Expliquer et comprendre

publicité
ACCUEIL
ACTUALIT COURS DE
CULTURE
É
PHILOSOPHIE PHILOSOPHIQUE
CULTURE
CULTURE
CULTURE
Cours de philosophie
POÈMES
GÉNÉRALE
LITTÉRAIRE POLITIQUE
Introduction
Livre I : L’idéologie philosophique
Livre II : Conscience et individualité
livre III: le rapport au monde
livre IV: la raison et le réel
Culture philosophique
livre V: la morale
Philosophes
Livre VI: le politique
Notions
Actualité
Livre VII: de l'anthropologie à l'histoire
Lectures
Accueil
Pamphlet F. Hollande
Livre VIII: qu'est ce que l'art?
Dissertations
Poèmes
Présentation
Poème du partage
Poèmes du ravage
Poèmes politiques
Poèmes du voyage
Culture politique
Poèmes de l'alliage
La Question du communisme Lucien Sève
Poèmes du village
Introduction au marxisme I II III
Poèmes de l'échange
La pensée politique au XVIIIème
Dernière balade
Galerie de peinture
EXPLIQUER ET COMPRENDRE
Menu
GALERIE
DE
PEINTURE
Culture générale
Histoire
La réforme
Société
Culture littéraire
cours synthétiques
théâtre
auteurs
oeuvres
poésie
antiquité
CONCEPT DE
TRANSCENDANCE
DÉSIRER ET VOULOIR
ESPÉRANCE ET UTOPIE
EXPLIQUER ET
COMPRENDRE
ILLUSION
RÉTROSPECTIVE
INTERPRÉTER
LE LANGAGE PEUT IL
TOUT DIRE?
LE MENSONGE EST IL
TOUJOURS
CONDAMNABLE?
L'EXPÉRIENCE
INTÉRIEURE DE LA
LIBERTÉ
L'HOMME N'EST IL QU'UN
ÊTRE NATUREL?
N'EST ON MORAL QUE
PAR INTÉRÊT?
QU'EST CE QU'UNE
CRISE?
QUI PARLE LORSQUE JE
DIS "JE"?
RAISON ET ILLUSION
EXPLIQUER ET COMPRENDRE
Etymologiquement, les deux verbes semblent traduire deux actions différentes : Comprendre, c'est prendre ou saisir ensemble, embrasser d'un coup. Du
côté de l'acte, comprendre désigne une saisie, une vision, une connaissance qui s'accomplit sans médiation, en un mot : une intuition. Du côté de l'objet, de
la réalité ainsi saisie, connue, comprendre suppose que l'objet n'est pas une réalité étrangère, indépendante du sujet qui l'appréhende et extérieure à lui. Ce
que l'on peut directement saisir doit se donner à nous non comme une chose qu'il faut explorer mais comme une totalité qui, en elle-même, à sa
signification. Enfin, cette compréhension qui saisit immédiatement la signification d'un tout est proprement "inexplicable" : le sujet -celui qui comprend reste propriétaire de sa vérité. Il ne peut pas "expliquer" à autrui, il peut seulement susciter chez autrui le même acte.
Au contraire, expliquer semble s'adresser à autrui et comporter un sens pédagogique. Etymologiquement, c'est déployer, développer.
Du côté de l'acte, expliquer désigne une connaissance discursive qui, par un enchaînement de raisons, nous conduit par la voie déductive des prémisses à
la conclusion ou par voie inductive de l'effet à ses causes. Dans l'explication, la médiation: les moments de la déduction ou les étapes de l'induction, sont
essentiels à la connaissance. Si l'on considère l'objet de l'explication, la réalité "objective" qui apparaît d'abord comme un fait pur et simple a besoin d'être
explorée et développée.
Si l'explication est possible et nécessaire, n'est-ce pas que la réalité immédiate n'est qu'une apparence, le résultat d'un développement, d'une série de
médiations ? S'il peut y avoir une chaîne de raisons, n'est-ce pas qu'il y a dans les choses un enchaînement qui "explique" les apparences ? Dès lors, l'objet
de l'explication est bien une réalité étrangère, indépendante de l'acte d'intellection et du sujet connaissant, qui, loin de pouvoir être "embrassée" ou
comprise d'un seul coup, doit être sans cesse expliquée pour être connue dans un processus d'analyse et de synthèse. Le sens ici n'est pas donné comme
une totalité inanalysable mais comme une vérité partielle, approximative qui n'est qu'un moment d'une explication peut-être sans limite.
Au terme de cette analyse conceptuelle, il semble que la conjonction qui relie nos deux verbes témoigne d'une opposition essentielle entre deux modes de
connaissance.
