Qu’est-ce que l’ADN ? Sa nature chimique consiste en une succession de quatre
« lettres » moléculaires, les célèbres bases nucléiques : adénine, thymine, guanine, cytosine
(A,T,G,C). L’agencement de ces « lettres » forme, par endroit, des « mots » : les gènes. A ces
gènes correspondent les protéines qui sont les entités fonctionnelles élémentaires autour
desquelles le vivant s’ordonne. Potentiellement, l’ADN d’un organisme spécifie toutes les
facultés biologiques de ce dernier ; il le définit d’un point de vue moléculaire. C’est en ce sens
précis que l’on peut dire que l’ADN est le support d’une information. A l’instar du nom qui
est, selon Socrate, « un instrument propre à enseigner et à distinguer la réalité, comme la
navette à démêler les fils » (Platon, Cratyle), l’étude des « mots » biologiques que sont les
gènes nous permettent de démêler les processus incroyablement complexes de la vie et de
nommer chacun de leurs intermédiaires. Le séquençage du génome humain est l’exemple
typique de l’acquisition d’un savoir purement encyclopédique. Aujourd’hui, nous connaissons
parfaitement l’orthographe des vingt milles mots du dictionnaire humain (nombre
approximatifs de gènes chez l’homme) mais leur signification reste souvent obscure pour la
simple raison que les protéines spécifiées par tous ces gènes interagissent entre elles de façon
extrêmement complexe. Les dynamiques, les régulations, et les équilibres qui existent au sein
des organismes sont de plus irréductibles à la simple séquence d’ADN. Ils sont conditionnés
très finement par l’environnement et c’est pourquoi la distinction entre le génotype (ensemble
des gènes d’un organisme) et le phénotype (ensemble de ses caractères physiologiques et
morphologiques) est indispensable à l’entrée dans la réflexion génétique. Ainsi, si l’on peut
effectivement parler d’identité génétique, il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une identité
abstraite qui ne détermine rien d’autre qu’un ensemble de potentialités. Au stade actuel de nos
connaissances, on ne peut jamais conclure avec certitude de l’impact d’un génotype sur le
phénotype d’un être humain : d’après Jean-Louis Serre, auteur de plusieurs manuels de
génétique, il est « absurde d’établir une relation stricte entre les gènes et les phénotypes en
faisant abstraction du milieu » (Génétique des populations, Dunod). Si tous les individus
vivaient exactement dans le même milieu et traversaient exactement les mêmes expériences,
du moment où ils sont conçus jusqu'à leur mort, alors on pourrait vraiment parler de
déterminisme génétique, mais ce serait sans compter sur la disparition – du moins le mal-être–
des individus inadaptés à cet hypothétique milieu universel. Même dans le cas des maladies
purement génétiques, il est extrêmement difficile de prédire avec certitude et précision
l’apparition de symptômes pathologiques, alors prédire l’intelligence d’un être humain ou ses
traits de caractère à partir de son information génétique est tout simplement inconcevable en
l’état actuel de la science et de la société. C’est pourquoi les propos d’un personnage aussi