installé des laboratoires en Israël : Cisco, GE, HP… IBM a ainsi inauguré, à côté du
Technion, son plus grand pôle de recherche après son siège. 400 ingénieurs y
perfectionnent Watson, le logiciel d’intelligence artificielle, un de ses programmes les
plus ambitieux.
Une autre des originalités du modèle israélien est d’avoir un chef d’orchestre pour
orienter l’équivalent des 4,3 % du PIB consacrés à la R&D. Il s’appelle Avi Hasson. Son
titre fait plus rêver que les bureaux anonymes qu’occupent ses services, non loin de
l’aéroport de Tel Aviv. Il est le « Chief scientist » d’Israël depuis 2011, après vingt ans
passés dans l’industrie et le capital-risque. « Quand Israël a créé le poste, en 1969, il n’y
avait pas de start-up, mais l’intuition qu’il fallait transformer l’économie. La fonction,
qui dépend du ministère de l’Économie, a toujours fait consensus politiquement »,
explique-t-il.
Vivent les éclaboussures ! Son rôle ? « Tout ! Je couvre tous ce qui a trait à
l’innovation. L’industrie, la communication, la nourriture, l’énergie, les modes de vie…
Tout, sauf la défense. » Sa fonction, large, consiste à mettre de l’huile dans les rouages et
fournir à l’écosystème ce dont il a besoin. Des visas facilités pour les chercheurs. Un
système de taxes stimulant pour l’investissement (50 % de crédit d’impôt pour
l’investissement dans les start-up). Des réglementations favorables à la propriété
intellectuelle. Tout. Avi Hasson a aussi sa force de frappe économique : 500 millions de
dollars de budget par an. « C’est peu… Mais beaucoup parce que cela nous permet de
solvabiliser des projets. Nous sommes généreux avec les projets émergents, donc
risqués. » 85 % des ressources sont consacrées à des entreprises de moins de trois ans.
Avec une philosophie optimiste : « Tant pis si un projet échoue. Il faut prendre en
compte les « éclaboussures » de l’essai. Ce qu’il a produit en termes de découvertes,
talents, sociétés associées est bénéfique au pays. » L’efficacité de son travail, Avi Hasson
la quantifie ainsi : « On a désormais en Israël des centaines de compagnies qui réalisent
plusieurs millions de dollars de revenus, ce n’était pas le cas il y a dix ans. Ici, les
entrepreneurs sont des rock stars. Il y a une reconnaissance sociale pour tous. Pas
seulement pour les Zuckerberg. »
Ils ont tout à portée de mains. Le pays, à peine plus peuplé que la région Auvergne-
Rhône-Alpes, compte 90 sociétés de capital-risques et 200 business angels ou fonds, 25
incubateurs et 70 accélérateurs. Ces poussinières à start-up, qui n’ont rien à envier à
leurs homologues californiennes en termes de mobilier design et cantines gratuites, sont
devenues un mode de vie.
Start-up ultraortodoxes. Avec des effets surprenants. Dans la banlieue de
Jérusalem, où sont installées de nombreuses sociétés tech, dont la star du moment,
Mobileye, rachetée pour près de 5 milliards de dollars par Intel en février, on croise de
plus en plus de Juifs ultraorthodoxes en costume traditionnels. « Traditionnellement,
ils ne travaillent pas et sont un poids mort terrible pour la société. Ils ont trouvé avec la
vague numérique une façon de s’intégrer économiquement en conservant leur mode de
vie », note Avi Hasson. Le boom des start-up a aussi eu des effets positifs pour les
20,7 % d’Arabes israéliens que compte le pays. Exclus de la conscription, ils le sont aussi
du recrutement de la plupart des entreprises. « Mais le secteur tech a un fantastique
potentiel intégrateur. Ils constituent 28 % des étudiants du Technion et le tiers des
effectifs du secteur de la tech, ce qui est une excellente nouvelle », se réjouit le Chief
scientist.