
Ci-dessous, une image extraite de la modélisation d’un voyage au cœur d’un trou noir par
Alain Riazuelo, astrophysicien à l’IAP. Cette image est très intéressante car y figure le phénomène
de lentille gravitationnelle que nous allons traiter. Dans le cas de la Croix d’Einstein, c’est une
galaxie qui dévie les rayons lumineux : mais il ne faut pas oublier qu’il y a au centre de cette
galaxie un trou noir, comme d’ailleurs dans un grand nombre d’autres galaxies. L’exemple ici
est celui du trou noir situé au centre de notre galaxie : on peut observer la Voie Lactée, dont les
rayons des étoiles nous parviennent directement, mais aussi près du trou noir une autre image
de la galaxie, dite image « fantôme » car les rayons des étoiles ont été déviés par le trou noir
avant de nous atteindre.
1.2 Galaxies et matière noire
Nous pensons aujourd’hui que 85% de la matière dans l’univers serait d’une nature différente
de celle que nous connaissons. Cette matière ne rayonne pas : elle est noire.
1.2.1 Les Galaxies
Les étoiles se rassemblent par milliards en immenses essaims, les galaxies, dont il existe deux
grands types, les galaxies elliptiques et les galaxies spirales. Les indices en faveur de l’existence
de la matière noire sont plus nets pour les galaxies spirales.
Une galaxie spirale comme la Voie lactée se présente comme un disque très fin de quelques
centaines d’années-lumière d’épaisseur pour plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière de
diamètre. On remarque que les étoiles se rassemblent au centre (à proximité du trou noir !) et
que leur densité diminue très vite, exponentiellement, vers la périphérie. En effet, une galaxie
n’est pas un objet parfaitement « lisse », il existe des régions un peu plus vides ou un peu
plus denses, comme les bras spiraux, et ces irrégularités se traduisent par des variations de lu-
minosité. La radioastronomie nous a amené à découvrir l’existence entre les étoiles de vastes
nuages d’hydrogène, qui peuvent se fragmenter, se condenser pour alors former de nouvelles
étoiles. La quantité de matière formée environne celle qui est sous forme d’étoiles. La vitesse
des nuages comme celle des étoiles peut être mesurée grâce à l’effet Doppler, et les observations
confirment que le disque des galaxies spirales tourne sur lui-même à une vitesse de l’ordre de 100
à 300 km/s, d’autant plus élevée que la galaxie est grande et lumineuse. Chaque étoile, comme
chaque nuage de gaz est ainsi en équilibre entre la force centrifuge et l’attraction gravitationnelle
de toute la matière située à l’intérieur de son orbite. Comme la densité des étoiles et du gaz
diminue rapidement du centre à la périphérie d’une galaxie, il est facile de prévoir que la vitesse
de rotation doit augmenter presque linéairement dans la partie centrale très lumineuse, avant
de diminuer ensuite. Cette diminution est képlérienne : elle correspond à la vitesse des planètes
autour du Soleil selon la troisième loi de Kepler.
Quant aux nuages de gaz, il s’agit essentiellement d’hydrogène monoatomique. Cet hydrogène
atomique émet un rayonnement radio et l’intensité de son émission est proportionnelle à sa den-
sité, qui est donc directement mesurable. Une petite fraction de cet hydrogène est chauffée à
proximité des étoiles, ionisée (les atomes perdent leur électron) et émet un rayonnement lu-
mineux. Ces « régions H II », comme disent les astronomes, ne passent donc pas inaperçues.
Il existe donc une autre forme de matière qui accélère les étoiles. Le problème est que, quanti-
tativement, il ne s’agit pas d’une composante mineure, mais bien de la composante dominante
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