Chapitre 1 : Introduction à la microbiologie La microbiologie est la science qui s’intéresse aux êtres vivants dont la taille est de l’ordre du micromètre. Le monde microbien regroupe des espèces appartenant aux trois règnes du vivant : bactéries, archées, eucaryotes. Ces espèces présentent une grande diversité de formes, de fonctions et d’origines évolutives. Dans ce premier cours, nous allons découvrir les caractéristiques générales des micro-organismes de chacun des trois règnes du vivant. Fig. 1 : L’arbre évolutif des trois règnes du vivant. Au centre, « Luca » (Last universal common ancestor) désigne le dernier ancêtre commun des 3 règnes du vivant. Image sous licence Creative Commons, auteur « Spiridon Ion Cepleanu ». I. Les bactéries 1. Caractéristiques Les bactéries sont des êtres vivants unicellulaires. Avec les archées, elles forment le domaine des procaryotes, les êtres vivants sans noyau. Le monde bactérien est extrêmement diversifié. D’apparence simple, les bactéries semblent être les êtres vivants les moins évolués des trois règnes. Il s’agit en fait moins de simplicité que d’une spécialisation vers la cellule la plus optimisée et efficace possible. Les bactéries ont eu autant de temps que les autres êtres vivants pour évoluer et ont mis ce temps à profit en se propageant et en se diversifiant. Leur stratégie évolutive est basée sur l’efficacité de cellules indépendantes plutôt que la multicellularité. Présentes dans presque tous les environnements terrestres, certaines bactéries peuvent survivre à des conditions extrêmes de chaleur, d’humidité, de profondeur ou même de radioactivité, qui témoignent de leur extrême capacité d’adaptation. Néanmoins, dans la plupart des cas, les conditions optimales de croissance des bactéries se situent généralement dans des conditions moyennes de température, d’oxygène, de pression, et avec un taux d’humidité de préférence assez élevé. Certaines espèces sont capables de se déplacer activement en direction des sources de nutriments, on parle de chemotaxie. Les bactéries sont souvent les premières à coloniser un milieu riche en nutriments, et tentent de s’approprier ceux-ci en se multipliant le plus rapidement possible. Les bactéries acquièrent les nutriments par diffusion passive à travers leur paroi cellulaire. Leur métabolisme peut être basé sur la fermentation ou la respiration. 2. Intérêts Les bactéries représentent à elles seules plus de la moitié de la biomasse terrestre et jouent un rôle primordial dans certains cycles biologiques qui concernent l’ensemble du monde vivant, comme le cycle de l’azote, du carbone ou de l’hydrogène. Les bactéries peuvent vivre sous forme libre, ou associées avec d’autres espèces supérieures dans des relations de parasitisme ou de symbiose. Certaines bactéries causent des maladies infectieuses, on parle de bactéries pathogènes. D’autres vivent en symbiose avec nous, on parle de flore ou de microbiome, composées de bactéries symbiotiques. Certaines bactéries symbiotiques peuvent devenir pathogènes lorsque le système immunitaire est affaibli ; on parle de bactéries opportunistes. Les bactéries jouent également un rôle important pour la recherche et l’industrie, où leurs utilisations sont nombreuses et variées. II. Les eucaryotes 1. Caractéristiques Le règne des eucaryotes regroupe tous les êtres vivants dont les cellules possèdent un noyau. Les eucaryotes peuvent être pluricellulaires (plantes, champignons, animaux) ou unicellulaires (protistes). Les eucaryotes se distinguent des procaryotes (archées, bactéries) par la présence d’un noyau qui contient le matériel génétique. Les cellules eucaryotes présentent également plusieurs organites (ou organelles), des structures présentes dans le cytoplasme, délimitées par une membrane plasmique et capables de remplir plusieurs fonctions très spécialisées : - Réticulum endoplasmique : assemblage et synthèse des protéines non cytoplasmiques - Appareil de Golgi : synthèse des produits sécrétés par la cellule - Les vésicules de digestion (peroxysome, lysosomes, endosome) : Recyclage des protéines, de la membrane et des autres organites - La mitochondrie : création d’énergie (sous forme d’ATP) L’un des organites les plus intéressants des eucaryotes est la mitochondrie. Cette structure est responsable de la conversion des sucres et de l’oxygène de la cellule eucaryote en ATP, une molécule de stockage d’énergie, selon un processus que l’on appelle la respiration cellulaire. Les mitochondries possèdent leur propre ADN et se divisent indépendamment de la cellule eucaryote qui les contient. Elles sont recouvertes d’une double membrane plasmique ; la première est semblable à une membrane eucaryote mais la seconde est semblable à une membrane bactérienne. Cette observation a conduit au développement de la théorie endosymbiotique (Fig.2). Selon cette théorie, l’ancêtre commun des eucaryotes serait une cellule primitive proche des archées, qui aurait phagocyté une bactérie et aurait entamé avec elle une relation symbiotique qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Cette théorie a été validée il y a quelques années par le développement des techniques d’analyse génétique, qui ont montré que l’ADN mitochondrial est proche de celui des bactéries, et que certains mécanismes basiques des eucaryotes sont d’origine archéale. Fig. 2 : Principe de la théorie endosymbiotique. La phagocytose de la bactérie primitive expliquerait la présence d’une double membrane autour de la mitochondrie chez les eucaryotes. A l’opposé des bactéries et des archées, les eucaryotes possèdent plusieurs chromosomes, linéaires et présents chacun en deux copies. On dit qu’ils sont diploïdes. Les eucaryotes sont aussi les seuls capables de reproduction sexuée. Ce mode de reproduction assure un brassage génétique à chaque nouvelle génération, ce qui permet une diversification génétique nécessaire à l’adaptation des espèces, et donc leur survie. Les protistes (eucaryotes unicellulaires) forment un groupe très hétérogène. Ils mesurent en moyenne une centaine de micromètres, ce qui est supérieur à la taille moyenne des bactéries et des archées mais toujours inférieur au millimètre ; leur étude tombe donc dans le champ de la microbiologie. On distingue trois types de protistes : - les champignons unicellulaires ou levures. - les algues unicellulaires, qui pratiquent la photosynthèse. - les protozoaires, qui se nourrissent par phagocytose. 2. Intérêts Les levures présentent un intérêt particulièrement important dans le domaine industriel, et agro-alimentaire en particulier. Elles sont par exemple utilisées pour la production de vin, de fromage, de produits laitiers et d’alcool. Les algues unicellulaires jouent un rôle primordial dans les écosystèmes marins, où elles sont à la base de la chaîne alimentaire du zooplancton. Elles sont également responsables de l’oxygénation de l’air qui a rendu la vie terrestre possible. Les protozoaires jouent un rôle dans la chaîne alimentaire, puisqu’ils se nourrissent de bactéries et sont à leur tour mangés par des organismes pluricellulaires. Certains protozoaires sont également pathogènes (maladie du sommeil, malaria, amibe mangeuse de cerveau, douve du foie…). On utilise généralement le terme de parasite pour désigner les protozoaires pathogènes. III. Les archées 1. Caractéristiques Les archées forment le règne du vivant le moins bien connu. Longtemps classées parmi les bactéries du fait de leur apparence similaire, de récentes analyses de leurs génomes ont montré qu’elles sont en fait aussi éloignées des bactéries que des eucaryotes au niveau évolutif (cf. Fig.1). Ainsi, les archées possèdent certains points communs avec les bactéries, des points communs avec les eucaryotes, et aussi quelques caractéristiques uniques, qui sont résumés dans le tableau suivant : Points communs avec les bactéries Strictement unicellulaires Taille et forme similaire Caractéristiques uniques Points communs avec les eucaryotes Certaines sont capables de Enzymes impliquées dans la métaboliser le méthane réplication/transcription/ (méthanogènes) traduction similaires Membrane composée Présence d’histones (protéines d’étherlipides plutôt que qui compactent l’ADN) d’acides gras Pas de noyau, un seul Capacité à utiliser l’énergie chromosome circulaire. solaire, ou à fixer le carbone ADN et ARN semblable aux bactéries Division asexuée Protéines impliquées