Mais, tout le problème est là : s'agit-il de deux aspects, complémentaires et inséparables, de la connaissance ou s'agit-il de deux modes de
connaissance radicalement distincts, essentiellement opposés ?
Première partie :
Ce qui n'apparaît que comme une distinction entre deux modes de connaissance ne recouvre-t-il pas une distinction et une séparation entre deux ordres de
réalités ? Par delà l'analyse étymologique, sous les apparences d'une distinction méthodologique, ce que l'on veut établir, n'est-ce pas une séparation
radicale entre deux types de réalités : la nature et l'esprit, la réalité matérielle et la réalité humaine ?
L'utilisation systématique des notions d'explication et de compréhension apparaît dans la philosophie contemporaine avec l'oeuvre de Dilthey, les travaux
de Max Weber et la philosophie de Karl Jaspers ; mais la même distinction entre l'intuition et l'intelligence - connaissance immédiate et connaissance
discursive - n'a-t-elle pas sa place dans la philosophie de Bergson ? Husserl en distinguant des "régions" de l'être dont l'explication est l'objet propre de
chaque discipline n'essaie-t-il pas d'établir lui aussi une séparation des sciences qui ne sacrifie rien à l'irrationnalisme ?
Quel est le sens de ces tentatives ? Quelles en sont la portée et la valeur ?
Dans l'esprit de Dilthey, il s'agit d'affranchir les sciences humaines de l'explication physico-mathématiques qui règne à bon droit dans les sciences de la
nature. S'il est vrai que l'on "explique" les faits physiques, chimiques, biologiques ; il faut "comprendre" les faits humains.
"Die natur erklaren wir, das seelen leben verstehen wir."
C'est bien sur la distinction radicale de la nature et de l'esprit, des faits physiques et des faits humains que se fonde la distinction des deux modes de
connaissance, mais paradoxalement, c'est la distinction des méthodes qui justifie la séparation des deux ordres de réalité, qui constitue la preuve de leur
irréductibilité.
1) En quoi consiste, en effet, pour Dilthey ou Jaspers l'explication dans les sciences de la nature ?
Expliquer en physique par exemple, c'est établir un rapport entre deux phénomènes. Quand l'expérience nous montre que la chaleur dilate les métaux, les
deux phénomènes que la physique explique l'un par l'autre sont la dilatation et la chaleur. Et, l'explication consiste à relier ces phénomènes en représentant
sur un axe de coordonnées le rapport quantitatif de la température et de la dilatation. De même, la loi de la chute des corps ne permet pas de comprendre
pourquoi les corps tombent, mais se contente d'établir un rapport mathématique qui permet de calculer la vitesse d'un corps tombant dans le vide au temps
t i , en prenant pour origine t o . La loi consisterait donc à mettre en relation deux phénomènes de telle façon qu'à chaque valeur déterminée de la variable
corresponde une valeur déterminée de la fonction.
En définissant ainsi l'explication scientifique par la loi, il est facile de montrer que la science établit des relations entre les phénomènes sans nous donner
accès à aucune intelligibilité véritable, puisque la raison de ce rapport, la nécessité de cette relation nous reste inconnue. L'essence des phénomènes ainsi
reliés par la loi reste par définition étrangère à l'explication scientifique ; et du même coup l'essence des phénomènes reste inconnaissable.
2) La compréhension des faits humains :
Au contraire, telle est la seconde démarche de nos philosophes, le sens des faits humains qu'il s'agisse d'un fait social, d'un évènement historique, d'un fait
pathologique, nous est immédiatement donné, comme un tout.
a) S'agit-il de l'histoire ? Comment expliquer les faits historiques puisque chacun est un fait singulier, qui ne se produit qu'une fois ? Mais, ce fait nous est
immédiatement compréhensible ; il a d'emblée un sens pour nous parce qu'il s'agit d'un acte humain et le cours de l'histoire est lui-même
"compréhensible" parce qu'il s'agit d'un devenir humain.
L'histoire ne peut avoir pour but, comme une science de la nature, d'établir des lois, mais bien de reconstituer le passé humain à partir de la connaissance
naturelle que nous avons d'autrui, par une participation au sens de ce passé. Parce que l'histoire est un monde humain, parce que l'histoire a affaire à une
réalité humaine, elle est tout entière compréhensive, fondée, comme l'écrit M. Marrou, sur "cette disposition d'esprit qui nous rend connaturels à autrui,
qui nous permet de ressentir ses passions, de repenser ses idées sous la lumière même qui les fit naître comme vérité."
