers une page
Facebook.
Cela suppose d’animer sa page de manière
efficace, en la mettant à jour régulièrement
et en proposant par exemple des offres pro-
motionnelles réservées aux utilisateurs de
Facebook. »
80 - Le Commerce du Levant - Août 2010
affairescommunication
QUELLE EFFICACITÉ ?
Si les réseaux sociaux offrent une grande visibi-
lité, ils ne génèrent pas forcément des retom-
bées directes importantes. Sur Facebook en
particulier, le taux de clics sur les publicités
reste assez faible, de l’ordre de cinq ou six pour
mille. D’autres réseaux permettent d’atteindre
des taux de clics beaucoup plus élevés, par
exemple de l’ordre de 73 pour mille sur Jeeran,
un réseau social très utilisé dans la région, mais
boudé par les annonceurs libanais.
Les réseaux sociaux sont de ce fait utilisés pour
l’instant, en complément des médias tradition-
nels, pour des campagnes visant pour l’essen-
tiel à développer l’image d’une entreprise ou la
notoriété de marques. Quelques contre-
exemples, parmi lesquels le promoteur immobi-
lier Sayfco, un des plus gros annonceurs en
ligne au Liban, ont cependant déjà prouvé que
la publicité sur les réseaux sociaux peut avoir un
impact très important sur les ventes.
Pour y parvenir, il ne suffit pas cependant de
diffuser quelques bannières sur Facebook ou
des vidéos sur YouTube. Pour Karim Saikali,
il est nécessaire de développer une véritable
stratégie combinant des bannières au sens
classique, avec l’animation d’une page et
d’un groupe. Là encore, les réseaux sociaux
font éclater les frontières de la publicité :
qu’il s’agisse d’une bannière achetée, d’une
page, d’un groupe de fans, de discussions
ou de vidéo-clips, tout peut être utilisé à des
fins publicitaires.
Line Abou Nasr, media manager chez
Vertical
« Aujourd’hui, nous avons des clients qui nous
demandent spontanément de faire de la publi-
cité sur Facebook. Il y a un effet de masse :
puisque tout le monde y est, je veux y être
aussi. Je crois également que la force de
Facebook au Liban est liée aux mentalités, les
gens adorent tout savoir. D’autres réseaux
sociaux peuvent être intéressants, YouTube
pourrait être beaucoup plus utilisé au Liban si la
qualité des connexions Internet s’améliore. On
peut mettre en ligne des spots publicitaires, en
revanche l’option permettant de développer de
véritables chaînes de marques sur YouTube,
avec une page dédiée et un habillage spéci-
fique n’est pas disponible au Liban. YouTube
n’a ouvert ce service qu’aux entreprises basées
aux États-Unis, au Canada, en France, en
Allemagne ou au Royaume-Uni. »
Carla el-Assaad, responsable marketing
chez Procter & Gamble pour les produits
de beauté et d’hygiène au Moyen-Orient
« Nous avions déjà mis quelques publicités
sur Facebook, mais c’est la première fois
que nous l’utilisons de manière aussi impor-
tante, en nous appuyant sur des groupes de
fans, dans le cadre d’une campagne pour
Crest au Liban. C’est le site le plus visité ici,
alors il nous a semblé logique d’acheter des
petites bannières sur Facebook, en complé-
ment des autres médias. Sur ce réseau, il y a
aussi une culture de l’image : on aime parta-
ger ou montrer des photos. Ce qui correspon-
dait à ce que nous cherchions pour ce
concours. En moins d’un mois, nous avons eu
presque 2 500 participants au concours. De
nombreux consommateurs utilisent également
leur page Facebook pour inciter leurs amis à
voter pour un candidat. »
Trois questions à
Chahé Yérévanian,
PDG de Sayfco Holding
Depuis quand utilisez-vous les
réseaux sociaux à des fins publici-
taires ?
Nous avons commencé à faire un peu de
publicité en ligne à la fin des années
1990, mais aujourd’hui cela représente
70 % de notre budget publicitaire. Et la
moitié de la publicité que nous faisons en
ligne est concentrée sur Facebook. C’est
en 2009 que j’ai compris le potentiel de
ce réseau social pour notre entreprise :
pour les 50 ans de notre société, nous
avons organisé une loterie avec un
appartement d’un million de dollars à
gagner, et nous avons créé une page
Facebook avec un groupe. En moins de
six mois, nous sommes arrivés à 12 000
fans.
Quel est l’intérêt de Facebook ?
Une grande partie de nos clients sont des
Libanais expatriés ou des étrangers, or
Facebook est le seul moyen de les joindre
directement, quel que soit l’endroit où ils
se trouvent. Nous avons donc continué à
développer notre stratégie de publicité en
ligne, en nous appuyant sur Facebook :
c’est sur notre page Facebook que nous
annonçons nos nouveaux projets et que
nous offrons des promotions à nos fans,
aujourd’hui plus de 120 000. C’est
énorme, d’autant qu’il s’agit en majo-
rité de Libanais expatriés, intéressés
par l’immobilier et éventuellement
prêts à investir.
Avez-vous pu mesurer l’impact de
vos campagnes sur les réseaux
sociaux ?
Pour le projet Horizon à Dbayé, nous avons
annoncé début mai sur notre page
Facebook une remise réservée à nos fans :
15 000 dollars pour un appartement de
145 mètres carrés. Nous avons vendu 52
appartements en moins de 24 heures,
sans qu’aucune autre annonce n’ait
été faite. Facebook génère d’excel-
lents retours, surtout pour les apparte-
ments dont le budget est compris
entre 100 000 et 300 000 dollars.
Mais je crois que ce n’est qu’un début,
car le potentiel de Facebook est énorme.
C
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !