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C’est depuis le Pātāla que, selon les Nāth, Gorakhnāth devient l’auxi-
liaire de Viu dans le processus de recréation qui suit le pralaya, la grande
dissolution qui rythme la succession des ères. Tout d’abord, contrairement
aux récits purāiques et épiques, Gorakhnāth est toujours présent dans le
Pātāla malgré le pralaya. Or « quand la n du yuga est arrivée, le feu du
Temps brûle le monde, montagnes, mers, îles, rochers, forêts et bois, consu-
mant le monde des Serpents et les habitants du Pātāla » (Mahā-Bhārata
., cité in Biardeau , ). On pourrait imaginer Gorakhnāth rési-
dant avec toutes « les âmes qui ont, grâce aux pratiques yogiques, obtenu
leur libération, reste[r] dans le tapoloka et le brahmaloka », « les mondes
les plus hauts dans l’œuf cosmique [où] résident durant le pralaya les âmes
des adeptes qui ont réalisé l’absolu » (White , ). Mais c’est pourtant
bien dans le Pātāla que Viu se rend : « When Vishnu came out from the
lotus [sic] at the creation of all things, Gorakhnâth was in Patâla [sic] or
the lower regions. Vishnu, terried at the waste of waters, went to Patâla,
and implored the aid of Gorakhnâth, who, in pity for the deity, gave him a
handful of ashes from his eternal re (dhuni) and told him that, if he sprin-
kled the dust over the water, he would create the world » (Crooke , III,
, article « Kanphata »).
«Viu vit le monde vide » (MBh ..a). Le récit épique ne le fait
pas « implorer Gorakhnāth » mais « se mettre en état de concentration
pour créer » (MBh .., cité in Biardeau , ) : la concentration
du dieu yogin, Viu Nārāyaa, devient chez les Nāth, matériel appel à
Gorakhnāth. Quant à la pincée de cendres créatrice prise au feu ascétique,
elle évoque la combustion du pralaya.
Or ce sont les « restes » de cette combustion, ces cendres, qui forment le
corps de Śea, le serpent originel ottant sur l’océan cosmique et sur lequel
dort Viu entre deux périodes de création. Śea est, en eet, « le reste »,
formé du « reste » de l’incendie cosmique, que M. Biardeau (, I, )
décrit comme un immense sacrice funéraire, Śea étant comme « le reste
sacriciel du monde », « promesse de la renaissance à venir ». Mais M. Biar-
deau (, ) le dit aussi : « Śea est blanc, et les comparaisons poétiques
qui décrivent sa blancheur ne sauraient faire oublier qu’elle ressemble avant
tout à celle de Śiva et des ascètes śivaïtes au corps enduit de cendres ».
Ce Śea cendré c’est aussi celui qui, toujours selon l’épopée (MBh,
Ādiparvan), s’adonne à l’ascétisme de telle façon que « Brahmā, pleased
de ces régions), domaine des Nâga et d’autres êtres mythiques, égal au ‘ciel’ en beauté. Sous
le pâtâla, [se trouve] le naraka, l’enfer proprement dit ».