Mais, dira-t-on, les actes humains sont ambigus et l'histoire est susceptible de plusieurs interprétations possibles. L'interprétation ne dépend-t-elle pas de la
situation de l'historien, de son point de vue ? Dans ces conditions l'histoire ne sera-t-elle pas toujours partielle et partiale ? - C'est par là, nous répond-t-on,
qu'elle est "compréhensive".
L'historien ne fait qu'éclaircr d'un certain point de vue une partie du passé. C'est précisément parce que Tocqueville était un aristocrate attentif aux conflits
de la royauté et de la noblesse qu'il a pu mettre en lumière le rôle de la noblesse dans la convocation des Etats Généraux et déceler ainsi une des origines
de la Révolution Française. Vouloir substituer à cette compréhension une explication objective, exhaustive, c'est méconnaître le sens même de toute réalité
humaine. La partialité de l'historien et l'ambiguïté de l'histoire ne font qu'exprimer l'essence même de la réalité humaine.
b) C'est le même point de vue qui préside à l'idée d'une sociologiecompréhensive chez Max Weber. On ne peut pas "expliquer" la société capitaliste
comme le simple effet du jeu des forces économiques. Si l'on constitue "un type idéal" de la société capitaliste occidentale, on se donne le moyen de
comprendre le rapport intime du capitalisme et du protestantisme: Parmi les raisons du capitalisme apparaissent au même titre que les causes économiques
la confiance des protestants en la prospérité de leurs affaires, signe de leur élection par Dieu, la justification "religieuse" de leur épargne et de
l'accumulation des richesses, leur audace dans l'expansion de leur entreprise qui conduit à la concentration des capitaux.
La sociologie ne peut avoir pour but d'établir des lois de l'évolution des sociétés comme une réalité objective. La compréhension repose sur l'originalité et
l'irréductibilité du fait social que l'explication abolit. Elle consiste à le recréer dans sa réalité inépuisable et singulière.
En exigeant des "sciences" humaines qu'"elles fournissent le même type d'intelligibilité que les sciences de la nature, c'est le sens même des faits humains
que l'on met entre parenthèses, c'est l'essence même de la réalité humaine que l'on laisse de côté.
Ainsi, si ces modes de connaissance, explication et compréhension s'opposent et vont jusqu'à s'exclure, c'est d'une part que l'explication des sciences de la
nature ne nous donne pas accès à l'essence des choses, c'est d'autre part que l'essence de la réalité humaine exclut toute explication scientifique. Il ne s'agit
point d'une question de méthodes, mais d'une affirmation de principes : l'agnosticisme d'une part, concernant la connaissance objective de la nature, le
subjectivisme d'autre part, concernant la réalité humaine, qui exclut toute connaissance objective.
Deuxième partie :
Qu'en est-il ? Que nous apprennent les démarches réelles de la science ? Les sciences de la nature se contentent-elles d'établir des relations entre les
phénomènes, ou bien n'ont-elle pas pour objet d'élaborer des théories qui aboutissent à la compréhension de l'essence même des choses ?
D'autre part, ne peut-on concevoir la réalité humaine comme une réalité objective sans en éliminer l'originalité et la signification ?
Telles sont les questions auxquelles il faut répondre si l'on veut ne pas opposer compréhension et explication comme deux modes d'intellection
correspondant à des réalités distinctes par nature, mais les unir comme deux aspects du processus réel de la connaissance, qui a toujours affaire à une
réalité objective.
1) La science ne se borne pas à constater qu'un phénomène est suivi d'un autre pour établir un rapport quantitatif entre les deux. Elle invente des
hypothèses et des théories qui nous proposent une approximation de l'essence même des phénomènes que la loi relie.
C'est ainsi que la compréhension des lois de la dilatation est réalisée par la théorie moléculaire. L'hypothèse de la pression atmosphérique qui rend compte
de la hauteur du mercure dans le tube expérimental rend compte du fait et constitue une véritable compréhension. L'explication au sens d'un rapport
quantitatif entre les phénomènes n'est qu'un moment, une étape, non le tout de l'intelligibilité scientifique. Le mouvement réel de la science consiste
précisément à découvrir derrière les phénomènes l'essence qui rend compte de leur production.
