Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Cahier De Recherche Qu’est-ce ce qu’un « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC ? Julien Lacaze 15 octobre 2009 Majeure Alternative Management – HEC Paris 2008-2009 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 1 Genèse du présent document Cette étude a été réalisée dans le cadre du mémoire de recherche, qui clôture la scolarité des étudiants de la majeure Alternative Management du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Ce travail, étalé sur une période iode de quatre à cinq mois, permet aux étudiants de faire une première réelle expérience de recherche. Dans le cadre de ce cours, les travaux des étudiants sont supervisés par leurs tuteurs de mémoire, dans le cas présent le professeur Andreu Solé, qui enseigne à HEC. Origins of this research This research was originally presented as a “research thesis”, within the framework of the “Alternative Management” specialization of the third-year third year HEC Paris business school program. This research study is mandatory for students to graduate, and is meant to provide them with a first rst experience of the research approach. This thesis can last up to four or five months, depending on students. This work was thoroughly supervised by Professor Andreu Solé. Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 2 Le « dirigeant geant d’entreprise responsable » pour les HEC Résumé : Dirigeant d’entreprise et responsabilité sont deux termes à la mode, que le grand public a tendance à considérer comme antinomiques. Loin de prendre position dans ce débat, ce travail a pour objectif de construire une (ou plusieurs) représentation(s) de ce qu’on pourrait appeler un « dirigeant d’entreprise responsable ». Rapport au temps, aux autres, à l’éthique et à la morale puis à l’environnement sont quatre possibilités qui seront testées au cours de ce travail auprès d’une population de diplômés HEC, à différents stades de leur carrière. En nous appuyant nt notamment sur la lecture d’Emmanuel Kant, Hans Jonas et Robert Freeman, qui traitent respectivement des fins et des moyens ainsi que de la hiérarchisation des impératifs (Kant), de l’horizon temporel accru de la responsabilité humaine et du nécessaire changement hangement d’éthique conséquent (Jonas) et de la théorie des parties prenantes dans l’élaboration de la stratégie d’entreprise (Freeman), nous avons construit une enquête visant à tester différentes représentations possibles. Loin de résoudre la question, cette cette enquête fait état d’un réel intérêt pour cette problématique, et ouvre d’autres perspectives plus larges, comme le rôle du dirigeant dans la société contemporaine, la question des responsabilités individuelles et collectives, mais surtout la question des fins, peut-être être trop rarement posée de nos jours. Quel est et quel doit être le but d’une entreprise ? Le capitalisme est-il est moral ? Ce système économique est-il est viable, est-il encore adapté à des enjeux sociétaux aussi capitaux que le réchauffement climatique, cl l’explosion démographique mondiale ou les inégalités Nord-Sud Nord ? Quelle est la place de l’entreprise et du dirigeant face à ces questions de responsabilité collective, dont l’horizon temporel n’est pas réellement perceptible, et qui concernent tant tant d’acteurs, aussi bien publics que privés ? Faisant apparaître finalement que la responsabilité est une notion extrêmement difficile à appréhender dans le cadre de l’entreprise, ce travail vise avant tout à questionner… Mots-clés : dirigeant responsable, patron d’entreprise, RSE, éthique et morale, fins et moyens, développement durable. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 3 Leadership and responsibility for HEC graduates Abstract: “CEO” CEO” and “responsibility” are terms which are in vogue, but which the public at large tend to consider as antithetic. This work is not meant to stand on either side of this debate, but rather to build one (or more) picture(s) of what a “responsible company CEO” would look like. His relationship to time, others, ethics and morals and environment are four various variou assumptions that are put to the test in a survey on a population of HEC graduates at different times of their careers. This thesis is based on the work of Kant, Hans Jonas and Robert Freeman, which respectively deal with such various issues as ends and means means as wells as the hierarchy of priorities and “imperatives” within the company (Kant), the increased timeline of responsibility and the necessarily ensuing changes in ethics (Jonas) or the stakeholder approach in strategic management (Freeman). Subsequently, Subsequently, we will build a survey to test different possible representations. But far from solving the research question, this inquiry (showing a real interest for this issue) uncovers a range of wider perspectives, such as the CEO’s role in our current society. society It also raises the question of individual and collective responsibilities, but above above all a question that is too often reflected today: the question of ends. What is and should be the goal of a company? Is capitalism moral? Is this economic system sustainable sustainable in the long run, or suited to tackle such capital issues as climate change, demographic exponential growth or north-south north inequalities? The question of ends is all the more pressing as those far-reaching far reaching issues, whose timeframe is being estimated just now, now imply a wide panoply of different players, both public and private. What role do companies and their CEOs have to play in all this? This work shows how difficult it is to get a good comprehension of the notion of responsibility in a business context; far from providing any final judgment, this thesis is essentially meant to be feed for thought... Key words: CEO, leadership and responsibility, liability and accountability, ethics and morals, CSR, sustainable development. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 4 Sommaire Genèse du présent document ................................................................................................ ................................ ...................................... 2 Le dirigeant d’entreprise responsable pour les HEC ....................... Erreur ! Signet non défini. Prologue personnel : pourquoi ce sujet de recherche ? ........................................................ ................................ 7 I. Présentation de la démarche de recherche ................................................................ ..................................... 9 1.1 La question de recherche, postulats et présupposés .......................................................... ................................ 10 La question de recherche : ................................................................................................ ................................ ................................... 10 Nos postulats : ................................................................................................ ................................ ...................................................... 15 Nos présupposés : ................................................................................................ ................................ ................................................. 15 1.2 Hypothèses ................................................................................................ ................................ ........................................................ 16 1.3 Références théoriques ................................................................................................ ................................ ....................................... 18 1.4 L’enquête ................................................................................................ ................................ .......................................................... 19 II. Références théoriques ................................................................................................ ................................ ..................................... 21 2.1 Kant : Fondements de la métaphysique des mœurs .......................................................... ................................ 21 2.2 Hans Jonas : Le principe responsabilité ................................................................ ............................................ 29 2.3 R. Freeman : Strategic management, a stakeholder approach .......................................... ................................ 40 2.4 Autres auteurs ................................................................................................ ................................ ................................................... 49 2.4.1 Hypothèse n°1 : le rapport au temps ................................................................ ......................................... 49 2.4.2 Hypothèse n°2 : le rapport aux autres................................................................ autres ....................................... 52 2.4.3 Hypothèse n°3 : le rapport entre éthique et profit................................ profit..................................................... 60 2.4.4 Hypothèse n°4 : le rapport à l’environnement (responsabilité élargie) ................... 65 III. Ce qui ressort de l’enquête ............................................................................................. ............................. 71 3.1 L’enquête qualitative................................ ................................................................................................ ......................................... 71 3.1.1 Modus Operandi ................................................................................................ ................................ ........................................ 71 3.1.2 Entretiens : résultats et interprétations ................................................................ ....................................... 77 3.1.2.1 Le rapport au temps ................................................................................................ ................................ ................................... 78 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 5 3.1.2.2 Le rapport aux autres ................................................................................................ ................................ 82 3.1.2.3 Le rapport entre éthique et profit ................................................................ .............................................. 85 3.1.2.4 Le rapport à l’environnement (au sens large) ........................................................... ........................... 87 3.2 L’enquête quantitative................................ ................................................................................................ ....................................... 91 3.2.1 Modus Operandi ................................................................................................ ................................ ........................................ 91 3.2.2 Enquête quantitative : résultats et interprétations .................................................... ................................ 102 3.2.2.1 Le rapport au temps ................................................................................................ ................................ ................................. 102 3.2.2.2 Le rapport aux autres .............................................................................................. .............................. 106 3.2.2.3 Le rapport entre éthique et profit ................................................................ ............................................ 110 3.2.2.4 Le rapport à l’environnement (au sens large) ........................................................ ................................ 112 3.3 Bilan de l’enquête ................................................................................................ ................................ ........................................... 116 3.3.1 Synthèse des entretiens et du questionnaire en ligne ............................................... ................................ 116 3.3.2 L’apport majeur de l’enquête ................................................................ .................................................. 121 IV. Retour sur la démarche ................................................................................................ ................................ 125 4.1 Retour sur la question de recherche ................................................................ ................................................ 125 4.2 Retour sur les hypothèses................................................................................................ ................................ 129 4.3 Limites du travail ................................................................................................ ................................ ............................................ 138 4.4 Perspectives ouvertes ................................................................................................ ................................ ...................................... 141 4.5 Bilan personnel ................................................................................................ ................................ ............................................... 143 Conclusion ............................................................................................................................. ................................ ............................. 146 Bibliographie .......................................................................................................................... ................................ .......................... 147 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 6 Prologue personnel : pourquoi ce sujet de recherche ? Pendant mon expérience en césure, en tant que stagiaire bras droit du directeur des filiales du groupe Autodistribution, je me suis trouvé confronté au quotidien à des problématiques de direction. En contact au siège avec les deux DG et le directeur des filiales, j’ai également passé une grande partie de mon temps « sur le terrain », et y ai côtoyé directeurs de régions région et de filiales, qui gèrent respectivement des entités de 100 et 30M€ 30M€ en moyenne. J’avais déjà une sensibilité particulière aux problématiques de rapport au temps, rapport au travail, mais également de motivation et communication, depuis un cours de « Théorie des organisations » reçu à HEC. Cette expérience en stage m’a permis de vivre « en direct » nombre de ces problématiques, et – c’est le moins que l’on puisse dire – cela m’a poussé à fortement m’interroger terroger sur la façon dont je les voyais concrétisées chez Autodistribution. Depuis 2000, le groupe est en situation de LBO, ce qui se traduit par une tension managériale assez forte, l’orientation « court terme » du business, l’impératif sous-jacent jacent étant le paiement des fameux « covenants » (intérêts de la dette contractée par le fonds d’investissement pour racheter l’entreprise). De ce fait, j’ai eu le sentiment dans cette entreprise que la qualité du travail, la construction d’un projet d’entreprise, la « fédération des talents » vers un objectif commun, le respect des «collaborateurs» et du client n’étaient pas des priorités. Au contraire, celles que j’ai identifiées peuvent être formulées comme suit : « le CA de la semaine sem et du mois a-t-il été réalisé? », « le taux de marge est-il est à un niveau suffisant ? », et « serons-nous en mesure de payer les covenants ? ». En discutant dans les filiales, j’ai souvent entendu les «collaborateurs» reprocher à la direction « l’absence de patron » et « l’absence de projet ». Constatant en parallèle la morosité de l’atmosphère au siège et les nombreuses démissions de cadres (sans même parler des licenciements), je me suis demandé – avec la modestie que ma situation de stagiaire exigeait si le président et ses deux DG avaient choisi une bonne direction pour l’entreprise, et si leur façon de la diriger n’était pas finalement contre-productive, productive, même pour leurs objectifs à court terme. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 7 Bien conscient de ces interrogations, j’ai ensuite passé un an dans la majeure Alternative management, où la notion de responsabilité est très souvent revenue dans nos différents cours et chez nos différents intervenants. Pénalement, le dirigeant est bien sûr toujours responsable, responsable, mais on se rend compte que cette notion de responsabilité est finalement très floue, surtout aujourd’hui. On a beaucoup parlé de l’irresponsabilité des acteurs du secteur financier, dont les montages – comme la « titrisation » – ne sont créateurs rs que d’une richesse artificielle, qui bénéficie à un petit nombre. Les problématiques environnementales, ironnementales, qui semble-t-il semble trouvent un écho croissant issant auprès du grand public font également état d’une responsabilité des individus vis-à-vis vis vis de l’environnement, l’environnement et partant, des générations futures. Ainsi, l’éclectisme de cette notion no de responsabilité demande un traitement très rigoureux, les mais les deux ans d’expériences et de réflexions offerts par mon année de césure et ma majeure m’ont réellement donné envie env de réfléchir à ce qu’était ou devrait être un dirigeant responsable. En effet, à mon sens, et cela constituera un postulat pos de ma démarche, un « bon » dirigeant est nécessairement un dirigeant responsable. Ayant comme objectif de diriger moimoi même un jour une entreprise, il est important pour moi, surtout après mon expérience en césure, de réfléchir à la manière de le faire. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 8 I. Présentation de la démarche de recherche Si le choix de mon thème de recherche est le fruit d’une démarche totalement inductive, la méthodologie que nous avons suivie pour la construction de ce mémoire de recherche est, elle, hypothético-déductive, déductive, et comprend quatre points principaux : l’élaboration d’une question de recherche, erche, la formulation d’hypothèses, d’hypothèses le choix de références théoriques, la réalisation d’une enquête terrain – d’abord qualitative puis quantitative - appuyée sur les hypothèses et les références théoriques. théoriques Nous poursuivrons avec l’interprétation des résultats de l’enquête, avant de terminer par la confrontation de nos hypothèses de départ aux références théoriques, puis aux résultats de l’enquête terrain. Pour la réalisation de ce travail, j’ai été encadré enc par le professeur Andreu Solé, avec lequel nous avons fait le point à différentes étapes du projet : • Le choix du thème de recherche en janvier 2009 • Une première approche de la démarche de recherche,, un mois après le premier rendezrendez vous. • Au mois de mai, laa construction de la question de recherche et la formulation d’hypothèses,, avec le choix des références théoriques théoriq : Kant, Jonas et Freeman. • Enn juillet, nous avons effectué un point oint méthodologique préalable à la construction de l’enquête. • Deux mois plus tard,, mon tuteur a souhaité faire un point général sur l’avancement du travail : nous avons passé en revue la démarche de recherche, les premiers résultats de l’enquête qualitative et évoqué les travaux encore nécessaires à l’envoi aux HEC du questionnaire de l’enquête quantitative. • Puis nous ous avons examiné l’enquête quantitative, avant sa diffusion via internet. • Nous avons pris un dernier rendez-vous rendez vous pour revenir sur la première version du rapport écrit J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 9 1.1 La question de recherche, postulats et présupposés La question de recherche : La question de recherche a sensiblement évolué au fur et à mesure que se précisait pré la démarche de recherche ; saa formulation a été modifiée à deux occasions au cours de ce travail. Parti d’une définition du « manager responsable »,, qui ne pouvait certainement pas faire l’objet d’un mémoire de recherche, car faisant appel à une simple liste de caractéristiques, nous nous sommes orientés assez rapidement vers l’étude de la représentation résentation que se font les cadres de ce manager responsable. Obligé de faire des choixx pour rendre ce travail pertinent, et bien qu’il m’en ait un peu coûté au départ, j’ai restreint mon sujet au « dirigeant responsable »,, le terme étant précisé un peu plus loin, ainsi qu’à la représentation que s’en fait une population HEC, et ce pour deux deu raisons : la première, pratique, concernant l’enquête, avec une population plus accessible compte-tenu de nos délais de rendu du travail ; la seconde, pour obtenir des résultats non « dilués », et qui seront de fait plus faciles à interpréter. Le « dirigeant » a ensuite évolué en « dirigeant d’entreprise »,, cette précision, sous-entendue sous jusque là, permettant d’exclure les associations, ONG, institutions politiques ou militaires, militaires etc. C’est donc la représentation que se font les HEC du « dirigeant d’entreprise responsable » qui nous intéresse. Nous chercherons donc à savoir ce qu’un dirigeant méritant d’être qualifié de responsable devrait être selon notre population interrogée. inter Cette position fait intervenir à la fois des souhaits et des préférences. Laa formulation de la question de recherche est donc la suivante : Qu’est-ce ce qu’un dirigeant d’entreprise responsable pour une population HEC ? Précision concernant la « population HEC » : Cette population a été prise à trois périodes différentes de la vie professionnelle: professionnelle J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 10 • L’entrée dans la vie active : nous nous sommes intéressés à la promotion HEC 2009. • Après une première longue expérience expérience en entreprise, soit entre trois et dix années après l’année ’année d’obtention du diplôme. • Après au moins quinze ans d’expérience : nous nous sommes concentrés sur des HEC diplômés en 1995 ou auparavant. aupar Précision des termes de la question de recherche : • Dirigeant : il s’agit donc ici d’un dirigeant d’entreprise. Nous excluons donc les autres formes d’organisation : associations, institutions publiques ou militaires par exemple. De plus, nous entendons par « dirigeant » l’exécutif exécutif numéro un de la structure, structure à savoir le président directeur général (PDG) ou le directeur général (le DG) en l’absence de PDG. Les directeurs de services (finance, achats, RH…) ou d’unité opérationnelle de niveau inférieur (filiale, point de vente, etc.) ne font donc pas partie de la population étudiée. Notons également que nous laisserons de côté le dirigeant entrepreneur qui possède son entreprise, pour nous intéresser exclusivement au dirigeant salarié (notons au passage que nous n’effectuons volontairement aucune aucun distinction de taille d’entreprises).. En effet, je suppose que cette différence de statut entraîne des comportements et attitudes attitude trop différents par rapport à notre tre question de recherche, et quee nous ne pouvons dès lors traiter ces deux situations simultanément. En outre, il nous semble intéressant de voir comment évolue ce dirigeant salarié dans une structure qui ne lui appartient pas, et dans laquelle les fins individuelles et les fins collectives entretiennent assurément des rapports plus complexes. Il s’agit également dans cette étude de s’interroger avant tout sur la personne du dirigeant, et non pas sur des techniques de management, même si nous serons bien sûr amenés à les évoquer. Le cœur de notre recherche est constitué par l’étude de la relation entre dirigeant et dirigé et de son rapport au temps et à l’environnement et le système économique dans lequel son entreprise évolue. évolue • Responsable : Dans un document préparatoire à une conférence donnée à Lyon en 2007, 2007 Pierre-Yves Gomez soutient que la « responsabilité en soi » est un concept vide de d sens, J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 11 l’étymologie (res-pond pondere : répondre de) nous poussant à considérer qu’il s’agit de rendre compte de ses actes ou de ses choix. Ainsi, il convient de se demander en permanence qui est responsable de quoi, envers qui, par rapport à quoi et jusqu’à quand ? 1 La responsabilité semble dès lors devoir être posée en termes juridiques, économiques, sociaux, mais aussi temporels. Nous avons déjà quelques pistes de réflexion : le dirigeant est-il est il responsable des objectifs, des moyens mis en œuvre, des fins poursuivies ? Envers ses actionnaires, ses «collaborateurs»,, voire l’ensemble des parties prenantes, in fine « Autrui » ? Et l’est-il il dans le seul présent, pour une génération, ou les générations futures ? La liberté semble ainsi sans cesse limitée par la responsabilité, ilité, ce qui pourrait expliquer que l’individu moderne cherche à fuir la sienne vis-à-vis vis d’autrui. Il m’a semblé également inévitable de considérer la dimension éthique de la responsabilité, en particulier à la lumière des travaux de Kant. Dans ses Fondements sur la métaphysique des mœurs, mœurs, tout l’ouvrage est consacré à la définition d’une action morale. Il me semble bien que ce que Kant appelait « moral » n’est pas étranger à ce que nous nommons « responsable » dans ce travail, sans que ces notions soient pour autant équivalentes. Nous recherchons aujourd’hui dans notre société l’épanouissement dans le travail, la reconnaissance, l’argent, autant de fins « intermédiaires » qui concourent, nous le croyons, à nous rapprocher d’un bonheur que nous ne savons définir. définir. Ce que nous recherchons, et dans les entreprises particulièrement, peut donc apparaître comme une succession d’impératifs hypothétiques, car « tournés vers autre chose », vraisemblablement le bonheur, inclination naturelle qui motive nos actions. Ainsi, A on peut se demander, comme Kant, si de telles actions sont bonnes en soi, ou s’il leur arrive simplement parfois d’être bonnes (en tant que conformes au devoir) par hasard. Pour les fins collectives, propres à l’entreprise, la question semble encore plus intéressante : les membres de l’entreprise agissent pour atteindre des objectifs ou ratios qu’on leur a fixés, parfois sans même en questionner la pertinence, en vue d’obtenir la reconnaissance de leur hiérarchie, une amélioration des conditions de travail tr ou de la rémunération. La question de la motivation en entreprise doit-elle doit elle donc être repensée, à 1 GOMEZ, P. Y. (18 et 19 juin 2004). Le management responsable: une grille de lecture. LES ENJEUX DU MANAGEMENT RESPONSABLE. Lyon: 4p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 12 l’ère du développement durable, de la responsabilité sociale des entreprises et du Web collaboratif. Les objectifs que poursuivent les entreprises sont-ils sont bons en soi ? L’entreprise peut-elle elle avoir des fins propres ? Sa « volonté » peut-elle peut être bonne ? L’action morale revient à pouvoir faire de sa maxime une loi universelle certes, mais alors quid de la concurrence ? On en revient à l’impératif hypothétique… hypothé De plus, qu’est-ce ce que la volonté d’une entreprise ? Celle du patron, de l’actionnaire, des salariés ? L’entreprise est-elle elle morale, le dirigeant peut-il peut être responsable ? Le dirigeant considère-tt-il aujourd’hui autrui comme une fin et non comme un moyen ? Que représentent à ses yeux fournisseurs, clients, employés, environnement ? Nous sommes des êtres raisonnables, prenons-en prenons en acte. Mais le postulat de la liberté s’applique-t-il il à l’entreprise ? Les comportements sont-ils ils guidés par la volonté autonome ? Rien n’est moins sûr… Notre système économique capitaliste ne serait-il donc pas moral ? Loi naturelle turelle et sciences de gestion entrent effectivement en opposition avec le libre exercice de la raison son et de la liberté humaine, les « ressources » humaines étant mesurées. Onn leur applique des ratios (masse salariale pour les fonctions supports, CA pour les commerciaux), comment dès lors ne pas parler d’instrumentalisation, de monétisation, et évoquer la morale ? A l’opposé, la subsistance de la société, soci véritable impératif catégorique selon Kant, serait-elle serait possible sans « rentabilité économique » ? Faut-il il donc être moral, ou être « pratique », si les deux aspects ne sont pas réconciliables ? Mais peut-être peut le sont-ils. Etre responsable pourrait urrait être ê décrit comme un concept dont il est difficile de faire l’expérience. Seule la raison et les principes de ce que Kant appelle la « volonté bonne » peuvent nous pousser à chercher à agir de façon responsable. Cette responsabilité est constamment remise en en cause par le quotidien et son lot d’impératifs hypothétiques. Car ces principes, s’ils s’appliquent, le sont forcément dans une sphère de phénomènes, ou sphère économique. Il appartient en définitive à chacun – y compris donc au dirigeant d’entreprise - de faire un arbitrage entre l’impératif catégorique et l’impératif hypothétique. Simple en théorie. Dans la pratique, pour l’envisager, il faudrait probablement changer de système, et ne plus raisonner uniquement en termes J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 13 financiers. Prendre en compte le développement personnel, les aspects environnementaux, sociaux, de long terme ne sont que quelques pistes. Attention toutefois à ne pas confondre à nouveau des actions conformes au devoir avec des actions accomplies par devoir. Pourquoi les entreprises misent-elles mis elles tant sur la RSE et le développement durable aujourd’hui ? Parce que ce sont des actions bonnes en soit, peut-être. être. Parce que les actionnaires et les clients l’exigent, pour leur image, pour se dédouaner vis-à-vis vis de la société, plus vraisemblablement. vraisemblable Ce questionnement peut apparaître un peu désuet. Peu importe la fin, tant que l’on a le résultat, serait-on on tenté de penser aujourd’hui. Mais un résultat contingent non provoqué par la « volonté bonne » de Kant a une valeur qui peut varier du jour au lendemain. La moralité a donc, ou en tout cas doit avoir, sa place dans l’entreprise. Et cela pose immanquablement la question de la responsabilité et de la hiérarchisation des impératifs pour le dirigeant d’entreprise. Nous avons donc pris en compte dans ce travail deux dimensions de la responsabilité : en premier lieu, le fait de « devoir rendre compte de » devant l’ensemble des parties prenantes,, ainsi que la dimension morale et éthique du terme « responsable res ». Pour nous, savoir avoir si l’attitude du dirigeant dirige est responsable revient à se demander si elle est « bonne en soi », au sens de Kant. Pour mieux cerner le concept de responsabilité, nous nous sommes interrogés au cours de notre démarche à son antonyme « irresponsabilité », ainsi qu’à ce qu’A.Solé qu appelle « a-responsabilité »2, à savoir le refus complet de responsabilité par l’invocation du « système ». Pour être le plus précis possible sur la notion de responsabilité, il me semble indispensable de l’envisager au sens large, ainsi en considérant également égale l’irresponsabilité et l’ « a-responsabilité ». 2 SOLE, A. (octobre 1997). "A propos de l'a--responsabilité du dirigeant d'entreprise", Revue Ethique des affaires, Editions ESKA, p. 13-31. 13 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 14 Nos postulats : • Laa question de la responsabilité doit porter sur les relations que le dirigeant entretient avec l’ensemble des parties prenantes, et entre autres ses es subordonnés. • Ill existe des dirigeants responsables, mais également des dirigeants irresponsables, irresponsables voire certains a-responsables. responsables. • Un dirigeant est toujours responsable de son entreprise, car doit il rendre des comptes, comptes mais nous faisons le choix délibéré de ne pas (ou peu) nous intéresser à l’aspect l’ juridique de la responsabilité du dirigeant, qui devrait faire l’objet d’un travail à part. Il en sera donné un très bref aperçu dans la partie consacrée aux références théoriques issuess de la littérature managériale. • Un bon dirigeant est un dirigeant dirigea responsable. • Le dirigeant du futur (notre génération) devra être responsable : c’est un véritable devoir moral à défaut d’être légal. • Le dirigeant salarié et le dirigeant qui possède son entreprise ont des attitudes entraînant une différence significative significati eu égard à la question de la responsabilité, responsabilité et ne peuvent donc être traités simultanément dans ce mémoire. Nos présupposés : • Responsabilité et réussite économique ne sont pas antinomiques. • Un dirigeant peut ne pas être « responsable » au sens moral du terme. terme • Le dirigeant est « suffisamment » libre de déterminer sa volonté, qui seule rend possible sa responsabilité. • La taille de l’entreprise n’a n’ aucune influence sur la question de la responsabilité de son dirigeant : nous n’introduisons, n’introduisons par conséquent, aucune segmentation concernant la taille des entreprises, qui peuvent aller de la simple PME au groupe du CAC 40. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 15 1.2 Hypothèses Il convient en premier lieu de préciser que ces hypothèses n’ont pas toutes été formulées au même moment de la recherche. Nous reprenons ici nos hypothèses telles que nous les avons formulées par ordre d’apparition apparition chronologique : les deux premières ont été formulées exex ante, avant le début du travail, la troisième au cours de mes lectures, la dernière étant apparue pendant la première phase des entretiens qualitatifs. • Hypothèse n°1 : Un dirigeant responsable accorde une importance capitale à la gestion du rapport au temps, privilégiant toujours une vision à long terme sur la réalisation d’objectifs bjectifs à court terme. • Hypothèse n°2 : Un « dirigeant di responsable » s’efforce de traiter ses «collaborateurs», ainsi que l’ensemble des parties prenantes, comme « une fin en soi, et non pas comme un moyen », pour reprendre les termes de Kant. Dans tous les domaines, le dirigeant responsable a un vrai souci de qualité. • Hypothèse n°3 : « Être un dirigeant responsable, c’est savoir concilier, en dépit des contraintes extérieures, respect de l’éthique et recherche de l’efficacité ». Louis Schweitzer3 (ancien PDG de Renault, et actuel président de la HALDE). • Hypothèse n°4 : La responsabilité du dirigeant doit s’envisager dans son acception généralisée, et non pas restreinte au périmètre de l’entreprise et de ses parties prenantes immédiates. Ainsi, le dirigeant dirigeant est également responsable de l’environnement, de la société, et du système économique dans lequel son entreprise évolue. Enfin, et même si cela ne constitue pas une réelle hypothèse de réponse car nous n’avons pas eu les moyens de la tester de manière rigoureuse, ri j’ai l’intuition qu’auu cours d’une carrière, la représentation pour les HEC de ce qu’est un dirigeant responsable évolue fortement forte : ce souci de responsabilité est plus présent en fin de carrière qu’au début de celle-ci, celle ci, où elle paraît plus accessoire. 3 Cité par STEINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 16 L’hypothèse n°2 fait explicitement référence aux « parties prenantes » à l’entreprise et au dirigeant. Il convient naturellement de de préciser le contenu de cette expression à la mode, mode le nombre des parties prenantes pouvant atteindre plusieurs centaines centaines d’acteurs ou de groupes d’acteurs. Certaines sont internes à l’entreprise, l’entreprise, et d’autres externes. En nous appuyant sur la lecture de Freeman (que que nous présenterons dans la partie consacrée acrée aux références théorique) nous avons analysé ce terme de « parties prenantes ». L’hypothèse n°3, une idée formulée notamment par Louis Schweitzer, fait quant à elle explicitement référence à l’éthique. Ce terme mérite également d’être être précisé, notamment par rapport au terme de « morale », souvent jugé équivalent. Ici encore, nous nous sommes référés à Kant, en reprenant la distinction entre impératif catégorique et hypothétique. La morale consiste à définir l’impératif catégorique par excellence, le seul qui puisse entraîner des actions qualifiées de moralement bonnes. L’éthique se situe un niveau en-dessous, en et nous l’assimilerons aux impératifs hypothétiques. hypothétiques On peut « négocier » avec l’éthique : ce n’est pas un engagement ferme, mais qui peut être considéré au contraire comme optionnel, et correspond assez bien à l’acception cception moderne du terme. Les questions d’éthique sont « un luxe » que l’on peut se permettre quand l’« l’ essentiel » (à savoir l’impératif catégorique) est assuré. L’éthique ne permet en aucun cas de définir ce ce qu’il faut absolument faire ou ne pas faire, simplement ce qui est bien ou non. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 17 1.3 Références éférences théoriques Au-delà delà de la bibliographie présentée à la fin du présent mémoire, ce travail s’appuie essentiellement sur les trois textes suivants : • Emmanuel Kant : Les Fondements F de la métaphysique des mœurs • Hans Jonas : Le principe responsabilité • Robert Freeman : Strategic management – a stakeholders approach Ce mémoire s’appuie également sur des références issues de la « littérature managériale » et de la presse économique, dont le détail figure dans la bibliographie située à la fin de ce travail. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 18 1.4 L’enquête L’enquête visant à tester la validité des hypothèses s’est déroulée en deux temps. temps Pour la cohérence de l’enquête, la chronologie doit être respectée. 1er temps : les entretiens • L’enquête a commencé par une ne première phase d’entretiens ouverts, d’une durée moyenne d’une heure et demie, avec trois étudiants de la promotion 2009, deux HEC diplômés 5 ans plus tôt, tôt et deux HEC « expérimentés ». En permettant aux interviewés de s’exprimer spontanément et librement, l cette phase a permis de faire un large recensement de thèmes liés à la responsabilité du dirigeant et s’est achevée le 15 août 2009, au terme de ces sept entretiens. • Le bilan de cette première série d’entretiens a ensuite permis d’effectuer une deuxième série d’entretiens, auprès de deux ou trois personnes des trois sous-populations sous déjà mentionnées. Le guide d’entretien n’a que peu changé sur la forme, mais considérablement sur le fond, entre autres autre avec l’ajout de la question de d la « mission » (impératif catégorique) de l’entreprise. L’expérience ’expérience acquise après la première série d’entretiens, essentiellement fondés fondé sur la relation avec les parties prenantes directes, directe a permis au cours de la deuxième phase de prendre plus de recul et d’évoquer davantage les questions « systémiques » (environnement, société, système économique). économique) Cette deuxième phase s’est achevée le 16 septembre 2009,, au terme de huit nouveaux entretiens. Afin de ne pas orienter les réponses, j’ai choisi de ne divulguer divul nos hypothèses qu’à la fin des entretiens, et ce seulement à partir de la deuxième phase. Les réactions à ces c hypothèses étant particulièrement intéressantes après un entretien entretien d’une durée de 1h30 à 2h, elles sont retranscrites dans les comptes-rendus comptes présentés en annexe,, non jointes dans ce document (p151-233). J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 19 2° temps : une enquête quantitative en ligne : • Grâce à ces deux séries d’entretiens qualitatifs, il est devenu possible d’établir un questionnaire de quinze nze à vingt questions fermées, visant à tester les principales « découvertes » effectuées auprès d’une population plus importante. importante Chaque question posée était nécessairement en lien direct avec l’une de nos hypothèses. hypothèse • Le choix des questions - et surtout des réponses - proposées dans cette enquête a été difficile, et plusieurs tentatives furent nécessaires pour y parvenir. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 20 II. Références théoriques Ce mémoire de recherche se devait de s’appuyer sur des références théoriques théoriq fortes, que nous sommes allés chercher dans d la philosophie et les travaux sur la stratégie d’entreprise: ce sont Kant, Jonas et Freeman qui ont constitué la pierre angulaire de notre cadre théorique. théorique L’apport de ces trois auteurs a été complété par des travaux de chercheurs et spécialistes contemporains ayant publié dans la presse spécialisée en management. 