dans le cytosquelette Tableau 1 : Caractéristiques des archées, points communs avec les autres règnes. Les archées étaient jusqu’à récemment connues principalement pour être des extrêmophiles, c’est-à-dire des organismes vivant dans des conditions extrêmes de chaleur, de profondeur, d’acidité ou de concentration en certains produits chimique (sel, métaux lourds, méthane…). Ainsi, certaines archées ne vivent qu’à des températures supérieures à 80°C et peuvent supporter jusqu’à 113°C, au sein de sources hydrothermales océaniques. Au vu des conditions terrestres lors de l’apparition de la vie, on suppose que Luca, le dernier ancêtre commun des êtres vivants, était une cellule hyperthermophile proche de ces archées. Plus récemment, on s’est aperçu par des approches génétiques que la diversité des archées ne se limitait pas à ces extrêmophiles, mais qu’elles sont au contraire présentes en grand nombre dans le sol et les océans, dans des conditions normales de température, d’acidité et de pression. 2. Intérêts A ce jour, on ne connait pas d’archées pathogènes. Il existerait néanmoins un lien entre la présence d’une archée dans la flore buccale et l’apparition de gingivites ; ce lien semble être dû à un déséquilibre de la flore buccale plutôt qu’une relation de pathogénicité. Les archées hyperthermophiles ont une importance primordiale dans l’industrie biochimique. En effet, l’utilisation de leurs enzymes très résistantes à la chaleur a permis la naissance de la biologie moderne, notamment à travers l’invention de la réaction en chaîne par polymérase (PCR) qui permet de produire un grand nombre de copies d’ADN à partir d’un échantillon de très faible concentration. Depuis l’invention de la PCR, la biologie moléculaire a beaucoup avancé, et s’est en grande partie basée sur l’exploitation des enzymes des archées hyperthermophiles. A 120 à 250 µm B C 10 µm 10 µm 1 µm 20 µm G F E D H 3 µm I 1 µm 0.5 µm 1.5 µm J 25 µm Fig. 3 : Diversité des formes et tailles des micro-organismes. Protistes : A) Paramecium aurelia (protozoaire) B) Saccharomyces cerevisiae (levure) C) Chlamydomonas reinhardtii (algue) D) Acanthamoeba castellanii (protozoaire) Archées : E) Methanococcus maripaludis (méthanogène) F) Pyrococcus furiosus (thermophile) Bactéries : G) Bacillus subtilis H) Escherichia coli I) Staphylococcus aureus J) Borrelia burgdoferii QCM 1. Les eucaryotes se distinguent par leur noyau, qui contient : A. Les mitochondries B. Les chromosomes C. Les archées D. Le réticulum endoplasmique 2. Les bactéries et les archées n’ont pas de noyau, elles forment le domaine : A. Des protistes B. Des procaryotes C. Des diploïdes D. Des organites 3. Le dernier ancêtre commun aux bactéries, aux archées et aux eucaryotes : A. Etait une cellule terrestre B. S’appelait Luca pour « Last unique cellular ancestor » C. Etait probablement un extrêmophile D. Avait des mitochondries 4. Les organites des eucaryotes : A. Ont tous une origine bactérienne B. Remplissent des fonctions spécialisées C. Sont tous recouverts d’une double membrane D. Ont tous une origine archéale 5. Selon la théorie endosymbiotique, l’origine des mitochondries serait : A. La phagocytose de Luca par un eucaryote B. La fusion entre une archée et une bactérie C. La fusion entre une archée et un eucaryote D. La phagocytose d’une bactérie primitive par une archée primitive 6. Les protistes sont : A. Des eucaryotes sans noyau B. Des archées primitives C. Des eucaryotes sans mitochondries D. Des eucaryotes unicellulaires 7. Les archées sont : A. Toutes hyperthermophiles B. Toutes extrêmophiles C. Rares dans la nature D. Dépourvues d’organites 8. Quel type micro-organisme ne présente pas d’intérêt pour l’Homme ? A. Aucun des trois B. Les bactéries C. Les protistes D. Les archées 9. Le métabolisme : A. Des archées est toujours basé sur le méthane B. Des eucaryotes est toujours basé sur la photosynthèse C. Des bactéries n’est jamais basé sur la fermentation D. Des bactéries est parfois basé sur la fermentation 10. En général, les plus grandes cellules sont : A. Eucaryotes B. Archéales C. Bactériennes D. De taille équivalente entre les trois règnes Réponses : 1.B 2.B 3.C 4.B 5.D 6.D 7.D 8.A 9.D 10.A