laicite-et-faits-religieux - Fédération des centres sociaux des

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Formation faits religieux
Animée par Eric VINSON de l’association Enquête
Fédération des Centres Sociaux de France le mardi 10 janvier 2017
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1- Présentation des différents organismes impliqués dans cette formation
Enquête est une association loi 1901 reconnue par l’Education Nationale et créée il y a 7 ans par
Marine Quenin. Elle est partenaire des Centres Sociaux.
Grandir ensemble « Laïcité, religions, éducation » est un fonds de dotation (Système qui se situe
entre association et fondation). Pour créer une fondation, il faut au minimum 1 Million d’€. Le fonds
de dotation est donc plus léger.
Kawaa grandir ensemble est un dispositif pour favoriser les rencontres conviviales de dialogue inter-
convictionnel. Rencontre entre humains et non entre représentants d’une religion.
2- Présentation du formateur
Eric Vinson [email protected] est le responsable scientifique d’Enquête, spécialiste du fait religieux
et de la laïcité.
En France, le mot laïcité est associé au mot religion. Il peut être un rempart pour certains afin de ne
pas prendre en compte les religions.
Il faut prendre en compte la diversité des faits religieux. En ce moment, on est obsédé par l’islam
mais de façon disproportionnée. Il y a un enjeu de trouver la juste mesure pour mettre cette
question à sa juste place. Il est indispensable d’aborder cette question dans une approche
systémique, en reliant les différentes disciplines concernées.
Constitution de 1958 : Démocratique, indivisible, sociale et laïque. Ces quatre éléments sont
indissociables.
Eric Vinson se dit « religiologue », avec une approche spécifique scientifique. Le religieux ne peut se
séparer du reste mais on ne peut pas le fondre dans le reste. Avoir les meilleurs outils intellectuels
pour comprendre les religions est important. Le religieux oblige à sortir des tranches, des domaines
de compétences, pour aller voir ce qui va rassembler (religare = relier) pour qu’il y ait harmonie. La
religion touche à toutes les disciplines => économie/géopolitique/histoire des arts…
L’intérêt pour la religion mène à une réflexion sur la laïcité. Historiquement, elle est seconde. Elle est
régulation démocratique du fait religieux. En France, elle est même régulation républicaine. France
= démocratie particulière empreinte de république « à la française ».
Avant la religion était centrale. Nous vivons aujourd’hui dans des sociétés modernes sécularisées.
Depuis les années 50, le nombre de prêtes diminue. Il ya a moins de vocations. La société évolue ainsi
et c’est la sécularisation. Quelles sont les fonctions qui étaient occupées avant par les religions et qui
ne sont pas prises en charge aujourd’hui ?
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Théorie du complot ressemble à de la mythologie et vient remettre du sens il n’y en a plus.
Visions simplistes qui sont des mécanismes que les religions ont mis en place et aussi qu’elles ont
combattues.
La question des radicalisations fait partie des sujets qui ne peut se réduire à la question religieuse, ni
être oubliée dans l’analyse globale.
Eric Vinson est aussi journaliste dans le cadre du monde des religions, est prof à sciences politiques
et à l’institut catholique français. Connaissances approfondies en christianisme et en bouddhisme. Il
faut savoir qu’ 1 élève sur deux est en France passe par l’école catholique.
Jean BAUBEROT (les 7 laïcités) parle de son protestantisme. Ses ancêtres sont devenus protestants
pour bénéficier de la protection du concordat (qui protégeait les religions juives, protestantes
calviniste, protestante luthérienne et catholique).
Il existe des pays la question de la religion est centrale : au Liban, on ne peut pas se marier
civilement par exemple.
3- Posture et clefs de compréhension
- Se mettre en position de chercheur quand on parle de laïcité.
- L’intégrisme : c’est lire à travers une seule grille de lecture, donc s’ouvrir est essentiel
- Tenir compte des différents points de vue permet de construire un processus démocratique.
- Créer des lieux de dialogue comme les Kawaa : « Quelle est ton expérience de la vie qui te
permet de tenir tel propos ? »
- La vraie réponse est éducative.
- Il n’y a pas qu’une seule clef qui ouvre toutes les portes : se poser la question de la
complexité du fait religieux.