Au cours du progrès des sciences de la nature, les lois expriment non plus seulement des rapports quantitatifs entre les phénomènes, mais la raison même
de ces phénomènes, le lien nécessaire qui relie les apparences à l'essence même des choses. Si l'on considère l'histoire de la pensée scientifique, on assiste
à un mouvement vers une intelligibilité, une "compréhension" de plus en plus profonde de la réalité :
Une hypothèse est formulée. L'observation révèle un fait nouveau qui rend impossible le mode d'explication antérieure. Alors, nait le besoin d'un nouveau
mode d'explication
De nouvelles hypothèses sont formulées que l'expérience épure, élimine ou corrige. C'est cette dialectique de l'hypothèse aux résistances expérimentales
qui, comme l'a bien montré Bachelard, constitue la vie même de la science : il ne serait que d'étudier l'histoire de la théorie de la lumière pour illustrer
cette démarche "compréhensive" de la science. La théorie corpusculaire rendait compte de la propriété la plus simple de la lumière : sa propagation en
ligne droite, mais laissait inexpliqués les phénomènes de diffraction et d'interférences. La théorie de Fresnel constitue une nouvelle synthèse rendant
compte à la fois de tous ces phénomènes connus. La théorie électromagnétique de Maxwell reliant les phénomènes lumineux à ceux de l'électricité et du
magnétisme réalise une "compréhension" supérieure.
Le mouvement réel de la science est bien un progrès de notre compréhension de la nature.
Dans ces conditions n'est-ce pas parce qu'on a limité la valeur de la science que l'on a pu refuser à l'explication scientifique toute intelligibilité véritable ?
C'est sur un véritable agnosticisme que repose d'abord l'opposition de l'explication à la compréhension véritable.
b) Une fois restituée à l'explication scientifique, son sens et sa valeur, peut-on encore affirmer que les faits humains : historiques, sociaux ou
psychologiques échappent à cette explication, à cette intelligibilité ?
Si l'on se limite à l'exemple du fait historique, c'est, nous dit-on, sa nature même qui exclut toute explication. Le fait historique est en effet un évènement
singulier et un fait humain.
- Qu'est-ce à dire ? Où est l'obstacle ? Voici l'analyse qu'on nous présente :
Quand un acte humain a eu lieu, on découvre après coup un enchaînement de causes ou de raisons - un déterminisme - qui semble "produire"
nécessairement l'acte. Mais, en réalité si l'on se place dans le mouvement même de l'acte, avant qu'il n'ait eu lieu, il fait reconnaitre que toutes ces raisons,
toutes ces causes sont insuffisantes à "produire" l'acte. Il a fallu quelque chose de plus pour que l'acte ait lieu. Ce quelque chose de plus, ce "je ne sais
quoi" n'est-ce pas précisément l'homme ? L'explication n'est qu'une illusion qui après coup fait apparaitre l'acte comme l'effet d'une série causale, le résultat
d'un enchainement et le devenir humain comme un déterminisme naturel.
C'est précisément parce que le fait historique est un fait humain qu'il reste un "évènement" inexplicable dans son essence même. Comme l'intelligence
bergsonienne dénature la création humaine, comme la mauvaise foi chez Sartre dissimule la liberté de l'homme, l'explication historique en voulant rendre
compte des faits humains n'est qu'une illusion, qui dénature le sens même du devenir humain. Parce qu'il est un fait humain, l'évènement historique est "à
la rigueur", essentiellement "inexplicable". On pourra montrer que le coup d'état du 18 Brumaire trouvait ses causes dans la nécessité pour la bourgeoisie
de stabiliser la révolution, d'assurer et de maintenir contre le peuple les droits qu'elle avait acquis, le coup d'état lui-même, l'évènement en tant que tel ne se
réduit pas à ces conditions : la personnalité singulière de Bonaparte et la particularité des circonstances rendent cet évènement unique, irréductible aux
conditions qui semblent après coup l'avoir rendu nécessaire.
C'est dire que le "sens" de l'évènement au même titre que le sens de tel ou tel acte humain est "unique". Toute explication n'est qu'une interprétation ; or,
une pluralité, et à la limite, une infinité d'interprétations sont possibles. Aussi l'explication est à proprement parler impossible. Elle doit faire place à la
compréhension qui n'est plus comme l'intuition bergsonienne qu'une participation au vécu. Au terme de cette démarche, c'est l'irrationnalité des faits
humains que l'on a établie et l'impossibilité de toute connaissance objective, de toutes les sciences humaines.
Si l'on opposait l'explication à la compréhension ce n'était point pour distinguer deux méthodes adaptées à deux objets différents, à deux régions originales
d'une même réalité objective, c'était pour soustraire les faits humains à toute explication, pour nier la possibilité d'une connaissance objective des faits
humains.
Cette tentative, venant à son heure, au moment où l'histoire et la sociologie deviennent des moyens d'action, n'a-t-elle pas pour but de refuser aux hommes
la maîtrise des rapporrs sociaux et du devenir humain ?
A la
une
Copyright
Jean Leveque
Tous droits réservés 2013
Contact
Mentions légales
Réalisation site Internet Edenweb
Téléchargement