TAPISSERIE «La reddition de Marsal - Académie de Nancy-Metz

TAPISSERIE «La reddition de Marsal»
TEMPS MODERNES
Moyen
Age
Epoque
contemporaine
Tous les documents iconographiques ont gracieusement été cédés par le Conservateur du Musée du Sel de Marsal, Gabriel Diss et de nombreuses
informations fournies par Véronique Bourras. Qu’ils en soient remerciés.
1
50
0
1600
1700
1800
1492 1789
1643
:
mort de Louis XIII.
Régence de Mazarin et
Anne d’Autriche
16
61
:
prise de pouvoir
effective de Louis XIV à la
mort de
Mazarin
1
715
:
mort de
Louis XIV
1669 :
tapisserie »Reddition
de Marsal »
L’étude du tableau repose sur les recherches de G. Thewes, cité ci-dessous en bibliographie
Référence bibliographique :
THEWES (G.) – 2007 – La reddition de Marsal à Louis XIV en 1663 ou comment l’image crée l’événement. Actes du colloque organisé par la Commission
d’Histoire Militaire, les 24 et 24 juin 2007 à Marsal. Publié par la Section historique de l’Institut Grand-Ducal de Luxembourg.
PERRAULT (C.) – 1675 – Recueils de divers ouvrages en prose et en vers. Dédié à son Altesse Monseigneur le Prince de Conti, Paris, 1675.
1. L’œuvre
Titre : «Reddition de Marsal»
Dimensions : H : 382 cm l : 580 cm
Date : 1669 (achevée en 1677)
Technique: Tapisserie
Lieu d’exposition : Propriété de l’état, elle fait partie du Mobilier National. Une
photographie est exposée au Musée du sel de Marsal.
Caractéristiques de l’œuvre : elle représente la remise symbolique des clés de la ville de
Marsal à Louis XIV après des années de conflits opposant la France à la Lorraine, dans la
possession de la place forte. Ce type de mise en scène est traditionnel lorsqu’il s’agit de
représenter la reddition d’une ville.
Elle est réalisée à partir de fils de soie, de laine et d’or.
Auparavant, il n’existait que quelques plans de la place forte : cette tapisserie fait entrer la
ville dans l’histoire et l’histoire de l’art.
Musée du sel de Marsal
Une image de propagande
Dès son entrée en fonction, au début des années 1660, Jean-Baptiste Colbert se voit confier la tâche de mettre les arts au service de la glorification du roi.
Peinture, sculpture, littérature, architecture doivent contribuer à rendre immortelles les actions de Louis XIV. Il apparaît alors que la tapisserie serait un moyen
de «conserver la splendeur des entreprises du Roy». En 1662, Colbert acquiert la manufacture des Gobelins qu’il met au service de la propagande royale.
En 1665, la manufacture se lance dans la fabrication d’une série de 14 tapisseries – à laquelle appartient la reddition de Marsal - qui racontent les hauts faits des
premières années de règne de Louis XIV (de 1654 à 1668) et appelée «l’histoire du Roy». C’est vraisemblablement Colbert qui a eu l’idée de mettre en scène
les événements marquants du règne de son souverain. Une fois le thème choisi et retenu conjointement par Colbert et le roi lui-même, le Premier Peintre du Roi
et directeur de la Manufacture des Gobelins, Charles Le Brun ou un de ses ouvriers, réalisait une première ébauche (sous forme de croquis) de la scène à
immortaliser.
Les tapisseries de «l’histoire du Roy» ont été utilisées pour la première fois à Versailles, en juin 1677, durant les cérémonies de la Fête-Dieu.
Une image réalisé à-postériori
La campagne de Louis XIV en Lorraine a lieu en août-septembre 1663, or, le dessinateur Israël SYLVESTRE n’est envoyé que 2 ans après, en octobre 1665, à
Marsal, pour un y faire des croquis. La première mention de l’œuvre se trouve dans le poème de Charles PERRAULT, «la peinture», paru en 1668. Le travail de
tapisserie ne commence qu’en 1669, soit 6 ans après les événements censés être représentés. Le tissage prendre plusieurs années, si bien que la tapisserie ne sera
achevée qu’en 1677.
Une image reproduite à grande échelle
Cette représentation sera dupliquée, reproduite sous diverses formes et diffusée dans toute l’Europe. En effet, Impressionnés par les réalisations de la
manufacture des Gobelins ou désireux d’imiter leur souverain, les grands du royaume et les courtisans n’hésitaient pas à les faire reproduire sous forme de
tableau (cf. peinture à l’huile de la reddition de Marsal exposée au musée du sel)
En raison de la justesse topographique du paysage représenté et de la richesse de ses détails, les historiens l’utilisent fréquemment pour illustrer leurs propos sur
l’histoire de la Lorraine. A ce jour, elle reste l’image que l’on retient pour témoigner de la campagne de Louis XIV en Lorraine.
