formation de cette société marque les débuts de la génétique des comportements dans sa
dimension moderne et actuelle.
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Elle est un peu l’aboutissement de plusieurs événements
majeurs qui en ont fait un domaine de recherches reconnu et certains d’entre eux mettent en
lumière l’étroitesse des liens existant entre la génétique des comportements et l’idéologie
eugéniste.
Premièrement, en 1960, John Fuller et Robert Thompson publient le premier ouvrage sur
ce sujet, Behavior Genetics
4
. Cette publication a une importance historique non négligeable
car elle a contribué à la diffusion des concepts et des méthodes qui caractérisent la génétique
des comportements en tant que discipline scientifique spécifique.
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Ensuite, grâce aux sponsors
de l’American Eugenics Society, les Princeton workshop conférences, qui s’intéressent
notamment à la validité psychométrique des mesures de QI, ont été organisées tout au long
des années 1960. Lors de l’une de ces conférences, le généticien Theodosius Dobzhansky
suggère la formation d’une association de Génétique des comportements. Les quatre années
qui suivirent verront naître progressivement la Behavior Genetics Association et ce, grâce au
soutien financier d’un certain Frederick Osborn. Il s’agit d’un des leaders les plus importants
du mouvement eugéniste américain, président de l’American Eugenics Society après la guerre
de 1946 à 1952.
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Les liens historiques et financiers qui associent la génétique des comportements au
mouvement eugéniste reposent sur une dépendance théorique importante. La pensée eugéniste
se nourrit d’un déterminisme génétique dans lequel les gènes sont supposés avoir un rôle
causal prépondérant dans le développement des phénotypes. Le rapport causal entre le
génotype et le phénotype est perçu comme linéaire. Dans ce cadre, une action sélective
(positive ou négative) ciblée sur certains traits phénotypiques engendre une modification
progressive des caractéristiques génotypiques de la population et par voie de conséquence,
une plus grande fréquence relative des phénotypes recherchés (intelligence, santé, beauté, …)
puisque les gènes sélectionnés sont censés en être la cause principale. Notons cependant que
la dépendance théorique est unidirectionnelle car si la possibilité théorique d’une sélection
amélioratrice dépend d’une certaine façon des résultats obtenus en génétique des
comportements, la réciproque n’est pas vraie.
Génétique formelle
Le postulat de linéarité relationnelle entre le génotype et le phénotype trouve son origine
dans les propositions théoriques de la génétique formelle du début du 20
ème
siècle car cette
dernière a mis en place une culture épistémologique
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qui s’intéresse essentiellement à
l’hérédité différentielle.
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En effet, Thomas Morgan (1866-1945)
explique dans son ouvrage
The Theory of the Gene, publié en 1926, qu’un gène peut avoir plusieurs formes, appelées
allèles : une forme « normale » (« sauvage ») et plusieurs formes mutées par exemple. L’un
des cas d’étude les plus célèbres dans les travaux de Thomas Morgan sur la drosophile, ou
mouche du vinaigre (Drosophila melanogatser), concerne l’œil qui peut être « blanc »,
« rouge » ou « éosine ». Il a pu mettre en évidence que les mutations liées à ces trois traits se
3
DeFries J.C. and Fulker D.W., 1986. Multivariate Behavioral Genetics and Development: An Overview, Behavior Genetics,
16, 1:1-10.
4
Fuller L. John and Thompson W. Robert, Behavior Genetics, John Wiley& Sons, New York, 1960.
5
Schaffner Kenneth, Behavioral and Psychiatric Genetics: Learning from History, Communication donnée dans le cadre du
Symposium: Interpreting Complexity, Standford University, 6 juin 2006.
http://cirge.stanford.edu/behavioral_genetics_2006/schaffner_all.html
6
Garland Allen E., 1997. The Social and Economic Origins of Genetic Determinism : A Case History of American Eugenics
Movement, 1900-1940 and its Lessons for Today, Genetica, 99: 77-88.
7
Fox Keller Evelyn, Expliquer la Vie : Modèles, Métaphores et Machines en Biologie du Développement, Gallimard, Paris,
2004.
8
Pichot André. Histoire de la Notion de Gène, Flammarion, Paris, 1999.