Des clefs de compréhension :
- Le grand bouleversement de la France au XXème siècle a été de passer d’un système culturel
et religieux homogène (99% de cathos) à un pays où il y a 20 à 25% d’athées et une diversité
de représentations des diverses religions qu’elles soient bouddhiste ou musulmane.
- La perte de l’empire colonial n’est pas digérée et est en lien avec ce que l’on vit aujourd’hui
autour des questions de laïcité. La gauche française ne permet pas aux immigrés d’avoir fait
des enfants musulmans. La France est dans cette sidération-là, d’où la position identitaire de
la droite de la gauche (Valls).
- Il y a une lepénisation des esprits : on rejette un groupe religieux et non plus un groupe
ethnique, au nom d’une identité laïque. Etre français c’est être laïque. Les Français sont
« religiophobes ».
- La laïcité est un objet complexe : on peut en faire plusieurs lectures. Actuellement, les
autorités se réfugient dans une seule définition de la laïcité qui est d’exclure le fait religieux.
- La laïcité ouverte ou inclusive fait appel à des « accommodements raisonnables ». Cette
manière d’appréhender la laïcité a été discréditée par Fillon dans la campagne de Juppé.
La France pourrait bénéficier d’un grand avantage : être un acteur mondial qui joue sur sa
dimension musulmane. Il s’agirait d’être un laboratoire de l’islam des lumières avec des grands
intellectuels musulmans. Un positionnement à l’encontre de celui de l’Arabie Saoudite. Cela devrait
être une grande chance. Le rapport de la France à la religion est une question centrale.
Blessure narcissique de déclassement de la France. La France était dans une posture antagoniste :
être un empire et être uniforme.
Benjamin Stora, grand historien de la guerre d’Algérie, nous permet de comprendre le rapport
ambigu de la France avec ses colonies. Le négatif prédomine. Mais il y a aussi eu des effets positifs de
la colonisation.
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« Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » : le lepéniste et le djihadiste, c’est aussi moi => Dans
n’importe quelle posture à avoir, il y a de la CNV. Quelle part de vérité s’exprime dans son discours ?
Il ya danger à vouloir diaboliser l’autre.
Processus de civilisation avec la découverte de la variété.
4 - Contexte historique en France
4-1 L’alliance entre monarchie et christianisme
Origines de la France = baptême de Clovis (496) avec la fin de l’Empire Romain et la mise en place de
la dynastie des Francs.
Il existait un groupe puissant : les ariens (et pas Aryens) qui disaient que Jésus n’était pas Dieu.
Clovis s’oppose aux ariens. Les rovingiens et l’Eglise catholique vont s’allier et fonder l’Etat Royal
en rassemblant des peuples différents. Construction d’une Nation, alliance du trône capétien et de
l’autel, qui arrive un peu avant l’an 1000 et qui va durer jusqu’à la révolution. Les Bourbon viennent
des capétiens.
L’approche théologico-politique permet de réaliser que l’histoire de France est déterminée par
cette « alliance du trône et de l’autel ».
1300/1315 : Les rois maudits. Philippe le Bel = repère.
La religion catholique va permettre de fabriquer une culture commune et d’unifier le peuple.
La France est catholique à 99% pendant 1 500 ans même si il y a toujours eu des minorités : A
Marseille, par exemple, il y a eu une présence juive avant les chrétiens et on a découvert à Nîmes des
tombes musulmanes datant du VIIIème siècle. 732 : Bataille de Poitiers (Charles Martel). Plus au Sud,
présence musulmane qui est restée 100/150 ans. Les rapports entre l’islam et la France sont donc
très anciens, notamment avec les croisades. Les Etats latins de Palestine ont été faits par des francs :
il y a eu des mariages mixtes ainsi que des échanges, et évidemment des guerres. Mais nos mondes
chrétiens/musulmans ne sont pas étanches.
La diversité parmi les chrétiens a, elle aussi, été combattue, par exemple contre les cathares. Les
albigeois étaient considérés comme hérétiques par la grande Eglise Catholique (sens premier du mot
hérétique = celui qui a fait un choix. Dans le corpus catholique = interpréter le dogme commun en
sélectionnant des croyances).
La chrétienté est la civilisation chrétienne. La religion en est une de ses composantes. La chrétienté
(civilisation) a fait les croisades pour des questions de religion. Les civilisations ne sont pas toujours à
la hauteur des valeurs portées par leur religion à visée humaniste.