2.1 Kant : Fondements ondements de la métaphysique des mœurs L’œuvre re de Kant, quoiqu’écrite au XVIII° XVIII° siècle, est encore extrêmement moderne à de nombreux titres, et soulève des problématiques à même de nous aider concernant la représentation de ce que doit être un dirigeant responsable. Kant pose la question de la moralité de l’action, qui pour être bonne bon en soi, doit être dictée par la « volonté bonne », et distingue l’action conforme au devoir de l’action effectuée par devoir. Il faut alors résoudre la question de la finalité de l’action : Kant distingue impératif catégorique et hypothétique, avant de poser l’autonomie de la volonté comme principe suprême de la moralité. Postulant la liberté pour tout être raisonnable, nnable, il faut résoudre le dilemme suivant : comment l’homme peut-il il être à la fois libre et soumis s au devoir, à la loi universelle? La réponse tient dans sa double appartenance au monde sensible et au monde intelligible, mais il n’y a alors d’autre solution que d’accepter les limites de la philosophie pratique, qui doit se contenter de formuler dess concepts, sans parvenir à les comprendre. La dimension éthique de la responsabilité de l’individu, que nous allons étendre au dirigeant, est ainsi largement explorée : « Traiter autrui comme une fin et non comme un moyen » : la place de la morale dans notre économie. Pour Kant, il est inconcevable moralement d’instrumentaliser autrui, et de s’en servir comme un simple moyen en vue de l’accomplissement d’une fin (pas nécessairement) plus grande, comme la simple maximisation du profit personnel. pers . Cette maxime est extrêmement importante important pour notre recherche,, puisqu’en économie, la fonction de J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 21 croissance s’appuie sur les deux ressources capital et travail. La « ressource » travail, appelée « ressource humaine » en entreprise, fait même l’objet d’un traitement « procédurier », voire « deshumanisant ». Aujourd’hui, les dirigeants allouent des ressources humaines à des projets, à des tâches, comme ils alloueraient de simples simple matières premières ou ressources financières à un processus de production. La question soulevée est celle du traitement des « »collaborateurs» » : employés, agents de maîtrise ise ou cadres, voire dirigeants (intermédiaires). Comment omment sont-il sont traités par le patron de l’entreprise ? On constate souvent que les employés ne sont pas assez asse considérés, en tant que personnes et pour leur travail. De nombreux auteurs ont écrit sur la motivation des « »collaborateurs» », sur les questions sous-jacentes s de rémunération, sur le « juste temps de travail », sur la reconnaissance, l’honnêteté et la franchise. Mais en évoquant ces questions, ne faut-il y voir qu’autant de techniques technique élaborées en vue de satisfaire une fin bien particulière : tirer le meilleur parti possible du travail du « collaborateur » ? Il ne constitue bien in fine qu’un moyen pour arriver à cette fin appelée productivité du travail. travail Traiter le collaborateur comme une fin, c’est le traiter comme un autre soi-même, soi en cherchant par tous les moyens à l’aider à s’accomplir : respect, respec honnêteté et transparence semblent donc des valeurs clés pour le dirigeant. Mais il ne s’agit pas comme dans le cas précédent d’essayer de faire progresser l’autre en vue d’en obtenir de meilleurs résultats, mais bien d’avoir comme objectif sa réalisation personnelle et professionnelle, l’amélioration amélioration de son contentement au travail. Dès lors, ayant une plus grande autonomie et responsabilité, car traité comme une fin et non comme un simple moyen, le collaborateur sera très certainement plus performant, plus attaché à l’entreprise et à son dirigeant, irigeant, ce qui peut nourrir un cercle vertueux et accessoirement améliorer sa performance. performance Mais ne nous faisons pas d’illusions, combien de patrons pa d’entreprise en arrivent à ce degré de « management », encore que le terme soit à nouveau à bannir puisqu’il puisqu’ implique la « gestion » d’Autrui, et donc de facto son instrumentalisation. Car s’il ne semble pas faire débat que le bon traitement du collaborateur soit souhaitable, et qu’il existe pour cela une pléiade de techniques technique que nous évoquerons plus avant en passant en revue revue la littérature managériale. Reste R à savoir si l’objectif premier est de traiter autrui comme une fin, fin, ou de le traiter comme tel en vue d’une autre fin, comme l’amélioration de la productivité. Cela C nous conduit au point suivant. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 22 Corrélation entre action et résultat : « l’agir par devoir » et « l’agir agir conformément au devoir » Pour Kant, le constat est clair : l’action et le résultat n’ont aucune valeur morale, ils il sont contingents.. Seule la volonté peut être moralement bonne ou mauvaise, mauvaise étant entendu qu’une action mauvaise peut engendrer de bons résultats et vice versa. Il est intéressant d’appliquer ce thème à l’entreprise, puisque les actions sont a priori toujours accomplies en vue d’un résultat « économique ». Le patron, pragmatique, n’accomplit jamais d’action pour « la morale en soi », ou, pourrait-on pourrait dire, pour « la beauté du geste ».. Dans la vie d’une entreprise, on est toujours jugé au résultat, et c’est particulièrement le cas pour un patron, tout tout simplement parce que de mauvais résultats peuvent signifier la baisse du profit, donc de l’investissement, et à plus long terme l’éventuel arrêt de l’activité économique, dans la plus pure logique capitaliste. Ce qui signifie que le dirigeant place a priori le résultat comme fin ultime de l’entreprise, qui peut justifier des moyens « amoraux », c'est-à-dire dont « le principe ne saurait être érigé en loi universelle ». C’est ainsi par exemple qu’un chef d’entreprise peut être amené à exercer une forte pression p sur ses «collaborateurs» directs, en les exposant plus que de raison, en leur fixant des objectifs dont il sait pertinemment qu’ils ne pourront pas les atteindre, à seule fin de les faire craquer et de ne pas avoir à payer d’indemnités de licenciement. licenciem Le résultat est obtenu, mais à quel prix ? Certainement pas en considérant les autres comme une fin… Il me semble donc très opportun, à la lumière de Kant, de s’intéresser ’intéresser à cette prévalence du résultat sur la dimension éthique (entre autres) dans notre culture d’entreprise contemporaine. Une « mauvaise » action peut-elle être a posteriori justifiée et légitimée par un résultat positif, et une « bonne » action peut-elle elle être remise en cause parce que les conséquences conséquences ont été plutôt négatives ? Le pragmatisme d’aujourd’hui autorise-t-il autorise il le dirigeant à faire n’importe quoi et à sacrifier ses valeurs sur l’autel des résultats ? C’est là encore une question que nous avons essayé d’approfondir dans l’enquête l’enquête. Dans la continuité de l’exemple l’exemple que nous venons de prendre, Kant distingue di « l’agir par devoir » et « l’agir conformément au devoir ». Seul « l’agir par devoir » a une valeur morale. Etre responsable, dans le cas d’un dirigeant d’entreprise, s’apparente ainsi à agir par devoir, devo seule fin absolument morale et véritable « impératif catégorique ». Ainsi, si rechercher le profit pour son entreprise est certainement J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 23 moralement neutre, les actions mises en œuvre pour parvenir à cette fin peuvent être mauvaises ou bonnes, et ainsi conformes ou non conformes au devoir. Dans le premier cas, pratiquer des licenciements abusifs, pressurer les fournisseurs, baisser les salaires des «collaborateurs» en augmentant leur travail effectif (au point de ne pas rémunérer leur travail de façon juste) constituent des exemples qui peuvent concourir à améliorer le profit, mais qui ne sont pas moralement bons. Dans le second, optimiser la gestion des ressources en minimisant le gaspillage, donner des primes aux «collaborateurs» pour améliorer leur motivation motivati sont cette fois des actions qui peuvent à nouveau maximiser le profit, mais sont cette fois conformes au devoir. Dans les deux cas, on voit bien que les actions entreprises l’ont été en vue d’améliorer le profit, et sont tour à tour, de façon tout à fait fait contingente, conformes ou non au devoir. Kant en déduit que seule l’action PAR devoir est invariablement bonne, et que c’est la seule qu’il faut vouloir. En effet, tous les talents peuvent se révéler mauvais s’ils sont conduits par une mauvaise volonté, c’est pourquoi la « volonté bonne » doit être inconditionnelle, et surtout pas jugée au résultat. Pour le dirigeant, cette position n’est pas évidente. Il pourrait choisir de se fixer un cadre moral, et n’agir n’ag qu’en vertu du bien (si tant est que cela soit possible), mais il est pour lui nécessaire que ce fonctionnement entraîne, ou tout du moins soit concomitant d’une bonne rentabilité de l’entreprise. Il ne peut donc finalement l’entreprendre qu’à condition de « ne rien y perdre », soit en vue de l’amélioration ration ou de la stabilisation du profit, et ainsi pas par devoir. Qui de l’éthique ou de la recherche du profit doit l’emporter pour le dirigeant, tout en stipulant ulant clairement que les deux peuvent se rejoindre a posteriori, posteriori mais, si on se réfère à Kant, de façon contingente ? Ce qui importe à ses yeux, c’est la fin visée par l’action : bonne en soi ou potentiellement bonne,, la question doit être étudiée. étudiée A l’extrême, la position soutenue par Kant, et totalement décorrélée du résultat, résultat peut être interprétée erprétée comme une façon pour le dirigeant de nier sa responsabilité à l’égard de l’entreprise : en se comportant conformément au devoir, il se rend « inattaquable », y compris si les résultats ne sont pas au rendez-vous rendez vous et que la survie de l’entreprise s’en s’ trouve mise en danger. Cette apologie de l’effort et du caractère peut ainsi sembler insuffisante pour le dirigeant d’entreprise. Ensuite, il pourra également éga s’avérer intéressant de see demander plus précisément ce qu’est « agir par devoir » pour un dirigeant, rigeant, à savoir ce qu’est son devoir, et s’il est différent de celui d’un autre individu. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 24 La question des impératifs catégorique et hypothétique Le dirigeant d’entreprise est au confluent des intérêts de ce que Robert Freeman a appelé les parties prenantes. Nous avons circonscrit cette étude aux parties prenantes principales (il en existe des centaines !), tout en laissant la possibilité aux personnes person interviewéess dans l’enquête d’en évoquer d’autres. Mais a priori, priori nous avons considéré les « collaborateurs » de l’entreprise (le « staff »), les clients, les fournisseurs, les actionnaires, l’environnement l’environnement (à prendre au sens large) et la société. Le dirigeant est responsable de choses différentes en fonction de ces différentes parties prenantes, dont les intérêts sont parfois, si ce n’est n’est antagonistes, tout du moins divergents. Kant appelle ces intérêts particuliers les « inclinations ». Augmenter le profit de l’entreprise pour les actionnaires, fournir un produit ou un service de qualité au client, entretenir une relation de confiance avec ses fournisseurs, traiter ses «collaborateurs» comme des fins et non pas comme des moyens, faire en sorte de minimiser l’impact de l’activité de l’entreprise sur l’environnement et faire progresser la société en innovant sont autant de responsabilités pour le dirigeant qui pourraient être qualifiés d’impératifs hypothétiques par Kant. Hypothétiques car chacun c correspond aux inclinations particulières d’une catégorie d’acteurs, et que satisfaire une telle se ferait – à première vue – au détriment de telle autre.. Par exemple, trop rechercher le profit pour les actionnaires peut se faire au détriment de la relation r avec les fournisseurs ou de la cohésion des «collaborateurs» (situation de LBO par exemple). Encore, rechercher la croissance de l’entreprise peut se traduire par une augmentation de l’activité et des transports qui pourra nuire à l’environnement… Mais tous ces impératifs se valent-ils valent ? En existe-t-il il un, supérieur à tous les autres, qui pourrait être qualifié d’impératif catégorique ? Chez Kant, il s’agit d’agir par devoir, c'est-à-dire qu’ « il faut agir comme si le principe de la maxime de son action a devait être érigé par la volonté en une loi universelle de la nature ». L’objet ne doit avoir absolument aucune influence sur la volonté. En théorie, on peut considérer le fait d’agir par devoir comme l’impératif catégorique qui échoit à tout individu, individ et particulièrement au dirigeant d’entreprise. Mais dans la pratique, comme nous l’avons brièvement perçu, les intérêts représentés sont si variés qu’il semble même difficile d’envisager l’existence d’un « devoir suprême » du chef d’entreprise, sans en tout cas se poser la question fondamentale de la mission de l’entreprise. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 25 Peut-être ainsi la responsabilité du dirigeant consiste-t-elle consiste à trouver son « devoir », et à parvenir à hiérarchiser les différents impératifs hypothétiques afférents à chacune des parties prenantes déjà mentionnées. Il est en tout cas très intéressant de noter que l’impératif pratique de Kant consistant à traiter les es autres comme une fin en soi ne semble pas pouvoir être érigé en impératif catégorique, n’étant pas le seul « devoir » du dirigeant. Le problème de la hiérarchie des diverses responsabilités vis-à-vis vis des acteurs déjà cités semble délicate à résoudre, et il fut très intéressant de tester pendant l’enquête l’ordre de priorités retenus par les HEC selon leur « expérience ». L’autonomie de la volonté comme principe suprême de la moralité Kant bâtit son système philosophique sur le postulat de la liberté humaine : elle est la clé de voûte de la volonté chez les êtres êt es rationnels. Sans elle, la raison serait déterminée par des causes extérieures, et se nuirait donc à elle-même. elle même. Pour être moral, donc pour être responsable, ponsable, le dirigeant doit ainsi être libre. Cette liberté ne semble pas aller de soi, mais nous sommes obligés de la postuler, car sans elle, le dirigeant ne peut être responsable. Néanmoins, il pourra être intéressant de se demander si le dirigeant est réellement libre dans ses choix, où s’il ne subit subit pas des pressions de nature à entraver sa liberté de décider. En tout état de cause, il semble entendu que le dirigeant ne risque jamais plus que sa fonction, qui lui a été confiée par des actionnaires, et qui peut aussi lui être reprise. Sa responsabilité lité pénale lui fait également courir d’autres risques, sur lesquels nous avons choisi de ne pas nous concentrer pendant cette étude, pour nous intéresser avant tout à l’aspect éthique de la responsabilité. En postulant l’autonomie de la volonté du dirigeant, dirigea c'est-à-dire que cette volonté ne peut être déterminée par des causes extérieures, on rend possible la moralité du dirigeant, puisqu’il est seul responsable de ses es décisions et de ses actes. Fins individuelles et fins collectives Mais s’il est libre, ill semble, et c’est également une thématique tique présentée dans Les fondements de la métaphysique des mœurs, mœurs, qu’il doive arbitrer en permanence entre fins collectives et finss individuelles.. Le dirigeant, à la tête de l’entreprise, est censé épouser les objectifs de celle-ci, celle ci, mais il reste néanmoins un homme, en quête de son bonheur personnel avant tout. Au reste, il semble possible de distinguer différents J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 26 profils de dirigeants, selon leur niveau d’expérience et l’approche de la fin de leur carrière. La fonction de dirigeant permet évidemment de gagner beaucoup d’argent, d’argent voire énormément : l’avenir n’étant jamais assuré, il peut être tentant pour un patron de vouloir accumuler le maximum de ressources financières tant qu’il jouit de sa position. De même, il peut être amené à entreprendre certaines actions pour faire un « coup d’éclat » qui lui permette de partir en pleine gloire, gloire, à l’image de ce que recherchait le capitaine du Titanic. Enfin, ses objectifs personnels peuvent au contraire l’amener à opter pour our une stratégie tranquille de « père de famille », et à refuser toute forme de risque,, pour allonger au maximum son temps au pouvoir. pouvoir Autre possibilité : le dirigeant, pendant qu’il exerce ses fonctions, peut mettre en place un système qui lui garantisse un revenu maximum une fois sa mission terminée (parachutes, retraites retraite dorés…) : ce genre de pratiques, en réalisant r une partie des objectifs personnels du dirigeant, avant même qu’il ne se soit attaqué à ceux de l’entreprise, ne risque-t-il risque pas de le déresponsabiliser sponsabiliser ? Dans quelle mesure ces fins personnelles, impératifs hypothétiques du dirigeant qu’on ne peut évidemment pas mettre de côté, sont-elles conciliables avec les intérêts intérêt de l’entreprise, et encore plus avec la morale ? Une chose est certaine : cette question que nous trouvons chez Kant devait être posée au cours de notre enquête. Trop de scandales ont eu lieu ces dernières années à propos des rémunérations de dirigeants, et en particulier des fameuses « stockk options », sortes de bonus garantis, qui peuvent conduire les dirigeants à prendre de mauvaises décisions pour l’entreprise à long terme en vue de maximiser leurs gains personnels à court terme. Quelle attitude doit adopter le dirigeant responsable ? Si le « système » est en cause, doit-il (et peut-il) il) aller jusqu’à le remettre en cause ? Toujours dans cette optique de conciliation de fins personnelles et collectives, le dirigeant ne va-t-il va pas avoir tendance à se rendre indispensable à l’entreprise, ce qui fait immanquablement peser pes un risque sur celle-ci à terme? terme Finalement (et c’est la réponse que l’on trouve chez Kant de façon peu surprenante, mais il convient également de l’interroger l’interroger sur un plan pratique), la réelle responsabilité ne consiste-t-elle consiste elle pas à nier son intérêt personnel au profit de l’intérêt collectif qui pourrait devenir impératif catégorique ? Dans cette perspective, il convient alors de se poser la question suivante : qu’est-ce qu’une fin collective ollective pour l’entreprise ? Cette personne morale peut-elle peut avoir des fins ? Et qui les fixerait : le dirigeant, les actionnaires, les clients ? La thèse de Kant J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 27 semble ne pouvoir s’appliquer que très partiellement à l’entreprise : pour satisfaire à l’impératif pératif catégorique, et faire de sa maxime le principe d’une loi universelle, l’entreprise doit souhaiter pour elle-même el même la même chose que pour ses s concurrents, ce qui revient sans doute à nier la finalité propre de l’entreprise, si tant est qu’on parvienne à la définir. On le voit, l’œuvre de Kant est extrêmement extrêmement riche en thèmes liés aux hypothèses formulées dans cette recherche. Son étude fut certes longue, mais elle s’est s’ avérée décisive pour élaborer les guides d’entretien. Les idées essentielles que nous n avons retenues quant à la responsabilité du dirigeant sont les suivantes : En tout premier lieu, la nécessité de traiter Autrui - ici ci toutes les parties prenantes - jamais comme un moyen, mais bel est bien comme une fin en soi. Comment concilier le « traitement » de cess différentes parties prenantes si leurs intérêts divergent ? Quelle hiérarchie le dirigeant doit-il il adopter, adopter, à la fois entre les intérêts des différentes parties prenantes, mais aussi entre les siens et ceux de l’entreprise ? Nous retiendrons également l’idée de distinguer « l’agir ’agir strictement par devoir », que l’on distinguera de l’action (non morale) accomplie dans le but d’obtenir un résultat donné. Que doit rechercher le dirigeant ? Est-ce Est satisfaisant du point de vue éthique ? Et du point de vue pratique ? Comment se placer par rapport à cette double appartenance au monde sensible sen et au monde intelligible ? Cette appartenance est valable pour chaque individu, et a fortiori pour le dirigeant d’entreprise… J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 28 2.2 Hans Jonas : Le principe responsabilité Philosophe du XX° siècle, Hans Jonas s’attaque de façon beaucoup plus directe à la problématique de la responsabilité que Kant dans ses Fondements ondements de la métaphysique des mœurs.. Néanmoins, tout au long de son travail, il ne cesse de se référer à cet ouvrage, en essayant d’en approfondir les conclusions. conclusions Cette œuvre de référence nous éclaire sur une dimension essentielle, incluse dans les hypothèses et non évoquée par Kant : le rapport au temps. Le progrès technologique et ses conséquences conséquences engendrent de nouvelles responsabilités L’histoire de l’homme a consisté au fil des siècles à développer art et savoir pour se protéger de la nature, jusqu’à la construction de la cité. L’éthique traditionnelle anthropocentrique voyait son univers moral limité à l’horizon d’une vie humaine et son univers spatial limité aux lieux de rencontres entre les hommes. Ainsi, l’homme n’était responsable que de la cité, et pas de la nature. natur Mais la technologie a mis fin à cette unique proximité pour faire rentrer la responsabilité dans une ère collective. La biosphère devenant vulnérable sous les effets cumulatifs de l’action humaine, la responsabilité doit nécessairement s’élargir. Le savoir oir devient prioritaire, prioritaire car l’artificiel l’a emporté sur le naturel. En étendant cette idée au dirigeant d’entreprise, on peut accréditer cette thèse selon laquelle la grande entreprise multinationale a une influence sur un périmètre qui dépasse infiniment nt son environnement immédiat. Pareillement à l’homme dont l’essence est de produire pour augmenter son pouvoir sur la nature, l’essence de l’entreprise est de produire pour améliorer son profit. Les entreprises sont les vecteurs du progrès dans notre société, société, via la R&D, et ensuite l’application de ces découvertes aux besoins de ses clients. La thèse que Jonas applique à l’individu semble dès lors tout à fait pouvoir s’appliquer à l’entreprise et à son dirigeant, et selon les mêmes termes. Si ces découvertes technologiques, technologiques, stimulées par la recherche du profit, peuvent mettre en danger l’avenir de l’homme et risquent le « non-être être des générations futures », l’homme doit-il (et et peut-il peut !) prendre le risque de les rechercher sans cesse ? Pour les J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 29 dirigeants igeants publics, ne faut-il faut il pas réaliser que le meilleur Etat n’est peut-être peut pas l’Etat parfait mais bien celui qui sera également possible à l’avenir ? Si l’éthique antique est une éthique du présent, la responsabilité moderne, et surtout du dirigeant d’entreprise, d’ ne doit-elle elle pas être une éthique de l’avenir, le seul bien étant de nature durable ? Cette thèse semble soutenir soutenir notre hypothèse de recherche sur la nécessité pour un dirigeant de penser son entreprise à long terme, et surtout à la penser à l’intérieur l du monde et du système économique et non pas indépendamment de ceux-ci. ceux Il convient réellement de se poser des questions fondamentales, et de ne pas poser le fonctionnement du système comme immuable et se contenter d’agir selon les règles de ce dernier. Jonas développe l’idée selon laquelle la société moderne a fait de la mort un « défaut organique », que nous cherchons à tout prix à repousser, voire à éradiquer, remettant ainsi fondamentalement en cause la nature humaine. Cet allongement de la durée urée de la vie, cette résistance accrue aux maladies ont pour conséquence majeure l’accroissement désormais exponentiel de la population mondiale, dont la consommation par individu également croissante croissante met en danger la biosphère. De la même façon, les progrès rès incroyables de la technologie ont amené l’homme à prendre en main sa propre évolution, le tout sous-tendu sous tendu par une dérive utopique de recherche d’un monde rendu parfait par le progrès technique. L’homme ayant ainsi en mains les clés de son salut comme de de sa propre destruction, il lui devient nécessaire de développer une nouvelle éthique de la responsabilité. En effet, les gouvernements politiques sont aujourd’hui uniquement responsables du présent, qui correspond à peu près à leur mandat. En revanche, personne, pas même m le moindre lobby, lobby ne représente l’avenir ! Qui doit donc le faire ? L’éthique semble seule pouvoir réussir où même la religion a échoué. Néanmoins, pour revenir à notre sujet, sujet, il conviendra de se demander s’ill appartient au dirigeant d’entreprise d’être à l’origine de cette nouvelle éthique de la responsabilité, ou s’il peut se contenter de « suivre le mouvement ». Il est certain que le dirigeant d’entreprise concentre dans ses mains bien plus de pouvoir qu’un individu lambda, et qu’il est de fait dépositaire d’une responsabilité bien plus importante, pouvant avoir une influence sur l’avenir et les comportements. Le dirigeant est réellement prescripteur. Mais étant entendu que sa mission n’est pas celle d’un homme politique, reste à savoir si cette préoccupation pour l’avenir lui incombe ou non. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 30 Les fondements de cette nouvelle éthique de la responsabilité Mais cette nouvelle éthique de la responsabilité durable impose au quotidien une discipline difficile à tenir, te d’autant qu’aucun phénomène n’a réellement révélé au grand jour ce besoin d’une éthique de la responsabilité. Le dirigeant aurait finalement besoin de ce qu’Hans Jonas appelle une « futurologie comparative », permettant d’évaluer les impacts futurs de d ses actions présentes. Pour prendre un exemple d’actualité, la crise du système bancaire banca aux Etats-Unis qui a entraîné la faillite de Lehman Brothers a fonctionné selon ce même principe : des décisions visant à maximaliser le profit à court terme ont été prises, sans réel aperçu des conséquences catastrophiques pour our les banques et le l système bancaire (et capitaliste !) à moyen terme. Le caractère lointain des conséquences pour l’entreprise l’ a tendance à diminuer l’influence des problématiques de long terme pour le dirigeant. Pour Hans Jonas, il convient dès lors de se laisser guider par la crainte, et d’appliquer d’appliquer le principe de précaution (ce qu’il nomme « heuristique de la peur »).. En effet, la recherche constante du développement technologique, de la production production et du profit, profit est cumulative, et diminue par conséquent constamment la liberté de la corriger, à tel point que les dirigeants d’entreprise semblent aujourd’hui absolument prisonniers de cette logique de croissance, alors que d’autres acteurs envisagent envisagent de plus en plus sérieusement l’émergence de modèles décroissants. C’est finalement la liberté humaine qui est en jeu. Si on peut soutenir que l’homme l’homme possède toujours une liberté nihiliste, qui consiste à se détruire en restant « maître du jeu », » le méliorisme à outrance ne justifie pas « l’enjeu total ». Jonas démontre alors, en reprenant les termes de Kant, que l’impératif catégorique est l’existence de l’humanité, et qu’il faut dès lors tout mettre en œuvre pour mettre en place puis garantir les conditions cond de cette existence. L’homme ne peut risquer l’échec échec infini pour une chance de succès seulement finie. Pour le dirigeant, la problématique semble très proche : il ne semble guère théoriquement pouvoir risquer la vie de l’entreprise pour une amélioration, améliorat même substantielle, du profit à court terme.. Et pourtant, l’expérience a montré que la théorie est loin d’être être toujours respectée, ce qui nous pousse à constater que l’éthique de la responsabilité évoquée uée par Jonas n’est pas encore entrée dans les mœurs. Car il ne fait aucun doute que notre obligation soit de permettre aux générations futures d’être une « humanité véritable ». Cet impératif n’est évidemment valable que si l’on place la J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 31 continuation de l’humanité comme sa fin suprême. Cet impératif ontologique o de l’homme est certes facile à remettre en question dans une perspective historique (disparition d’autres espèces), mais d’un point de vue moral, son déni est la porte ouverte à une véritablee a-responsabilité a de chacun, qui ne peut nous mener qu’à qu notre perte, et ne présente dès lors pas grand intérêt. Ce postulat posé, posé il devient tout simplement nécessaire de développer une éthique de la responsabilité, pour chaque individu, et a fortiori (pour les raisons déjà évoquées) pour le dirigeant d’entreprise. d’entr Les valeurs de l’éthique éthique de la responsabilité resp La fin étant posée en premier, la réussite ou l’échec n’ont pas de valeur morale. La fin en soi est supérieure à l’absence de fin, et justifie le refus par l’homme du non-être. non L’auto-conservation conservation étant de fait quasi naturelle, il lui appartiendrait alors juste de choisir le meilleur chemin ? Pour le dirigeant d’entreprise, c’est la recherche du profit qui est « naturelle », car fondement du système capitaliste depuis sa théorisation par Adam Smith. Mais Hans Jonas insiste bien sur la nécessité de distinguer les fins valables des fins non valables. Cette dualité se résume à l’oubli de soi au profit de la cause, qui, seule,, fait naître un sentiment de responsabilité. Pour un dirigeant, et c’est une questionn que nous ne pourrons pas manquer de poser, cet oubli de son intérêt au profit de celui de l’entreprise reste à mon sens à démontrer. L’éthique possède en tout cas un double caractère objectif, au fondement rationnel, qui doit légitimer le « on doit », ett subjectif, dont le rôle est d’ébranler le vouloir et de laisser déterminer l’agir. C’est par exemple la sollicitude pour la progéniture qui aidera à se conformer à la conservation de l’environnement, pourtant véritable loi morale, morale puisqu’elle est nécessaire nécessa à la perduration de l’humanité.. Jonas distingue responsabilité légale et responsabilité respon morale. On ne peut échapper à cette distinction dans ce travail. La responsabilité du dirigeant vis-à-vis vis vis de son entreprise n’est pas choisie, comme celle des parents vis-à-vis vis de leurs enfants. Mais la nouveauté introduite par Jonas consiste à considérer que même quand l’objet de la responsabilité se trouve en dehors de la sphère d’action immédiate du dirigeant, il suffit qu’il se trouve dans sa sphère d’influence d’influence et soit de fait potentiellement menacé par ce dernier pour qu’il soit de sa responsabilité. Cette distinction revient à la dichotomie existant entre responsabilité imposée et librement choisie, en prenant l’exemple des parents et de l’homme politique. Dans chacun des cas, il y a une réelle obligation d’action : J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 32 l’erreur implique réparation. Dans cette tte responsabilité non choisie entre également la responsabilité envers son semblable, car l’homme ne peut vivre en autarcie. Etre fondamentalement moral (au sens large, moral ou immoral), il lui suffit d’être vivant pour se trouver responsable de ses semblables. L’existence de l’homme a la priorité quoi qu’il arrive, et cette possibilité d’existence doit être maintenue. La responsabilité absolue consiste en fait fait à maintenir la possibilité qu’il y ait une responsabilité à exercer. Cette responsabilité doit être totale (avec incorporation du sentiment), continue (s’intéresser à l’avant comme à l’après) et d’avenir (elle doit pouvoir abdiquer devant le droit de ce qui n’est pas encore,, comme celui des générations à venir).. Reste à savoir si, comme les parents, le dirigeant est responsable de ce qu’il qu fait (actions), ou, comme l’homme politique, de ce qui l’a fait (i.e. de ceux qui l’ont nommé). Cette question n’est pas aussi simple à trancher qu’on pourrait le croire, le dirigeant subissant la responsabilité qui pèse sur lui au moins autant qu’il la choisit. L’irresponsabilité consiste à exercer le pouvoir sans observer le devoir. Le manquement à la responsabilité par par inattention entre également dans la sphère d’irresponsabilité. En effet, le dirigeant a un véritable devoir de veille et d’anticipation.. Cette idée est essentielle pour analyser les crises qui se produisent dans certaines entreprises, survenant à cause d’éléments perturbateurs extérieurs, sur lesquels le dirigeant n’a aucune emprise, comme « la crise ». Jonas semble catégorique : le dirigeant n’a pas qu’une obligation de moyen, et son devoir de veille implique l’anticipation de ces éléments au même titre que ceux du « business as usual ». Laa responsabilité ne s’envisage-t-elle s’envisage qu’à long terme ? L’éducation rend l’humain autonome, et ainsi à même d’être responsable. responsable Il est indispensable de rejeter l’idée de devenir programmé de l’humain,, dont le présent ne serait alors qu’une étape sans cesse inachevée. Cette projection d’avenir, autoauto réalisatrice, diminue considérablement la responsabilité. Le dirigeant doit impérativement conserver son jugement, sur l’ensemble du système, toujours dans l’idée que l’exercice ce de sa responsabilité de dirigeant soit toujours possible dans le futur. La dimension long terme de la responsabilité ne fait donc plus aucun doute pour le dirigeant, qui doit être conscient de l’excès de son pouvoir sur son savoir. Nos connaissances techniques hniques (y compris dans les entreprises) n’ont jamais été aussi J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 33 importantes, mais à la fois si peu importantes, car beaucoup plus fragmentées du fait de la spécialisation et de l’innovation permanentes. permanente La responsabilité a de fait fa tendance à se trouver diluée dans les mains d’un plus grand nombre de personnes. personne Pour Jonas, il existe un réel point de non-retour, non et il est illusoire soire de croire à un miracle, ou à l’adaptation sans limite de l’homme. A quoi a-t-on a on le droit de « se laisser s’habituer » ? La responsabilité est aujourd’hui fonction du pouvoir ET du savoir, alors qu’elle se limitait au « hic et nunc » avant les progrès technologiques du XIX° siècle post révolution industrielle. industrielle. Notre époque, loin de considérer la stabilité comme naturelle, comme omme c’était le cas de la période antérieure, voit dans la nouveauté le véritable « naturel ». Et pour Jonas, il ne faut point voir là-dedans dedans de « ruse de la raison », comme le soutenait Hegel, Hegel qui nous amènerait « naturellement » à l’autoréalisation de notre otre devenir. Le rapport devoir/pouvoir s’est inversé depuis deux siècles. Le « tu dois donc tu peux » de Kant s’est transformé en un « tu dois, car tu fais, car tu peux ». La responsabilité suit le pouvoir. Le pouvoir de l’homme est son destin, et son destin tin le destin général. Il convient donc de prendre en mains ce processus, et de réfléchir à la société qui sera la plus apte dans le futur. Pour le dirigeant, le raisonnement doit être le même : sa responsabilité est de construire la société la plus apte à résister à l’avenir tout en participant à la construction de ce futur. La responsabilité doit être placée au cœur de la morale. morale. L’enjeu est immense, et la tâche ô combien difficile, car il s’agit de permettre à l’entreprise de perdurer, en dépit de l’impossibilité d’en planifier la manière. La position d’Hans Jonas est claire : l’éthique de la responsabilité doit être celle de la préservation de l’espère humaine, humaine, et non celle du progrès à outrance. Son but serait plus modeste, mais ce commandement est difficile. difficile. Les succès du progrès contiennent les germes de leur propre démesure, et son pouvoir est devenu incontrôlable. La société a besoin d’une limitation imposée par le pouvoir politique. Pouvons-nous Pouvons poursuivre cette logique de croissance avec tous les gaspillages aspillages consubstantiels, ou sommes-nous nous capables d’accepter de baisser les coûts ? Une morale ascétique est-elle est envisageable ? Les dirigeants pourraient-ils pourraient ils opter pour une politique de décroissance choisie, avec un contrôle strict des coûts, et une réduction réduction drastique des gaspillages ? A l’échelle de la planète, partant du principe que les occidentaux ne pourront pas accepter de baisse du niveau de vie, on arrive alors à une lutte des classes mondiale, J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 34 qui a pour l’instant été évitée, mais qui ne pourra peut-être être plus l’être si les pays occidentaux n’acceptent pas une répartition plus équitable des richesses. Chacun avait donc intérêt à encourager la recherche de l’utopie, selon le « principe espérance »,, qui permettrait à chacun d’améliorer son niveau de d vie, diminuer la pénibilité de sa charge de travail, le tout sans nuire à son environnement. La difficulté des situations a souvent encouragé les hommes politiques à se refugier dans cette utopie. La « mystification des masses » dont parle Jonas a contribué contri à une déresponsabilisation totale des individus, qui ne vivent plus qu’en vue de cette amélioration miraculeuse. miraculeu La « sombre vérité » n’est-elle pas plus en mesure de créer une exaltation morale et déclencher ainsi un véritable cercle vertueux où chacun aurait le devoir d’aider les autres à être moraux eux-mêmes eux ? On retrouve dans cette idée la problématique d’exemplarité pour le dirigeant : être responsable certes, mais également éduquer ses «collaborateurs» à la responsabilité. L’utopie en question Si Nietzsche attendait l’avènement l’ nement d’un homme supérieur, le marxisme voyait dans la société sans classe le système politique qui ferait émerger l’homme « bon », l’aidant à concrétiser ses potentialités. ntialités. Capitalistes comme socialistes ne sont en soi ni bons ni mauvais, mais poursuivent chacun une utopie. Celle d’aujourd’hui d’aujourd’hui est comme nous l’avons vu fondée sur la croissance. La misère ne peut disparaître, même en dépit d’éventuels renoncements des pays industrialisés. industrialisés. Dès lors, faut-il faut renoncer à la croissance?? Oui, et c’est même le rôle du dirigeant diri : la restriction doit devenir le nouveau mot d’ordre, et les entreprises cesser de poursuivre cette utopie et de la maintenir vivace dans l’esprit collectif. Responsabilité implique réel devoir de vérité et de transparence, aussi impopulaires soient les décisions qui doivent en découler. L’éthique individuelle n’a de son côté que peu progressé : beaucoup sont exclus d’un savoir de plus en plus us spécialisé, et nous no avons vu à quel point les progrès de la technologie sont moralement ambivalents. Sur le plan économique, même si cela ne relève pas de choix personnels du dirigeant, le système capitaliste, en dépit des incroyables progrès qu’il a permis, a considérablement renforcé les inégalités, et le « prix de la vertu » est aujourd’hui trop élevé pour les « exploités ». Comment en effet refuser pour des prétextes environnementaux la croissance à des pays comme l’Inde ou la Chine, qui aspirent nt légitimement à la prospérité érité que les pays occidentaux ont J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 35 atteinte en utilisant ce même modèle de développement. La formule de Bert Brecht me semble à cet égard extrêmement pertinente : « D’abord vient la bouffe, ensuite la morale ». Transposée au dirigeant d’entreprise, elle pourrait pourrait s’énoncer ainsi : « d’abord vient la réussite de l’entreprise, l’entrepr ensuite la morale ». Sans entrer dans le détail des synergies potentielles entre morale et succès économique, cette question de finalité pour le dirigeant doit être posée. La liberté humaine aine devant être postulée, du moins pour que ce travail ne puisse pas être taxé d’absence d’une quelconque transposition dans la pratique, il faut reconnaître que sa sacralisation ne va pas toujours dans le sens du bien moral. De même que chacun reconnaîtraa la supériorité indéniable de la liberté sur la nonnon-liberté, il y a fort à parier que le résultat soit le même pour la stabilité par rapport à l’instabilité. Pourtant, liberté implique instabilité. Et c’est bien ça le danger de l’utopie : croire que l’on peut tout avoir, alors que ce n’est pas - ou plus - le cas. Le dirigeant doit donc être bien conscient de la différence entre l’idéal souhaitable et le possible. Et c’est bien de lucidité – et non pas de bonté désintéressée – dont les dirigeants, comme les es citoyens « ordinaires »,, semblent manquer aujourd’hui. Une guerre menée par les pays pauvres aurait pour eux des effets néfastes et contreproductifs,, et ne semble donc pas à redouter. Néanmoins, l’empathie doit cesser pour faire place à la prévention constructive. Si le rattrapage technologique serait catastrophique et destructeur pour l’environnement, l’égalisation des niveaux nécessite toujours un progrès rogrès auto-entretenu, auto entretenu, dont nous avons à présent réalisé les risques qu’il fait courir à l’humanité à long terme. L’alimentation de la population mondiale, l’épuisement des matières premières et l’utilisation de l’énergie représentent représente des problèmes considérabless pour l’homme. La loi selon laquelle la consommation entraîne un perpétuel problème thermique est inamovible. Quelle plus grande responsabilité pour l’homme que la survie de son espèce ! Et pourtant, quelle responsabilité plus diluée, dont chacun peut peu trouver une bonne excuse de se défaire? Nous sommes ici au cœur de la responsabilité élargie évoquée dans les hypothèses. hypothèses. A la lumière de ces explications, il ne fait nul doute que le dirigeant d’entreprise, dont le savoir et le pouvoir excèdent largement largemen celui du citoyen lambda, porte une grande responsabilité dans les orientations prises par les entreprises, qui ont ensuite valeur d’exemple pour le reste de la société. Et la relative J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 36 incertitude qui pèse sur l’exactitude scientifique des prévisions du GIEC G ne change rien à la thèse de Jonas : les succès à court terme ne doivent jamais passer avant la prudence à long terme,, dont l’abandon fait courir le risque ultime de sa disparition à la société. La question du violon d’Ingres4 et de l’idéal de loisir actif ctif au service des vraies fins (humaines !) est la véritable question rarement traitée dans les utopies, par exemple dans l’utopie marxiste. L’automatisation de la production matérielle, permettant à chacun de se livrer aux vraies activités grâce à une véritable éritable saturation technologique, n’est pas recevable. En effet, liberté et nécessité de travailler ne peuvent être séparées. La liberté n’existe que dans son affrontement avec la nécessité. Les relations humaines n’auraient guère de sens sans le travail : le besoin humain de combler le vide fait de l’oisiveté un véritable danger social. Finalement, le caractère souhaitable de l’utopie que nous poursuivons tous s’évanouit avec sa réalisation. Le seul problème est que nous n’acceptons pas d’en prendre conscience. cience. Le simple caractère négatif de la vie humaine pousse à se réfugier dans l’utopie, même en admettant que celle-ci celle ci ne soit plus souhaitable une fois réalisée. Et ces siècles d’héritage progressiste ne sont pas près d’être digérés. Nous croyons à la réalisation éalisation progressive de l’homme authentique, alors que l’homme, s’il n’en demeure pas moins différent selon les époques, n’est jamais plus ou moins authentique. Chaque présent de l’homme est sa propre fin, et ne devrait pas être risqué en vue d’une réalisation sation hypothétique à un horizon non déterminable. Or notre société de consommation, notre frénésie frén technologique,, nous pousse vers cette utopie. Et c’est tout ce qu’Hans Jonas met en évidence : la nécessité de passer p du principe espérance au principe responsabilité. Le courage d’affirmer sa responsabilité consiste à se tenir responsable par avance, même de l’inconnu. l’inconnu. L’heuristique de la peur est à cet égard indispensable : il faut avoir peur pour l’objet de la responsabilité, l’entreprise danss le cas du dirigeant. Cette peur pousse à agir. Il s’agit en fait de répondre à la question : « que se passerait-il si je ne faisais rien ? ». Ainsi, le dirigeant doit craindre, sinon on ne peut lui confier le sort de l’entreprise. La direction aveugle 4 JONAS, H. (1979). Le Principe responsabilité. Flammarion. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 37 estt par essence irresponsable. Le dirigeant a l’interdiction formelle de violer le présent au profit de l’avenir, et le devoir de préserver l’héritage de la dégradation. On peut bien sûr ne pas adhérer à la thèse de Jonas. Néanmoins, concernant notre thème de recherche,, le traitement de l’extension de la responsabilité dans les sphères temporelle, géographique et sociétale implique de se poser ces questions. Notre système capitaliste et le progrès technologique consubstantiel nous poussent indéniablement à laa poursuite d’une utopie. Cette poursuite d’un monde parfait à cause du refus des imperfections du présent revient effectivement à prendre un risque démesuré par rapport au gain potentiel. Et l’évolution de la société nécessite par conséquent un changement d’éthique. L’homme moderne ayant désormais le pouvoir de s’anéantir, son action a des conséquences morales. Ainsi, risquer la disparition du monde tel que nous le connaissons sous prétexte de potentiel avènement de la société ultime paraît effectivement tout t sauf responsable. Mais is ce changement de dimension de l’éthique, l’ qui me paraît rationnellement difficile à remettre en cause, ne semble pas encore avoir de retentissement dans la pratique, pratiqu sans pour autant qu’il soit nécessaire de se lancer dans les détails du réchauffement climatique ou des problèmes géopolitiques. L’heuristique de la peur n’est pas la tendance dominante, bien au contraire, car chacun n’a pas les mêmes choses à risquer. Les pays riches ne sont pas prêts à renoncer à leur niveau de vie vi et leur « surconsommation », quand les pays pauvres ne peuvent rationnellement et moralement pas abandonner l’idée d’un rattrapage. Toutefois, outefois, ces idées ne sont valables qu’à la condition de penser à l’intérieur du système d’Hans Jonas. Le postulat,, car pas entièrement démontré, de ces systèmes consiste à affirmer le danger que représente le progrès technique que nous connaissons depuis plus de deux siècles et dont le rythme de croissance n’a de cesse de d s’accélérer. Il est assez facile d’imaginer que dess progressistes puissent rétorquer que le progrès atteindra un seuil qui permettra de trouver des solutions aux problèmes problèmes environnementaux, à la faim dans le monde, et autres problèmes aujourd’hui insolubles. Il ne nous appartient pas d’essayer de trancher cette question. Et peut-être être que rester dans cette incertitude est le propre de la condition humaine. La responsabilité commence avec cette incertitude, et il serait trop facile de décider si elle était tranchée, la responsabilité s’en trouverait certainement certainement considérablement diminuée. Avec tous les enjeux que nous venons d’évoquer, elle me semble au contraire plus importante que jamais. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 38 Mais ces problèmes semblent finalement davantage ceux des hommes en général, voire des hommes politiques, que des dirigeants d’entreprise. La responsabilité, d’après Jonas, étant directement fonction du savoir oir et du pouvoir, celle du dirigeant d’entreprise ne connaît quasiment pas de limite. Néanmoins, cette position très pragmatique fondée avant tout sur le caractère exemplaire et prescripteur du dirigeant (particulièrement celui des grandes entreprises),, peut ne pas résister à la définition exacte des fins que doit poursuivre un dirigeant (fins que nouss essaierons de mieux cerner dans l’enquête), l’ , qui diffèrent finalement certainement de celles que doit poursuivre un homme politique. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 39 2.3 R. Freeman: Strategic management, a stakeholder approach L’ouvrage de Freeman date de 1984 et s’avère également un point d’appui décisif pour les quatre hypothèses formulées au début de ce travail. Le rapport au temps, aux autres, la corrélation entre éthique et résultats y sont abordés, mais c’est essentiellement notre hypothèse n°4 qui est traitée en profondeur, avec avec l’apparition d’une notion décisive pour cette recherche. Freeman développe dans ce travail sa théorie des parties prenantes, expliquant que la vision de l’entreprise est passée d’une structure de production (clients et fournisseurs) à une structure « managériale», à laquelle uelle il convient d’ajouter les employés et les actionnaires (et que nous appellerons dans ce mémoire la structure « traditionnelle »). Pour Freeman, dès 1984, cette structure est dépassée, et doit laisser place à une structure infiniment plus large, dite « des parties prenantes », incluant notamment les gouvernements locaux et fédéraux, la concurrence (notamment étrangère), les groupes de clients et de consommateurs, les défenseurs de l’environnement,, les media et autres groupes de pression pour ne citer que les principaux. La compréhension des parties prenantes Ces parties prenantes « externes » à l’entreprise ont une importance fondamentale, et le choix de l’entreprise de l’inaction, la réaction, la proactivité ou interaction aura des conséquences importantes sur son fonctionnement. Si le terme anglais « stakeholder » a été choisi en référence à « stockholder » pour renforcer la légitimité de ces groupes, la définition finale est la suivante : sont parties prenantes à l’entreprise tous les groupes ou individus qui affectent ou sont affectés par la réalisation de la mission de l’entreprise. Freeman propose, et c’est c’est révolutionnaire, un ajustement de la stratégie à leur contentement, allant même jusqu’à dire que le mouvement de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) consiste finalement à ne plus prendre en compte te les seules parties prenantes prenantes traditionnelles mais également les autres. En somme, il s’agit que ce qui était hier en marge du « Business as usual » devienne progressivement quelque chose d’habituel.. Des théoriciens d’Harvard ont également évoqué le passage de la responsabilité à la réactivité, évoquant même l’apparition d’un « bilan social ». On sent bien qu’entre la « simple » prise en compte de l’environnement à son intégration dans la stratégie d’entreprise, le fossé est grand, J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 40 et impose de définir ou redéfinir la mission de l’entreprise, l’entreprise, la direction qu’elle doit prendre, l’allocation des ressources à mettre en œuvre pour y parvenir ainsi que les structures nécessaires pour l’implémenter. En identifiant les principales parties prenantes et en les plaçant sur une « carte », comprendre rendre les processus qui régissent les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes devient plus aisé, et permet d’anticiper les conflits potentiels. Le point essentiel réside bien dans la compréhension de ce que Freeman appelle les « monnaies » des es parties prenantes : les actionnaires peuvent mesurer en dollars ce que les gouvernements mesureront en lois loi et les groupes de consommateurs en manifestations… Il faut dès lors réorienter les processus de l’entreprise vers l’extérieur, être réactif et pouvoir pouvoir atteindre des situations gagnant/gagnant. Freeman est catégorique : l’intérêt de l’entreprise est de satisfaire ces parties prenantes elleselle mêmes sans attendre la régulation. La négociation doit être volontaire, et il faut être prêt à y passer plus dee temps que nécessaire. Deux exemples simples permettent de mieux comprendre : avec cette théorie, l’entreprise pourrait essayer de changer progressivement les attentes de retour des actionnaires, les faisant évoluer du retour financier ou de la valeur de l’action à l’investissement et l’avantage compétitif, qui se valorisent à plus long terme. Vis-à-vis Vis vis du gouvernement, l’entreprise doit cesser l’opposition systématique pour aller vers une participation à l’élaboration des régulations. La remise en question n du fonctionnement de l’entreprise Il est nécessaire d’aligner le business et l’éthique à tous les niveaux de l’entreprise : groupe, division, unité de production. L’entreprise doit alors se poser la question de ses valeurs, du rôle qu’elle souhaite se donner dans la société. Comparer les valeurs de l’entreprise à celles de ses parties prenantes est décisif, et permet d’envisager de nombreux problèmes potentiels. L’entreprise peut choisir comme mission parmi sa propre survie, la recherche du profit, le service client ou la satisfaction du personnel, et adopter en conséquence différentes diff stratégies : maximiser la satisfaction d’une partie prenante en particulier (par exemple l’actionnaire, stratégie la plus répandue mais d’après Freeman tout sauf obligatoire !), ou au contraire rechercher le « greatest good for the greatest number », répondant à une mission d’amélioration de la société, mais dont les dérives peuvent être dangereuses. Il est également possible de tolérer les J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 41 inégalités de traitement des différentes parties prenantes, à condition de chercher toujours à améliorer la satisfaction satisfaction de celle qui est à l’heure actuelle la plus basse. Enfin, dans une logique communautariste, l’entreprise peut souhaiter avant tout le consensus et l’harmonie sociale. Le succès de ces missions dépend bien sûr de la stratégie, où l’honnêteté est capitale et la remise en question permanente. Freeman a identifié chez les dirigeants une tendance à augmenter leur propre pouvoir au nom de l’intérêt des actionnaires, alors que c’est d’un vrai « audit des parties prenantes » que l’entreprise a besoin. mprendre les comportements et objectifs des parties prenantes, en dégager des Comprendre points communs avec les propres objectifs et comportements de l’entreprise doit permettre de dégager une stratégie générale fondée sur les parties prenantes et de la décliner en stratégie adaptée à chacune d’entre elles. Le point clé de cette analyse est d’éviter ce que Freeman qualifie de « surprise stratégique » : dans un environnement en perpétuel changement, le dirigeant doit prendre conscience que plus rien n’est inamovible, et que toutes les combinaisons de menace, coopération, alliances tacites ou non, etc. doivent être envisagées sans exception. Toute cette analyse est fondée sur l’empathie, et peut même s’appuyer sur l’interrogation d’expert voire voir de membres ou représentants ts des parties prenantes elleselles mêmes. En utilisant les forces de Porter5, il est alors possible de définir une stratégie générique, étant entendu que les relations entre les parties prenantes peuvent donner lieu quelle que soit la stratégie adoptée à des changements, changements, comportements défensifs, offensifs ou d’attente. Derrière cette analyse, et quoique quoique cela dépende encore de la mission que s’est donnée l’entreprise, cette stratégie reste bien entendu utilitariste, c’estc’est-à-dire menée dans l’intérêt de l’entreprise. ise. L’allocation de ressources pour la satisfaction de ces parties prenantes vise à obtenir d’elles implication, participation et partage de valeur. Nous sommes au cœur d’une stratégie collaborative, impliquant une profonde remise en cause de la façon de diriger, où le dirigeant doit apprendre à « aimer se faire crier dessus ». On sent bien que la part laissée aux décisions arbitraires se réduit comme peau de chagrin. Les difficultés d’application de cette théorie viennent probablement du fait que ses résultats ltats ne se voient pas la plupart du temps (par exemple évitement 5 PORTER, Michael, « L’avantage concurrentiel », Inter Éditions, Paris, 1986, 647 pages J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 42 d’une crise) et ne laissent guère apparaître de gain assez alléchant pour révolutionner la mode de fonctionnement de l’entreprise. Le contrôle budgétaire à court terme, s’il apparaît le plus concret et le plus rationnel, estt en réalité souvent porteur d’une erreur stratégique, comme l’allocation des ressources fondée sur le passé et non sur l’analyse des parties prenantes. Les entreprises font souvent le choix d’ignorer ces acteurs, ou de recourir rec à la communication institutionnelle (« one-way public relations »), alors qu’il faudrait viser la négociation, au pire implicite, au mieux explicite. Mais ce n’est pas de communication que l’entreprise a réellement besoin, mais de crédibilité, obtenue obtenu avec un changement du mode de transaction et le contrôle du budget, bien sûr, mais aussi des programmes stratégiques, de la direction et de la mission de l’entreprise. La mesure de la performance doit également changer, et intégrer au profit et à la « valeur marché » la « réactivité sociale ». Rien d’insurmontable à condition d’intégrer chaque partie prenante, l’ensemble de ces dernières (en en séparant bien les différents types déjà évoqués) et de les envisager à court puis à long terme. Dans les entreprises, entrep cela peut prendre la forme de jeux de rôles lors de séminaires où les dirigeants d doivent se mettre tour à tour à la place de chacune des parties prenantes, de « vrais » représentants étant là pour les y aider. Cette étape effectuée, il devient envisageable, envis compte tenu des forts enjeux enjeu pour l’entreprise, d’envisager la création d’une équipe dédiée à la gestion des parties prenantes au siège de l’entreprise. Il convient toutefois de faire attention à plusieurs points qui pourraient hypothéquer les chances nces de succès de cette démarche : si l’environnement de l’entreprise ne change ni réellement ni rapidement, adopter cette stratégie peut déstabiliser inutilement les managers, qui voient potentiellement chacune de leur décision remise en cause au nom de l’intérêt ’intérêt de l’une ou de l’autre des parties prenantes. L’implication du « top management » s’avère indispensable, et il appartient à ses membres de mobiliser à leur suite le management intermédiaire et opérationnel. Attention également à l’excès d’analyse qui finit par paralyser l’action : l’entreprise ntreprise doit avant tout rester tournée vers l’action et les cartes et analyses des enjeux liés aux parties prenantes prena resteront lettre morte si elless ne sont pas suivis de plans plan d’action concrets. Enfin, l’épuisement guette le dirigeant qui souhaiterait mener une analyse exhaustive : les parties prenantes se comptent par centaines, et il faut apprendre à les prioriser, priorise , sans toutefois jamais J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 43 négliger les « petits » dont l’impact potentiel sur l’entreprise pourrait s’avérer s’avé important. Le dirigeant au cœur de cette théorie des parties prenantes Cette étude de Freeman amène finalement le dirigeant responsable à souhaiter encourager la participation des parties prenantes au conseil d’administration de l’entreprise, en insistant bien sur une transformation fondamentale : la conscience de l’existence et des enjeux liés à ces parties prenantes doit se muer en réactivité envers ces mêmes parties prenantes. prenantes Les implications en sont importantes : la gouvernance de l’entreprisee devient un équilibre subtil entre membres « internes » et représentants des intérêts « externes ». Il appartient au dirigeant de donner le ton et le style de direction, avec un seul objectif en tête : l’amélioration du fonctionnement de la gouvernance. Nous ous avons déjà évoqué la question fondamentale de la mission que se donne l’entreprise, mais dans la pratique, cette mission peut se trouver mise en danger par un désaccord entre les propriétaires et la direction (ou même les propriétaires entre eux). Ce cas as se produit le plus souvent lors de la potentielle vente d’une entreprise, où la direction a tendance à ne pas accorder aux diverses propositions émanant de l’extérieur toute l’attention nécessaire, alors qu’elles intéressent au plus haut point les actionnaires. nnaires. Quelles sont alors les « affaires de l’entreprise », son identité ? Dans ce genre de cas, il devient indispensable de changer de perception et de confier l’analyse de la situation à quelqu’un d’extérieur qui ne soit pas à la fois juge et partie. Freeman F a recensé de nombreux cas de procès intentés aux dirigeants par les actionnaires pour des questions de « jugement de business sain ». Ils n’ont jusqu’ici jamais eu gain de cause, mais Freeman sentait une inversion de tendance. Pas besoin d’aller plus plu loin dans l’exploitation de cet exemple, l’on comprend qu’il s’agit ici de définir le point focal, le centre de l’organisation. La théorie des parties prenantes n’a pas foncièrement de valeur morale ; elle fixe en revanche un cadre pour discuter de positions posi morales. Les intérêts contradictoires des parties prenantes peuvent donner lieu à la « scission » de l’entreprise en plusieurs entités. Un consultant extérieur, mandaté ou non par la justice, doit être fidèle à l’entité, en aucun cas à un groupe précis, précis, ni même au dirigeant, quand bien même il a fait appel à lui et le paye. Le dirigeant doit pour éviter ces problèmes prendre au maximum les devants et adopter une véritable philosophie volontariste. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 44 Qui doit porter au quotidien la responsabilité des parties par prenantes ? Si ces questions sont au sein des PME l’apanage exclusif du dirigeant et de ses «collaborateurs» proches, cette organisation semble hautement irréaliste dans un grand groupe oupe avec la décentralisation des unités de production, mais aussi souvent sou de services supports, par pays ou régions. La responsabilité des parties prenantes devient alors de plus en plus diffuse, c’est pourquoi chaque « Business Unit » doit disposer de programme pour ces, voire ses parties prenantes. Les entreprises ont tendance tendance à se concentrer sur les parties prenantes « internes » à l’entreprise (les quatre traditionnelles que constituent actionnaires, clients, fournisseurs et salariés), d’où la grande frustration des directions des relations publiques (qui ont un grand rôle rôle dans le service aux parties prenantes externes), souvent taxés d’inutilité par les managers. managers. Effectivement, chaque manager traite ses parties prenantes directes, mais rares sont ceux qui appréhendent la « big picture ». D’après Freeman, le dirigeant doit donc s’attacher les services d’un responsable des affaires externes, sorte de médiateur qui doit pouvoir négocier avec toutes les parties prenantes, aussi parce que le public n’a le plus souvent pas confiance dans les relations publiques. Le service marketing arketing doit par exemple se sentir responsable de tout ce qui concerne clients et concurrence. Finalement, il est davantage considéré comme un service support, et subit une grosse pression en interne. C’est ici que réside l’erreur trop souvent commise : laa fonction de « pur » support ne peut avoir que des parties prenantes internes. Concernant la finance, la gestion des chiffres à court terme est aujourd’hui très critiquée. L’inflation n’est jamais prise en compte et il existe un vrai problème de mesure du long terme qui doit nécessairement être mis en balance avec le court terme. Au niveau des salariés, iés, il vaut mieux réussir à leur faire adopter une d’attitude d’ouverture ouverture et de prise de risque plutôt que de protection de sa retraite. La production souffre quant à elle d’un véritable manque d’attention. Il faudrait se demander comment augmenter la productivité et être un lien vers employés et syndicat en évitantt l’affrontement à somme nulle quasi systématique. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 45 C’est bien au dirigeant qu’il qu’il appartient de hiérarchiser ces parties prenantes et de nommer des responsables directs pour chaque catégorie. Ces responsables auront entre autres pour missions de réagir aux demandes des parties prenantes, de développer une réelle expertise sur leur connaissance, connaissance, de mesurer l’adéquation de la stratégie d’entreprise à l’aune des objectifs de ces « stakeholders », de mettre en place des programmes d’intégration et de devenir deven finalement le véritable ambassadeur ambass de l’entreprise auprès de ces groupes ou individus. ind Cette façon de négocier permettra d’améliorer sensiblement les relations entre l’entreprise et son environnement, ouvrant la voie à une culture de la collaboration plus que de l’affrontement, et permettra aussi et surtout d’obtenir des résultats sensiblement sensiblement meilleurs dans la gestion des conflits que via l’intervention du gouvernement et de la législation. La responsabilité du dirigeant Freeman donne un rôle essentiel au dirigeant d’entreprise : il lui appartient ap de servir l’intérêt de toutes les parties prenantes, avant même le sien propre, et se retrouve gardien du cap et des valeurs choisies par l’entreprise. Mais la tâche la plus difficile qui lui incombe est sans doute de faire en sorte qu’au sein de l’entreprise, et à tous les étages, ges, les parties prenantes ne soient pas considérées comme des contraintes mais bien des opportunités. Il est en effet redoutable d’exiger du middle management de gérer à la fois le quotidien et ces enjeux stratégiques, surtout dans la structure actuelle dee rémunération de l’entreprise. Cela revient en fait à les mettre dans une situation de risque non rémunéré. Et c’est certainement à ce changement qu’un dirigeant responsable s’attaquerait en priorité. Le CEO doit être impliqué dans l’analyse des parties prenantes, prenantes, des valeurs et des problèmes sociaux. C’est extrêmement difficile, surtout quand on comprend la multitude de parties prenantes que le dirigeant doit intégrer à sa réflexion personnelle. C’est difficile et exige de grandes qualités, et personne ne peut y arriver seul. Le dirigeant doit construire une véritable équipe où règne de la confiance. Et surtout, après avoir enclenché une telle démarche, elle ne doit surtout pas être passée sous silence, il faut communiquer sur les premiers résultats de cette cette approche, en expliquant par exemple les conflits potentiels qu’elle a permis d’éviter. Renforçant la crédibilité de la démarche, cela pourra augmenter l’implication des parties prenantes internes. Aussi surprenant que cela puisse paraître, un PDG ou DG doit d’après Freeman passer J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 46 90% de son temps à l’extérieur de l’entreprise, participer activement au processus politique et social et avoir en permanence en tête l’équilibre l entre l’intérêt privé de son entreprise et l’intérêt social qu’il représente. Le dirigeant dirigeant constitue-t-il constitue un « civil servant » (Lindbloom – 1977) ? Il semble possible de ne pas adhérer à cette thèse. Néanmoins, il ne fait pas de doute que le dirigeant ne doit pas chercher à éviter les polémiques. Les parties prenantes fournissent le contexte contexte de la prise de décision, et ce contexte ne doit pas être occulté. Un enjeu clé consiste ensuite à aider les salariés à acquérir cette sensibilité pour mieux manager dans la tempête. Enfin, l’environnement de l’entreprise doit être pris en compte de façon façon systémique et routinière. L’entreprise doit donc procéder à une généralisation des théories de Porter vers l’ensemble des parties prenantes à l’entreprise, dans l’intérêt de qui il est vital d’apprendre à agir. Finalement, l’ouvrage de Freeman s’avère s’avère décisif à plus d’un titre pour l’appréhension de nos hypothèses. En démontrant la nécessité absolue de considérer l’entreprise comme partie intégrante de son environnement immédiat (parties prenantes traditionnelles) mais également plus large, l Freeman vaa jusqu’à donner un rôle de « civil servant » au dirigeant, qui doit se préoccuper non seulement des intérêts privés de la firme mais aussi de toutes les interactions entre celle-ci celle et son environnement. Freeman lui donne un rôle politique et social non négligeable, né en lui conférant le devoir de participer au débat public. Cela semble aller bien au-delà au du spectre de responsabilité traditionnel du dirigeant. Au-delà de l’attention ’attention à apporter à ses parties prenantes, de la prise en compte de leur existence puis uis de leur intérêt, à leur intégration dans la stratégie d’entreprise, voire jusqu’à leur représentation au conseil d’administration, le dirigeant doit déployer de nombreux moyens pour aboutir à des solutions « gagnant/gagnant ».. Même si cela n’est jamais dit explicitement, l’on comprend en creux qu’il ne s’agit pas d’instrumentaliser les parties prenantes : onn ne peut plus ni les ignorer ni leur mentir. Il faut donc faire preuve d’empathie, collaborer et développer une stratégie pour satisfaire les intérêts intérêts de ces parties prenantes. Sans aller jusqu’à les considérer comme des fins, on voit qu’il ne s’agit plus du tout de les considérer comme de simples moyens. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 47 Choix hoix de la mission, de la direction, puis de la stratégie et des valeurs de l’entreprise sont des problématiques qui font également apparaître un horizon temporel. Il ne s’agit plus de diriger de façon aveugle mais d’investir d’investi dans une stratégie cohérente et fondée sur des valeurs à moyen et long terme. Cette idée est renforcée avec l’évocation de la question du contrôle et des mesures de la performance qui doivent évoluer pour intégrer de plus en plus les tendances à long terme. Enfin, même si Freeman n’évoque guère la question de manière explicite, et que l’on ne sache finalement pas si cette démarche est envisagée pour des raisons plutôt philosophiques ou plutôt utilitaristes, il ne fait aucun doute que l’application de cette théorie des parties prenantes à l’entreprise ne peut qu’en améliorer les résultats. Ethique et performance semblent doncc à nouveau se rejoindre, sans même qu’il soit nécessaire de préciser préciser laquelle des deux est poursuivie avant l’autre. Figure des parties prenantes selon le modèle de Freeman Les parties prenantes « extérieures » Les ONG et associations Le gouvernement Les parties prenantes « traditionnelles » Les media Les écologistes Les actionnaires Les lobbies La société Les clients Le dirigeant Les salariés d’entreprise Les fournisseurs Les concurrents Les commissaires aux comptes Les groupes de consommateurs Les collectivités locales Les administrateurs indépendants J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 48 2.4 Autres auteurs Dans ce travail, nous nous sommes également appuyés sur de nombreux travaux issus de la presse économique et de magazines spécialisés, ainsi que d’ouvrages d’ouvrage de spécialistes des questions de management. Voici une synthèse des principales découvertes que nous avons faites, rattachées à chacune de nos hypothèses. 2.4.1 Hypothèse n°1 : le rapport au temps Si la question du rapport au temps pour le dirigeant a été largement traitée traitée dans notre analyse de Jonas et Freeman qui évoquent chacun à sa manière le changement d’horizon de responsabilité temporelle dans l’entreprise, de nombreux auteurs ont apporté une contribution. Et dans tous les textes, de façon finalement peu surprenante, les auteurs envisagent la gestion de l’entreprise à long terme comme seul modèle de gestion « responsable ». » Même si la prise en compte de la durée n’est pas encore la norme, il existe quelques avancées, comme dans le classement Challenges 2003 des patrons patrons les plus performants6. L’étude prenait en compte un historique storique de trois ans, au lieu d’une seule année auparavant. Il est vrai que l’on oppose toujours appât du gain immédiat et enrichissement durable, qui implique aussi innovation et investissement 7 . Certains rtains patrons, surtout ceux qui possèdent encore leur entreprise ou dont l’actionnariat est resté familial, ont des objectifs à plus long terme, comme par exemple la célébration du bicentenaire de sa société pour Vincent Bolloré.8 Dans les autres sociétés, au-delà delà de la précarité du poste du dirigeant, nommé et révocable par les actionnaires, l’on on peut se demander si le système de rémunération n’encourage pas le dirigeant à augmenter la valorisation boursière à court terme,, permettant de vendre rapidement les stock-options9 dont il bénéficie et à lui assurer ainsi un profit très rapide et conséquent, décorrélé des performances de l’entreprise. La gestion de l’immédiat semble 6 7 8 9 (6 Novembre 2003). Le palmarès 2003 des patrons les plus performants. CHALLENGES - | - Périodique - 22090-00 22090 - 11: pp 52-67 (14p). http://www.humanite.fr/2009-04-07_Politique_1 07_Politique_1-salaire-annuel-de-grand-patron-3-siecles-de-SMIC (6 Novembre 2003). Le palmarès 2003 des patrons les plus performants. CHALLENGES - | - Périodique - 22090-00 22090 - 11: pp 52-67 (14p). EDMANS, A. and X. GABAIX. (2009). "Comment rémunérer les dirigeants?", from http://www.telos-eu.com.. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 49 réellement la plus répandue, et cela ne date pas d’aujourd’hui : il y a un siècle, Henry Ford expliquait déjà que « c’est l’actualité qui gouverne l’éthique »10. Effectivement, dans un contexte économique difficile et avec l’avènement récent du capitalisme financier, les résultats exigés par « le marché financier», », c’est-à-dire c’est les actionnaires, n’ont cessé d’augmenter. Les failles dans les systèmes comptables et l’introduction de produits financiers dits « toxiques » ayant permis d’augmenter artificiellement la valeur actionnariale des entreprises sans aucun lien avec l’économique tangible, e, l’on comprend aisément que la responsabilité à long terme et sans garantie de résultat ne soit pas la plus attrayante pour un dirigeant, qui pourrait au contraire essayer de la minimiser.. Elle implique de nombreux efforts, une résistance devant mener à un véritable renversement des valeurs,, et une évolution de l’identité de l’entreprise qui ne peut opérer que dans une temporalité longue.11 Quel est le réel horizon de la responsabilité du dirigeant ? Son mandat de dirigeant ? Cette option pourrait le pousser er à son arrivée à hypothéquer les résultats de l’année en cours, qu’il pourra toujours imputer à son prédécesseur, pour redresser la situation artificiellement l’année suivante uivante et partir une fois son bonus b empoché. Les entretiens nous confirmeront du reste rest que cette pratique semble assez répandue. Après son mandat ? Mais combien d’années ? Comment le traduire dans les faits ? La rémunération d’un dirigeant peut-elle peut courir sur plusieurs années ? Et enn sortant complètement du cadre de l’existant, la responsabilité respons doitelle courir sur une génération, voire sur plusieurs générations, générations, dans l’hypothèse où les actions des entreprises peuvent avoir des conséquences sur la société et son avenir ? 12 Cette responsabilité est insaisissable, faute de moyens pour la rendre effective. Et le court terme aveugle prenant toujours plus la forme d’une fuite en avant,, il pousse à refuser la responsabilité pour fonder sa propre liberté. Même si le dirigeant optait pour une posture à long terme, nous devons convenir qu’il q reste impossible de raisonner à trois ans sans passer la première et la deuxième année. Le dirigeant doit réussir les points de passage obligés à court terme pour réaliser sa stratégie à long terme. Son exposition en cas de non atteinte de ces résultats résultats ne lui permettra de rester suffisamment en poste pour atteindre ses objectifs stratégiques. Cela peut donc impliquer un renoncement à 10 AMEDO, F. and L. GUEZ (17 janvier 2005). "Ethique : les meilleures pratiques." LE FIGARO ENTREPRISES: pp 10-13 10 (4p). 11 DUPUIS, J.-C. (Janvier-février février 2007). Le management responsable comme modèle de gestion de l’obsolescence morale. REVUE DES SCIENCES DE GESTION - DIRECTION ET GESTION - | - Périodique - 12731-00 – 11 (N°223) : pp 131-135 135 (5 p). 12 GOMEZ, P. Y. (18 et 19 juin 2004). Le management responsable: une grille de lecture. LES ENJEUX DU MANAGEMENT RESPONSABLE. Lyon: 4p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 50 ses valeurs dans un premier temps pour les voir se réaliser par la suite. C’est très délicat, le double langage entraînant toujours le discrédit à terme13. Dans un dossier spécial des Echos, E l’ambigüité de la fonction de dirigeant est mise en exergue : comment avoir une « vision porteuse pour son entreprise, porteuse de valeurs et transcendant le quotidien »14 alors que les mesures de la performance sont portées sur l’atteinte d’objectifs immédiats ? La solution n’est guère aisée, et réside peut-être être dans le rétablissement de valeurs morales dans l’entreprise, pour l’heure trop souvent cantonnée au soir et au week-end, week entraînant nant une véritable schizophrénie pour le dirigeant d’entreprise, là encore situation difficilement viable à long terme. Et nous ne pouvons finir sans évoquer le dirigeant lui-même lui ! L’homme a besoin de stabilité, de réflexion, de temps d’analyse et de projection pro : comment cela peut-il il se produire si le dirigeant lui-même même ne peut jamais être dans la stratégie mais toujours dans les l problèmes opérationnels du moment,, pour assurer les es résultats qui permettront d’asseoir sa légitimité et de poursuivre son mandat… ? C’est alors la question de la mesure de la performance que nous devons poser, qui est aujourd’hui essentiellement axée sur des critères purement financiers. A la lumière de ces articles, il semble que le problème de l’horizon temporel soit clairement identifié, mais que les solutions potentielles de rapprochement entre l’idéal de long terme et les impératifs du court terme ne soient pas légion, et impliquent implique dee grands changements dans la gouvernance des entreprises et la mesure de la performance, pe , que les dirigeants, actionnaires et hommes politiques actuels ne sont peut-être peut pas prêts à accepter. Ces changements sont pourtant indispensables, le « court-termisme court » ne pouvant plus régir une société en proie à des enjeux cruciaux qui demandent plus que jamais des réponses réfléchies et concertées portant sur les décennies à venir. 