Charles PERRAULT, dans son poème «la peinture», célèbre «ces chefs d’œuvre de l’art, dont l’art mesme s’étonne» et s’extasie des talents de leur auteur.
2. L’artiste
Nom et prénom : Charles Le Brun (il a réalisé le carton qui a permis aux Gobelins de réaliser cette tapisserie)
Date de naissance et de décès sil y a lieu : 1619-1690
Nationalité : Française
Informations biographiques :
Il est à l’origine de la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 puis obtient la direction de la manufacture des Gobelins qui a réalisé la
tapisserie présentée ici. A partir des années 1660, il est au service du Roi-Soleil et devient en quelque sorte « peintre officiel » du souverain, ce qui le fit
mépriser par les artistes romantiques du XIXème et explique que sa popularité ne soit pas à la hauteur de son talent. Il fut chargé de la décoration intérieure du
château de Versailles. Il a formé, entre autres, Hyacinthe RIGAUD.
Autres œuvres :
- Décoration de la galerie d’Apollon, au musée du Louvre
- Décor du château de Vaux-le-Vicomte
- Peintures murales du plafond de la galerie des glaces du château de Versailles
3. La manufacture des Gobelins et l’art de la tapisserie
- Histoire de la manufacture
Située au 42 avenue des Gobelins (Paris), à proximité de la Bièvre, cette manufacture doit son nom à une famille champenoise qui, au XVème siècle, y avait
établi une entreprise de teinture. Henri IV, en avril 1601, y installa deux tapissiers flamands. Mais c’est Louis XIV qui lui donna une impulsion considérable
en créant en 1662, la manufacture des Meubles de la Couronne. Colbert y centralisa divers ateliers de tapisserie dispersés jusqu’alors dans Paris et y ajouta
des ateliers d’ébénisterie, d’orfèvrerie… Le 8 mars 1663, Charles le Brun est nommé directeur de la Manufacture Royale des Gobelins. Il va y instaurer un
travail en équipe, réunissant autour de lui des dessinateurs, des peintres, des tapissiers… Le Brun n’hésitera pas à faire appel à des artistes étrangers de
grande réputation, tel le Flamand Adam Frans Van der Meulen.
Au XVIIIème siècle, le nom des Gobelins est connu dans l’Europe entière. La manufacture continue aujourd’hui à produire des tapisseries pour le «Mobilier
national», faisant travailler des artistes contemporains.
- Technique de la tapisserie : la réalisation de la tapisserie est la dernière étape d’une longue succession de travaux divers :
Réalisation d’un croquis (par Le Brun dans le cas de la reddition de Marsal),
A partir de ce dernier est réalisée une esquisse peinte, appelée aussi « petit patron ». Il s’agit d’un tableau réduit de la scène. Pour Marsal, le petit patron a
été réalisé par Adam Frans Van der Meulen, peintre flamand renommé.
Vient ensuite la confection d’un carton : les peintres-cartonniers réalisent une toile peinte à l’huile qui est l’ébauche, en dimensions réelles, de la
tapisserie.
Intervention des lissiers (personne qui réalise les tapisseries en utilisant un métier à tisser) qui tissent la tapisserie selon le modèle donné par les cartons,
en utilisant de la laine, de la soie et de l’or.
Ces œuvres sont réalisées en plusieurs exemplaires, puis livrées au Garde-meuble de la Couronne, avant d’orner les demeures royales ou d’être offertes à de
puissants personnages.
4. Le contexte historique et social
L’œuvre est un témoignage fort de la politique expansionniste de Louis XIV, de la construction progressive de notre pays et de l’histoire de ses frontières.
- L’accession au pouvoir de Louis XIV : renforcement de la monarchie absolue
Lorsque Louis XIII meurt en 1643, son fils n’a que 5 ans. C’est donc Mazarin, le premier ministre, qui gouverne la France, sous la régence d’Anne d’Autriche et
ce jusqu’à sa mort. Ce dernier disparu (1661), Louis XIV décide de rompre avec la tradition de ses prédécesseurs qui s’appuyaient sur des premiers ministres
puissants pour gouverner (Louis XIII Richelieu, Anne d’Autriche Mazarin) et d’être le seul à détenir le pouvoir (= monarchie absolue : le roi détient son
pouvoir de Dieu lui-même, ne peut être jugé que par ce dernier et n’a de comptes à rendre qu’à lui). Il nomme Colbert qui ne sera habilité qu’à conseiller le
souverain.