Les noms de religions n’ont pas de majuscules.
Les noms de nationalités prennent une majuscule.
L’Islam [avec majuscule] est une civilisation. L’islam [avec minuscule] est une religion. La question des
majuscules est essentielle.
Si vous n’avez pas la religion du roi, vous avez des problèmes. La religion a toujours émêlée au
politique. Dans le monde, ces deux choses ont toujours été articulées et en confrontation.
Au moyen âge : des jeux complexes entre papa état et maman église. L’Etat a un rôle viril et violent, il
fait le sale boulot. Le politique maintient l’ordre, lutte contre les hérétiques et fait la guerre. Le rôle
de l’Eglise est de faire de l’ordre dans l’au-delà.
Les 1 500 ans de chrétienté ont laissé des noms de villes et de villages chrétiens.
La France n’est pas de culture judéo-chrétienne. Non, elle est de culture catholique. Le judaïsme n’a
pas laissé de trace sur le plan des habitudes alimentaires, vestimentaires
La France est même de culture post-catholique. Le mot laïcité n’apparait qu’en 1871 ; en 2017, elle
est encore en projet, elle est jeune. Le temps long est le temps du religieux. Mais notre société est
dans l’immédiateté.
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Deux bouleversements majeurs remettent en question le mariage de l’autel et du trône :
- La laïcité
- La variété des religions
Dans une société : on cherche un équilibre entre majorité et minorités. Les effets de seuil sont
dépassés pour certains en France mais on est dans le champ des représentations : le nombre de
musulmans est totalement surestimé (réalité entre 6 et 8% alors que les Français pensent qu’ils sont
30%). Ne pas vouloir compter le nombre de musulmans est un problème car ne permet pas de
s’occuper de cette question (ex : nombre de musulmans en prison non-pris en compte qui
empêchent les aumôniers musulmans d’œuvrer dans les prisons).
Mémoire : Djihad => Saladin lutte contre les croisés au XIme siècle et appelle au djihad.
4-2 XVIème siècle : les guerres de religion
1517 : Luther et la réforme protestante. Cette version-là du christianisme va faire les guerres de
religion (1/ 3 de la population allemande va être décimée dans ce contexte). Calvin est Français et va
en Suisse. La réforme commence donc en France. 10% des Français étaient protestants. Le roi et le
pouvoir français les a éradiqués avant 1598.
Avec l’Edit de Nantes => on peut être Français et ne pas être catholique dit Henri IV premier de la
dynastie Bourbon, héritier des capétiens.
Mais le roi Louis XIV, petit fils d’Henri IV révoquera l’Edit de Nantes en 1694. Le mariage de papa état
et maman église redevient exclusif. Quasi-guerres civiles et « Une foi, une loi, un roi ».
Le système est autoritaire et n’autorise pas de liberté religieuse. Des courants du christianisme tels
que les mystiques et jansénistes (Blaise Pascal) sont condamnés par le roi.
Les juifs sont expulsés 14 fois car ils prêtaient aux rois pour les guerres et quand les rois ne voulaient
plus payer, ils expulsaient.
« Juifs arabes » : séfarades de Tunisie. Cette réalité a quasi-disparue avec l’Etat d’Israël.
On constate que d’autres pays fonctionnent autrement. En France le catholicisme est l’idéologie
royale. L’Allemagne, elle, est bi-confessionnelle. Elle n’est ni catholique ni protestante. Elle est les
deux. En Irlande, des catholicismes cohabitent.
4-3 Révolution française = la guerre des deux France
(Catho, royale et cléricale qui donne la droite / humaniste et anticléricale qui
donne la gauche).
En Angleterre, on a gardé des traditions en s’ouvrant. Les Français sont des théoriciens. Ils sont peu
pragmatiques. Le rapport de la France aux religions est en opposition République/Religion.
Voltaire et Rousseau : ne sont pas à l’origine de la laïcité.
La révolution française est une marche vers la laïcité mais n’est pas laïque :
- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Art 10. Nul ne peut être inquiété pour ses
opinions, même religieuses. Liberté de conscience. La laïcité n’en est qu’une conséquence.