13 14 STEINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 RAMANANTSOA, B. (15 Mai 2008). Leadership. ECHOS - Le quotidien de l'économie - | - Périodique - 12460-00 12460 - 11: 11 p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 51 2.4.2 Hypothèse n°2 : le rapport aux autres Pour J.F. Dehecq (président de Sanofi-Aventis), Sanofi « un bon patron développe sa maison, crée de l’emploi. Laissant la part belle au conflit, il forme une équipe qui sait se battre. »15. M. Pébereau (président du conseil d’administration de BNP Paribas) définit éfinit le bon patron ainsi : « Toujours dire ce que l’on va faire et faire ce que l’on a dit. dit »16. Pour Henri de Castries (Président du directoire d’AXA), d’AXA) « une entreprise éthique alerte son client sur les risques, essaie de concilier les intérêts des clients, «collaborateurs» et actionnaires. La reconnaissance issance du droit à l’erreur est fondamentale, il faut toujours laisser une deuxième chance. La formation des «collaborateurs» doit avoir une part importance, notamment de leur enseigner à agir « comme si l’affaire leur appartenait ». Enfin, un bon patron doit oit faire entrer des administrateurs indépendants dans toutes les filiales. filiales »17. Dans un entretien sur la stimulation des salariés, Mercedes Erra (présidente d’EURO RSCG worldwide) évoque quant à elle « l’importance du capital humain, la valeur d’exemplarité d’exemplarit du dirigeant qui doit se battre et non se cacher, le fort enjeu et la difficulté de la création de sens par l’entreprise pour les salariés, et la nécessité d’écouter ce que disent les gens et non pas ce que tout le monde dit »18. ons semble avoir une vision précise de sa responsabilité vis-à-vis vis Chacun de ces grands patrons d’autrui au sein de l’entreprise… Pourtant, alors alors que lorsque l’on cherche le classement des meilleurs patrons sur internet, on trouve quasi exclusivement le palmarès des plus grosses rémunérations,, et il me semble que ce constat résume assez bien la situation… Plus étonnant encore, tous les articles que nous avons pu trouver en lien avec notre hypothèse évoquée dans ce paragraphe traitent presque uniquement des relations entre dirigeants et salariés : clients, actionnaires et fournisseurs pour ne citer qu’eux sont désespérément absents. Le s « bonnes pratiques » managériales à l’égard des salariés Heureusement, la littérature nous a ici fourni une liste quasi interminable de bonnes pratiques du dirigeant vis-à-vis vis de ses salariés : fondées sur des exemples réels ou 15 16 17 18 (6 Novembre 2003). Le palmarès 2003 des patrons les plus performants. CHALLENGES - | - Périodique - 22090-00 22090 - 11: pp 52-67 (14p). (6 Novembre 2003). Le palmarès 2003 des patrons les plus performants. perfor CHALLENGES - | - Périodique - 22090-00 22090 - 11: pp 52-67 (14p). AMEDO, F. and L. GUEZ (17 janvier 2005). "Ethique : les meilleures pratiques." LE FIGARO FIGARO ENTREPRISES: pp 10-13 10 (4p). (Février 2009). Dossier : stimulez vos salariés. DYNAMIQUE D ENTREPRENEURIALE – p32-33 (2p) J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 52 supposés, elles dressent un panorama impressionnant de tout ce que le dirigeant peut et ne peut pas, doit et ne doit pas faire. Sans toutes toutes les énumérer, voici quelques-unes quelques des idées principales, dont il sera intéressant de voir si elles seront abordées par les HEC lors de l’enquête. - Emettre des jugements assassins ou placer un collaborateur en situation d’échec doit être proscrit, au profit d’un management « soft » 19 , fondé sur la confiance et la protection. En effet, l’humiliation en public pour stimuler l’orgueil d’un salarié ne fonctionne pas à terme, il faut toujours « augmenter la dose »20, et Mercedes Erra le confirme en ces termes : « une ne entreprise peut licencier ou convoquer un salarié qui a commis une erreur de façon tout à fait humaine et respectueuse ».21 - « Be hard with facts, nice with people »22 résume bien cette idée. Le dirigeant se doit d’annoncer les nouvelles, nouvelle même mauvaises,, l’installation du doute favorisant une détérioration de l’ambiance. Vis-à-vis vis de ses salariés, il est très important d’avoir « le respect d’une personne, pas d’une fonction »23, et de ne pas les confondre. - Les qualités humaines 24 comme l’ouverture d’esprit, la capacité d’écoute, d’autocritique et de remise en question ainsi que la liberté de dialogue au sein de l’entreprise sont très souvent citées par les salariés, qui apprécient également égaleme beaucoup l’authenticité et l’honnêteté de leur patron. Les « arrangements avec la vérité » finissent toujours par décrédibiliser un dirigeant. - Multiplier les occasions de récompenser, créer des occasions spéciales ou utiliser les primes surprises pourr éviter la routine, utiliser diverses sources d’évaluation du travail, lier les objectifs individuels à ceux du collectif sont autant d’autres pratiques à utiliser recensées par S.Jourdain25. - Les entreprises où la hiérarchie est limitée sont en général des d lieux d’épanouissement plus important pour les salariés, il ne doit pas y avoir de privilège. 19 HIRECHE, L. (2004). L'influence de l'éthique des managers sur les comportements au travail et la performance organisationnelle: organisationnell esquisse d'un modèle conceptuel. Paris, Université Paris-Dauphine: Paris 20p. 20 21 22 23 STEINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 (Février 2009). Dossier : stimulez vos salariés. DYNAMIQUE D ENTREPRENEURIALE – p32-33 (2p) STEINMANN, EINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 (Février 2009). Dossier : stimulez vos salariés. DYNAMIQUE D ENTREPRENEURIALE – p32-33 (2p) 24 HIRECHE, L. (2004). L'influence de l'éthique des managers sur les comportements au travail et la performance organisationnelle: organisationnell esquisse d'un modèle conceptuel. Paris, Université Paris-Dauphine: Paris 20p. 25 JOURDAIN, S. (novembre 1997). 75 idées pour motiver vos salariés. ENTREPRISE - GROUPE EXPRESS-EXPANSION EXPANSION - Des idées, des conse - | - Périodique - 17850-00 - 11: pp 38-63 38 (16p). J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 53 Chez BETC Euro RSCG, cet engagement se traduit de façon originale par l’exacte similitude de bureaux de tous les employés de l’entreprise, de la standardiste à la présidente.26 - L’exemplarité du dirigeant est une qualité fondamentale : ce comportement permettra d’insuffler les valeurs morales qui permettront aux fins collectives de dépasser les fins individuelles. C’est ainsi par exemple que les employés attendent du dirigeant équité, justice et absence de traitement de faveur. Presque évidente évident en théorie, cette question de la justice se pose pourtant au quotidien dans l’entreprise, à commencer par les différences entre cadres, agents de maîtrise et employés… - Les salariés attendent également de leur patron qu’il fasse preuve de courage c et d’un certain « sens des responsabilités ». Si ce courage n’apparaît pas simple à définir, Steinmann met en garde contre les dirigeants dir qui prennent des décisions, décisions « guidés par la peur du chômage 27», », soit, en extrapolant un peu, dans leur intérêt personnel et non pas au nom de l’intérêt collectif. - La capacité à motiver est bien sûr une qualité qui revient très souvent dans les problématiques oblématiques de management responsable. Denis Bourgeois compare le dirigeant à un architecte qui veut bâtir une cathédrale28, et qui doit pour cela savoir s’entourer de tailleurs de pierre, qui doivent disposer d’assez d’autonomie par rapport au plan initial initi pour pouvoir se sentir artiste. Mais pas seulement : le dirigeant a également besoin d’ouvriers riers plus anonymes, qui sont là « pour gagner leur pain », et qui n’ont peut-être peut jamais vu les plans ni parlé à l’architecte, mais qu’il s’agit néanmoins de respecter, res et de ne pas prendre pour ce qu’ils ne sont pas. L’auteur en tire la difficulté pour le dirigeant de faire adopter sa vision aux autres «collaborateurs».. Chacun voit les choses via un prisme personnel qui empêche la reproduction de cette vision. Pourtant, Po le dirigeant est bien reconnu comme le dépositaire des valeurs et du sens de l’entreprise. Le sens n’est peut-être être pas ici à prendre comme « signification », mais peut-être davantage comme « direction ». On dit souvent qu’un patron mérite ses employés. emplo Lorsque la vision sonne faux, la démotivation est immédiate, et quand bien même elle serait vécue authentiquement par les salariés, le dirigeant doit prendre garde à ne pas se considérer comme une « source de sens » pour les autres, la mégalomanie le 26 27 28 (Février 2009). Dossier : stimulez vos os salariés. DYNAMIQUE D ENTREPRENEURIALE – p32-33 (2p) STEINMANN, EINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 RAMANANTSOA, B. (15 Mai 2008). Leadership. ECHOS - Le quotidien de l'économie - | - Périodique - 12460-00 12460 - 2: 11 p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 54 guette… Finalement, c’est l’authenticité qui est la plus contagieuse : les «collaborateurs» ont besoin de savoir où ils vont et s’ils peuvent compter sur celui qui « tient la barre ». L’instrumentalisation ne fonctionne pas. En conclusion : « diriger, ce n’est pas donner du sens, c’est tenir un cap en étant fidèle au sens que l’on se donne et offrir aux autres les conditions leur permettant de se construire le leur. » - Parmi les qualités les plus fréquemment citées par les salariés à propos d’un dirigeant idéal vient en bonne place le souci du bien-être bien être des salariés, ainsi que la capacité du dirigeant à aimer.29 Certains auteurs30 mettent toutefois en garde les dirigeants contre ces bonnes pratiques avérées, elles risquent de dispenser l’entreprise de réfléchir. réfléchir. Une fois qu’elles ont été instaurées, il faut également être capable de mesurer les progrès accomplis. Attention surtout à ne pas en rester au stade des déclarations d’intentions. Le public a de fortes attentes, et souhaiteraitt des codes de conduite des d entreprises quii soient inspirés de la morale individuelle. Les sept dilemmes du « dirigeant responsable » Gilles Amado (professeur à HEC) recense dans son « approche transitionnelle du changement » sept tensions capitales à appréhender pour le dirigeant :31 Il faut arbitrer entre volonté de transformation et nécessaire consolidation, volonté d’imposer sa marque mais sans révolutionner l’entreprise et faire perdre leurs marques aux employés. Avec les «collaborateurs», «collaborateurs» le développement des liens doit être mis en balance avec l’indifférence. Dirigeants et salariés ne doivent être ni complices ni inconnus les uns pour les autres. Bien traiter les autres, c’est aussi savoir trouver la « juste distance ». Le dirigeant doit également trouver un subtil équilibre entre la recherche d’aide auprès des autres et sa propre volonté d’ajouter de la valeur, fondement de sa légitimité. 29 HIRECHE, L. (2004). L'influence de l'éthique des managers sur les comportements au travail et la performance organisationnelle: organisationnell esquisse d'un modèle conceptuel. Paris, Université Paris-Dauphine: Paris 20p. 30 IMBS, P. (Juillet-août 2005). L'entreprise rise exposée à des responsabilités élargies : un réel défi de management. GESTION DEUX MILLE Management et prospection - | - Périodique - 20920-00 - 11: pp 127-143 (17 p). 31 RAMANANTSOA, B. (15 Mai 2008). Leadership. ECHOS - Le quotidien de l'économie - | - Périodique - 12460-00 12460 - 2: 11 p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 55 Imposer ou faciliter, gérer le changement par choc psychologique ou dans la durée, avoir un style de décision tranché ou plus consultatif et et choisir à qui va sa loyauté sont d’autres questions centrales que doit trancher le dirigeant. La capacité à désobéir à sa hiérarchie (les actionnaires) et à remettre en cause son diagnostic doivent, semble-t-il, semble également faire partie de l’arsenal du dirigeant dir responsable. Le virus de la responsabilité ou les risques du leadership héroïque32et ses conséquences sur les salariés de l’entreprise. Traiter les autres comme des fins et pas comme des moyens est porteur d’une grave dérive potentielle : celle du leadership héroïque. Comme de nombreuses dérives « totalitaires », il apparaît souvent au nom de principes positifs, comme l’aide maximale à apporter orter aux autres. Il correspond en réalité à une mauvaise appréhension de sa responsabilité par le dirigeant, qui pousse à l’ingérence, et a pour conséquence immédiate la déresponsabilisation des «collaborateurs». Rétention ion d’informations, duplication des missions, reportings reportings contradictoires et dénigrements entre départements sont des conséquences possibles de ce style de management. La mégalomanie est un risque courant chez le dirigeant, qui doit avoir de réelles attentes sur les «collaborateurs», «collaborateurs» et ne pass espérer pouvoir porter l’entreprise seul, ce qui est pour le coup totalement irresponsable. Ainsi, le dirigeant responsable est conscient qu’on trouve ensemble de meilleures solutions que seul, et qu’il faut préférer l’implication au contrôle, contrôle, le débat au a conflit, mais aussi être vrai plutôt qu’uniquement rationnel. Dans son rapport aux autres, le dirigeant doit se méfier des excès du perfectionnisme et de l’isolement qui peut en découler. Se croire seul dépositaire de la compétence est dramatique pour l’entreprise, ’entreprise, et cela ne peut qu’inciter à traiter les autres comme de simples moyens. Mintzberg ne dit pas autre chose, mettant en garde le dirigeant contre le danger du leadership de « gestion par proclamation »33, alors qu’il faut le fonder sur la légitimité, la répartition, et en aucun cas sur l’individu. Robert Duitton reprend cette 32 Roger Martin, dans : (Juin Juin 2003). Les dérives de la responsabilité. BUSINESS DIGEST - La sélection des mei - | - Périodique - 30170-00 - 11: pp 5-12. 33 MINTZBERG, H. (automne 2008).REVUE INTERNATIONALE DE GESTION – vol 33 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 56 idée en expliquant que le leadership doit être fondé sur « le passage des règles aux valeurs, ces dernières devant respecter simplicité, simplicité, universalité et testabilité ».34 Autre danger potentiel, le besoin d’être aimé de ses salariés. Cet objectif personnel, qu’on ne saurait reprocher à un être humain, peut engendrer des comportements qui mettent en danger l’entreprise parce que les principes principes d’action du dirigeant sont fondés sur des es valeurs contestables. contestables En effet, chercher à plaire à ses employés, en fondant par exemple sa légitimité sur son charisme pousse le dirigeant à persuader, plus qu’à convaincre par ses compétences compétence et sa cohérence35. En dépit d’exemples abondants de leaders charismatiques adorés par leurs employés et obtenant d’excellents résultats, ce comportement est rédhibitoire pour un dirigeant. Jussi Itavouri, DRH chez EADS, pointe le difficile équilibre à trouver entre le micromi management (où le dirigeant participe à tout) et une attitude d’hyper-délégation d’hyper où le dirigeant se limite au contrôle. On sent bien par rapport à notre hypothèse que la délégation est indispensable, mais qu’elle doit être assortie de mécanismes de contrôles, trôles, qui doivent eux-mêmes eux mêmes laisser liberté et marge de manœuvre aux salariés. A l’opposé, et au nom pourquoi pas d’idéaux humanistes, la tentation de tout déléguer n’apparaît guère plus responsable. L’enjeu pour le dirigeant responsable consiste peutpeut être re en fait à trouver ce juste équilibre dont parle Jussi Itavouri. Le rapport aux autres dans un contexte de gestion de crises La crise est un moment exceptionnel à gérer pour un dirigeant d’entreprise, même si le contexte économique rend ces moments moins rares depuis quelques mois. mois En tout état de cause, ils restent porteurs d’une potentielle crise de légitimité 36 pour le dirigeant. Porteur de mauvaises nouvelles37, le dirigeant se doit d’éviter la facilité, en essayant de faire preuve d’un maximum d’attention, d mais surtout de garder un devoir de réserve. Le risque consiste à penser la crise comme une urgence, et à s’enfermer à la recherche de LA solution. 34 DUITTON, R. (29 septembre 2004), discours à l’université de Montréal. STEINMANN, EINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 36 LAGADEC, P. (mars-avril-mai mai 1996). Un nouveau champ de responsabilité pour les dirigeants. REVUE FRANCAISE DE GESTION FNEGE Fondation Nationale pour l'En - | - Périodique - 13940-00 - 11: pp 100-109 (10 p). 37 DELAPORTE, L. (Février 2009). "Manager dans la tourmente." ENJEUX LES ECHOS - Le mensuel de l'économie - | - Périodique 12460-21 - 11(n° 254): pp 30-45 (14 p). 35 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 57 La responsabilité consiste alors à occuper le terrain, avec le maximum de transparence. La communication unication est une dimension indispensable pour le dirigeant, qui doit faire face au fort scepticisme de la base. Sa responsabilité consiste à assumer son rôle de pilote dans l’avion. Associer ses salariés et expliquer les décisions s’avère indispensable.38 Mentir dans ce genre de situations peut entraîner pour le dirigeant un véritable discrédit, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. A contrario, l’attente excessive, le besoin de preuves pour expliquer la situation peuvent pousser à attendre, atte s’enfermer dans un bunker39 et occultant toute forme de communication externe. A l’intérieur de l’entreprise, le risque est de renforcer excessivement le contrôle (par exemple accroître la fréquence des « reportings ») au détriment de l’ambiance. Le management management des hommes prend dans ces situations de crise une importance particulière : l’entreprise court souvent le risque de voir les cadres se désengager et devenir plus individualistes, conséquence immédiate du sentiment de précarité face à l’emploi. Puisqu’ils Pu sont engagés dans l’entreprise, le simple fait d’avoir l’impression d’être « comme les autres » peut s’avérer très déstabilisant. Il appartient alors au dirigeant de repérer les talents et de s’appuyer sur ces «collaborateurs» pour gérer la situation situation de crise en évitant au maximum la crise de confiance. L’attitude de ces «collaborateurs» dans les moments difficiles pourra signifier pour eux une forte évolution de carrière une fois la crise surmontée. Anticipation et prise en charge sont des valeurs clés. Le dirigeant responsable reste maître du pilotage stratégique du système, pas de la conduite directe des opérations. Il ne faut finalement ni sur-réagir sur réagir ni sous sous-réagir40. Il appartient au dirigeant de rappeler que la meilleure solution reste d’affronter d’affron les difficultés, et non d’attendre. L’apparition d’une crise met en évidence plus que toute autre situation la responsabilité du dirigeant, et la nécessité pour lui de savoir habilement communiquer, à la fois à l’intérieur avec les «collaborateurs», et à l’extérieur avec les medias, mais aussi d’anticiper. On constate aussi que l’absence de mouvement et de décision peut entraîner une perte de légitimité, et lui sera probablement reprochée. 38 STEINMANN, EINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 LAGADEC, P. (mars-avril-mai mai 1996). Un nouveau nouveau champ de responsabilité pour les dirigeants. REVUE FRANCAISE DE GESTION FNEGE Fondation Nationale pour l'En - | - Périodique - 13940-00 - 11: pp 100-109 (10 p). 40 LAGADEC, P. (mars-avril-mai mai 1996). Un nouveau champ de responsabilité pour les dirigeants. REVUE FRANCAISE DE GESTION FNEGE Fondation Nationale pour l'En - | - Périodique - 13940-00 - 11: pp 100-109 (10 p). 39 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 58 En conclusion de cette longue sous-partie, sous je ne peux m’empêcher de faire la réflexion suivante : l’intégralité de la littérature consacrée au management traite des relations entre le patron et ses employés, et très peu des relations qu’il doit avoir avec ses actionnaires (à la question de la désobéissance près), ses clients clients et ses fournisseurs, qui sont pourtant des acteurs essentiels du modèle traditionnel41 théorisé par Freeman. Qui plus est, l’abondance de méthodes et techniques censées régir les rapports entre dirigeants et dirigés, et dont nous avons essayé dans les pages précédentes de donner un modeste aperçu, loin de conforter mon hypothèse, semble au contraire montrer à quel point l’humain est « déshumanisé » pour pouvoir être « optimisé ». Pourtant, les méthodes commentées sont pour l’immense majorité d’entre elles parfaitement louables. Seulement subsiste l’impression qu’il faut traiter l’autre « bien », non pas par conviction, ou par authenticité, mais en vue de l’optimisation de sa performance. On retrouve ici la dichotomie kantienne kantienne entre impératif catégorique et hypothétique 42 . Si le dirigeant, en appliquant toutes ces méthodes, est certainement ainement responsable, nul doute qu’il n’est pas moral au sens kantien du terme. Responsable et moral peuvent-ils peuvent ainsi être antagonistes ? Tout ut est une question de finalité de l’action, et non pas de résultat. On retrouve la nécessité formulée par Kant de distinguer l’agir par devoir et l’agir conformément au devoir. Cette question ne sera pas facile à tester lors de l’enquête, tous les auteurs semblant s’accorder sur la nécessité de « bien traiter » ses «collaborateurs» pour le dirigeant responsable. Quant à savoir si ce faisant, il les traite comme des fins ou comme des moyens, il y a encore un fossé. 41 42 FREEMAN, R.E. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Edition. KANT, E. (1785). Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, Delagrave. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 59 2.4.3 Hypothèse n°3 : le rapport entre éthique et profit Quand Louis Schweitzer parle de concilier éthique et profit, que veut-il veut il dire exactement ? Que poursuivre le profit peut, voire doit, doit être accompagné d’un comportement éthique, et que ce comportement accélérera même l’atteinte des objectifs, ou bien que le dirigeant doit rechercher avant tout un comportement éthique, sans sacrifier le profit de l’entreprise. Ces deux propositions sont extrêmement xtrêmement différentes, encore une fois en référence à Kant. Ethique et profit se rejoignent à long terme Dans un premier temps, les auteurs déjà évoqués s’accordent pour dire qu’éthique et profit se rejoignent à moyen et long terme, c'est-à-dire c'est que « s’écarter écarter de l’éthique revient à s’écarter de l’efficacité » 43 . Pour Mercedes Erra : « Dans une société de services type, les performances sont par excellence liées à l’engagement des salariés (…) il vaut toujours mieux rendre les salariés heureux (…) La difficulté diff réside à rendre les gens généreux. Cependant plus on donne, plus on reçoit. Il faut savoir donner sans s’attendre à recevoir» recevoir 44. Même dans le secteur bancaire, les fonds sociaux responsables (FSR)45 font pression sur les systèmes de « corporate governance », avec l’idée que le lien social, la confiance, la qualité des relations dans l’organisation et avec l’environnement entraîne souvent de meilleures performances. L’éthique vise finalement à réduire le décalage entre ce qu’une entreprise voudrait être et ce qu’elle est réellement. L’éthique constitue une ressource stratégique46, utilisée pour asseoir la légitimité de l’entreprise. Et c’est le plus souvent quand la cohésion au sein de l’entreprise est fragile que le besoin d’éthique se fait sentir. On retrouve trouve donc l’analyse des fins et des moyens. L’engagement des entreprises semble à nouveau à la fois contraint et volontaire. Seules eules certaines entreprises s’engagent de manière volontaire, et encore pas de manière homogène. Cet 43 44 STEINMANN, EINMANN, L. (février 2008). Comment manager sans perdre son âme. ENJEUX LES ECHOS: pp 38-58. 38 (Février 2009). Dossier : stimulez vos salariés. salari DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE – p32-33 (2p) 45 (1 mars 2006). Les défis du management aujourd'hui. PROBLEMES ECONOMIQUES - Sélection de textes - La Documentation Française - | - Périodique - 16180-00 - 11: 64 p. 46 IMBS, P. (Juillet-août 2005). L'entreprise exposée à des responsabilités élargies : un réel défi de management. GESTION DEUX MILLE Management et prospection - | - Périodique - 20920-00 - 11: pp 127-143 (17 p). J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 60 engagement correspond au degré de d’exposition à la « contestabilité sociale »47 corrélé à son degré de flexibilité stratégique. Il dépend aussi du degré d’incertitude et d’asymétrie d’information sur les marchés, pouvant pouv nt augmenter sensiblement le capital réputationnel de l’entreprise. Le questionnement des décideurs est permanent, allant jusqu’à envisager l’évolution du poste de DRH en directeur des relations sociales (DRS)… L’éthique éthique est détournée dans les entreprises à des fins de profit Cela me semble apparaître assez clairement dans ces lignes, si l’éthique constitue bien un moyen « efficace », les dirigeants l’utilisent apparemment avant tout dans une optique de profit. Deux auteurs qui se sont plus particulièrement penchés sur cette question vont dans ce sens : « L’engouement pour l’éthique est symbolique. L’entreprise, personne morale, est, par nature, amorale (Ter Ovanessian, 1997) »48. « L’entreprise n’a pas vocation de s’emparer de l’éthique : les principes éthiques lui sont donnés par les normes de la société encadrant l’activité l’activité économique »49. L’utilisation de l’éthique à court terme est une hypocrisie 50 : en tant qu’outil stratégique, l’éthique de gestion doit s’inscrire s’inscrire dans une perspective de d long terme. Mais il s’agirait bien tout de même d’un instrument et d’une source de profits pour l’entreprise : « les entreprises ne s’intéressent jamais autant à l’éthique que lorsque son absence ou son insuffisance est de nature à contrarier ses profits. » 51 L’éthique de gestion n’a donc pas plus vocation vocation à être morale que philosophique, mais bien avant tout pratique. on vraiment dénigrer toute démarche éthique d’une entreprise sous prétexte Mais peut-on qu’elle risque d’être entreprise dans une perspective de profit ? Peut-être Peut pas, mais cela place alors le dirigeant dans une posture schizophrène, « instrumentalisant tantôt 47 DUPUIS, J.-C. (Janvier-février février 2007). Le management responsable comme modèle de gestion gestion de l’obsolescence morale. REVUE DES SCIENCES DE GESTION - DIRECTION ET GESTION - | - Périodique - 12731-00 – 11 (N°223) : pp 131-135 135 (5 p). 48 HIRECHE, L. (2004). L'influence de l'éthique des managers sur les comportements au travail et la performance organisationnelle: o esquisse d'un modèle conceptuel. Paris, Université Paris-Dauphine: Paris 20p. 49 BOYER, A. (2002). L'impossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. 50 51 AMEDO, F. and L. GUEZ (17 janvier 2005). "Ethique "Ethique : les meilleures pratiques." LE FIGARO ENTREPRISES: pp 10-13 10 (4p). BOYER, A. (2002). L'impossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 61 l’éthique à sa quête de profit, et philosophant d’autres fois sur l’éthique hors de son champ d’application économique. » Car réfléchir à l’éthique en entreprise, c’est avant tout se poser ser la question du rapport entre fins individuelles (profit) et fins collectives (« bien social »). Autre conséquence quelque peu p perverse de l’éthique, les entrepreneurs y voient une occasion de « magnifier leurs contributions à la société ». Le dirigeant, dirigeant nous l’avons vu, a le devoir d’être exemplaire, et joue un rôle déterminant dans « l’orientation éthique de l’entreprise » où il est parfois vu comme « l’incarnation du sens » 52 . Pourtant, les convictions victions éthiques mises en jeu lors de décisions à prendre font souvent plus office de compromis entre les contraintes matérielles, sociales et légales, légales avec les risques encourus par le dirigeant et l’entreprise. On pourrait parler d’un « ajustement à la moins mauvaise des solutions, d’éthique minimale ». La communication nication de l’éthique peut également être vécue comme une manipulation : des salariés d’abord, pour augmenter leur fierté d’appartenir à l’entreprise, et de fait leur motivation et leur engagement. Des clients et consommateurs ensuite, pour les convaincre d’acheter du « bien » et pas seulement un produit. Boyer distingue alors « l’éthique d’intention », purement centrée sur la communication, et « l’éthique de la responsabilité », centrée sur la concrétisation de ces intentions en actes. La vente, fonction capitale apitale s’il en est dans une entreprise, entreprise souffre également de cette ambivalence éthique : de la persuasion à la manipulation, la ligne n’est pas nettement marquée. Même la « sacralisation » de la satisfaction du client et de ses besoins n’échappe pas à cette tentation d’optimiser les ventes, les systèmes de rémunération rémunératio et de motivation des commerciaux commercia ayant pour l’auteur teur un caractère « criminogène ». Influence, persuasion et manipulation s’inscrivent toujours en faux du respect de la personne, de l’information objective et du libre choix du client. client. Dans la vente, on reste bien souvent dans une logique de « tous les moyens sont bons », ce qui est parfaitement compréhensible dans une optique économique et historique. Et plus l’entreprise et ses «collaborateurs» afficheront un caractère éthique en adéquation a avec les attentes de la société, meilleures seront les ventes, il n’en faut pas douter. 52 BOYER, A. (2002). L'impossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 62 A.Boyer invite donc à se montrer sceptique quant aux démarches humanitaires ou sociales militantes des entreprises, rarement voire jamais désintéressées. L’image L’im de marque a une véritable influence sur la mobilisation du personnel et la capacité de lobbying dans la société. L’impact recherché est donc à la fois managérial, financier et médiatique, l’enjeu consistant pour l’entreprise à « faire savoir qu’elle fait fa ». On a donc bien affaire ici à un militantisme utilisé comme moyen et non envisagé comme finalité. Trop agrandir l’écart entre valeurs affichées et réalité peut du reste susciter méfiance et incrédulité auprès au du public, qui peut aller jusqu’au boycott de l’entreprise. Pourtant aujourd’hui, devant la multiplication de ce type d’actions d’action de la part des entreprises, qui ne peuvent plus passer outre, espérant ainsi éviter ainsi pour les mauvais élèves, le public ne semble plus parvenir à démêler le vrai du faux. Comportement éthique affiché ou réel, l’entreprise et son dirigeant se battent quoi qu’il arrive pour leur légitimité. Car l’entreprise joue un rôle grandissant dans la société, où elle se trouve bien plus exposée que par le passé. C’est cette exposition exposi qui l’a conduite à recourir à la morale pour légitimer son action. Mais pour Boyer « l’entreprise ne doit pas sortir de son paradigme, à savoir recourir aux valeurs morales sans nuire à l’efficacité économique ». L’éthique et le profit cohabitent, mais mai restent sous le risque d’un « excès d’affichage ». Quelle place pour l’éthique dans l’entreprise ? Il n’appartient donc pas à l’entreprise de s’emparer de l’éthique : c’est bel et bien à l’éthique d’encadrer l’activité économique. Ainsi, le dirigeant doit doit avoir des valeurs, et avant toute chose les mettre en pratique, sans chercher à les afficher ni à les faire connaître à l’extérieur de l’entreprise. Moins forte que la morale, l’éthique ne commande pas l’action, mais se contente de « recommander ».. Son difficile difficile positionnement par rapport à la morale et l’absence de définition claire la font parfois apparaître comme une « coquille vide », et c’est le risque dans les entreprises. Se servir d’un concept fourre-tout tout pour « vendre » de la légitimité à l’intérieur comme à l’extérieur l’ de l’entreprise. Mais ce sont peut-être être les pratiques dans les entreprises qu’il faut remettre en cause, et non les convictions éthiques des dirigeants. Il reste alors à se demander si ces derniers J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 63 sont libres ou non de les appliquer…53 Pour J.Moussé, « les affaires sont une jungle (…) L’éthique en pratique se fonde donc sur notre conviction individuelle et s’apparente à un compromis entre la liberté individuelle et la reconnaissance de l’autre, entre l’égoïsme et une inaccessible inaccessible éthique idéale, entre nos ambitions et nos rêves d’humanité ». Ainsi, nous l’avons vu, l’utilisation utilisation de l’éthique en entreprise reste liée au besoin de légitimation culturelle, sociale et morale de l’entreprise dans un environnement où elle se trouve de plus en plus exposée. Le besoin d’éthique ne se fait jamais autant ressentir que quand l’entreprise est en proie à des difficultés, d’ordre financier ou managérial (comme on l’a vu encore avec le cas des suicides répétés chez Orange – France Télécom en septembre 2009). Pourtant, qu’elle soit le reflet de vraies convictions ou plus prosaïquement de l’amélioration des résultats, cette éthique ne doit pas rester incantatoire ou symbolique. L’adoption d’un comportement éthique, pour peu qu’il ne reste pas « déclaratif » a de nombreux effets positifs dans une entreprise : investissement des salariés et capital réputationnel entre autres. Même si elle reste un « moyen » d’améliorer des performances, de quelque nature qu’elles soient, je ne pense pas qu’il faille faille pour autant rejeter cette pratique comme amorale ou non responsable. Les convictions du dirigeant ne peuvent pas toujours être exprimées, d’autres impératifs hypothétiques rentrant en ligne de compte. Est-ce Est pour autant être irresponsable ? Sans doute pas, pa de pragmatisme davantage… Une chose reste cependant indispensable chez les auteurs passés en revus ici : « il appartient au dirigeant responsable de sans cesse redéfinir les règles du jeu entre des individus libres confrontés à un monde qu’ils déséquilibrent brent en permanence par leurs objectifs et la satisfaction de leurs désirs… »54 53 54 MOUSSE, J. (2002) Ethique des affaires : liberté, responsabilité. Dunod. BOYER, A. (2002). L'impossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 64 2.4.4 Hypothèse n°4 : le rapport à l’environnement (responsabilité ( élargie) niveaux. Essayons d’y voir plus clair, en Laa responsabilité du dirigeant s’étend sur plusieurs niveaux. reprenant les trois termess anglais qui correspondent à l’idée de responsabilité : liability (vis-àvis de la loi), accountability (signifie qu’un tiers peut demander des comptes) et responsibility55 (qui fait davantage appel à la dignité et à l’attitude de celui qui exerce la responsabilité) correspondent à trois types de responsabilité. En considérant la responsabilité au sens large, il apparaît que le dirigeant fait face à de nombreuses attentes, venant de parties prenantes à la fois internes et externes. Si la première de toutes les responsabilités responsabilité semble celle du dirigeant devant la loi, nous avons cherché à savoir si un dirigeant responsable res peut s’en contenter, ou doit conquérir sa légitimité bien au-delà au de la loi. La structure légale de l’entreprise56 Au sein de l’entreprise, le dirigeant est nommé par le conseil. La « tête » de l’entreprise peut être monocéphale (PDG) ou bicéphale (DG et président du conseil d’administration). La répartition des rôles est alors souvent la suivante : le conseil d’administration (CA) doit anticiper, définir une stratégie, qu’il appartient au DG de mettre en œuvre. Chargé ensuite principalement des contrôles et vérifications, le CA peut engager la société devant un tiers et doit se saisir isir des questions concernant la bonne marche de la société. Quant au DG, seul représentant légal, il est le chef de l’exécutif, et dirige la gestion quotidienne et opérationnelle. Il est cependant loin d’être seul maître à bord. Nommé par le conseil, il peut se voir retirer ses fonctions. C’est finalement bien le DG qui assume la responsable de toute action entreprise dans le cadre de la société, qu’elle le soit à son initiative ou non. Ainsi, quand on évoque la responsabilité du dirigeant, comment ne pas évoquer la toute première d’entre elles, la responsabilité onsabilité devant le législateur, qui va certes de soi, ou qui en tout cas n’offre guère de « marge de manœuvre », fixant un véritable « cadre » à l’intérieur duquel le dirigeant peut s’exprimer. 55 IMBS, P. (Juillet-août 2005). L'entreprise exposée à des responsabilités élargies : un réel défi de management. GESTION DEUX MILLE Management et prospection - | - Périodique - 20920-00 - 11: pp 127-143 (17 p). 56 PALLE-GUILLABERT, GUILLABERT, F. (janvier 2002). "Président du conseil d'administration et dirigeant responsable." BULLETIN DE LA BANQUE DE FRANCE - BANQUE DE FRANCE - | - Périodique - 31000-00 - 11: pp 91-100 (10p). J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 65 La responsabilité sociale des entreprises en question Le cas Lafarge57 nous raconte l’histoire d’une installation qui a su prendre en compte les « externalités », et qui met en évidence les transformations que la RSE fait opérer chez les managers. Compétences élargies et rôle social accru en sont les piliers : il faut désormais savoir convaincre en interne comme en externe. Le but de l’entreprise doit aujourd’hui être de légitimer ses actions auprès de toutes les parties prenantes. Le groupe Lafarge, présent dans le monde entier, est un exemple flagrant de la nécessité nécessité de ce changement. Mais attention au simple changement d’image : tout doit partir des technologies sociales et environnementales, avec leurs possibles déviances, et notamment le syndrome de la « coquille vide ». Le cycle de la RSE et sa démocratisation font f de ce terme un possible « fourre-tout tout », qui permet dès lors de l’utiliser. institutionnaliser la RSE comme le nouveau modèle C’est pourquoi, quand il s’agit d’institutionnaliser d’entreprise de demain, les acteurs n’y sont pas encore prêts. Les entreprises ont encore tendance à trop raisonner dans l’ancien modèle unilatéral. Elles se concentrent aujourd’hui beaucoup sur l’offre de légitimité, mais peut-être peut pas encore assez sur la demande et les attentes des parties prenantes, comme Lafarge a su le faire lors de cette installation d’une usine au Maroc. Car c’est bien cette question de la légitimité de l’entreprise qui est au centre. Etre légitime, c’est pouvoir répondre à la question : « au nom de quoi agissez-vous agissez ? ». L’idée en se rendant légitime est d’anticiper d’anti la contestabilité ontestabilité économique et sociale58, en redéfinissant l’identité de l’entreprise (intégration du développement durable, réformes de la « corporate governance », …). Mais cette révolution n’est pas simple : les mécanismes habituels (discours, chartes, …) ne ne fonctionnent plus, passant la majeure partie du temps pour du « greenwashing ». Les caractéristiques de la confiance restent très difficilement évaluables (B.Coestier et S.Marette, 2004)… 2004) Ainsi, pour restaurer cette légitimité, les dirigeants et entreprises entreprises se mettent à la RSE, qui élargit le référentiel de responsabilité à la société, l’environnement, et plus 57 MOQUET, A.-C. C. (Décembre 2006). Les technologies de la responsabilité sociétale ou l'intervention du manager responsable : le cas Lafarge. FCS REVUE FINANCE CONTROLE STRATEGIE - | - Périodique - 34600-00 - 11. A. PEZET: pp 113-142. 113 58 DUPUIS, J.-C. (Janvier-février février 2007). Le management responsable comme modèle de gestion de l’obsolescence morale. REVUE DES SCIENCES DE GESTION - DIRECTION ET GESTION - | - Périodique - 12731-00 – 11 (N°223) : pp 131-135 135 (5 p). J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 66 généralement l’action collective à long terme 59 . Et cette idée de responsabilité de l’action collective me semble aussi fondamentale que difficile. Elle fait courir un risque bien plus important à l’entreprise, alors que la judiciarisation de la société pousse les dirigeants à vouloir éviter le risque. Ainsi, en se fondant sur la seule responsabilité individuelle, il semble que les conditions ne permettent perme pas d’arriver, même en dépit d’une forte volonté, à une responsabilité élargie. Là encore, nous revenons à la question des mesures de la performance et de la responsabilité comptable (« accountability »). Aujourd’hui, si l’on excepte les cas d’abus de d biens sociaux, l’entreprise n’a pas à se préoccuper comptablement des effets externes 60 . La responsabilité sans contrôle et donc sans mesure semble à nouveau une « coquille vide », et c’est le risque de la RSE aujourd’hui. La responsabilité du dirigeant vis-à-vis v de lui-même Il faut également bien se garder dans ce travail de porter des jugements sur le travail et la responsabilité des dirigeants actuels. L’objectif reste de définir une vision idéale du dirigeant responsable qui puisse donner à réfléchir. Car nous ne devons pas oublier que le dirigeant est avant tout un homme, avec sa vision et ses convictions personnelles de que qu’est et doit être son travail. Or les dirigeants sont aujourd’hui dans une position délicate où ils doivent composer avec un nombre croissant (trop important ?)) de contraintes, qui leur font envisager leur rôle comme celui d’un simple « exécutant »61, comme le souligne Michel Fiol (professeur à HEC) dans une étude menée auprès de dirigeants. Ces derniers ressentent la frustration - amplifiée par la répercussion aux niveaux hiérarchiques inférieursinférieurs de ne pouvoir déléguer autant qu’ils le souhaiteraient, sentant avec le désengagement latent de leurs «collaborateurs» la perte de capacité de l’organisation à former les dirigeants dont dont elle aurait besoin. Ceci ne constitue bien sûr qu’un exemple, mais nous ne devons à mon sens pas perdre de vue que la fonction de dirigeant n’est plus dissociable de l’individu qui la porte, et que cet individu a également des aspirations individuelles pour lui, son entreprise et ses «collaborateurs». Peut-être Peut être que cette responsabilité est la plus forte, mais que la « société », ou le « système », quel que soit le nom qu’on lui donne, donne empêche le dirigeant d’assouvir ces aspirations, qui semblent pourtant hautement légitimes… 59 (1 mars 2006). Les défis du management aujourd'hui. PROBLEMES ECONOMIQUES - Sélection de textes - La Documentation Française - | - Périodique - 16180-00 - 11: 64 p. 60 (1 mars 2006). Les défis du management aujourd'hui. PROBLEMES ECONOMIQUES - Sélection de textes - La Documentation Française - | - Périodique - 16180-00 - 11: 64 p. 61 RAMANANTSOA, B. (15 Mai 2008). Leadership. ECHOS - Le quotidien de l'économie - | - Périodique - 12460-00 12460 - 11: 11 p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 67 2.5 Résumé Dans cette deuxième partie, nous avons présenté trois contributions majeures concernant la question de la responsabilité : celles de Kant, Jonas et Freeman. Nous avons ajoutés une revue d’articles de management, anagement, étayant ces notions avec des exemples plus concrets. Hypothèse n°1: Le dirigeant responsable semble devoir s’inscrire dans une perspective de long terme, voire de très long terme. La sacralisation du profit à court terme est fustigée et opposée dans tous les textes à une logique stratégique d’investissement. Jonas évoque le changement de dimension du pouvoir de l’homme (et donc de l’entreprise) qui doit nécessairement entraîner un changement d’éthique, laquelle doit désormais s’inscrire dans un horizon temporel démultiplié (plusieurs générations). générations). Ce fonctionnement ne doit guère poser d’obstacles logiques, mais il semble extrêmement difficile à mettre en pratique dans le capitalisme actuel. Cette considération nous amènera dès lors à essayer de repenser les fondements de notre système économique ainsi que ses outils de mesure. Dans cette optique, l’« l utopie mélioriste »62 poursuivie par notre société capitaliste moderne devrait céder à l’ « heuristique de la peur » et les conséquences conséqu dramatiques déjà perceptibles de la poursuite effrénée de la croissance économique. Hypothèse n°2: Concernant le « traitement » d’autrui, la position morale de Kant (« ( traiter l’autre comme une fin en soi, et non pas comme un moyen en vue de l’obtention l’obten d’une fin autre »)) est extrêmement claire et pose Autrui comme véritable impératif catégorique63, qui ne peut dès lors être instrumentalisé sous aucun prétexte, pas même au nom d’une « fin collective » telle que la survie de l’entreprise. A l’opposé, dans une immense majorité d’articles contemporains traitant de management, le rapport à l’autre 62 63 JONAS, H. (1979). Le Principe responsabilité. Flammarion. KANT, E. (1785). Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, Delagrave. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 68 est scruté, analysé, codifié, et la part d’authenticité dans l’action du dirigeant semble pouvoir être réduite à peau de chagrin quoi qu’il fasse. Cette théorisation en vue d’une « optimisation » de la ressource re humaine semble davantage tage une instrumentalisation d’Autrui utrui que sa haute considération. Reste là encore à déterminer quel doit être l’impératif catégorique orique du dirigeant responsable : traiter l’autre autre comme un autre soisoi même ou mettre tous les moyens en œuvre pour que l’autre concoure à la réussite du projet d’entreprise ? Hypothèse n°3: La relation entre éthique et profit (ou performance, puisque la performance des entreprises est aujourd’hui uniquement uniquement mesurée à l’aune du profit) est principalement évoquée chez Kant, qui distingue l’agir par devoir de l’agir conformément au devoir. devoir Ainsi, peu importent à ses yeux les résultats, c’est la finalité qui l’emporte. Ainsi, Ainsi adopter un comportement éthique dans une perspective de profit rend l’action l’ immorale. morale. Le fait que les moyens employés soient éthiques n’y n’y change rien, cela est purement contingent. Ainsi, la compatibilité de l’éthique et de l’ « efficacité » évoquée par L.Schweitzer itzer ne semble guère contestée ; en revanche, c’est le caractère « responsable » de cette association qui est en cause et qu’il convient d’essayer d’éclaircir. C’est cette idée que défend André Boyer dans sa thèse, quoique quoi pas tout à fait dans les mêmes termes, intitulée l’impossible éthique des entreprises et de leurs dirigeants.. Après tout, si un comportement n’est pas moral car ayant pour objectif la performance et non pas le « Bien en soi », il n’en est peut-être peut pas moins « responsable ». Hypothèse n°4: C’est essentiellement sur Freeman et Jonas que s’appuie la dernière hypothèse, qui porte sur l’horizon « géographique » de la responsabilité. Et il faut reconnaître la surprise consécutive de l’ « évidence » que doit constituer pour ces deux auteurs une responsabilité du dirigeant qui non seulement prenne en compte mais aille jusqu’à intégrer les différentes parties prenantes à la gouvernance de l’entreprise. Cela est d’autant plus frappant que ces textes datent respectivement de 1969 et 1984 où les J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 69 enjeux environnementaux et sociétaux n’étaient pas encore au cœur du débat comme aujourd’hui. Les autres lectures ont jusqu’ici permis d’envisager quatre niveaux de responsabilité pour le dirigeant : la responsabilité vis-à-vis vis de lui-même lui en tant qu’individu, u’individu, celle qui touche à la loi, une responsabilité que je qualifie d’ « interne », circonscrite aux parties prenantes traditionnelles64 que constituent actionnaires, clients, fournisseurs et salariés, et celle prônée pr par Freeman et indirectement par Jonas qui fait du dirigeant un véritable acteur social et politique. Il nous reste ainsi à déterminer dans quelle « sphère de responsabilité » doit se trouver le dirigeant responsable. Dans la prochaine partie, nous confronterons ces premiers résultats théoriques héoriques à notre double enquête menée auprès des HEC. 64 FREEMAN, R.E. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Edition. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 70 III. Ce qui ressort de l’enquête Pour tester nos hypothèses formulées au début de ce travail, notre démarche s’est appuyée sur une double enquête qualitative et quantitative, dont nous exposons ici les résultats : 3.1 L’enquête qualitative 3.1.1 Modus Operandi O Pour réaliser cette enquête, il a fallu inerroger – comme indiqué dans ns la démarche de recherche – des HEC appartenant apparte à trois grandes catégories. L’enquête a comporté deux phases, à la suite d’entretiens préparatoires. Chaque entretien a duré en moyenne 1h30. Les comptes-rendus rendus détaillés des entretiens effectués se trouvent en annexes, annexe non jointes dans ce document (p151-233). Il est important de noter que les interviewés ont eu accès au comptecompte rendu de leur entretien, et la possibilité de le modifier. Il va de soi que j’ai obtenu l’accord des personnes concernées pour la publication de leur interview in dans ce travail, à condition conditi que soit préservé leur anonymat. Les entretiens sont donc volontairement publiés dans le désordre. Entretiens préparatoires : Ces entretiens préparatoires m’ont permis de tester mon questionnaire auprès de personnes expérimentées et de l’affiner afin d’obtenir d’obtenir des interviews de la plus grande qualité possible. - Jxxxxxxxx Lxxxxxxx (professeure au département GRH - HEC Paris) - Bxxxxxxx Vxxxxxxx,, Executive MBA HEC spécialisé dans les SEM (sociétés d’économie mixte) J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 71 1ère phase : Au cours de cette première phase, entre le 1er et le 15 août 2009,, j’ai interrogé sept s HEC, trois diplômé H09, et deux de chacune des deux autres populations décrites dans la démarche de recherche. Interrogeant des étudiants aux au parcours très différents,, j’ai souhaité recueillir un peu plus de témoignages des tous jeunes diplômés, parce que leur avis sur cette question et leur vision du dirigeant responsable auront vraisemblablement une plus grande influence sur l’avenir. Il est intéressant de noter qu’afin de se garantir garantir les résultats les plus spontanés possibles, les interviewés ont découvert les questions au moment même de l’entretien. Voici un recensement précis de la population interrogée : HEC jeune diplômé (promotion 2009) : - Txxxx Gxxxxx (consultant spécialisé en finance) – 8 août – 1h30 - Gxxxx Sxxxxx (créateur de son entreprise sur internet) – 10 août – 1h30 - Rxxxxx Txxxxxx (auditeur (audit expérimenté) – 15 août – 1h30 HEC ayant une première expérience professionnelle (promotions 2000 à 2006) : - Fxxxx Bxxxxxx (MIM 03, 03 consultant en organisation) – 5 août – 1hh30 - Sxxxxx Gxxxxxx (H06, (H06, fondateur d’une entreprise dans le secteur des énergies renouvelables) – 13 août – 1h15 HEC expérimentés (promotions 1995 et antérieures) : - Mxxxxx Hxxxx (H63,, retraité du secteur bancaire) – 6 août – 1h30 - Pxxxxx Wxxxxx (H59, (H59, ancien DG et directeur de contrats au sein du groupe Thalès) Thalès – 13 août – 2h J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 72 2ème phase : La 2° phase a débuté sept jours environ après la fin de la première. Pendant cette transition, mon travail a consisté à exploiter les premiers résultats de la première phase pour améliorer le guide d’entretien devant servir pour la deuxième. Par rapport à la première phase où les entretiens avaient été essentiellement orientés sur la responsabilité qui incombe aux dirigeants envers les parties prenantes internes à l’entreprise (actionnaires, «collaborateurs», «collaborateurs», clients et fournisseurs), la deuxième phase a été l’occasion d’envisager la responsabilité dans son acception élargie (environnement, société et système économique). J’ai davantage orienté les entretiens sur la hiérarchisation des parties prenantes, des attitudes à adopter en cas de conflit d’intérêt. Qui doit avoir la priorité a priorité ? Finalement, ce fut aussi l’occasion de poser des questions fondamentales sur le rôle du dirigeant et de l’entreprise dans le capitalisme contemporain, mais surtout sur les remises en cause nécessaires du système, qui ne permet justement peut-être peut être pas l’émergence de dirigeants responsables. Au cours de cette phase, j’ai interrogé les HEC suivants : HEC jeune diplômé (promotion 2009) : - Sxxxx Sxxxxxx (création de son entreprise) – 24 août – 1h30 - Fxxxxxx Fxxxxxxxx (conseil en stratégie pour les institutions financières) – 2 septembre – 1h30 - Dxxxx Cxxxxxx (entrepreneur entrepreneur associé) – 10 septembre – 2h HEC ayant une première expérience professionnelle (promotions 2000 à 2006) : - Mxxxxx Txxxx (création création de son entreprise de distribution de prothèses auditives) auditives – 29 août – 2h - Mxxxx Rxxxxx - HEC 2005 – 2 septembre – 1h30 HEC expérimentés (promotions 1995 et antérieures) : - Txxxx Axxxxxxx(H94 (H94, DG du groupe ESCEM Tours-Poitiers) – 11 septembre – 1h15 - Exxxx d’Axxxx (H59,, ancien PDG du groupe Les 3 Suisses - Cofidis) Cofidis – 16 septembre – 2h30 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 73 - Fxxxx Lxxxx (E01, entrepreneur, fondateur de Biosystems international) international – 17 septembre – 1h Voici un recensement complet des questions posées au cours des deux phases d’entretiens, étant entendu que le contenu des questions et leur ordre a évolué entre le premier et le quinzième entretien. A noter également, ce guide d’entretien était transmis aux personnes interviewées (uniquement de la deuxième phase, où sont davantage approfondis les thèmes qui tenaient à cœur aux personnes interviewées) quelques jours avant leur entretien. Elles ont donc pu largement en prendre connaissance. Cependant, il demeurait indicatif, et certains entretiens ont davantage pris la forme d’une discussion libre. lib Des entretiens auprès d’un échantillon représentatif de notre population HEC - Etes-vous dirigeant ? L’avez-vous L’avez été ? Souhaitez-vous le devenir ? - Dans votre expérience, y a-t-il a il quelque chose qui vous ait marqué en rapport avec ce thème de dirigeant responsable sponsable (expérience, lecture, reportage, …)?? - Pour vous, qu’est-ce ce qu’un dirigeant responsable ? Que mettez-vous mettez derrière responsable ? - Quelle est la mission, le principe absolu de l’entreprise et de son dirigeant ? - Quelles sont les « parties prenantes » qui rentrent dans le cadre de la responsabilité du dirigeant ? En somme, le dirigeant est responsable de quoi ? Envers nvers qui ? Jusqu’à quand ? - Actionnaires – donnez des exemples Clients – donnez des exemples Salariés – donnez des exemples Fournisseurs – donnez des exemples Pouvez-vous vous hiérarchiser ces différentes parties prenantes ? En cas de conflit, envers lesquelles la responsabilité du dirigeant est-elle est la plus forte ? J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 74 - La responsabilité du dirigeant est-elle est elle interne à l’entreprise ou y a-t-il a une vision élargie de la responsabilité ? La RSE fait-elle elle aussi partie de la responsabilité du dirigeant ? - L’environnement (écologie) – donnez des exemples La société – donnez des exemples Le système économique – donnez des exemples Est-ce ce le système capitaliste qui empêche la responsabilité ? Engendre-t-il Engendre des comportements a-responsables responsables ? - Sommes-nous nous entrés dans une ère de responsabilité collective ? Comment faire dans la pratique ? Quelle est la responsabilité des dirigeants par rapport à celle des hommes politiques politiq ou des individus ? - Quel univers de responsabilité pour le dirigeant ? Quelles sont les qualités que possède/doit posséder un dirigeant responsable ? Quels défauts éviter à tout prix ? - Qu’est-ce ce au contraire qu’un dirigeant irresponsable, ou en tout cas que vous ne qualifieriez pas de responsable (donner des exemples)? Licencier un employé, est-ce est responsable ? Et truquer les chiffres pour éviter de licencier ? Favoriser la croissance de sa société en augmentant les émissions de CO² ? Accorder aux actionnaires actionnaires des rémunérations de 15%, tout en sachant que l’économie ne peut tenir durablement une rentabilité de plus de 7% ? Les banques, la titrisation et les subprimes ? - Thèmes connexes : Autonomie et marge de manœuvre du dirigeant vs. responsabilité J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 75 Pour vous, ous, quelle est l’importance de cette notion de responsabilité dans la performance/ la gouvernance d’une entreprise ? Quelle importance les dirigeants ont-ils ont ils dans l’évolution de la société ? Est-il il un modèle ? A-t-il une influence sur la société ? - Rémuné Rémunération des patrons : entre scandales et rémunération juste… Retour sur les hypothèses relativement à la question de recherche J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 76 3.1.2 Entretiens E : résultats et interprétations Ce thème de la responsabilité du dirigeant est aujourd’hui extrêmement repris dans les medias, avec les questions de rémunérations, de licenciements, de « patrons voyous »… Il a suscité dans notre « échantillon » trois réactions principales : la nécessité d’assumer la responsabilité de la gestion de ses équipes et des licenciements, citée une fois sur deux chez les jeunes HEC. Chez les diplômés HEC plus expérimentés expérimentés est davantage citée la prise en compte de l’environnement et des parties prenantes « extérieures » à l’entreprise, alors que la nécessité pour le dirigeant de développer une éthique et des valeurs arrive juste après, après majoritaire chez les HEC avec une première expérience. Chaque population semble donc avoir son thème de prédilection, qui se trouve correspondre à trois de nos quatre quat hypothèses. Seul le rapport au temps n’est ’est pas cité spontanément. Il a fallu réaliser au cours de la phase d’entretiens que toutes les réponses fournies dépendaient en grande partie de la mission ressentie de l’entreprise et de son dirigeant. Dans sept cas sur quinze,, les HEC ont parlé de profit, rentabilité ou retour pour l’actionnaire, même si cette réponse semblait parfois donnée à contrecœur.. Pérennisation de l’entreprise dans son environnement vient en second (quatre ( citations). ). On ressent bien avec ave ces chiffres la coloration très capitalistique de cette réponse. En dépit de toutes les nuances apportées (« ADN spécifique pour chaque entreprise », profit MAIS en respectant des valeurs, …), l’entreprise reste un lieu où l’on l’ fait du business, et où le dirigeant doit obtenir des résultats, que ce soit pour les actionnaires ou pour permettre à l’entreprise de perdurer. Trois personnes ont toutefois cité des objectifs non financiers : l’invention de nouveaux modèles économiques, la responsabilité « globale » des entreprises, ainsi que la création de sens pour les employés et enfin l’entreprise comme moyen d’améliorer le niveau de vie dans notre société. Quant aux premières ières réactions sur ce que doit être un dirigeant responsable, chaque interviewé semble avoir oir une vision qui lui est propre : création de valeur ajoutée pour les clients, arbitrage entre la morale et l’action en respectant ses convictions personnelles, intégration de l’ensemble des parties prenantes à l’entreprise, conciliation des horizons temporels porels court (opérationnel) et long (stratégique), limitation du concept de responsabilité à sa valeur légale, exemplarité, cohérence, transparence et vision humaniste sont autant d’idées qui corroborent les hypothèses, hypothèses sans toutefois qu’aucune tendance forte rte ne se dégage. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 77 On distingue toutefois très nettement des questionnements forts : action dans l’intérêt individuel de l’entreprise ou dans l’intérêt collectif (parties prenantes), existence de différents niveaux de responsabilité : la personne du dirigeant, dirigeant, la loi, certaines parties prenantes, toutes les parties prenantes… Horizons géographique et temporel de la responsabilité du dirigeant semblent également devoir être débattus… Essayons maintenant d’analyser les réponses obtenues plus en détail, en les reliant directement à nos quatre hypothèses : 3.1.2.1 Le rapport au temps La relation aux actionnaires Les actionnaires mettent en lumière deux questions, questions, à commencer par l’opposition entre la rémunération ation du capital à court terme et l’investissement investissement qui doit d permettre d’améliorer la compétitivité de l’entreprise, et donc le renforcement de sa valeur, à plus long terme. Pour François Michelin : « (un dirigeant est) obligé de tenir compte des actionnaires. Ils exigent de vous des rentabilités de 12 à 15%. Ce n’est pas raisonnable, on ne peut tenir durablement plus de 7% ». La question de l’horizon temporel est posée ! Alors que la rémunération financière des actionnaires n’est vue comme une obligation que par un seul jeune diplômé et deux HEC expérimentés, il est intéressant de constater qu’elle semble incontournable à tous les HEC ayant une première expérience. C’est est bien la tendance avec neuf réponses : le dirigeant doit tout mettre en œuvre pour donner aux actionnaires la rémunération qu’ils demandent. Quatre des HEC interviewés pensent au contraire que l’action d’un dirigeant doit pouvoir ignorer cette exigence dans un premier temps, pour mener une politique de croissance stable qui permette d’aboutir à la meilleure valorisation possible de l’entreprise à plus long terme. De cette question a quasiment toujours découlé la question de la désobéissance. Il semble acquis pour les HEC qu’aujourd’hui, avec la « boursiarisation » de notre économie, la majorité des actionnaires cherche la rentabilité financière la plus rapide possible (on identifie comme « spéculateurs »). Devant cet état de fait, le dirigeant a J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 78 deux options : satisfaire à cette exigence, magnifiée avec les désormais fameux « 15% », ou refuser cette politique et opter au nom d’autres objectifs, qui peuvent du reste également viser à satisfaire l’actionnaire, mais pas à la même échéance. Cette question de la désobéissance a partagé notre « échantillon » : quatre personnes sur sept jugent que le dirigeant peut, voire doit savoir désobéir, dans l’intérêt l’intér de l’entreprise, alors que pour trois personnes sur sept, il n’a pas de marge de manœuvre sur le financier, et doit se contenter de ne pas tout dire sur la gestion interne et opérationnelle de l’entreprise. Il ne s’agissait surtout pas avec cette question question de diaboliser les actionnaires. Tous les entrepreneurs interrogés le reconnaissent : le dirigeant est nommé par l’actionnaire, qui lui permet de mettre en œuvre sa stratégie ou de lancer sa propre entreprise, et il lui doit à ce titre une reconnaissance certaine. Néanmoins, toutes les personnes interrogées mettent en exergue l’existence de plusieurs groupes d’actionnaires, schématiquement les investisseurs, qui réfléchissent à plus long terme, et avec qui il est possible de discuter, et les spéculateurs, majorité silencieuse qui ne recherche que le dividende. Il convient bien de sentir derrière les réponses données une volonté de s’affranchir de la tutelle de l’actionnaire, pour pouvoir mener sa propre politique, tout en gardant bien à l’esprit que la confiance confiance de l’actionnaire n’a pas de prix, puisque retirée, elle signifie le départ du dirigeant. C’est entre autres ce qui empêche le dirigeant de se projeter à trop long terme : les résultats sont indispensables à court terme pour légitimer sa présence vis-à-vis vis vis des actionnaires. La seule option pour éviter cette situation est de conquérir leur confiance par d’autres moyens : business plan à cinq ans extrêmement convainquant convainquant par exemple. Néanmoins peu de personnes y croient réellement, et ce du fait de la concurrence. concurrence. Nous sommes dans un système qui donne la priorité aux réalisations à court terme,, et sans une économie où la concurrence est partout ressentie comme très forte. S’affranchir de ce modèle, c’est prendre le risque de se faire irrémédiablement distancer distancer par la concurrence. La désobéissance et la gestion à long terme ont donc leurs limites, même s’ils semblent souvent désirés. De la même façon, ce travail ne consiste absolument pas à vilipender la notion de profit, indispensable à l’investissement dans dans le système capitaliste, et « récompense » de l’entrepreneur. Un jeune diplômé rappelait d’ailleurs avec Adam Smith que « ce J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 79 n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre dîner mais bien du soin qu’ils apportent à leur intérêt. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur égoïsme, et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons mais toujours de leur avantage »65. La question est aujourd’hui de savoir où se trouve cet « avantage » de l’entreprise, et c’est peut-être être moins évident qu’il y a un siècle et demi. Laa relation du dirigeant au risque Laa relation au risque est une composante à intégrer dans le rapport au temps. Pour les six HEC qui ont évoqué cette question, la réponse est unanime unanime : le dirigeant responsable se doit de mesurer et de maîtriser son risque, ce qui revient à le minimiser à long terme. e. Tout autre comportement peut être qualifié d’irresponsable. Sauf peut-être être celui qui consiste à « sortir du modèle économique mique ambiant ambia » et qui nécessite une « grosse prise de risque et beaucoup de courage ». Ce fut le cas de certaines banques qui ont vite refusé les « subprimes » et autres produits toxiques, ne pouvant ainsi plus offrir à leurs actionnaires des rémunérations à la hauteur haut de celles de leurs concurrents. C’était indéniablement un gros risque comptecompte-tenu de la tendance de l’époque, et pourtant, ce choix s’est révélé le bon… Économiquement,, il semble que le raisonnement à long terme soit largement plus porteur et moins risqué, qué, comme par exemple avec les fournisseurs. Les HEC expérimentés expliquent que faire marcher « le jeu de la concurrence » ne fonctionne qu’un temps, et que rien ne peut remplacer une relation durable avec un partenaire. Cette proposition est également valable v avec les clients : on peut toujours gagner de l’argent à court terme en ne proposant pas un prix juste, mais les effets de ce genre de politique s’avèrent désastreux à moyen et long terme, car les clients perdus ne se regagnent plus. 65 SMITH, A (1776) Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, trad. du Comte Germain Garnier. Garnier Flammarion, Fl 1991, 2 vol., p84 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 80 Le choix du court terme ou du long terme Les HEC sont majoritairement contre un pilotage uniquement à court terme, terme puisque dix personnes sur treize le bannissent ou disent privilégier les démarches à long terme. « Si les entreprises recherchaient uniquement la rentabilité rentabi à court terme, terme l’ingénieur de Michelin qui a découvert le pneu radial mais qui n’avait rien « produit » pendant cinq ans avant cette découverte n’aurait n’aurai jamais eu l’opportunité de continuer ses recherches », nous explique même un HEC expérimenté. Quatre re HEC parmi les l interviewés envisagent même l’horizon de responsabilité à 10 ou 15 ans, soit un cycle d’investissement pour les grosses entreprises. Cependant, les jeunes diplômés soulignent que tout en ayant une vision à long terme prioritaire, il s’agit de ne pas négliger les résultats à court terme,, sous peine de ne pouvoir exercer sa fonction plus longtemps. L’objectif avoué reste néanmoins à plusieurs années. Peut-être Peut correspondil à une vision un peu idéaliste, idéaliste le long terme devant rester « un idéal à atteindre » pour un autre diplômé expérimenté. Le profit à très court terme, terme, terrain de jeu privilégié des banques et des sociétés en LBO, qualifiées de véritables « tueries » par un HEC ayant une première expérience, semble donc devoir être écarté. Pourtant, Pourtant, trois interviewés soutiennent une vision contraire : l’objectif doit se situer à court terme,, dans le meilleur des cas à moyen terme « sans trop handicaper le long terme », soulignant que si Google arrive à réfléchir à très long terme, terme, ce n’est pas toujours possible, et que viser le court terme est beaucoup plus réaliste. Finalement, la question à poser lors de l’enquête en ligne sera de savoir s’il faut privilégier une vision allant du court vers le long terme ou bien l’inverse. Au terme erme des entretiens, dans les qualités qual d’un dirigeant responsable,, les diplômés les plus expérimentés ont insisté sur l’importance d’être « visionnaire » (en prenant comme exemple le modèle de Danone au Bangladesh) et d’avoir le goût de la pérennité. Il apparaît ap également dans ans chaque catégorie de diplômés diplômé que la gestion uniquement à court terme (pouvant impliquer des changements de cap, voire des virages à 180 degrés) degrés) est systématiquement citée parmi les caractéristiques d’un dirigeant irresponsable. L’aveuglement, glement, l’externalisation du cœur de métier de l’entreprise (Alcatel) pour maximiser le ROE sont autant d’erreurs stratégiques du dirigeant qui finiront par entraîner son probable départ de l’entreprise. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 81 3.1.2.2 Le rapport aux autres La relation entre dirigeant et dirigé En premier lieu, il faut souligner qu’à une seule exception près, tous les interviewés ont trouvé cette question absolument essentielle, et requérant une attention de tous les instants du dirigeant, y compris dans la vie quotidienne de l’entreprise. Traiter les autres de façon humaine semble un pré-requis pré requis évident pour les HEC. Les avis divergent simplement sur la manière de le faire, même si chaque personne a souvent souhaité donner plusieurs réponses : c’est tout de même l’exemplarité, toujours associée avec l’honnêteté et l’idéal de transparence qui remporte la palme. Le dirigeant doit se constituer en modèle, et être irréprochable pour entraîner ses équipes derrière lui. L’honnêteté interdit l’instrumentalisation, la manipulation de salariés. sa Enfin, pour les HEC, même s’ils en reconnaissent volontiers la difficulté, la transparence, ou le fait d’y tendre, est indispensable pour un dirigeant responsable. Cette notion d’exemplarité est présente chez un jeune HEC sur deux, vraisemblablement vraisemblablement suite aux scandales des dernières années affectant les grands patrons. La responsabilisation des salariés via la « délégation raisonnée » semble également une excellente recette. Viser le progrès de chacun est extrêmement important pour les HEC. C’est à mon sens une réponse liée à leurs convictions personnelles, et au refus d’interdire aux autres ce qu’ils ont eu la chance de connaître. Le « parcours personnalisé » est un concept clé dans l’enseignement supérieur, et particulièrement à HEC, c’est pourquoi ils sont favorables à son extension à l’entreprise. Routine et ennui au travail leur semblent devoir être bannis, bannis, dans une optique de développement personnel. La justice, et notamment dans la rémunération (« partage des fruits de la croissance », « juste rémunération ») doit également être un fondement de l’attitude du dirigeant. Cette idée pourrait rejoindre l’exemplarité si souvent citée, mais présente un caractère en plus. Ne jamais amais léser un salarié, veiller à la « justice » bien au-delà delà de la loi, semble semb constituer un des fondements de la légitimité du dirigeant. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 82 Citée trois fois seulement, la problématique de la motivation et de l’implication des «collaborateurs» ne semble pas être indispensable pour le dirigeant, et ce rôle doit peut-être davantage être re l’apanage du « middle management ». Pour terminer, et quoique cette réponse n’ait été citée que deux fois, elle me semble extrêmement juste : un dirigeant responsable doit être capable de traiter les situations individuelles au-delà delà des règles qui permettent permettent de traiter 95% des cas. D’autres idées, comme le fait de rendre le personnel actionnaire de l’entreprise, insuffler une véritable culture d’entreprise font écho à un véritable devoir d’humanisme : « les salariés et «collaborateurs» sont et doivent être tre bien plus que des fiches de poste ».. Attention toutefois, même si le fait fait de licencier doit rester difficile, difficile il ne s’agit pas de s’agripper à la survie d’une entreprise non rentable, mais bien d’anticiper pour mieux reclasser les salariés. La relation avec clients et fournisseurs Pour le client, la situation semble semb beaucoup moins évidente : un peu plus de la moitié des réponses va dans le sens d’une limitation de la responsabilité au contrat passé entre l’entreprise et le client ou au traitement « correct mais sans exagération » du client. Cette réponse est notamment très fréquemment donnée chez les HEC expérimentés. Il s’agit donc de ne pas plaisanter avec la loi, et de ne pas vendre n’importe quoi. Pourtant, aussi nombreux sont les cas, émanant pour une grande majorité des jeunes diplômés, qui mentionnent l’importance d’aller bien au-delà au delà de la loi et de l’ « acceptable » dans la relation avec le client. Proposer un juste rapport entre qualité et prix, créer de la valeur pour le client (avant même même de penser à en créer pour l’entreprise !), mais surtout l’associer à la démarche d’innovation (et l’ont sent bien ici l’influence du web collaboratif !) sont des idées qui paraissent essentielles. On ressort finalement avec deux grandes tendances : se dédouaner douaner en se limitant à la loi ou au « socialement acceptable » (ne pas vendre de pornographie chez Carrefour par exemple) ou s’installer dans une relation durable avec le client, qui a pour objet réel l’amélioration de son niveau de vie (cf. « don’t be evil » de Google). Google) Finalement, l’entreprise doit-elle elle penser à son bien à elle ou à celui de son client, tout en supposant que les deux puissent être concomitants ? J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 83 Pour le fournisseur, la dichotomie est sensiblement la même, chacune des trois réponses proposée osée recueillant un tiers des suffrages : Arguant que l’entreprise est cette fois cliente, il s’agit à nouveau de respecter le contrat passé (respect entre autres des délais de paiement). A un niveau légèrement supérieur, il faut développer avec ses fournisseurs fournisseurs une relation de confiance, humaine et qui ne se désintéresse pas des problèmes des autres, qui peuvent devenir les siens (risque par exemple de rupture d’approvisionnement). d’ ). C’est ainsi par exemple que les constructeurs automobiles ont fait en sorte de contribuer à la survie d’un de leurs soussous traitants : New Fabris. Les défenseurs de cette idée ne croient pas au rapport de force et au « jeu de la concurrence oncurrence », préférant miser à plus long terme sur la confiance. Il est enfin possible d’intégrer intégrer le fournisseur ournisseur dans la chaîne de valeur, le rendant ainsi « co-responsable » de la qualité. Le dirigeant s’assure alors une implication maximale de ce dernier avec des contrats cadres ou partenariats à long terme. Dans la hiérarchisation des parties prenantes, prenantes, en dépit d’une grande disparité de classement et de la difficulté de faire émerger une tendance, il semble acquis que le fournisseur arrive en quatrième position. Les clients sont majoritairement cités en troisième position, mais il est amusant de constater constater que les interviewés ajoutent a souvent « je les mets troisième, troisième mais ça ne me plaît pas », ou « ça ne devrait pas être comme ça ». Pour les actionnaires, on retrouve l’opposition assez tranchée déjà évoquée : ils arrivent premiers dans la moitié des cas, et troisième ou quatrième sinon. Ce sont ainsi les salariés, toujours cités en première ou en deuxième position, position qui l’emportent. Sans vouloir tirer de grandes conclusions de cette analyse, l’importance accordée aux salariés fait tout de même ressortir une tendance de fond allant vers des dirigeants plus humanistes que financiers ou commerciaux, modèles modèle peut-être être déjà éprouvés par le passé, et qui n’ont pas convaincu. Pourtant, les jeunes diplômés HEC ont souvent « voté » pour les actionnaires, apparemment plus souvent avec la raison qu’avec le cœur. En demandant un retour aux interviewés intervie sur nos hypothèses, il a fallu constater que les termes de « fins » et de « moyens » tirés de Kant dérangeaient, et qu’finalement qu’ il s’agissait peut-être être de trouver une sorte de « happy medium » entre les deux, à savoir vivre spontanément les relations comme des fins, tout en étant conscient que pour la J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 84 pérennité de l’entreprise il faut d’une certaine façon « instrumentaliser » les autres, ou en tout cas de les « utiliser » dans l’optique de cette pérennité, sans pour autant que cette utilisation soit « amorale ». Au moment de parler des qualités du dirigeant responsable, ce sont les diplômés avec une première expérience qui ont surtout évoqué la capacité à rassembler les équipes vers une vision commune, la gestion des équipes, le bon contact humain, et la nécessité de « bien » traiter les «collaborateurs». Le mensonge à autrui (« dire quelque chose et ne pas le faire »), « l’utilisation opportuniste des autres », le mépris des gens et le pouvoir solitaire, ainsi que l’attention portée avant tout à son intérêt personnel sont les défauts souvent cités pour qualifier un dirigeant irresponsable, ce qui donne un poids à notre hypothèse de recherche. 3.1.2.3 Le rapport entre éthique et profit Le rapport entre éthique et profit est semble-t-il au cœur de la question de la responsabilité du dirigeant. Encore une fois en lien avec la mission de l’entreprise, le dirigeant étant bien évidemment responsable des objectifs qu’il se fixe pour sa société. Si son objectif est de réaliser du profit, nul doute oute qu’on le qualifiera de responsable, qu’il utilise ou non l’éthique pour y parvenir. Ceci reste valable pour tous les autres objectifs que peut poursuivre un dirigeant. L’éthique, que nous assimilerons ici au fait d’avoir des valeurs (distinguant ce qui qu est bien de ce qui est mal) est donc réduite au rang de simple moyen en vue de l’atteinte d’une fin plus grande. Cette question des fins, que nous avons déjà évoquée avec Kant, peut se résumer à l’alternative suivante : l’entreprise existe-t-elle pour faire ire le Bien ou pour faire du profit, sa finalité est-elle elle éthique ou économique ? Pour 2/3 des HEC interrogés, il ne fait aucun doute qu’adopter un comportement éthique permet d’améliorer les résultats de l’entreprise. Meilleur traitement des salariés, optimisation opt des ressources (limitation des gaspillages), considérations environnementales et sociales améliorant l’image de l’entreprise sont autant de pistes apparemment « non-économiques non » qui finalement trouvent une traduction positive dans le résultat de l’entreprise. A un niveau encore au-dessus, dessus, le « Business du Bien », dont la finalité n’est pas le profit, se trouve être un modèle parfaitement viable, voire même l’un des plus efficaces. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 85 Attention toutefois, deux dirigeants ou anciens dirigeants soulignent soulignent que le profit reste la finalité numéro 1, et que le subordonner à l’éthique serait une grave erreur. « L’éthique dans les affaires c’est bien, mais seulement quand on en a les moyens ». Il est intéressant de s’arrêter sur cette réponse : les HEC sont conscients onscients de la valeur marketing de l’éthique, et des gains potentiels à bien traiter les «collaborateurs», «collaborateurs» ne pas nuire à l’environnement et autres. En revanche, il reste difficile de discerner si ce sont leurs valeurs, véritables principes de leurs actions actio (« impératifs catégoriques » chez Kant) ou seulement des façons détournées d’atteindre la maximisation du profit. Être responsable ne permet pas à mon sens d’ignorer cette question : le fondement de l’action est au moins aussi important que son résultat,, même si le pragmatisme doit être de mise pour les HEC, particulièrement aux dires des diplômés avec une première expérience. Certains n’hésitent même pas à dire que « l’action rend moral ». l’en : ce choix d’impératif Finalement,, le dirigeant est garant des valeurs portées par l’entreprise catégorique est donc déterminant, et j’ai souhaité savoir s’il dépendait de la personnalité de l’individu ou était inhérent à la mission du « dirigeant responsable ». Les HEC sont divisés quant à cette question : 33% estiment nt que l’éthique personnelle de l’individu ne doit pas être oubliée quand il devient dirigeant, et doit le pousser à agir au-delà au de la loi et des pressions sociales. Pourtant medias et groupes de consommateurs sont aussi cités à deux reprises comme des causes ca de comportements éthiques des entreprises. Pour trois HEC, dont deux jeunes diplômés, l’entreprise n’est pourtant pas le lieu où l’on peut essayer de changer le monde, même s’ils expliquent parallèlement que des valeurs citoyennes ne pourront lui être que profitables. Le dirigeant doit laisser ses valeurs en passant la porte du bureau, et se contenter de faire fonctionner l’entreprise. Pour d’autres, plus expérimentés, sphères personnelle et professionnelle ne peuvent plus être compartimentées : un dirigeant n’a pas le droit de s’ « oublier » au travail. La tendance semble ainsi aller dans le sens d’une éthique personnelle qui doit rentrer dans l’entreprise. Si elle devait se confirmer, cette proposition conférerait une responsabilité accrue à tous les dirigeants d’entreprise. Un HEC expérimenté nous a néanmoins mis en garde contre les excès d’éthique et le risque d’inaction sous-jacent, jacent, citant à cet effet Paul Valéry : « Ce qui est simple est faux, mais ce qui ne l’est pas est inexploitable ». Cela confirme confirme à son sens tous les paradoxes associés à l’image J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 86 du dirigeant responsable et illustre la « morale du compromis », l’essentiel étant de se poser des questions. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les jeunes diplômés ont tous évoqué le besoin d’éthique et/ou de performance d’un patron responsable, ce qui souligne l’importance de cette dichotomie dans notre travail. Au-delà Au delà de l’exemplarité, de l’honnêteté et de l’intégrité, le patron responsable doit déterminer une ligne de valeurs, puis les porter porter dans l’entreprise. Pour deux jeunes diplômés, un patron responsable est avant tout un patron performant (voire « efficient », i.e. qui sait maximiser le profit sous contrainte), contrainte), qui connaît son métier et sait s’adapter aux situations. Au contraire, l’enrichissement enrichissement sur le dos de l’entreprise, qui fait passer le profit personnel avant toute considération éthique (par exemple en décorrélant la rémunération du dirigeant des résultats), ou l’absence de valeur (la lâcheté revient souvent) sont des caractéristiques caractéri tout à fait irresponsables pour un dirigeant d’entreprise. 