- L’extension du territoire français
« S’agrandir est la plus digne et la plus agréable occupation des souverains » disait Louis XIV. Pour être un grand roi et affirmer sa puissance, Louis XIV se
lance dans une politique d’extension du territoire français. Pour cela, il a recours à la guerre. La France s’est préparée à la guerre, aidée par des tacticiens
militaires : le ministre Louvois dote la France de la première armée d’Europe, Vauban fortifie plus de 300 places fortes sur les frontières…Et de fait, la France
est souvent victorieuse : 1668, l’Espagne doit céder la Flandre, puis la Franche-Comté en 1678, en 1697, Strasbourg devient française. Ces conquêtes, si elles
redorent le blason de la France, ne l’en laissent pas moins ruinée.
- Un réseau de courtisans
Louis XIV vit à Versailles, dans un palais qu’il a voulu à la hauteur de sa magnificence, entouré des plus grands personnages du royaume (la cour). Les fêtes se
succèdent : le roi entretient tout un parterre d’artistes (Molière, Jean de la Fontaine, Lully…)
- Une société très inégalitaire
Les fastes de la cour, les guerres à répétition nécessitent des rentrées financières que le roi obtient en pressurant le peuple (rappel la société est divisée en 3
ordres le clergé et la noblesse dits privilégiés et le tiers état sur lequel repose toutes les contributions financières). Alors que quelques-uns vivent dans le
luxe et l’opulence, la majorité est victime des épidémies et de la famine.
- La mort du roi
A sa mort, en 1715, Louis XIV laisse un pays ruiné.
5. Rapide historique de la ville de Marsal
Ce rappel historique est à destination de l’enseignant et ne devra pas être à dispenser tel quel aux élèves. Il est important que ces derniers soient
conscients que l’histoire de Marsal est imbriquée dans l’histoire de France, complexe et que les villes frontières ont toujours eu des destinées
mouvementées en raison justement de la proximité avec les territoires « ennemis ».
L’histoire de la ville est liée au sel, matière première hautement importante en ces temps exempts de réfrigérateur et toute conservation d’aliments passe par
la saumure.
Dès le Néolithique, des restes archéologiques attestent d’une occupation humaine à Marsal. Des traces de fours et de briquetage ont été retrouvées, témoignant
d’une exploitation du sous-sol.
A l’époque romaine, la ville est connue sous le nom de Marosallum, comme en moigne une stèle érigée par les Marsalais (44) en l’honneur de l’empereur
Claude.
A partir du XIIème siècle, l’évêché de Metz et le duché de Lorraine se disputent le contrôle des salines de la région. C’est à cette époque, vers 1260, que sont
érigées les premières fortifications de la ville.
A l’époque moderne, la Lorraine est le « pays d’entre-deux », enserrée entre l’Empire et le royaume de France, convoitée par les deux puissances.
1553 à 1593 : occupation de Marsal par le roi de France. Après cette date, il doit céder la ville à Charles III de Lorraine.
Durant la guerre de 30 ans (1618-1648), Charles IV, duc de Lorraine, doit abandonner ses terres.
1631 : la cité est reprise par le roi de France. Le 6 janvier 1632, le traité de paix de Vic-sur-Seille fait de la ville une possession royale pour une durée de 3 ans.
1641 : le traité de Saint-Germain prévoit le démantèlement de la place forte et la restitution au duc de Lorraine.
1648 : la reprise des hostilités entre la France et la Lorraine rendent cet accord caduc : la Lorraine revient au roi de France.
1659 : le traité des Pyrénées redonne à Charles IV la possession de ses terres lorraines précédemment perdues.
1662 : par le traité de Montmartre, Charles IV accepte que la Lorraine revienne à la couronne de France à son décès, à l’exception de la ville de Marsal qui doit
être restituée de suite. Mais il tarde à remettre à ville à Louis XIV, si bien que ce dernier décide de s’en emparer par la force.
2 septembre 1663, Louis XIV s’empare de Marsal : la prise s’est faite sans combat, Charles IV ayant préféré se soumettre devant l’avancée des troupes royales.
Marsal est livrée le 4 septembre aux troupes françaises, alors que Louis XIV est déjà reparti pour Versailles. C’est le Maréchal de la Ferté qui en prend
possession au nom du roi de France. Louis XIV confie l’amélioration des fortifications à Vauban. Il en fait fermer les Salines en 1699.
Marsal devint une ville de garnison jusqu’en 1870, date à laquelle elle sera prise par les Prussiens.
6. Pistes pédagogiques
Lecture de l’oeuvre :
Informations pour l’enseignant
Louis XIV avait été averti que le duc de Lorraine, Charles IV, avait l’intention de garder la ville de Marsal, en dépit du traité signé précédemment. Ceci
amena le monarque à décider une opération guerrière conduite par le duc de Guiche et Monsieur de Pradel, avec l’aide des troupes stationnées en Lorraine
(août 1663). Un corps de militaires basé en dehors de la région vint renforcer le dispositif, sous la conduite du Maréchal de la Ferté-Senneterre. Louis XIV
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