- La mise en place de l’état civil : les registres nationaux sont tenus par la puissance publique.
On peut se marier devant le maire et on peut divorcer.
Mais le 12 juillet 1790 : constitution civile du clergé oblige les clercs à jurer fidélité devant la
Constitution. Beaucoup de clercs vont refuser. Ils vont être considérés comme des mauvais citoyens
voire des ennemis de la naissance de la république. Guerre civile (ex : les chouans). Moment
fondateur. La religion devient un problème (Contrairement aux Etats Unis puisque le premier droit
est religieux : christianisme et démocratie vont ensemble et sont ressources l’une pour l’autre aux
Etats-Unis.
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Le mot laïcité n’apparait qu’en 1871. Le substantif vient de laïc (qui n’est pas une personne
religieuse). Le mot vient de la religion, il est un sous produit du catholicisme.
Dans le protestantisme : seul l’écrit compte et l’alphabétisation est essentielle, les chrétiens étant
égaux face à Dieu et à la Bible. Le cléricalisme catholique est considéré comme le pouvoir du savoir.
Les protestants prônent le libre examen.
Principe démocratique de scissiparité. Des myriades d’églises protestantes ont été rendues possibles.
Entreprenariat et liberté d’entreprise à l’américaine est dans le même esprit. Libre de créer une
nouvelle église si on n’est pas d’accord.
Pleine citoyenneté accordée aux juifs à la révolution (première fois en Occident). Droit accordé aux
individus mais pas à la communauté juive. Notre modèle jacobin étatiste a peur de la diversité.
Rousseau : père fondateur de la révolution avec un modèle de petite démocratie il n’y a pas de
morale sans religion.
La laïcité peut apparaitre quand il n’y a pas de religion d’Etat. En Grande Bretagne, le Reine est cheffe
religieuse.
Robespierre, en bon rousseauiste, n’imaginait pas la France sans religion. Il était hyper-religieux au
sens de la morale (puritain). Il envisageait un être suprême qui est un Dieu monothéiste.
La semaine des 7 jours est monothéiste. Révolution = principe capitaliste car calendrier par décade
(10 jours) est plus avantageux pour les « bourgeois ».
4-4 Le régime des cultes reconnus ou concordat
Napoléon ferme la révolution et ouvre la période suivante : période des cultes reconnus (système
concordataire) qui sont au nombre de 4 (luthérien, calviniste, catholique et juif). Catho = religion de
la très grande majorité des Français.
En Alsace-Lorraine : actuellement le principe de laïcité est toujours sous le système du concordat
(religions enseignées dans les écoles, prêtres et rabbins payés par l’Etat…). Particularismes avec sécu
qui est plus protectrice. La religion est moins vécue comme dangereuse que dans le reste de la
France. Mais les règles d’égalité de traitement pour les musulmans ne sont pas appliquées.
Donc, on voit déjà au moins deux laïcités en France + celle des DOM TOM = 3
Avec Napoléon : papa état a une épouse principale catholique et des concubines.
Figure emblématique du républicanisme : Edgar Quinet. Il fallait « protestaniser » la France. Car pour
lui, le catholicisme empêchait l’établissement de la démocratie en France.
Napoléon III retrouve l’union de l’Etat et de l’Eglise.
4-5 La Commune, la période de l’ordre moral
et la libéralisation de la société comme un prémice de la loi 1905
Les premiers à parler de laïcité sont les communards. Mais la commune dure trois mois et se termine
dans un bain de sang, avec des « religieux » pris en otage et exécutés par les communards.
1870/1877 : Période de l’ordre moral. Moment très clérical. La basilique du Sacré-Cœur a été édifiée
pour demander pardon à Dieu.
1880/1900 : la société se libéralise. Droite modérée qui se rallie à la république. Les républicains
entre eux ne sont pas tous d’accord.
Trois courants coexistent :
- L’extrême gauche avec Allard. Ils veulent éradiquer la religion, ou au moins la religion
catholique. Cette vision extrême conduirait à une rupture avec Rome. Donc à une guerre
civile.
- Emiles Combes, premier ministre, est favorable à une séparation à minima de l’église et de
l’Etat, considérant qu’il faut contrôler l’Eglise. Interdiction pour les congrégations
d’enseigner. Expulsion des moines contemplatifs.
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