3.1.2.4 Le rapport à l’environnement (au sens large) Responsabilité « individuelle », légale, interne ou « élargie » pour le dirigeant ? De nombreuses parties prenantes autres que les quatre parties parti prenantes traditionnelles (actionnaires, clients, fournisseurs, salariés) ont également été citées c au cours des entretiens, particulièrement particulièremen par les jeunes diplômés qui semblent plus sensibilisés (via l’enseignement ment qu’ils ont reçu) à cette problématique. Loin de dresser un panorama exhaustif des groupes en question qu’a théorisés Freeman, on retrouve tout de même environnement, société, collectivités locales, commissaires aux comptes, administrateurs indépendants, indépendant syndicats, ONG et associations, ons, populations locales dans les pays d’implantation, media, et le dirigeant lui-même lui ! Une fois qu’on prend conscience consci de leurs impacts potentiels sur l’entreprise, mais surtout des impacts que l’entreprise peut avoir sur ces groupes ou individus, reste encore à savoir si le dirigeant en est responsable ou non. Un interviewé a distingué quatre niveaux de responsabilité pour le dirigeant : vis-à-vis de lui-même, même, de la loi, des quatre parties prenantes traditionnelles ou bien de toutes les parties prenantes déjà évoquées. Les deux premières première catégories ne recueillent aucun J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 87 suffrage, contre 20% pour la vision « traditionnelle ». Et si 27% des interviewés envisagent une responsabilité maximale du dirigeant, élargie au domaine politicopolitico social et qui implique un assez fort renoncement à la liberté de l’entreprise, l’entreprise près de la moitié des répondants considère qu’un dirigeant responsable adopte une posture intermédiaire entre les deux précédemment citées : l’économique ’économique n’est pas suffisant, mais il faut faire preuve de pragmatisme et essayer avant tout de ne pas nuire (« limiter les externalités négatives ») plutôt que de « faire le bien » ; L’idéalisme doit en quelque sorte céder devant le pragmatisme. Dans tous les cas, les HEC ont bien pris conscience du risque de « myopie stratégique », et que la prise en compte des parties prenantes dans la stratégie d’entreprise est aujourd’hui indispensable. Responsabilité élargie et rôle politique du dirigeant Cette « responsabilité élargie » pose la question du rôle politique du dirigeant. Au cours des entretiens, les HEC ont été sans équivoque : pour 71% d’entre eux et indépendamment de leur expérience, ils considèrent qu’il appartient au législateur de traiter ces questions de responsabilité « élargie » et de fixer un cadre d’action au dirigeant. Seules deux personnes pensent qu’un dirigeant responsable doit participer à l’élaboration de cette loi, et ne pas se contenter de l’attendre. Pour les autres, la fixation duu cadre par le législateur doit ramener la responsabilité du dirigeant à une obligation de moyens : faire du mieux possible en fonction des contraintes. Les paramètres non économiques (pollution, traitement social des salariés) devraient être intégrés dans les prix, afin de pouvoir être mesurés. Ces mesures pousseraient les entreprises à innover, et selon une logique purement darwinienne, celles disposant de la meilleure capacité d’adaptation réussissant à perdurer. Les HEC ne nient donc pas l’utilité des indicateurs indicateurs non financiers. En revanche, ils sont nombreux à expliquer qu’une entreprise souhaitant agir seule et de son plein gré se retrouvera perdante et dépassée par ar la concurrence, et ainsi que l’intérêt de chacune consiste à attendre que l’autre fasse le premier pas, ou la loi. Un jeune diplômé a ajouté, chose tout à fait intéressante à mon sens, que la loi vient sanctionner un « cycle d’a-responsabilité », qui agit comme une expérience cathartique pour les futurs dirigeants. Quelques années plus tard, ceux-ci ci n’ont même plus besoin de la loi pour ne pas reproduire le même même comportement, preuve qu’elle n’est pas toujours indispensable sur les questions d’éthique… J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 88 La responsabilité du dirigeant s’étend-elle s’étend elle jusqu’aux fondements du système économique capitaliste ? Des idées intéressantes ont également été évoquées en lien avec le système économique et le mode de rémunération des dirigeants. L’argument le plus souvent évoqué pour essayer de limiter la responsabilité du dirigeant est, nous venons de le voir, le rôle du législateur. Néanmoins, l’existence d’un système économique qui n’a dans les es grandes lignes guère évolué depuis 150 ans a également son importance. La quête du profit et de la croissance est la tendance dominante, et en dépit d’expériences collectivistes ratées, elle n’a pas encore d’adversaire à sa mesure. Pourtant ce système pousse à « se comporter en mouton de Panurge ». « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » m’a-t-on on déjà dit, dit, et les financiers auraient dû le prendre en compte, eux qui firent peser un risque systémique sur l’ensemble de la société. Comment les dirigeants de ces institutions ont-ils ont pu prendre de tels risques ? La poursuite du profit collectif ? Peut-être être même individuel… Au cours des entretiens, les HEC ont expliqué que « la nature humaine est greedy », et ils estiment qu’il il est difficile d’y changer quoi que ce soit. Mais si les gouvernements se retrouvent ingérés dans la définition des politiques de rémunérations des banques, c’est bien un signe que le paradigme actuel n’est guère responsable… Les bonus, qui plus est élevés comme ils le sont aujourd’hui, pousseraient n’importe quel être humain à prendre des risques parfois inconsidérés, d’autant plus dans un climat de responsabilité entièrement diluée qui ne porte dès lors rs plus sur personne… Les jeunes diplômés ne pensent pas que cela soit le système qui rende mercenaire, la nature humaine s’en étant déjà un peu chargée, mais il reste que la rémunération des dirigeants a forcément un impact sur leur comportement plus ou moins moins responsable. Ainsi un dirigeant responsable devrait-il devrait peut-être être aller jusqu’à remettre en cause les pratiques d’un métier ou d’une entreprise… On retrouve ici la problématique évoquée par Kant des fins individuelles et collectives. Les problèmes collectifs lectifs ne peuvent être résolus par un homme seul, et comme le souligne un HEC expérimenté, il s’agit pour tous les acteurs de « co-construire des critères de performance ». Le dirigeant ne doit pas être laissé seul face à ces problématiques de responsabilité responsabil collective : il y a besoin de collaboration internationale. Un autre HEC expérimenté propose même d’introduire les dirigeants comme parties prenantes de la « gouvernance gouvernementale », afin de se poser ces J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 89 questions systémiques dès l’origine, et ne pas se retrouver ainsi prisonnier d’un système que l’on subit. Pour un autre HEC en revanche, « on ne peut s’opposer au système, c’est l’actionnaire qui nomme et révoque le dirigeant, toutes les théories sur les parties prenantes sont donc de la littérature litt : celaa dépend simplement de la personne que l’on a en face de soi ». Ce qui apparaît néanmoins certain, c’est qu’un dirigeant se doit de d réfléchir à ces questions : il n’a pas le droit de les esquiver, même si –bien sûr- il n’a pas toutes les réponses. Pour y réfléchir, il doit être capable, comme le souligne un interviewé (là encore expérimenté) « d’extraire le nez de son guidon »,, à l’image de Claude Bébéar (ancien président du directoire d’AXA) ou Boris Yavitz (General Electrics), Electrics) qui n’étaient dirigeants ants que quatre jours par semaine. Les diplômés plus expérimentés évoquent cette prise de recul et la capacité à appréhender la « big picture » et à se trouver devant tous les interlocuteurs (parties prenantes) de l’entreprise comme la qualité essentielle d’un patron responsable. Et si finalement l’irresponsabilité consistait simplement à refuser cette prise en compte de tous, et cette remise en cause de soi et de son entreprise ? Pour les HEC pas de doute, cette caractéristique ainsi qu’une gestion déséquilibrée déséquilibrée des parties prenantes, qui accorderait trop d’importance à un groupe plutôt qu’à un autre, font effectivement partie des défauts à éviter à tout prix pour un dirigeant qui se veut responsable. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 90 3.2 L’enquête quantitative 3.2.1 Modus Operandi O Pour construire cette enquête, le le plus difficile a été de respecter les contraintes suivantes : - Relier chaque question on à une de mes quatre hypothèses - Relier elier chaque question à Kant, Jonas ou Freeman - Proposer roposer dans les réponses aux questions des propositions sorties sorti des entretiens qualitatifs, mais surtout des références théoriques - Essayer de se limiter à quinze questions, afin que le remplissage du questionnaire ne prenne pas plus de quinze minutes. - Concilier oncilier simplicité et précision/rigueur p dans la formulation des questions question et des réponses Finalement,, après plusieurs tests auprès d’un échantillon de dix HEC, j’ai modifié et simplifié un grand nombre de questions, pour en arriver à ce questionnaire, encore un peu long pour l’utilisateur, mais qui soit suffisamment rigoureux. Au passage, il fallut surmonter la difficulté pour un chercheurr d’obtenir des réponses de personnes non directement ctement concernés par l’étude, et qui n’ont en tout cas rien à y gagner. Il faut adapter le questionnaire à son public pour avoir suffisamment de réponses, r mais conserver suffisamment de précisions dans les questions pour que les résultats soient intéressants. Après la phase de test, j’ai laissé le questionnaire en ligne pendant 8 jours précisément, le diffusant par le biais de campagnes de mailings et réseaux sociaux (LinkedIn, Wiki HEC, Facebook), auprès des diplômés HEC, HEC, principalement 2009, 2005 et 2006 ainsi que 1959. Après une première phase de trois jours au cours de laquelle nous avons obtenus 89 réponses, la diffusion a été élargie à un plus grand public, avec finalement les statistiques de réponses suivantes : J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 91 Statistiques de réponses : Avec 167 réponses au total, obtenues en neuf jours de mise en ligne du questionnaire, l’objectif de 200 réponses fut presque atteint, et l’aurait sûrement été avec quelques jours de plus. 19 11% 30 18% HEC jeune diplômé (0 à 1 an d'expérience) HEC ayant une première expérience professionnelle (3 à 10 ans d'expérience) HEC expérimenté (15 ans d'expérience et plus) 118 71% Les réponses ont été les plus importantes chez les tout jeunes diplômés (HEC 2009), davantage sollicités mais également davantage davantage concernés, puisqu’étant la première promotion d’HEC à « subir » les conséquences de la crise dans leur recherche d’emploi. Les échantillons « HEC ayant une première expérience » et « HEC expérimentés » sont moins fournis, avec dix-neuf neuf et trente réponses respectivement. 104 62% Une femme Un homme 63 38% J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 92 Comme je l’avais constaté à la fin de la phase d’entretiens, les hommes semblent davantage concernés par cette enquête. 87% 87 des « HEC expérimentés » sont des hommes (cela s’explique par l’ouverture d’HEC aux femmes dans les années 1970). Comme parallèlement les fonctions de dirigeant restent encore majoritairement assumées par des hommes, l’échantillon peut néanmoins encore une fois sembler relativement représentatif et nous proposer des résultats fiables. a déjà été dirigeant 138 83% 29 17% n'a jamais été dirigeant Alors que près de 30% interrogées ont déjà assumé des fonctions fonction de dirigeant, cette proportion dépasse 50% pour les « HEC expérimentés », approche les 20% pour les HEC avec une première expérience, et avoisine les 10% chez les jeunes jeunes diplômés (les entrepreneurs créant leurs sociétés étant comptabilisés comme des dirigeants). Cette distinction m’a paru essentielle dans cette enquête pour confronter les « vœux pieux » à la réalité de l’expérience. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 93 Voici l’intégralité du questionnaire mis en ligne : Qu'est-ce ce qu'un dirigeant d'entreprise responsable pour les HEC? Etudiant en fin de 3° année, j'arrive à la fin de mon mémoire de recherche. Pour en rendre les résultats les plus intéressants possibles sur l'idée que les HEC se font d'un dirigeant "responsable", j'ai besoin de collecter le maximum de témoignages. Merci d'avance à tous ceux qui rempliront ce petit QCM d'une quinzaine de questions (prévoir 15mn, mais sans aucune rédaction!). Cette étude est entièrement anonyme, merci donc de répondre le plus sincèrement possible. * Required Etes-vous: hoisir la proposition qui correspond (une seule réponse possible) Choisir HEC expérimenté (15 ans d'expérience et plus) Etes-vous : Choisir hoisir la proposition qui correspond (une seule réponse possible) Un homme Avez-vous vous déjà exercé une responsabilité responsabilité de dirigeant (exécutif n°1, i.e. PDG ou DG) d’entreprise ? hoisir la proposition qui correspond (une seule réponse possible) Choisir Choisissez J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 94 Question n°1: Quelle est selon vous la fin suprême, le principe absolu de l’entreprise ? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Satisfaire le client • Faire du profit, maximiser la rentabilité • Assurer l’emploi et le bien-être bien de ses salariés • Faire progresser la société • Assurer la pérennité de l'entreprise • Other: Question n°2: Selon vous, de qui le "dirigeant responsable" doit-il doit se préoccuper en priorité parmi ces 4 parties prenantes traditionnelles? traditionnelles Classez ces différentes parties prenantes traditionnelles du plus important au moins important) impor Actionnaires Clients Fournisseurs Salariés Rang 1 Rang 2 Rang 3 Rang 4 Question n°3: "Bien traiter les différentes parties prenantes (de la question n°2), est-ce est avant tout: hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) Choisir • Une obligation morale absolue • Une obligation éthique "sociétale" (importante mais pas absolument nécessaire) • Un(le) moyen d’en tirer le meilleur parti possible dans une perspective de profit • Other: J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 95 Question n°4: "Envers les salariés (le personnel de l'entreprise), le "dirigeant responsable" est celui qui: hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) Choisir • Traite les situations particulières de façon individuelle (ex: essaie toujours de reclasser après avoir licencié) • Fait le maximum pour tendre vers la transparence • Se montre juste, exemplaire • Insuffle la culture d'entreprise • • Délègue et responsabilise pour mobiliser (en rendant les salariés salariés actionnaires par exemple) Other: Question n°5: Être responsable pour un dirigeant peut-il peut il impliquer de s'opposer, d'être en désaccord avec l'actionnaire et ses exigences de rentabilité? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse répo possible) • Non : le dirigeant respecte à la lettre les engagements formalisés dans le budget • Non : le dirigeant fait tout pour offrir une rentabilité maximisée à court terme (« les fameux 15% ») • Oui : le dirigeant doit opter pour une croissance stable stable et une gestion saine quitte à devoir convaincre l’actionnaire que c’est le meilleur choix • Oui : le dirigeant cherche à développer la valeur à long terme de l’entreprise, quitte à se mettre en situation de risque personnel à court terme • Other: Question tion n°6: Envers les clients, le "dirigeant responsable" est celui qui: Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Respecte le contrat passé avec le client (responsabilité légale), mais ne va pas au-delà au • Offre un rapport qualité/prix "juste" • Crée de la valeur ajoutée pour le client • Propose un produit « le plus parfait possible » • • Adopte un comportement irréprochable (transparence, honnêteté, communication) pour minimiser le risque réputationnel Other: J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 96 Question n°7: D’après vous, profit de l’entreprise et considérations éthiques constituent-ils constituent des objectifs conciliables pour le dirigeant ? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Oui, le « business du Bien » est le meilleur modèle pour satisfaire toutes les parties prenantes • Oui, la recherche d'optimisation des ressources pousse à adopter un comportement éthique • • Oui, l’éthique a une valeur marchande pour le client Non, l’éthique coûte trop cher et hypothèque la rentabilité dans un un fort contexte concurrentiel • Non, l'éthique paralyse l'action (il est donc nécessaire de faire preuve de pragmatisme) • Other: Question n°8: L'utilisation marketing de l'éthique à des fins économiques estest-elle responsable ? Choisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • • Oui, peu importe la fin tant que les moyens sont éthiques Non, l’éthique ne doit pas être « marketée » (c'est un détournement), elle devient sinon un simple argument économique. • Non, c’est de la propagande, propagand et n’a rien de responsable • Other: Question n°9 : Selon vous, le "dirigeant responsable" est quelqu'un qui: Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • respecte la loi, mais ne va pas au-delà au • veille avant tout aux intérêts des parties prenantes traditionnelles (actionnaires, clients, fournisseurs, salariés) • se préoccupe de la pérennité du système économique ainsi que de questions sociétales et environnementales • Refuse de sacrifier ses valeurs et convictions personnelles person • Other: J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 97 Question n°10 : Quelle importance le "dirigeant responsable" doit-il doit il accorder aux parties prenantes externes à l'entreprise (gouvernement, société, environnement au sens large) ? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • faible: ce n’est pas la finalité de l’entreprise • raisonnable: une entreprise ne peut ignorer son environnement à moyen et long terme • grande : ces parties prenantes ont également une influence sur l'entreprise • • capitale : il relève de la responsabilité du dirigeant de collaborer, voire créer synergies avec ces acteurs Other: Question n°11 : En pratique, pour un dirigeant qualifié de responsable, il s’agit de : Choisir la proposition sition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Sortir du cadre de l'entreprise (ex: le secteur associatif) s'il veut satisfaire ses aspirations personnelles • Faire preuve de pragmatisme et limiter les externalités négatives (pollution, émissions de CO², chômage...) • Investir "durablement" dès aujourd'hui (intégration de la théorie des parties prenantes dans la stratégie de l'entreprise, puis dans les process, normes environnementales, etc.) en dépit d'un retour sur investissement relativement relativ long • Other: Question n°12 : les questions systémiques (système économique, société, environnement) sontsont elles de la responsabilité du "dirigeant responsable" ou du législateur? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) pos • La responsabilité du dirigeant d'entreprise se limite à son Bilan et son CdR • Le dirigeant doit réfléchir à ces questions, mais agir avant la mise en place de lois le défavoriserait par rapport à la concurrence • Le dirigeant ne doit pas se reposer exclusivement sur le législateur: il doit agir à son échelle et participer à la gouvernance du débat sur les questions systémiques (société, environnement, système économique...) • Other: J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 98 Question n°13 : Quel doit être le rapport au risque du dirigeant responsable? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Prise de risque maximale en vue d’un profit maximal • Prise de risque importante en vue de la définition définition d'une stratégie d'entreprise innovante • Prise de risque limitée dans une perspective de profit • Prise de risque extrêmement limitée en vertu du principe de précaution, étant donné les enjeux • Other: Question n°14 : Quel doit être le rapport au temps temps du dirigeant responsable ? Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • Le dirigeant agit pour satisfaire l’actionnaire à court terme et conserver sa fonction • Le dirigeant doit être performant à court terme (impossible de sacrifier le succès à court terme)) en ayant des objectifs à moyen terme • Le dirigeant réfléchit à long terme en intégrant toutes les parties prenantes, mais sait se montrer réactif à court terme • Le dirigeant agit à long terme, dans une optique optique de pérennité de l’entreprise, quitte à sacrifier les résultats à court terme (en investissant par exemple) • Other: Question n°15 : Quelles sont les trois qualités principales d’un dirigeant qualifié de responsable, c’est : Choisir hoisir 3 qualités parmi les 9 propositions, et les classer de 1 à 3 Qualité n°1 Qualité n°2 Qualité n°3 Honnêteté et transparence Performance et atteinte des résultats Respect des autres Pragmatisme et réalisme Curiosité J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 99 Qualité n°1 Qualité n°2 Qualité n°3 Capacité à intégrer l'ensemble des parties prenantes dans la stratégie ("big picture") Capacité à élargir son champ de réflexion Courage personnel et capacité à désobéir Capacité à se remettre en cause Ethique et morale Question n°16 : Un dirigeant qui n'est pas responsable se caractérise avant tout par : Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • La recherche de son intérêt personnel avant l’intérêt de l’entreprise • La mégalomanie engendrée par le pouvoir solitaire • L'incapacité à prendre en compte l'ensemble des parties prenantes à l'entreprise • La non atteinte des objectifs • L'incapacité à se poser des questions sur sa propre responsabilité • La mauvaisee connaissance de son business • Other: Question n°17 : Finalement,, pour nous HEC, futurs dirigeants, être responsable c'est: Choisir hoisir la proposition qui correspond le plus (une seule réponse possible) • inutile: il faut avant tout atteindre les résultats financiers • un "plus" indéniable: cela trouve un écho auprès du "public" • nécessaire! la société change, les dirigeants doivent changer aussi • vital: il est indispensable d'avoir des valeurs, et de les faire vivre dans l'entreprise • une condition sine qua non: le dirigeant du futur contribuera à façonner la société bien au-delà delà de son entreprise • Other: J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 100 Question n°18 : Y a-t-il il une autre question qu'il vous semble essentiel d'aborder? 0 Submit Powered by Google Docs Report Abuse - Terms of Service - Additional Terms Ce questionnaire a été réalisé avec l’outil web gratuit Google Forms. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 101 3.2.2 Enquête E quantitative : résultats et interprétations Comme nous l’avons fait pour l’enquête qualitative, nous allons à présent analyser les résultats de l’enquête nquête en ligne à la lumière de nos hypothèses. 3.2.2.1 Le rapport au temps Quand les HEC décrivent leur vision d’un « dirigeant responsable » au travers du questionnaire,, la question de l’horizon temporel de la responsabilité est posée dans plusieurs questions. Laa relation avec les actionnaires Les HEC ont tous majoritairement (68%) choisi la pérennité. Le dirigeant dirigean responsable doit opter pour une croissance stable et une gestion saine, qui sont étroitement liées à la performance à long terme. Ce modèle doit être le sien, et il doit en convaincre, si cela est nécessaire, ses actionnaires. Cette proposition est soutenue soute par les trois catégories d’HEC,, et semble donc indépendante de l’expérience professionnelle et même des métiers. La seconde proposition, qui recueille 24% du suffrage total va dans le même sens, puisqu’il s’agit à nouveau de développer la valeur de l’entreprise l’e à long terme, quitte pour le dirigeant à prendre un risque personnel à court terme. terme Les HEC, à nouveau quels que soient soi leur âge et leur expérience, croient donc au courage du dirigeant, qui doit avoir le cran de prendre les bonnes décisions pour l’entreprise dans une perspective de longue durée, et faire passer l’avenir de cette dernière même avant le sien propre. C’est extrêmement surprenant de le noter : le respect strict des budgets budget et l’atteinte des « fameux 15% » pour l’actionnaire l’ ne recueillent que deux citations en cumul. Non pas que cela ne soit pas responsable ou même bien, bie mais la valorisation du long terme a simplement paru, puisqu’il fallait choisir, beaucoup plus importante. Ainsi, à tous ceux qui fustigent le capitalisme financier financier et les ROI ou ROE, les HEC montrent qu’un dirigeant doit savoir désobéir à ces exigences, lorsqu’elles ne vont pas dans l’intérêt de l’entreprise. Attention toutefois, toutefois, l’objet de la présente réflexion n’est surtout pas de jeter la pierre aux actionnaires, actionnaires, dont nous avons déjà vu qu’il en existait J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 102 deux (au moins) catégories : ceux qui investissent et ceux qui spéculent. Mais l’ère de « capitalisme collectif »66 a rendu l’actionnaire davantage axé sur le retour immédiat de son investissement, avec les dérives dérives auxquelles le système a fini par arriver, où le reporting devient hebdomadaire, voire quotidien. L’actionnaire est essentiel à l’entreprise, car il lui offre les capitaux dont elle a besoin pour fonctionner. Mais il faut en quelque sorte lui redonner ses lettres de noblesse en cessant d’adopter une optique de profit à court terme qui s’avère le plus souvent néfaste pour l’entreprise à terme, erme, car elle oblige à penser au a retour financier avant d’envisager l’investissement. La réponse de l’échantillon semble semble encourager le dirigeant à désobéir à des objectifs ou des directives « injustes » ou qui n’iraient pas dans l’intérêt de l’entreprise ou pourraient mettre en danger sa pérennité. Là encore, il ne s’agit pas de dire que l’actionnaire est mauvais auvais ou que ses directives le sont, mais que le dirigeant responsable doit faire preuve de courage et savoir exprimer son désaccord, et s’il le faut, convaincu que sa façon de faire est la meilleure pour la pérennité de l’entreprise, aller jusqu’à désobéir. L’actionnaire L’actionn a beauu avoir une importance capitale en tant qu’employeur direct du dirigeant, il n’en reste pas moins une partie prenante parmi de nombreuses autres. Mais si la relation avec les actionnaires cristallise le débat, elle n’est sans doute pas encore la plus importante pour fixer l’horizon de la responsabilité. La « mission » de l’entreprise est une mission à long terme Sur cette question de la « mission » de l’entreprise,, deux propositions proposition recueillent environ 30% des suffrages : l’entreprise comme vecteur de progrès de la société (amélioration du niveau de vie, innovation, bien-être, bien être, etc.) et l’entreprise comme organisation pérenne (qui continue à fournir de l’emploi, des produits ou services, servic etc.). Pourtant, la première est majoritaire uniquement chez les jeunes diplômés, alors qu’elle ne recueille que 10% des citations dans les deux autres catégories. Il faut ainsi à mon sens nuancer le constat chiffré en supposant que les jeunes diplômés rêvent encore du jardin d’Eden et osent espérer que l’entreprise est un lieu d’épanouissement, de transparence, de saine concurrence, qui ne vise qu’à améliorer le sort des gens que se trouvent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de cette dernière. L’avis L’avis des HEC avec 66 BOYER, A. (2002). L'impossible mpossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 103 une première expérience longue et des diplômés expérimentés qui ont choisi massivement la « pérennité » nous oblige à remettre en cause cette donnée. Quoiqu’il en soit, ces deux objectifs –il est nécessaire de le souligner- sont tournés vers le futur, et même un futur relativement lointain (« faire progresser la société »). Profit et satisfaction du client sont des objectifs temporellement temporellement plus ambivalents, qui peuvent être envisagés à court terme, voire même à très court terme, terme mais ils ne représentent finalement que 30% des citations. Le « dirigeant responsable » choisit d’ « investir durablement » La question n°11 nous apporte un élément de réponse concret, davantage tourné vers la pratique. Le dirigeant doit sans cesse se poser la question des conséquences à moyen et long terme de ses actions. N’y a-t-il a il pas toujours moyen de faire mieux ? Les tâches effectuées quotidiennement ne pourraient-elles pourraient elles pas être repensées, automatisées, automatis intégrées dans les process ? En entreprise, on fonctionne onne beaucoup à partir des analyses du passé, et peu –à part dans la finance- en fonction des gains futurs. Pourtant, l’enquête ête nous révèle qu’à 64% (chiffre valable quel que soit le nombre d’années d’expérience) un « dirigeant responsable » doit parier sur l’avenir, et prendre de fortes décisions d’investissement, même si le point point d’équilibre ne se situe qu’à cinq ou sept ans. Cette idée, idée, très cohérente avec la mission de l’entreprise évoquée plus haut, me paraît essentielle à une époque où les problèmes environnementaux, et particulièrement de réchauffement climatique, représentent une menace majeure pour la société.. Les bâtiments aux normes THQE (très haute qualité environnementale) et les systèmes énergétiques basse consommation existent, et les travaux des experts (entre autres du GIEC) montrent qu’ils seront rentables dès cet horizon de 5 à 7 ans. Rationnellement, économiquement, pour l’image de l’entreprise, pour la conscience des citoyens qui la composent, l’entreprise l’entreprise devrait pouvoir investir… Souvent, elle ne le fait pas, car les placements qui ne sont rentables qu’à cette cet échéance sont battus sur le marché par des placements qui rapportent plus, et immédiatement… Ainsi, le « dirigeant responsable » réfléchit it à la valeur de l’entreprise à plusieurs années, voire même après son propre départ, et ne se contente pas d’optimiser la situation financière pour le prochain « cut-off ». Le « dirigeant responsable » doit savoir prendre des « risques stratégiques » J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 104 La thèse de Jonas, selon laquelle il faut juguler la quête du progrès scientifique et technologique, et ne pas « prendre de risque infini dans l’espoir d’un gain seulement fini » n’a semble-t-il il trouvé que peu d’écho. Les es HEC ont choisi à 57% la « prise de risque maximum en vue de la définition d’une stratégie d’entreprise innovante ». On retrouve la notion de courage, de décision assumée, et de changement de stratégie pour pérenniser l’entreprise, même si un tel changement ent peut sembler risqué à court terme,, s’inscrivant en faux par rapport à la démarche des concurrents. Nous pouvons prendre un exemple de ce phénomène dans l’actualité avec les (rares) banques qui ont choisi d’arrêter plus plu tôt que les es autres le commerce des de titres dits « subprimes » ou « toxiques », se privant de rentabilités incroyables mais pensant agir pour le bien de l’entreprise à terme. Effectivement, ces sociétés société ont essuyé des pertes bien moins lourdes que leurs concurrents, mais aussi gagné la confiance conf du marché pour l’avenir. Intéressant à noter, les HEC expérimentés ont opté pour pou « une prise de risque limitée dans une perspective de profit », la notion de « minimisation » ou de « maîtrise » du risque étant relativement fréquemment évoquée. Ce n’est st à mon sens pas un hasard, et le témoignage majoritaire des anciens me pousse à réserver mon jugement quant à l’appréciation du risque du « dirigeant responsable ». Néanmoins, retenons à nouveau que le risque doit être pris s’il vise la pérennisation de l’entreprise et son intégration à long terme parmi ses parties prenantes. S’il vise autre chose, il doit nécessairement être limité. Le « dirigeant responsable » réfléchit à long terme, mais sait se montrer réactif La question n°14 posait directement la question du rapport au temps, et les le HEC ont choisi à plus de 75% la proposition suivante : « le dirigeant réfléchit à long terme en intégrant toutes les parties prenantes, mais sait se montrer réactif à court terme ». 20% envisagent même le possible sacrifice sacrifice des résultats immédiats pour investir et améliorer la situation à une plus longue échéance. échéance. Les propositions qui donnaient la priorité à l’immédiateté sur le long terme n’ont recueilli que deux voix en cumul. La tendance est la même quel que soit le niveau niveau d’expérience, on peut donc la considérer comme valable. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 105 Il est important d’insister sur sur la réflexion, la direction choisie par l’entreprise et les objectifs à long terme,, qu’on pourrait résumer à la nécessité pour le dirigeant d’avoir une « vue stratégique à long terme », qu’il rédige peu après sa prise de fonction dans son Business Plan,, mais que cet objectif, cet idéal, ne doit pas masquer l’importance d’atteindre les différents ifférents jalons du parcours. En effet, deux ans consécutifs de pertes qui mettent en danger le BFR de l’entreprise ne permettront sans doute pas au dirigeant de rester en place suffisamment longtemps pour réaliser son plan stratégique. Encore une fois, il faut éviter le manichéisme : la performance à court terme est indispensable, mais elle ne doit pas être le principe qui régit l’action. Le dirigeant doit simplement de pas y être insensible et rester pragmatique. 3.2.2.2 Le rapport aux autres La lecture de Freeman man ayant été tardive dans mon travail, cette question est volontairement circonscrite à l’étude des « parties prenantes traditionnelles » que constituent les actionnaires, clients, fournisseurs et salariés et qui furent les plus spontanément citées dans les l entretiens qualitatifs. Cela me semble également relativement juste pour appréhender les rapports à autrui utrui du dirigeant responsable, responsable, puisque ces quatre groupes sont en prise directe avec l’entreprise. Avec les salariés, le « dirigeant responsable » se montre juste et délègue La question n°4 offre à nouveau des résultats très homogènes pour les trois catégories d’HEC. Pour eux, le dirigeant doit à 39% se montrer juste et exemplaire. Ne pas sanctionner une pratique, c’est la tolérer implicitement67. Le dirigeant ne peut afficher certaines valeurs et se comporter à l’opposé de celles-ci. celles ci. Il est aujourd’hui surexposé à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise et se doit donc d’être irréprochable. L’exemplarité a également beaucoup été évoquée en lien lien avec la question des salaires et des bonus.. Il est également pour les HEC le garant de la justice au sein de l’entreprise : pas de traitement de faveurs ou de passe-droits. passe droits. L’apparition en premier de cette proposition n’a rien de surprenant quand on évoque évoque le dirigeant responsable : se montrer injuste et ne pas avoir une attitude exemplaire (encore que, et c’est 67 HIRECHE, L. (2004). L'influence de l'éthique des managers sur les comportements au travail et la performance organisationnelle: organisationnell esquisse d'un modèle conceptuel. Paris, Université Paris-Dauphine: Paris 20p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 106 également souligné, le dirigeant est aussi un homme, et a le droit de se tromper) entraîne une perte de légitimité conséquente. La responsabilisation ation des salariés via la délégation juste arrive peu après avec 27%. Elle est encore un peu plus citée chez les HEC expérimentés, et arrive même en tête (37%) chez les HEC qui ont déjà exercé une responsabilité de chef d’entreprise. Suivent avec 12 et 10% « le dirigeant qui insuffle la culture d’entreprise et ses valeurs » et « le dirigeant qui traite les situations particulières de façon individuelle », accordant ainsi la place la plus importante possible à l’ « homme ». A noter que la « transparence » n’est est citée que par les jeunes diplômés (10%) : idéalisme ou souhait qui ne résisterait pas à l’expérience ? Toujours est-il est que cette proposition correspond bien à un idéal de relation à l’autre fondé sur la confiance et l’absence de mensonge ou d’instrumentalisation. d’instrumen Le « dirigeant responsable » crée de la valeur ajoutée pour le client Pour 57% des HEC expérimentés et 53% des HEC avec une expérience professionnelle, la création de valeur ajoutée pour le client correspond à la politique commerciale la plus responsable. r Cette proposition va dans le sens d’une relation commerciale centrée sur les besoins et attentes du client. Il s’agit d’être « honnête » bien au-delà delà de la loi, mais surtout d’avoir réellement les intérêts du client à cœur. Cette question revêt une importance cruciale aujourd’hui, et pose réellement la question de l’éthique. Une entreprise peut-elle peut elle encore se permettre de prospérer « au détriment » de ses clients ? Les jeunes HEC placent également la création de valeur ajoutée pour le client en première position, mais accordent également une grande importance à l’adoption d’un comportement irréprochable visant à minimiser le risque réputationnel, conscients des enjeux forts liés avec le développement rapide du Web 2.0 et des communautés virtuelles. virtuelle L’offre d’un rapport « juste » entre qualité et prix recueille 20% des suffrages chez les HEC expérimentés, soulignant qu’une politique tarifaire mal conçue ne peut fonctionner à terme. La perfection du produit souligne peut-être être encore une fois les aspirations aspirations des jeunes diplômés à un monde qui abandonnerait la poursuite du seul profit. A quelques rares exceptions près, les HEC considèrent donc que le « dirigeant responsable » doit se préoccuper de son client bien au-delà au delà de l’aspect légallégal J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 107 contractuel (un « contrat moral » est parfois évoqué).. Comme le souligne un jeune diplômé, « the customer is the king », et l’entreprise vit avant tout grâce à lui. Avec l’actionnaire, le « dirigeant responsable » voit à long terme Enfin, nous avons vu que le dirigeant responsable doit vis-à-vis vis de l’actionnaire maximiser la valeur de l’entreprise sur le long terme,, offrant ainsi le meilleur retour possible aux actionnaires « investisseurs » qui lui ont fait confiance, et que cette responsabilité doit pouvoir impliquer de désobéir à l’actionnaire quand son intérêt et celui de l’entreprise ne sont pas convergents. En cas de conflit d’intérêt, le « dirigeant responsable » tranche en faveur… du client Au cours des entretiens qualitatifs, la question de la hiérarchisation des quatre parties prenantes traditionnelles n’a souvent pas paru évidente aux HEC, pour qui la taille de l’entreprise, le secteur et la conjoncture peuvent faire varier les réponses du tout au tout. Pourtant, sans aucune de ces précisions, et quel que soit le mode de classement utilisé,, une tendance claire semble se dégager : la préférence du dirigeant responsable doit aller au client (35%), devant le salarié (30%), l’actionnaire (22%) et le fournisseur (13%). Cette hiérarchie claire tranche avec les difficultés difficultés d’en obtenir une au cours cour des entretiens, et qui avait de plus tendance à favoriser l’actionnaire. Ce classement témoigne selon moi de la préoccupation qui doit être celle du dirigeant dirigeant responsable de traiter l’humain avant le profit : clients et salariés doivent ainsi passer avant le résultat net. Dans combien d’entreprises cela est-il est il réellement le cas aujourd’hui ? Rappelons que nous travaillons sur la représentation du « dirigeant ant responsable » et non sur des cas réels d’entreprise. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 108 Autrui comme moyen ou comme fin en entreprise pour le « dirigeant responsable » ? Auu vu des réponses évoquées dans les points précédents, il ne fait que peu de doute que les HEC voient dans le « dirigeant responsable » un humaniste, qui accorde la part belle à l’intérêt de son client, à l’épanouissement de ses salariés, à la construction d’une relation durable avec ses fournisseurs et au meilleur retour sur investissement à terme pour ses actionnaires. naires. Reste pourtant à essayer de résoudre la question cruciale du « statut » de ces parties prenantes évoqué chez Kant. Nous l’avons vu, être responsable, c’est bien les traiter et se soucier de leurs intérêts. Mais dans quel but ? La fin poursuivie est-elle est également humaniste, selon laquelle le dirigeant responsable devrait traiter autrui non pas comme un moyen, mais comme une fin à part entière ? Ou bien un tel traitement n’est-il n’est qu’un impératif hypothétique soumis à l’impératif catégorique du profit 68? La question n°3 traitait directement cette problématique et visait à faire le tri entre impératif catégorique (moral), impératif hypothétique (éthique) et utilisation d’autrui comme simple « moyen ». Et cette fois, aucune tendance nette n’apparaît, chaque cha réponse recueillant autour de 30% des suffrages. Les jeunes diplômés ont opté pour l’impératif hypothétique, hypothétique, la société actuelle accordant de l’importance à ces problématiques. Il n’est pas vital ou absolument nécessaire de bien traiter les autres, maiss c’est tout de même presque une obligation, un « pré-requis » en quelque sorte. 29% tout de même y voient un impératif catégorique, fin première du dirigeant, alors que 28% y voient tout simplement le meilleur chemin à prendre, sans qu’il n’y ait là aucunee obligation, pour atteindre de meilleurs résultats. Les HEC expérimentés y voient quant à eux à près de 50% un impératif catégorique, impératif hypothétique et « utilisation » recueillant un quart des choix. Cette proposition est abandonnée des HEC avec une une première expérience, qui préfèrent l’impératif hypothétique ou l’utilisation. Ces données ne permettent aucune conclusion, si ce n’est que bien traiter autrui s’avère absolument indispensable, quelle que soit la fin poursuivie ! Si cette question est fondamentale fondamentale d’un point de vue moral, elle l’est peut-être être un peu moins dans la pratique. 68 KANT, E. (1785). Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, Delagrave. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 109 Retenons que dans 2/3 des cas, les HEC voient un « impératif » kantien dans le traitement « humain » d’autrui, et ne considèrent que dans un tiers des cas autrui comme un moyen pour améliorer le profit de l’entreprise ou rendre celle-ci celle pérenne. Précision intéressante, parmi les non dirigeants, les trois propositions obtiennent chacun environ 30%, avec un léger retard pour l’impératif catégorique, alors que parmi les dirigeants, rigeants, 57% 57 voient un impératif catégorique et 32% un impératif hypothétique à bien traiter autrui. L’expérience semble cette fois-ci fois avoir une vraie valeur explicative, et donner une plus grande importance au rapport à autrui. 3.2.2.3 Le rapport entre éthique et profit La question d’autrui à envisager comme moyen ou comme fin est aussi rattachable à l’hypothèse n°3. Nous avons vu que « l’action par devoir » différait grandement de « l’action conforme au devoir » du point de vue moral, mais que dans la pratique, pratique, éthique et profit se rejoignaient souvent. L’éthique en entreprise peut parfaitement s’intégrer à la recherche du profit Seuls 2% des HEC pensent que l’éthique est un choix trop coûteux qui risque de déséquilibrer l’entreprise dans un fort contexte concurrentiel. concurrentiel. Cette réponse est du reste à rapprocher du souhait « d’investissement durable » de la question n°11. De même, seuls 4% des HEC pensent que l’éthique et toutes les réflexions qui y sont liées présentent le risque de paralyser l’action. La tendancee dominante semble donc signifier que l’éthique n’est que très rarement perçue comme un obstacle au profit. Le dirigeant qui adopte un comportement éthique fait un choix économique… économique Cependant, les HEC ne font pas du comportement éthique un impératif catégorique. catégo Au vu des réponses à la question n°7, ils semblent davantage le considérer comme un principe important, mais subordonné à la recherche de profit. Ainsi, 50% des HEC expérimentés et 35% des HEC au global considèrent que l’optimisation des ressources (gaspillage, logistique, autres…) poussent à adopter un comportement éthique, et notamment « vert ». Ainsi, ce ne sont pas les craintes environnementales qui doivent J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 110 pousser à limiter les déplacements en avion, à juguler juguler la multiplication des véhicules véhicule de fonction et des fournitures, à employer le moins de ressources possibles dans la production, à réduire le temps de fonctionnement des machines, à ne pas transporter à vide, etc.,, mais bien la recherche de leur intérêt économique. On retrouve ici à nouveau veau Adam Smith et la recherche du profit individuel qui finit par bénéficier à tous69. Nombreux (20% au total, et 32% des diplômés avec une première expérience) sont du reste les HEC qui considèrent qu’adopter un tel comportement a une valeur pour les parties ies prenantes à l’entreprise, et particulièrement une valeur marchande pour le client, et qu’il est donc possible d’en tirer profit. C’est donc bien encore une fois un moyen d’améliorer les performances de l’entreprise, qui qui restent la finalité absolue. Quant nt à considérer l’éthique comme « l’impératif catégorique de l’entreprise », qui fait écho à la mission de « progrès de la société », c’est essentiellement le fait des jeunes diplômés. Les es diverses interventions de Mohamad Yunus à HEC les ont-ils ont davantage marqués que leurs aînés ? En tout cas, ils parlent du « Business du bien », c'est-à-dire un business durable et respectueux de l’ensemble des parties prenantes, prenantes comme du meilleur modèle pour tous, tous, même s’ils reconnaissent qu’il n’est peut-être peut pas applicable à toutes les entreprises. A noter enfin qu’avoir été dirigeant ou non n’a aucune influence sur la réponse à cette question. … Mais il ne peut pas le « vendre » pour autant Une fois acquis que, quelle que soit la fin poursuivie, le dirigeant responsable se doit d’adopter un comportement éthique, reste à savoir quelle posture il convient d’adopter quant à la communication de cette politique. Les avis sont à nouveau extrêmement divisés, divisé avec pour schématiser 50% des HEC qui considèrent que « vendre » l’éthique tant que le discours est en adéquation avec la réalité ne présente rien d’anormal, tandis que l’autre moitié juge cela répréhensible, détournant l’éthique de son but original, voire carrément carrément irresponsable. On peut être surpris, au vu de la posture parfois plus « idéaliste » adoptée par les jeunes diplômés, de constater que la majorité d’entre eux suggère que « la fin importe 69 SMITH, A (1776) Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, trad. du Comte Germain Garnier. Garnier Flammarion, 1991, 2 vol., 537 et 639p J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 111 peu tant que les moyens sont éthiques », les HEC expérimentés considérant quant à eux aux deux tiers que l’éthique « marketée » est détournée de son objectif principal. Il me semble que nous retrouvons la dichotomie du paragraphe précédent : entre impératif catégorique et hypothétique, les HEC ne parviennent pas à trouver tr de posture claire. Ils semblent tous d’accord pour soutenir l’adoption d’un comportement éthique par le dirigeant responsable, mais ne savent guère si celui-ci celui ci doit être un principe auau dessus de tous les autres ou une simple stratégie visant à améliorer améliorer la performance. On ne peut donc fournir de tendance dominante sur ce point, en notant toutefois que 63% des dirigeants sont plutôt contre l’utilisation marketing de l’éthique. 3.2.2.4 Le rapport à l’environnement (au sens large) Le dirigeant responsable a une responsabilité qui va au-delà au delà de l’entreprise en elleelle même… Les entretiens qualitatifs avaient permis de distinguer quatre « degrés » de responsabilité pour le dirigeant. L’enquête en ligne permet désormais de les hiérarchiser un peu mieux. Il ne fait d’abord à nouveau aucun doute que pour les HEC, la responsabilité du dirigeant va bien au-delà au delà de la loi, la limitation de cette responsabilité nsabilité au seul domaine légal n’ayant obtenu qu’une seule voix. Ensuite, l’importance première de la responsabilité r du dirigeant vis-à-vis vis de lui-même lui (refus de sacrifier ses valeurs et convictions personnelles) n’a pas eu beaucoup plus de succès, ne rencontrant un écho intéressant (19%) que chez les jeunes diplômés. Ce sont ensuite un quart des jeunes diplômés diplômés et des HEC avec une première expérience qui limitent la responsabilité du dirigeant au « modèle traditionnel » de Freeman, i.e. aux actionnaires, clients/fournisseurs et salariés, qualifié de « triangle vertueux » (Emmanuel d’André), alors que les HEC HEC expérimentés, moins contemporains de la théorie des parties prenantes70, soutiennent ce choix à 50%. Finalement,, même si c’est surtout le choix des « jeunes » diplômés, les HEC considèrent majoritairement que la responsabilité du dirigeant ne se limite pas pa à la 70 FREEMAN, R.E. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Edition. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 112 seule sphère économique, mais qu’il doit également de préoccuper de questions sociétales et environnementales. environnementales … mais cette responsabilité élargie à l’ensemble des parties prenantes ne doit pas faire oublier pour autant sa mission au dirigeant L’exposition ’exposition croissante du dirigeant l’amène de plus en plus à sortir de sa sphère « historique », à savoir le domaine économique, pour s’intéresser de plus près aux enjeux politiques et sociaux. Si ce phénomène semble légitime et « responsable » aux HEC, puisque uisque seuls 2% des répondants considèrent que ces préoccupations doivent rester étrangères à l’entreprise, il convient toutefois de nuancer l’importance qu’il qu’il convient de leur conférer. Plus de 20% des tout jeunes diplômés et HEC expérimentés y voient une un importance capitale, les synergies avec des parties prenantes aussi diversifiées que les gouvernements,, lobby de consommateurs ou environnementaux env ou les medias pouvant s’avérer absolument décisives pour la stratégie de l’entreprise. Les défenseurs de cette ce position considèrent entre autres qu’un dirigeant doit passer près de 90% de son temps à l’extérieur de l’entreprise71. Sans aller jusque-là, là, un tiers des répondants à l’enquête, et ce quel que soit leur niveau d’expérience, pense que la responsabilité du dirigeant vis-à-vis vis de ces parties prenantes « non traditionnelles » est grande, conscients de l’influence qu’elles peuvent avoir sur les performances de l’entreprise, l’œuvre de Freeman regorgeant d’exemples pour illustrer ce phénomène. Mais la proposition qui obtient le plus de voix (41%) et à nouveau dans toutes les catégories, est plus modérée, puisque l’importance accordée à l’intégration des parties prenantes externes à l’entreprise n’y est que « raisonnable ». Ainsi, le dirigeant ne doit pass ignorer ce qui se passe à l’extérieur, mais se rappeler que l’essentiel de sa mission consiste à « orchestrer » l’action des actionnaires, clients et salariés. Sans surprise, les HEC qui avaient donné la priorité à ces parties prenantes traditionnelles évoquent voquent à 59% la responsabilité élargie comme « raisonnablement 71 FREEMAN, R.E. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Edition. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 113 importante » et à 32% comme « ayant une grande importance », mais à seulement 8% une « importance capitale ». Dans la pratique, le dirigeant responsable intègre toutes les parties prenantes dans da sa stratégie La question 11 permet pourtant de constater, avec exactement les même chiffres pour les trois catégories d’HEC, que dans la pratique, 33% des sondés estiment que le dirigeant responsable doit se contenter de « limiter les externalités négatives négat » sur ces parties prenantes externes, à savoir les prendre en compte dans la stratégie, se poser la question des intérêts de chacun et en tirer des conséquences dans la politique de l’entreprise, mais sans en faire un objectif absolu. Cette position plus modérée semble s’inscrire dans la lignée de la question n°10, et pourtant, 2/3 des HEC envisagent dans la pratique l’intégration des intérêts de toutes les parties prenantes, et notamment celles qui coûtent « cher » : les lobbies environnementaux et groupes groupes de consommateurs. Le dirigeant doit donc avoir une politique « offensive »72 et intégrer les intérêts de ces groupes au cœur de sa stratégie. Les HEC semblent en tout cas formels, l’entreprise est bel et bien un lieu où l’on peut se soucier de ces questions, seuls 2% soutenant que le dirigeant doit assouvir ses aspirations personnelles dans le secteur associatif. N’oublions pas toutefois que cette démarche collective et responsable responsable ne doit pas se contenter d’être affichée, mais suivie d’effets réels, contrairement à quoi les HEC ne lui accordent plus aucun crédit. Le dirigeant doit réellement agir à son échelle et participer au débat sans se retrancher derrière le législateur… La question n°12 nous confirme que la responsabilité du dirigeant ne se limite ni à la loi, ni à son bilan et à son compte de résultat (3% des suffrages). En revanche, les HEC n’estiment pas non plus qu’attendre l’action du législateur pour agir est irresponsable, responsable, soutenant que les enjeux pour le dirigeant sont multiples et le temps seulement limité, et qu’il est après tout de la responsabilité directe du législateur de fournir le « cadre d’action » du dirigeant et de l’entreprise. 72 FREEMAN, R.E. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Edition. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 114 D’ailleurs, 28% des HEC HEC considèrent que le dirigeant a avant tout le devoir de réfléchir à ces questions systémiques, qui ont souvent des implications extrêmement complexes, souvent issues de l’histoire (inégalités nord nord-sud, croissance démographique), son action individuelle ou ou même à l’échelle de son entreprise ne pouvant à elle seule faire évoluer la situation. C’est ainsi que la posture majoritairement (68%, dont 79% pour les HEC expérimentés) retenue consiste pour le dirigeant responsable à agir à l’échelle de son entreprise, entrepris sans attendre que la loi l’y contraigne, mais surtout participer à la gouvernance du débat sur ces questions environnementales, sociales et de système économique, en laisser le monopole au législateur étant la meilleure solution pour aboutir à une absence absen de solution satisfaisante pour tous. … et assumer pleinement son rôle politique et social. Ce n’est donc finalement pas un hasard si les HEC ont conféré au dirigeant une mission « sociale », consistant à faire progresser la société (cf. question n°1). Les entreprises constituent le principal vecteur d’échange d’échange dans notre société et ont repris le monopôle de la R&D aux Etats, Etats, devenant ainsi quasi dépositaires du progrès, qui fait d’après Hans Jonas courir tant de risque à notre société73. Le pouvoir des dirigeants et de leurs entreprises ayant des conséquences aussi vastes, il est inenvisageable de circoncire la responsabilité responsabilité à la seule loi, ou à la seule sphère économique. 73 JONAS, H. (1979). Le Principe responsabilité. Flammarion. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 115 3.3 Bilan de l’enquête 3.3.1 Synthèse des entretiens et du questionnaire en ligne Avec quinze entretiens individuels et 165 réponses obtenues lors de l’enquête en ligne, nous pouvons esquisser un panorama des résultats de l’ensemble de l’enquête terrain. Il est toutefois d’ores et déjà possible de noter que l’enquête, quoique perfectible, a permis d’apporter énormément de précision et de « matière » à nos hypothèses. Hypothèse n°1 : Concernant le rapport au temps,, l’enquête voit la réflexion à long terme nettement privilégiée, avec toutefois la nécessité pour le dirigeant de se montrer pragmatique et de savoir réagir à court terme (étape rappelons-le indispensable pour tout dirigeant qui souhaite inscrire son action dans la durée). durée Cette « vision stratégique » peut, voire doit, faire l’objet d’une prise de risque quand elle est courageuse et innovante. Dans les autres domaines en revanche, avec une insistance de la part des HEC expérimentés, le « dirigeant responsable » doit absolument maîtriser (i.e. minimiser) le risque. Le « dirigeant responsable » doit également investir « durablement », et ce dès aujourd’hui, en dépit de points d’équilibre d’ financier un peu éloignés (cinq à sept ans). Cependant, les HEC plus expérimentés insistent sur ce choix du long terme comme un idéal à garder à l’esprit, l’esprit mais qui résiste plus difficilement aux aléas et aux contingences de la vie de l’entreprise. Dans cette vie de l’entreprise, les actionnaires figurent en bonne place ; ils comprennent deux groupes principaux aux au comportements très différents différ : les investisseurs et les spéculateurs. spéculateurs. Alors que les entretiens ont révélé le devoir du dirigeant responsable d’offrir une rentabilité à ses actionnaires, l’enquête a mis en exergue la gestion saine et la croissance stable qui permettront à l’entreprise l’entrep d’être performante dans la durée. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 116 La mission de l’entreprise n’apparaît du reste jamais très clairement : sa pérennisation est citée dans chaque cas en deuxième position, derrière la réalisation de profit dans les entretiens et derrière le progrès de la société (souhait particulièrement fort chez les jeunes diplômés) dans le l questionnaire en ligne. Néanmoins, cette c « mission », principe d’action action de l’entreprise, semble à chaque fois devoir s’inscrire dans la durée. Hypothèse n°2 : La vision kantienne du rapport aux autres semble elle aussi partager les avis des HEC. Un dirigeant responsable se doit avant tout d’être exemplaire et juste avec ses salariés, de les responsabiliser au sein de l’entreprise via la « juste délégation délégatio », en tendant si possible vers un idéal de transparence, fortement évoqué par les jeunes diplômés. Avec les fournisseurs, il s’agit de bâtir une relation durable et sécurisante, et de les intégrer dans la chaîne de valeur de l’entreprise. Pour les clients, la situation est plus complexe : si l’enquête en ligne fait vraiment ressortir la création de valeur ajoutée pour le client, les entretiens avaient mis en avant l’association du client à la démarche de l’entreprise. Les HEC expérimentés se s distinguent en suggérant que le dirigeant ne doit pas « trop en faire » pour le client, alors que les jeunes diplômés évoquent davantage l’exemplarité du comportement pour minimiser le risque réputationnel. De façon surprenante, la hiérarchie dégagée lors lors de chacune des phases de l’enquête semblait assez nette et solide, pourtant elles différent beaucoup entre en elles, si l’on excepte la quatrième place accordée aux fournisseurs. Au cours des entretiens, les salariés passaient avant actionnaires et clients, alors que le questionnaire en ligne a vu les HEC considérer que les clients devaient être la priorité du dirigeant responsable. Quoi qu’il en soit, on ressent avec cette enquête la forte « composante » humaniste du « dirigeant responsable ». En revanche, bien traiter autrui ne semble ne devoir être ni une fin en soi, ni un moyen pour en maximiser la performance. Certains ont évoqué une sorte de « happy medium » qui viserait à envisager ses relations avec autrui comme des fins, tout en étant conscient de devoir de l’ « utiliser » pour servir les fins de l’entreprise, et que la meilleure façon de les servir ses fins est encore de bien traiter J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 117 autrui. C’est bien ce que Kant nomme un « impératif hypothétique ». Le « dirigeant responsable » doit au moins être conscient conscient que son comportement pourra toujours être vu comme une « manipulation » d’autrui, même si ce n’était pas son intention première. Tous ous les HEC s’accordent pour dire que le traitement d’autrui « le plus humain possible » aura comme conséquence directe ou collatérale une amélioration de la performance. Supposant cela, est-il est il toujours aussi important de savoir pour quelle fin le dirigeant doit entretenir des rapports humains avec les groupes et individus qui l’entourent ? Moralement oui, dans la pratique, cela reste à démontrer. Hypothèse n°3 : Les es deux parties de l’enquête ont mis en évidence que loin de nuire à la performance d’une entreprise (sauf peut-être peut quelques rares exceptions), l’adoption d’un comportement éthique par le dirigeant et son son extension à l’entreprise avaient plutôt un effet positif sur les résultats. Du reste, pour les HEC, un tel comportement ne doit pas être philanthropique mais bien guidé par laa poursuite de l’intérêt économique (amélioration de l’image de l’entreprise et optimisation des ressources entre autres), autres), sauf pour les jeunes diplômés qui voient dans l’adoption d’un comportement éthique en entreprise un « impératif catégorique » non soumis au profit. Ce comportement « responsable », s’il fait la part belle à l’éthique ique personnelle du dirigeant, mettant ainsi fin à la schizophrénie (entre vie personnelle et professionnelle) de la période précédente, doit être adopté. Cependant, si les HEC pensent du dirigeant responsable qu’il lui appartient de définir une « ligne de valeurs », éthique et morale ne prennent pas réellement le pas sur pragmatisme et réalisme (à tel point que qu ces deux propositions obtiennent exactement le même score à la question n°15 de l’enquête74 sur les qualités du « dirigeant responsable »). Les HEC expérimentés soulignent ce phénomène en mettant l’accent malgré tout sur la performance et les résultats du dirigeant. La question de la « vente » de l’éthique par les entreprises fait elle aussi débat : s’il ne fait aucun doute que les écarts trop importants importants entre discours affiché et réalité du 74 Voir annexe p260 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 118 terrain sont fustigés, la moitié de l’échantillon considère que cette « auto-promotion » est en soi contraire à l’éthique poursuivie (et c’est notamment la position des dirigeants ou anciens dirigeants HEC), HEC) alors que ue les jeunes diplômés n’y voient pas de problème majeur tant que le comportement de l’entreprise est en ligne avec ses valeurs… Hypothèse n°4 : Les entretiens ont permis de distinguer quatre niveaux niveau de responsabilité pour le dirigeant : vis-à-vis vis de lui-même lui même (l’individu dirigeant), de la loi, des parties prenantes traditionnelles à l’entreprise (actionnaires, clients, fournisseurs, salariés) et enfin de toutes les parties prenantes. Si les entretiens ont permis de situer le « dirigeant responsable » quelque part entre les deux dernières citées, l’enquête en ligne a illustré une tendance forte : le « dirigeant responsable » doit faire face à une responsabilité élargie bien au-delà delà de la sphère économique, économique, allant jusqu’aux questions sociales, politiques et environnementales. environnementales. A noter toutefois que l’importance de cette responsabilité élargie n’est pas capitale ; elle se situe quelque part entre « raisonnablement importante et très importante ». Avec un nouveau uveau témoignage allant dans le sens du pragmatisme, les HEC expérimentés mettent toutefois l’accent sur la primauté des parties prenantes « traditionnelles », plus directement centrées sur la fonction économique de l’entreprise. Ce rôle politique et social du dirigeant n’est pas toujours perçu de la même façon : si les entretiens ont révélé que c’est au législateur qu’il convient de fixer un cadre légal d’action et surtout pas au dirigeant d’entreprise d’innover sur ces sujets, le questionnaire en ligne ne fait au contraire apparaître que le dirigeant d’entreprise doit agir à son échelle, participer aux débats d’idées et ne pas se retrancher derrière le législateur. Toutefois, le dirigeant ne doit pas être laissé seul face à ces questions de société, d’environnement, d’inégalités, qui ne peuvent trouver de réponses réponse (s’il en existe !) que collectives. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 119 Le dirigeant doit néanmoins prendre en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes théorisées par Freeman et les intégrer dans la stratégie stratégie d’entreprise, d’ et surtout se questionner sur ces problèmes et sur l’horizon de sa propre responsabilité. Mais si l’on accepte lee caractère « greedy » de la nature humaine,, un dirigeant, aussi responsable soit-il, il, ne pourra probablement rien y faire. Il est en revanche possible que le système capitaliste apparu il y a un siècle et demi ne soit plus adapté à la résolution des grands problèmes contemporains, contemporains, qui ont une forte composante morale. Pour P les HEC, le dirigeant d’entreprise responsable doit très certainement certainement être associé à la gouvernance du débat sur ces questions. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 120 3.3.2 L’apport majeur de l’enquête Pourtant, si nous devions ne retenir de cette enquête que le plus significatif, il est probable qu’il ne se trouve pas dans le test de nos hypothèses de départ. C’est plus certainement dans la gêne g ou la surprise manifestées devant certaines questions que nous pouvons déceler la tendance suivante : Les HEC semblent ne jamais remettre en cause l’existence de l’entreprise entreprise ni du profit nécessaire à sa pérennisation. De fait, on peut supposer qu’ils n’acceptent pas, pas même s’ils n’en font pas état directement, d’autre impératif catégorique que celui de « l’existence de l’entreprise ». En postulant que l’entreprise doit exister, l’on rend indispensable la recherche du profit, pr puisque sans profit, l’entreprise ne peut réinvestir et se trouve donc incapable de maintenir son activité. Dès lors, postuler l’existence de l’entreprise, c’est presque automatiquement l’ériger en véritable impératif catégorique, et établir la recherche recherche du profit comme principe fondateur de notre action. Cela explique peut-être être les reproches adressés par les HEC à mon questionnaire, jugé parfois « manichéen », « bien-pensant pensant » ou « moralisateur ». Consciemment ou inconsciemment, les HEC (et moi y compris) pris) font de l’entreprise leur leu impératif catégorique. Ils réfutent pourtant, et l’enquête l’a montré, la primauté de la recherche du profit. Mais l’entreprise n’est, elle, jamais remise en cause, contrairement au système capitaliste auquel les HEC attribuent attribu des défauts et imperfections. Néanmoins, postuler l’entreprise et sa pérennité, c’est mécaniquement rendre la recherche de profit indispensable. Cela explique peut-être être pourquoi les HEC ont une attitude ambigüe visvis-à-vis de la morale, souvent rejetée car « non adaptée à l’entreprise ». Ils lui préfèrent l’éthique, beaucoup moins contraignante. Autrement dit, les HEC ne veulent pas d’ « impératif catégorique tégorique » moral qui les contraignent et se trouve inconciliable avec l’impératif « sous-jacent jacent » de pérennité de l’entreprise que nous avons identifié. Cette position d’inconfort, même peut-être peut inconsciente, cherche dans l’éthique un palliatif au « vide moral » du capitalisme. La délicatesse de cette position s’est exprimée plus particulièrement chez les jeunes diplômés dipl : ils ont adopté par moments une position que nous qualifierons d’ « idéaliste » (par rapport au J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 121 postulat que les jeunes diplômés souhaitent souhaitent avant tout trouver un emploi et gagner leur vie) par rapport à leurs aînés, voyant par exemple dans l’adoption d’un comportement « éthique » par le dirigeant un véritable « impératif catégorique ». Ce sont pourtant ces mêmes jeunes diplômés qui ont soutenu outenu que la « vente » de l’éthique n’était pas irresponsable, redonnant ainsi la priorité à la recherche du profit, soutenant même que ce sont des arguments économiques et non philanthropiques qui doivent pousser le dirigeant à adopter un comportement éthique. hique. A nouveau « éthique », et pas « moral », serions ions-nous tentés de constater… il en déduire que les HEC sont dérangés par ces questions car elles remettent en cause Faut-il leur propre comportement, que nous pourrions qualifier d’ « éthique, mais immoral » ? Ou que la « morale » les a gênés dans cette enquête, parce qu’ils estiment simplement qu’elle n’intervient pas dans le champ de la responsabilité du dirigeant d’entreprise ? Je ne sais répondre. En tout cas, il est apparu de façon nette dans cette enquête que, que « nous HEC » (et je fais le choix volontaire de m’inclure dans ce groupe,, alors que ma position de chercheur exige la neutralité), postulons l’existence et le maintien de l’entreprise, et ne les remettons jamais en cause, alors que nous reconnaissons reconnaissons des défauts au système capitaliste et refusons la primauté de la recherche du profit sur, par exemple, le traitement « humain » d’autrui ou la création de valeur pour le client. client La relation à la morale est difficile. Ce n’est ainsi guère une surprise se que les HEC aient très majoritairement souscrit à l’hypothèse n°4, soutenue par la thèse de Freeman, sur l’importance d’intégrer les parties prenantes, prenantes, peu ou pas engageante moralement. moralement Il est alors tout aussi peu surprenant de constater des hésitations ou des gênes sur la question de l’horizon de la responsabilité, qui s’appuyait sur Jonas. Les HEC ont dit : « il faut avoir une vision à long terme, certes, mais rester pragmatique ». Cela illustre la difficulté à soutenir la position morale « le dirigeantt est responsable de toutes les conséquences (quelles qu’elles soient) de son action à long terme », et de la transférer subtilement sur le terrain de l’éthique : « la position morale est juste, mais peut-être peut être pas très pragmatique, or un dirigeant d’entreprise d’entrep doit être pragmatique, donc nous devons nuancer ». Pourquoi un dirigeant d’entreprise DOIT-il DOIT être pragmatique ? Pour que l’entreprise fasse du profit, et maintienne ainsi son activité. Il en va de même pour l’hypothèse n°2 portant sur le rapport aux autres : La priorité accordée aux clients et aux salariés devant les actionnaires permet d’éviter une position gênante J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 122 moralement (« tout pour le profit »), mais sert au final quand même la pérennité de l’entreprise… Il n’y a certes guère de différence dans la langue française entre éthique et morale, qui sont employées aujourd’hui de façon quasiment interchangeable. Cette enquête vient pourtant de montrer à quel point la morale dérange en entreprise, alors que l’éthique l’éthiq y est presque unanimement encouragée. C’est peut-être être ici que réside l’apport l’ majeur de cette enquête, et non dans les enseignements que nous avons tirés de chacune de nos hypothèses. La question posée se trouve alors la suivante : « le capitalisme est-il moral ? L’entreprise doitelle être morale ? ». Sponville nous livre plusieurs pistes de réflexion en distinguant A cet égard, André Compte-Sponville quatre « ordres »,, mutuellement indépendants. indépendants Le premier, « techno-scientifico scientifico-économique », permet de distinguer le possible et l’impossible ; le deuxième, « juridico-politique politique », distingue le légal de l’illégal. Mais pour se prémunir contre le risque du « salaud légaliste », il convient d’ajouter un « ordre moral »,, qui distingue le légitime de l’illégitime. Enfin, pour éviter le risque moralisateur, Compte-Sponville Sponville rajoute « l’ordre éthique »,, qu’il assimile à un ordre de l’amour. Si ces ordres vont parfois dans le même sens, c’est lorsqu’il faut faire des choix (nécessairement individuels, car il n’existe aucune règle prédéfinie) qu’intervient réellement la responsabilité. Une entreprise n’a ni morale, ni devoir, devoir ni sentiment : elle se situe intégralement dans le premier ordre (économique et technique). technique) En s’appuyant yant sur Pascal, Compte-Sponville Compte explique que la soumission d’un ordre à un autre est nécessairement « tyrannie » : « barbarie » 75 dans un cas (par exemple exemple la soumission de la morale à la politique), « angélisme » dans l’autre (la soumission de l’entreprise l’entreprise à la morale par exemple). Il ne faut ainsi pas confondre respect du client (ordre économique) et respect du prochain (ordre moral) ou générosité (désintéressée, donc appartenant à l’ordre moral) et solidarité (intéressée, donc dans l’ordre économique). Le capitalisme et l’entreprise, efficaces pour créer de la richesse, ne sont donc pas plus moraux qu’immoraux : ils sont amoraux. 75 COMPTE-SPONVILLE, A. (2009) « Le capitalisme est-il est moral ? », Edition Albin Michel, Paris. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 123 Mais s’ils n’ont pas besoin de sens ce n’est pas le cas des individus. individus Si l’entreprise est amorale, il appartient bien aux individus individus de l’être. C’est ici que l’ont aperçoit la difficulté pour chacun d’ « arbitrer » entre morale individuelle et « amoralité » collective. Compte-Sponville Sponville distingue pour illustrer ces difficultés la différence entre « primats collectifs » et « primautés mautés individuelles »76. Les primats collectifs vont toujours des ordres les plus bas vers les ordres les plus hauts (le technique, scientifique et économique constitue le plus important, puis viennent le juridico-politique, politique, avant la morale et enfin l’éthique –ou « amour », de loin le moins importante pour le collectif). C’est ce qu’il appelle la « pesanteur des groupes », toujours tirés vers « les ordres du bas ». La hiérarchie des primats individuels est exactement inverse : éthique et morale priment sur politique et technique. L’on comprend dès lors la difficulté à choisir (qui peut même devenir schizophrénie) pour les individus – et particulièrement les dirigeants d’entreprise d’ –, qui agissent à la fois is dans la sphère individuelle et dans la sphère collective. L’individu est moral, alors que l’entreprise est par essence amorale. Est-il il possible d’en tirer des enseignements pratiques quant au comportement à adopter? Il semble en tout cas que cette étude nous conduise à réfléchir de manière plus approfondie sur les relations entre fins individuelles et fins collectives… 76 COMPTE-SPONVILLE, A. (2009) « Le capitalisme est-il est moral ? », Edition Albin Michel, Paris. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 124 IV. Retour sur la démarche 4.1 Retour sur la question de recherche Après toutes mes lectures et l’enquête réalisée, j’ai pris conscience de l’importance l de la question de recherche, et notamment de la précision de ses termes. J’aii mis longtemps à la construire pour qu’elle ait à la fois une dimension « alter » (pour rentrer dans le cadre de la spécialité que j’ai suivie suivi en dernière année d’HEC) mais aussi qu’elle permette de m’éclairer sur les questions que je me posais personnellement avant ce travail. Il fallait en plus ne pas « ratisser trop large »,, être extrêmement précis dans le choix des termes, éviter les « questions-définitions questions », soit en fin de comptes beaucoup de d contraintes qu’il a été difficile d’intégrer. Finalement, ce mémoire pose la question de la représentation qu’on les HEC du « dirigeant responsable ». La notion de « responsabilité » Peut-être ce terme de « responsable » n’était-il pas le plus adapté. Il induit en effet immédiatement un jugement moral, et ce n’est du reste pas un hasard si je me suis référé tout de suite à Kant. Si un tel dirigeant est « responsable », est-ce est à dire que tous les autres sont irresponsables ? Il y a dans ce terme un côté un peu « bien-pensant », je dois bien l’admettre. Marqué par mon expérience de stagiaire en direction générale dans un groupe en LBO, je voulais finalement savoir ce que devait être un « bon dirigeant », mais cette question m’aurait it amené à traiter la performance du dirigeant, et non pas son comportement, alors que c’est ce qui m’importait réellement. Il ne devait pas s’agir de reprendre les multiples ouvrages de management ma sur la stratégie, les ressources essources humaines et le marketing, et de décrire comment le dirigeant doit s’en servir. Après une année à réfléchir à l’économie sociale et solidaire, aux formes alternatives à l’entreprise (coopératives, associations, fondations…), aux fondements de la crise financière et économique que nous nous traversons, aux problématiques de diversité en J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 125 entreprise, aux enjeux de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises, à l’histoire de la critique du capitalisme et bien d’autres encore, je souhaitais poser réellement des questions questions qui ont trait à notre système économique dans son ensemble. Il ne s’agit que de constater ce que tout le monde a pu réaliser : les inégalités Nord/Sud sont extrêmes, la croissance démographique fait courir de grands risques à l’humanité (les prévisions faisant état de 9 milliards d’individus en 2050, mais seulement 2 milliards en 2100), les alertes écologiques se multiplient (travaux du GIEC, divers films et documentaires récents) : le réchauffement climatique et la montée du niveau de eaux ne sont pas que q pures chimères… L’ « oil peak » prévu aux alentours de 2030 va sérieusement remettre en question la croissance de notre économie historiquement fondée sur le pétrole. pétrole. La multiplication des titres financiers « subprimes » et « toxiques », conséquence directe ecte de la titrisation des économies (et phénomène auquel j’avais assisté en stage) m’ont fait prendre conscience que le système dans lequel nous fonctionnons « par habitude », et parce qu’il est le reflet de la « tendance ambiante », n’est peut être plus adapté aux enjeux auxquelles notre société est confrontée. Pourtant, je ne crois aucunement au collectivisme, mais plus à l’avidité de l’homme et la quête naturelle de son profit. La structure de l’entreprise était donc la meilleure pour poser ces questions : pur fruit du capitalisme, son fonctionnement est depuis une quinzaine d’années d’année régi par le « capitalisme financier » et la « valeur actionnariale » et me semblait cristalliser un grand nombre de dérives précédemment évoquées. Organisation humaine humai gouvernée par son dirigeant, elle est la plus à même de réagir vite à des stimuli extérieurs, bien plus en tout cas qu’un gouvernement ou une administration. Mais contrairement à ces derniers, l’entreprise n’a jamais eu vraiment vocation à s’inscrire dans da un cadre dépassant la sphère économique. Et si cela aussi avait changé ? C’est donc bien réellement une question de responsabilité que je me posais : qui est responsable de ce qui se passe aujourd’hui, et surtout : que pouvons-nous pouvons y faire, et qui peut le faire ? J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 126 Ma sensibilité personnelle et l’évolution « classique » des diplômés d’HEC m’ont alors naturellement amené à me tourner vers le dirigeant d’entreprise, pour me demander comment mes camarades de promo ou moi-même moi même pourrions ou devrions un jour faire re changer les choses. J’aurais pu centrer cette étude sur la responsabilité collective qui échoit désormais à tous les individus, en me concentrant par exemple sur le thème de l’écologie, mais il me semble finalement que la responsabilité du dirigeant d’entreprise d’entreprise est un bon compromis. être tout de même que ma question de recherche aurait été mieux tournée de la Peut-être façon suivante : « Quelle doit-être doit être aujourd’hui la responsabilité d’un chef d’entreprise ? ». Mais il aurait à nouveau fallu rajouter un qualificatif à « chef d’entreprise » : bon, responsable, humain, je ne sais pas choisir… Cette question q aurait peut-être semblé un peu moins moralisatrice. Et je m’aperçois en lisant ces lignes et à la lumière de l’apport principal de l’enquête que la question question de recherche aurait également pu porter directement sur la morale. N’est-ce N’est ce pas la question que nous nous sommes posée en filigrane tout au long de cette recherche ? Cela dit, au-delà delà de la simple formulation, je crois que la question retenue, même si elle exigeait de longues explications sur morale, éthique, responsabilité et autres, m’a finalement permis d’aborder les thèmes que je souhaitais aborder. aborder Le choix de la population HEC Il aurait été fort intéressant, mais complètement en dehors de mes modestes mod moyens, que de chercher à connaître la représentation du dirigeant responsable pour pou toutes les parties prenantes évoquées par Freeman. Finalement, le choix des diplômés HEC me semble assez cohérent : d’un point de vue pratique d’abord, parce qu’ils représentaient représentaient pour moi la population la plus facilement accessible pour mon enquête, et également celle, et c’est normal, dont je me sens le plus proche, et dont les résultats sont d’autant d’autant plus susceptibles de m’intéresser m qu’ils me concernent directement. directement Et si l’on s’accorde à dire que les diplômés de l’enseignement supérieur, souvent futurs cadres et dirigeants, auront un rôle crucial dans la résolution des problèmes que J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 127 nous identifions aujourd’hui, il était me semble-t-il il intéressant de me m demander ce que ces diplômés devront être pour se montrer à la hauteur de la tâche qui pourra leur être confiée. Quant à mon choix de séparer cette population de diplômés HEC en trois catégories, j’ignore encore s’ill était bon. Les réponses à une majorité de questions question de l’enquête étaient finalement relativement homogènes, même si quasiment chaque question comportait une nuance pour une catégorie donnée. Les tout jeunes diplômés (promotion 2009), dont les réponses furent le plus souvent le reflet des aspirations de ceux ceux qui vont entrer dans la vie professionnelle et d’une génération qui a été bercée au doux son du développement durable, devaient être confrontés à l’expérience. Une première expérience professionnelle pour la deuxième catégorie d’HEC, et parfois toute une u carrière pour les « HEC expérimentés ». Je constate finalement que les « HEC avec une première expérience professionnelle » ont quelle que soit la question eu des réponses similaires aux jeunes diplômés ou aux HEC expérimentés. Ils n’ont finalement jamais jama constitué de réelle « troisième voie », leur position intermédiaire mais toujours conforme à l’ « avant » ou l’ « après » m’a fait avoir le questionnement suivant : cette catégorie n’était-elle elle pas la photographie instantanée d’une sorte de « passage » ou de « transition » des jeunes diplômés vers les HEC expérimentés ? Etait-il Etait donc finalement intéressant de la séparer des deux prépré mentionnées, voire même de l’inclure dans cette enquête, cela n’est pas certain. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 128 4.2 Retour sur les hypothèses ise les questions qui étaient les miennes avant d’aborder ce mémoire, et que je Quand je réalise constate à quel point je les ai enrichies d’autres interrogations à la lecture de Kant, Jonas ou Freeman reeman ou suite à des entretiens, je comprends comprends aisément le reproche de manque de rigueur dans le traitement de chaque hypothèse. hy J’en avais donc quatre,, dont deux au moins sont s apparues en cours de route : la conciliation de l’éthique et du profit et la question de l’horizon « géographique » de la responsabilité avec les parties prenantes. prenantes. Seuls le rapport au temps et le rapport aux autres correspondaient à un questionnement initial, directement issu de mon expérience en stage. Finalement,, je ne regrette absolument pas d’avoir essayé de traiter ces quatre thèmes, qui me semblent à vrai dire aussi importants portants les uns que les autres ; mais j’entends bien rester critique avec mon travail, et il me semble avoir souligné souvent le lien qui existe entre les hypothèses n°2 et n°3 : le rapport aux autres étant souvent ramené à une question de fins ou de moyens posant sensiblement la même question que la hiérarchie ou conciliation entre l’éthique et le profit. De la même façon, les hypothèses n°1 et n°44 portaient sur l’horizon de la responsabilité : « temporel » dans un cas, « géographique » dans ns l’autre. Il me semble que ces deux hypothèses auraient pu être traitées conjointement. Ma volonté d’en retenir quatre illustre probablement ma difficulté à faire des choix, pourtant essentielle dans un travail comme celui-ci, ci, même s’il s’accompagne nécessairement néce de frustration. J’aimerais à présent revenir un peu plus en détail sur chacune des hypothèses testées dans ce travail, ainsi que sur les « découvertes » effectuées : Hypothèse n°1 : Cette question du rapport au temps, qui m’avait tant frappé en stage en constatant à quel point un LBO pouvait parfois « plomber » une rentabilité à long terme pour dégager le « cash » indispensable pour rembourser les intérêts de l’emprunt souscrit pour acquérir la société, n’a pas été la plus délicate à aborder. La thèse de Jonas, qui vise à arrêter la quête très humaine du progrès technologique, quoiqu’un peu choquante au premier abord, m’a m’a finalement extrêmement marqué. marqué J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 129 Ecrit à une époque où les questions d’aujourd’hui étaient loin d’avoir acquis le même degré d’attention de la part des media et de la société, cet ouvrage est finalement extrêmement moderne, et pousse à extrapoler un peu. Puisque je peux ici m’exprimer à titre personnel, il m’apparaît indéniable que l’homme a conquis son pouvoir sur la nature, et qu’il est aujourd’hui en mesure de la détruire, et de s’autodétruire par conséquent. En y réfléchissant bien, l’homme avait-il avait il réellement besoin de tout ce progrès, ces avancées technologiques, qui apportent à chaque fois autant de nouveaux problèmes que de solutions aux problèmes anciens. Quelle est la part de nécessaire et la part d’accessoire dans le développement déve ? Y a-t-il il un seuil de définition de l’ « acceptable » ? L’avons-nous L’avons franchi ? Pourquoi le développement s’accompagnes’accompagne t-il nécessairement d’inégalités inégalités terribles que chacun feint de ne pas voir, nous les premiers, ou place subtilement sur le dos du système, contre lequel « on ne peut rien ». Que l’homme cherche à « vaincre la mort », ou à la repousser le plus loin possible, ce qui finalement revient vient au même, autant cela est défendable d’un point de vue individuel,, la vie restant ce que nous avons de plus précieux, précieux, autant cette attitude ne peut objectivement mener qu’à la catastrophe d’un point de vue collectif. Je suis volontairement caricatural dans mes propos, mais comment s’imaginer, et peu importe à quelle échéance, qu’une une société dont la pyramide des âges s’étendrait de 0 à 150 ans puisse fonctionner ? Mais qui a le droit d’interdire à un individu de vivre plus longtemps ? Ces questions posées par Jonas, si elles nous semblent emblent parfois trop lointaines pour être réelles, sont pourtant à mon sens de vraies questions, qui ne manqueront pas de se poser, ce n’est qu’une question de temps… Avec ces problématiques en tête, comment ne ne pas se poser en permanence la question du devenir de son action, puisque puisqu nous voyons bien que chacun de nos actes a désormais de potentielles répercussions dans l’avenir l’ ? Et je ne peux m’empêcher de constater, comme cela a été dit dans certains entretiens, entretiens, que les entreprises font souvent preuve de « myopie stratégique ». Si les résultats de l’enquête sont « encourageants » et porteurs d’optimisme, la tendance semble toutefois assez nette : si le long terme doit rester un objectif, un souhait, un idéal, il est impossible d’y sacrifier le court terme, simplement parce que c’est là-dessus dessus que le dirigeant est jugé. Ces règles sont valables pour le trade-off entre J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 130 profit et investissement et pour la gestion du risque,, alors que les HEC, principalement jeunes diplômés, assignent à l’entreprise une mission à long terme visant à « faire progresser la société ». Mais comment investir « durablement », prendre des risques stratégiques à échéance relativement longue si tous les indicateurs de performance sur lesquels le dirigeant est jugé se situe à quelques mois, au mieux une année ? Il me semble distinguer ici un fossé entre les aspirations des HEC pour un dirigeant qualifié de responsable et la cruelle réalité. Il est facile de donner au dirigeant un « devoir de désobéissance vis-à-vis vis de l’actionnaire », mais beaucoup moins facile quand s’opposer signifie risquer de perdre sa propre position. Ceci ne doit surtout pas être perçu comme un procès de déclaration d’intentions, d’intentions, mais simplement comme la mise en exergue d’un écart entre le « souhaitable » et le « possible », voire le « nécessaire ». Hypothèse n°2 : C’est probablement la question des relations interpersonnelles qui a donné lieu au plus grand nombre de productions prod d’auteurs : les exemples abondent dans l’actualité économique. Ici encore, j’ai vécu en stage une expérience assez difficile, où la gestion des ressources humaines était loin de recueillir autant d’attention que la gestion du BFR. Se demander si une gestion plus humaine ne correspondrait pas davantage à un « dirigeant responsable » me semblait alors relativement légitime. Mais ce n’est pourtant pas cette question qui m’a préoccupé directement. S’il est indéniable qu’il existe de nombreuses entreprises où les «collaborateurs», «collaborateurs» clients, fournisseurs ou même actionnaires ne sont pas bien traités, il existe suffisamment de littérature à ce sujet,, et cette question semble avoir été suffisamment débattue pour que ce travail y apporte quelque chose de plus. C’est pourquoi j’ai choisi de me concentrer sur Kant et de m’intéresser m’intéress à la cause, au fondement de l’adoption d’un comportement « responsable » avec autrui, autrui et non sur une liste des « ingrédients » d’un comportement responsable. responsable Le « dirigeant J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 131 responsable » doit-il il ainsi traiter autrui comme « une fin ou comme un simple moyen » ? La question peut encore une fois sembler un peu moralisatrice, et surtout quelque peu décorrélée de la réalité, et n’a je dois l’avouer pas toujours été bien accueillie lorsqu’elle était posée directement. Pourtant, ce qui nous intéresse ici me semble essentiel : le bon traitement d’autrui doit-il doit être un « impératif catégorique » pour le dirigeant, i.e. principe moral absolu de toute action et qui ne peut être soumis à rien d’autre, un « impératif hypothétique », principe éthique ou quasi obligation, obligati mais soumis au véritable impératif catégorique de profit ou de pérennité de l’entreprise. Enfin, le bon traitement d’autrui peut être un simple « moyen » de parvenir à d’autres d’au fins, sans pour autant constituer un principe éthique. La position de Kant ne fait pas débat, le « dirigeant responsable » est un être moral et place donc autrui au--dessus de toute autre considération.. Il me semble que c’est moralement la position que devrait adopter tout individu. Pourtant, dans une société qui a consacré le profit fit individuel, l’on conçoit aisément que cela puisse ne pas être le cas. Le dirigeant d’entreprise n’a pas vocation à être le père de ses salariés ou d’assurer leur bien-être, être, l’enquête l’a fait ressortir de façon très nette. Le dirigeant responsable doit avant tout se montrer exemplaire, vis-à-vis vis de ses salariés et clients, et faire preuve de « justice ». Il doit responsabiliser au maximum ses salariés via la « délégation juste » pour leur permettre un épanouissement maximal au sein de l’entreprise. Créer Créer de la valeur ajoutée pour le client, intégrer le fournisseur à la chaîne de valeur et maximiser la valeur de l’entreprise à long terme pour les investisseurs sont d’autres principes d’action plébiscités dans l’enquête, qui donnent à ce « dirigeant responsable sable » une coloration très humaniste. Mais s’il n’estt pas acceptable et proprement immoral immoral d’instrumentaliser autrui dans la quête de son profit personnel ; on conçoit également que le dirigeant ne puisse le considérer comme une fin en soi avec toutes les implications que cela comporte, et au vu de la mission de l’entreprise que nous avons déjà évoquée. Ainsi, le rapport aux autres semble davantage à envisager comme un impératif hypothétique kantien. Dans la relation interpersonnelle, autrui serait peut-être peut re bien à envisager comme une fin en soi, et le dirigeant devrait le considérer comme « un autre soi-même soi », tout en étant bien conscient que la nature même de la mission de l’entreprise l’amène « malgré lui » à utiliser ou instrumentaliser autrui, quoique ces formules me semblent J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 132 connotées trop négativement. Disons plus simplement qu’il y a peut-être peut un juste milieu à trouver entre un autrui béatifié et l’optimisation de la ligne « frais de personnel » ou du ratio « masse salariale / marge opérationnelle » dans le compte de résultats. Le traitement juste et humain d’autrui aura dans une grande majorité des cas pour conséquence l’amélioration des résultats, quel que soit lee critère de performance retenu en fonction de la catégorie de personnes considérée. Lee dirigeant doit en être conscient, et savoir qu’il pourra toujours lui être reproché d’instrumentaliser autrui, surtout s’il prétend agir ainsi uniquement en vertu de ses valeurs personnelles. Le « juste milieu » me semble donc une solution provisoire acceptable, acceptable, mais qui ne saurait être définitive, cette hypothèse méritant à mon avis d’être testée encore plus précisément. Hypothèse n°3: Comme je l’avais annoncé en prélude de ce bilan, l’hypothèse n°3 est assez proche de celle que nous venons d’évoquer, puisqu’elle pose la question de l’impératif catégorique. La citation de Louis Schweitzer a majoritairement rencontré un bon écho chez les HEC, d’autant que le terme « éthique » est parfois un peu « fourre-tout fourre ». Mais l’ambiguïté réside à mon avis dans la « conciliation ». Nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises, et l’enquête l’a amplement confirmé, l’adoption d’un comportement éthique (traitement humain des personnes, respect de l’environnement, refus de faire travailler les enfants, création de valeur pour p le client, etc.), ), loin d’handicaper les performances de l’entreprise (quoique je doive souligner que cela a été dit dans quelques entretiens), permet au contraire la plupart du temps d’en améliorer les performances. En effet, si l’éthique a un coût indéniablement ind non négligeable, elle permet aussi à l’entreprise l’entreprise de gagner de la valeur, et donc d’améliorer le profit. Les HEC ont majoritairement souligné que le respect de l’environnement allait de pair avec l’optimisation des ressources et la réduction du gaspillage, et que les chartes éthiques,, à la condition sine qua non d’être respectées dans la pratique, permettaient permettai J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 133 d’améliorer la confiance du public dans l’entreprise, ou au moins son image, phénomène qui se traduit souvent en termes de ventes. L’exemple ple le plus fort qui ait été donné concerne les « Danone Communities » avec l’expérience de Mohamad Yunus au Bangladesh : ce projet, moins « rentable » au sens financier que l’activité « classique » de l’entreprise a pourtant permis de fédérer salariés, actionnaires ac et clients autour de valeurs et aspirations communes. Le gain pour l’entreprise, pas nécessairement financier, fut conséquent. Ainsi la « conciliation » de l’éthique et du profit semble majoritairement possible, si l’on assimile l’adoption d’un comportement éthique à un « investissement ». Il est ensuite acquis que certaines entreprises pourront davantage se permettre d’investir que d’autres, ou seront plus enclines à le faire compte-tenu compte de leur « business » spécifique. On voit ainsii mal une entreprise ent spécialisée dans les énergies renouvelables ne pas opter pour la réduction au maximum des « externalités négatives » (locaux aux normes environnementales, utilisation des transports en commun, etc.). etc Mais la vraie ambiguïté réside comme pour l’hypothèse l’hypothèse précédente dans la question de la hiérarchisation des priorités : est-ce l’éthique qui doit être soumise ise au profit ou bien l’inverse ? Quand la question ne se pose pas, personne ne s’en rend compte et les deux semblent parfaitement fonctionner ensemble. ensemb Mais lorsque le respect des valeurs de l’entreprise peut entraîner la perte d’un gros contrat, ou le malencontreux « oubli » d’un principe « booste » les ventes, que faudrait-il il choisir pour le « dirigeant responsable » ? Les HEC considèrent dans leur ensemblee que ce sont bien les arguments argument économiques qui doivent pousser à adopter un comportement éthique, éthique, et non la philanthropie, à l’exception des jeunes diplômés, qui le considèrent comme le véritable « impératif catégorique » kantien pour l’entreprise. Il me semble extrêmement délicat de trancher cette question, toutes les questions question de l’enquête qui s’y rapportaient n’ayant jamais permis de dégager de tendance forte. Par exemple, les qualités « éthique et morale » d’un côté et « pragmatisme et réalisme » de l’autre ont recueilli toutes deux 135 points… Si la différence entre « la jeunesse » et « l’expérience » me semble assez nettement marquée, je ne vois pas de raison d’accorder plus de crédit à l’une qu’à l’autre, puisque ce travail se veut veut avant toute une réflexion sur la représentation du dirigeant J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 134 responsable, et non sur les pratiques pratiques actuelles. Il doit néanmoins rester envisageable que la confrontation à l’expérience fasse déchanter les plus idéalistes d’entre les jeunes diplômés. Je dois is reconnaître avoir été assez marqué par l’insistance l’ins des HEC expérimentés et anciens dirigeants sur la primauté de la performance, performance ce qu’Emmanuel d’André qualifiait dans son entretien de « morale du compromis ». Pourtant, les HEC considèrent dans l’ensemble l’ensem que le « dirigeant responsable » ne doit pas « vendre » ce comportement éthique à l’extérieur de l’entreprise ; cela consisterait à le détourner ourner de son but original. Apparaîtrait-il A donc ici exactement l’inverse ? Alors que la « vente » de l’éthique pourrait stimuler le profit (étant bien entendu qu’il pourrait grandement le desservir en cas de divergences trop importantes entre le discours et la réalité),, le « dirigeant responsable » devrait ne pas le faire, car une telle attitude ne serait pas éthique éthiq ? Il me semble bien alors qu’un tel comportement consiste à soumettre la quête du profit à l’éthique… Ainsi, et en dépit de la thèse d’André Boyer 77 qui m’a semblé extrêmement extrêmeme intéressante, je me bornerai ici à considérer la citation de Louis Schweitzer comme absolument valide, sans toutefois pouvoir dire ce qui de l’éthique ou de la recherche du profit ou de la pérennité de l’entreprise doit être le véritable impératif catégorique du dirigeant responsable. Hypothèse n°4: Cette hypothèse est une découverte découverte entière issue de ce travail. Les entretiens ont en premier évoqué une autre responsabilité que celle que le dirigeant a vis-à-vis vis de la loi et du carré « actionnaires-clients-fournisseurs-salariés actionnaires ». La responsabilité envers la société et l’environnement l’environnement envisagée s’est peu à peu muée en responsabilité envers l’ensemble des parties prenantes à l’entreprise et non limitée aux seules parties prenantes traditionnelles que je viens d’évoquer. La lecture de la théorie des parties prenantes de Freeman s’est avérée absolument décisive dans ce travail, et a constitué pour moi –je je dois bien le reconnaîtrereconnaître une complète découverte. Il est possible d’intégrer également Hans Jonas à cette 77 BOYER, A. (2002). L'impossible éthique des entreprises, réflexions sur une utopie moderne. E. d'Organisation: 15p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 135 problématique,, puisqu’en élargissant élargissant l’horizon temporel de la responsabilité pour tout individu, il explique également que les actions d’aujourd’hui peuvent mettre en danger la possibilité des futures générations d’exercer leur responsabilité à l’avenir. Indirectement donc, il stipule que le dirigeant doit avoir une vision étendue à l’ensemble de la société. Si l’enquête a confirmé que le dirigeant responsable ne se limitait pas à lui-même lui ou à la loi, l’ « étendue des parties prenantes » vis-à-vis vis desquelles le dirigeant dirigea est responsable n’a pas été tout à fait homogène : si dans l’ensemble, les HEC ont à une grande majorité choisi la responsabilité élargie au maximum, semblant accréditer les thèses de Jonas et de Freeman, les HEC expérimentés voient le dirigeant davantage davanta concentré sur les « parties prenantes traditionnelles ». Dans tous les cas, les aspects politiques et sociaux de la responsabilité du dirigeant revêtent une importance qui doit osciller oscille entre « raisonnable » et « grande », mais jamais indispensable. Faut-il Fau il lire entre les lignes que l’économique doit prévaloir sur la morale ? Probable… Même si cette tendance semble aller à contresens de la mission que les HEC ont assignée assigné à l’entreprise, et qui consistait,, rappelons-le, rappelons « à faire progresser la société »… … Quant au rôle politique du dirigeant, il semble faire l’unanimité au sein des HEC, qui considèrent qu’il n’est pas responsable de se retrancher derrière le législateur : le dirigeant doit au contraire agir à son échelle, mais surtout se questionner qu en permanence, sur lui-même, même, l’horizon de sa responsabilité, et réfléchir également éga à ces questions systémiques ques que nous évoquions précédemment : crise environnementale, questions sociales et potentielles insuffisances du système capitaliste. Ainsi, même s’il est impossible de résoudre toutes ces questions de responsabilité collective seul ou même à l’échelle d’une entreprise, le dirigeant a le devoir absolu d’y réfléchir, non seulement en tant qu’individu, mais aussi et surtout en tant que dirigeant qui a une influence sur de nombreuses parties prenantes. Bien sûr, cet argument semble relativement facile à battre en brèche : il suffit d’arguer qu’une société en proie à des difficultés économiques et financières financière a d’autres chats à fouetter. Cela semble recevable, même s’il s’il est une fois encore ici question de la hiérarchisation des impératifs. Mais on pourrait rétorquer que la lecture attentive de J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 136 l’œuvre de Freeman laisse à penser qu’une entreprise en proie à des difficultés est une entreprise se qui manque de vision stratégique, ou dont la stratégie n’est pas la bonne, et qui doit de fait se poser de nombreuses questions sur ses parties prenantes, leurs attentes, et leur intégration dans cette fameuse stratégie d’entreprise. La réflexion et la prise de recul ont toujours trouvé un écho favorable chez les HEC, même si l’on conçoit oit aisément que les choses ne soient pas aussi si simples dans la pratique. J’aimerais pour terminer revenir sur la responsabilité du dirigeant vis-à-vis vis de luimême, qui a été té à mon sens un peu « oubliée » par les HEC. Un dirigeant doit prendre un nombre de décisions incalculable dans une journée, journée, dont un grand nombre est lié à des enjeux éthiques. Certainement, une stratégie d’entreprise réfléchie et l’adoption de valeurs claires aires et respectées constituent constitue une aide importante, mais est-ce est toujours le cas, et comment faire quand ça ne l’est pas ? Je veux simplement dire que le dirigeant est sans doute parfois dépassé par les décisions qu’il prend et leurs conséquences, et qu’il est parfois aussi vraisemblablement « contraint » de les prendre. La grande « délibération » qu’il effectue avant de faire ce choix ne va certainement pas toujours dans le sens de ses convictions personnelles, et peut donc le pousser à prendre des décisions ns qu’il réprouve. Que doit faire un dirigeant que l’on peut qualifier de responsable ? Tolérer des situations contraires à ses principes, mettre sa démission dans la balance, se donner du temps pour réconcilier son action et ses valeurs ? Les HEC ont souvent ent évoqué la potentielle schizophrénie de l’individul’individu-dirigeant, qui laisse parfois ses convictions à la porte de l’entreprise. Et si, en dépit de tout ce que nous no avons déjà écrit,, la première premiè de ses responsabilités étaitt celle de pouvoir agir conformément à ce qu’il croit et à ce en quoi il croit ? La question me semble mériter d’être approfondie. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 137 4.3 Limites du travail Je souhaiterais à présent m’arrêter un peu plus longuement sur les limites et imperfections de ce travail, tant sur le fond que sur la forme. S’il est certain que je n’avais pas envisagé un travail d’une telle ampleur (à la fois en termes de rigueur et de nombre d’heures passées), je n’y ai toutefois pas accordé initialement toute l’importance qu’il me semble aujourd’hui devoir mériter. mériter. J’ai ainsi perdu beaucoup de temps en voulant absolument commencer par des lectures sans être au point sur la démarche de recherche, et notamment la validation d’une question de recherche et la formulation d’hypothèses fortes. J’ai bien vu à quel point j’ai modifié les hypothèses au cours du travail, pour qu’elles me semblent finalement le reflet le plus exact possible de mon questionnement personnel. Mon démarrage a ainsi été très long, avant que je ne mette le travail en pause pendant près d’un mois et demi. Cette période m’a au moins permis de réfléchir à la démarche à adopter, et à accepter l’idée de devoir y consacrer plus de temps que prévu. Pour des contraintes de temps assez simples, j’ai ensuite dû mener de front ou presque pres (à l’exception de Kant), la lecture de mes ouvrages de référence référence et des entretiens. entretiens Ici encore, je pense qu’une démarche séquentielle aurait permis d’avoir des entretiens encore plus riches, et plus directement reliés aux références théoriques. Plutôt que de discuter au fil de l’eau, j’aurais pu interroger les interviewés directement sur les concepts forts tirés des lectures, et recueillir des exemples bien plus précis et pertinents. J’ai d’ailleurs pu constater l’intérêt de la démarche séquentielle en ne lançant l’enquête en ligne qu’après avoir terminé mon dernier entretien qualitatif : les résultats n’ont pu que s’en trouver améliorés. Sur la forme à présent, j’ai reçu plusieurs critiques des personnes interrogées, concernant notamment l’enquête : Mon questionnaire a parfois été jugé trop manichéen, voire un peu bien-pensant. bien Effectivement, nt, les réponses proposées n’offraient pas toujours de solution « intermédiaire », mais – pour me défendre – cela correspondait aussi à la volonté d’appréhender d’appréhender des tendances fortes. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 138 Il m’a également souvent été reproché le choix difficile entre les différentes propositions aux questions de l’enquête en ligne. Il est juste que les réponses proposées n’aient n été que rarement « mutually exclusive and commonly exhaustive exhau » (MECE), la plupart se chevauchant un peu. J’ai souvent joué sur de fines nuances pour distinguer mes propositions, qui n’étaient de fait fondamentalement pas vraiment différentes. Je regrette aussi beaucoup l’absence de femmes dans les entretiens qualitatifs qualitatifs que j’ai menés. Je ne m’en suis rendu compte que très tardivement, ce qui m’a empêché de corriger le tir, et c’est à mon avis une réserve qu’il faut prendre en compte lorsque l’on parcourt ce document. document Je ne sais si ce fait révèle plus une un misogynie ynie qu’un désintérêt des femmes pour la question du dirigeant, mais sans aller jusqu’à ces extrémités, je constate que j’ai choisi les personnes interviewées es en fonction de l’intérêt qu’elles qu’elles me semblaient porter à ma question de recherche, et n’ai spontanément nément pensé à aucune femme, Mercedes Erra (HEC 1981) exceptée. Sur le fond enfin, il me semble avoir parfois (souvent ( peut-être)) manqué de clarté dans l’emploi des termes « morale », « éthique » et « responsabilité ». J’ai ai pris le parti de ne pas faire trop de recherches sur la « responsabilité » et ses diverses acceptions, préférant voir ce qui sortirait de l’enquête et de l’interprétation que je ferais des références théoriques. théoriques Mais on m’a à la vérité souvent demandé ce que j’entendais par responsable, ce à quoi je répondais que c’était justement l’objet de ma recherche. J’ai également totalement omis de tester l’intérêt des gens pour mes hypothèses de recherche, et de chercher à savoir s’ils n’en auraient pas d’autres à proposer. Même si à mon crédit les le personnes interviewées ont en général apprécié de pouvoir disposer d’une heure et demie pour réfléchir à ces problématiques de responsabilité et exposer leur position, ainsi que de recevoir une trace écrite à la fin ! Dans tous les cas, cette expérience m’aura servi à comprendre la nécessité d’avoir des hypothèses fortes guidées par des convictions personnelles. Il n’y a que dans ce cas précis que le chercheur éprouve un intérêt à les tester et qu’elles peuvent aboutir à des résultats réellement intéressants. nts. J’ai maintenant la conviction que des hypothèses « molles » ne peuvent pas aboutir à grand-chose chose d’intéressant. Mes hypothèses étaient--elles assez fortes ? Ce n’est pas à moi d’en juger. Le constat que la première et la quatrième hypothèses d’un côté, la deuxième et la troisième hypothèses de l’autre, puissent être rapprochées et se rejoignent à certains égardss me donne à penser que j’aurais pu être encore plus précis et rigoureux sur leur définition. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 139 Mais à mon sens, le défaut peut-être peut le plus important de ce travail a sans doute consisté à vouloir tirer des conclusions générales là où cela n’était pas possible. Je me suis fait la réflexion en construisant mes tableaux d’analyses des résultats de l’enquête. J’ai obtenu finalement relativement ment peu de spécificités, alors que quelqu’un qui analyserait mes statistiques de réponses trouverait j’en suis sûr plus de nuances. J’ai une tendance à vouloir « lisser » l’exception, où l’information qui va contre la tendance générale. Mon esprit est sanss doute davantage analytique que créatif, je ne saurais trop expliquer pour quelles raisons. Mais il m’apparaît que tout au long de ce travail, qui est tout de même rappelons-le le un énorme travail de synthèse, j’ai davantage cherché à analyser et comprendre ce qui m’était dit puis à le ranger dans des « cases ».. Je crois qu’au cours de ce travail j’ai fait un véritable effort pour « penser le monde », toutes proportions gardées bien sûr, monde que j’ai finalement peut-être être davantage analysé. Je m’excuse donc auprès du lecteur du caractère nécessairement biaisé présent dans ce mémoire de recherche. Je réalise après quatre mois de travail mes difficultés à maîtriser mes postulats et présupposés au cours de la recherche. L’apport majeur de l’enquête m’a par exemple exemple fait réaliser que, comme des autres HEC, je postulais inconsciemment « l’existence de l’entreprise », que ce postulat relevait presque automatiquement de l’ « impératif catégorique ». Voilà pourquoi j’ai été souvent gêné par l’emploi du terme « morale », tout en ayant délibérément choisi de me référer à Kant. La morale m’a beaucoup « dérangé » dans cette enquête, et elle fut souvent repoussée comme « n’ayant rien à voir avec l’entreprise » ou « non pragmatique ». Mes analyses – avant cette découverte – étaient dès lors biaisées, ce que le chercheur veut habituellement éviter au maximum. Mais est-ce est possible ? Je juge du reste comme hautement probable l’ « oubli » d’autres postulats ou présupposés inhérents à ma démarche. Et il convient bien évidemment d’en ’en tenir compte dans la lecture de ce document. Enfin et pour terminer, c’est évidemment la première fois fois que j’ai à produire un document aussi long, tout en ayant conscience des limites de mon texte,, et demande à nouveau au lecteur toute son indulgence. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 140 4.4 Perspectives ouvertes Une fois encore, je ne pense pas qu’il m’appartienne de dire si ce travail doit ouvrir des perspectives de recherche dans telle ou telle direction. Néanmoins, la multiplicité de mes hypothèses laisse augurer un traitement qui demande donc certainement à être approfondi, ne serait-ce ce qu’auprès d’autres populations que les HEC, internes ou extérieures au monde de l’entreprise, et de comparer ensuite ces différents résultats. Je distingue tout de même trois pistes sur lesquelles il m’aurait intéressé de travailler en complément de ce mémoire : - Pour commencer, essayer de savoir si l’on peut se passer d’éthique dans une entreprise. entreprise Un dirigeant amoral peut-il peut obtenir d’excellents résultats et être considéré comme un « bon dirigeant » par ses salariés ? - Suite à ma découverte de Freeman, il serait intéressant de se demander quelle stratégie (défensive, offensive, neutre, autres) le dirigeant responsable doit adopter vis-à-vis vis des parties prenantes. En existe-t-il il une toujours valable ou ayant un « avantage comparatif » ? La stratégie doit-elle doit elle changer en fonction des situations s ou des interlocuteurs ? - Maintenant, et comme c’est peut-être peut être la question qui m’est le plus souvent revenue pendant ces recherches, hes, s’il fallait faire un choix, j’opterais très certainement pour un approfondissement conséquent de la relation entre fins collectives et fins fin individuelles, et les conséquences morales de cette relation. relation. L’entreprise est naturellement un lieu ou cette dualité s’exprime au sein de chaque individu. A quel moment les fins individuelles doivent-elles elles faire place aux fins collectives ? L’environnement ou les inégalités entre les pays du Nord et du Sud pourraient à mon sens fournir un cadre intéressant pour cette ette enquête. J’aimerais aussii réellement savoir dans quelle mesure ce que les es gens ont à dire sur ces questions question « colle » à la réalité. J’aurais pu le mentionner dans les limites de ce travail, mais à part l’anonymat, que peut faire le chercheur pour se prévaloir révaloir de la sincérité sincérité des réponses qu’il obtient ? Et il me semble que cette question des fins individuelles et collectives, touchant au comportement personnel de chacun, doit faire l’objet d’un examen très critique des réponses reçues. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 141 Enfin, j’ai pour ce travail eu recours à plusieurs postulats et présupposés, avec lesquels il est évidemment tout à fait possible d’être en désaccord. désaccord Mériteraient notamment d’être remises en cause les idées selon lesquelles un bon dirigeant est nécessairement un dirigeantt responsable. Tout dépend finalement de la mission qui incombe au dirigeant, et que nous avons évoquée dans ce travail. Il me semblerait également très intéressant de réfléchir à la réelle marge de manœuvre dont dispose le dirigeant à la tête d’une entreprise. entreprise. Quelles sont les contraintes qui pèsent sur lui ? Postuler sa liberté était nécessaire pour interroger sa responsabilité78, mais cette liberté est-elle est bien effective ou finalement beaucoup moins importante79 qu’on ne pourrait le croire ? Nul doute en tout cas que le présent mémoire de recherche aura fait apparaître apparaît un grand nombre de questions. A défaut d’en d’ trouver les réponses, il nous appartient artient au moins de les poser. 78 79 KANT, E. (1785). Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, Delagrave. RAMANANTSOA, B. (15 Mai 2008). Leadership. ECHOS - Le quotidien de l'économie - | - Périodique - 12460-00 12460 - 11: 11 p. J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 142 4.5 Bilan personnel Au terme de ces 140 pages de travail, je vais essayer de rester concis. Je dois reconnaître que je suis naturellement très réfractaire au travail de recherche, que je pourrais qualifier de long, parfois fastidieux, et demandant une extrême rigueur, qui vont un peu à l’encontre de la rapidité et de l’efficacité que j’affectionne. j’affectionne. Pourtant, une fois pris dans cette démarche, et quoique cela ait nécessité plusieurs mois dans mon cas, je dois avouer que j’ai été extrêmement satisfait de me rendre compte que j’étais capable de m’imposer cet effort, notamment avec l’intégration ion de Kant et Jonas, qui n’ont pas toujours été aisés à déchiffrer, loin s’en faut. Néanmoins, ma principale frustration quant à la démarche est la position nécessairement impartiale que doit adopter le chercheur, et notamment lors des entretiens qualitatifs où sa position ne doit pas transparaître. Mais j’ai parfois eu l’impression qu’il s’agissait davantage de maïeutique que de réel échange, change, aussi me suis-je suis je laissé aller quelquefois quelque à livrer mon sentiment et à avoir des discussions beaucoup plus passionnées avec mes interlocuteurs. Du reste, j’ai l’impression de n’avoir avoir pu exprimer exprimer ma position sur le thème de recherche que dans le bilan de ce travail ; les références théoriques et l’enquête, même si elles laissent la place à l’interprétation du chercheur, ercheur, se veulent veule avant tout des retranscriptions et synthèses fidèles de ce qui est exprimé. Ce relatif manque d’engagement personnel dans la démarche peut sans doute, du moins j’ai cru le réaliser, être compensé par des convictions personnelles très fortes fo à exprimer dans les hypothèses. hypothèses En tout cas,, le travail de recherche impose également, cela me semble indéniable, un véritable travail sur soi, surtout quand la démarche est peu familière, familière et cela m’a semblé dans mon cas très positif. Aller à l’encontre re de ses tendances naturelles est toujours riche en apprentissages, et je crois que ce fut le cas avec cette expérience nouvelle pour moi. J’ai notamment dû me battre contre ma difficulté à faire des choix forts, toujours frustrants. Je l’ai déjà dit, je suis conscient d’avoir apporté peut-être peut être plus de matière qu’il n’en fallait à ce travail, mais surtout de la matière « facultative », notamment dans la partie par des références théoriques où j’évoque les « autres auteurs ». Bien sûr, j’ai fait le maximum pour ne sélectionner que les textes qui me semblaient en lien avec les hypothèses, mais cela n’a pas suffi. On peut dresser je pense le même constat avec les entretiens, où mes interviewés J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 143 souvent passionnants m’ont emmené sur des terrains qui dépassaient un peu p le cadre de mes hypothèses,, seuls éléments qui devaient être traités dans ce travail, et que j’ai bien conscience d’avoir quelque peu « enrichis ». Je suis néanmoins heureux et fier d’avoir réfléchi à cette question de la responsabilité du dirigeant, qui me semble loin d’être anodine, anodine car elle pose finalement la question des fins, fins donc de la morale,, et cela a été une constante dans les entretiens. Cela m’a fait réaliser que jusqu’ici, je ne me l’étais que très rarement posée. A mon sens, chacun devrait se demander pourquoi il agit, dans quel but, quel est son « impératif catégorique » et à quels autres impératifs hypothétiques son action est soumise. soumise. Réfléchir aux conséquences de ses actions dans la durée et sur son environnement ainsi qu’à son rapport aux autres me semble également indispensable, et je considère, sans vouloir donner de leçon à quiconque, que nous devrions tous réfléchir à ces questions. Pourtant, l’habitude, la tradition, le système économique en place, la « tendance dominante », le « paradigme » dans lequel chacun c évolue, tout cela concourt à nous désintéresser de ces questions. « L’important, c’est d’agir », à tel point que nous ne savons souvent plus pourquoi nous le faisons. Or la finalité devrait être le principe de l’action, et non l’inverse… Cela pourrait être une conclusion personnelle que je tire de ce travail : « être responsable, c’est accepter de se poser des questions sur la finalité de nos actions, et surtout les questions qui dérangent ». Enfin, et je me vois mal éviter d’évoquer d’évoquer ce phénomène, je dois reconnaître que ce travail m’a profondément secoué dans mes convictions lors de certaines phases. J’ai eu parfois l’impression de réfléchir ou d’évoquer en entretien des questions qui me semblent fondamentales pour l’humanité – et ma seule façon de le dire est déjà extrêmement pompeuse, mais traduit bien mon état paradoxal – et me montrer pourtant incapable de traduire en mots mot le caractère indispensable de ce questionnement. J’ai finalement réalisé que tous ces grands principes auxquels je réfléchissais n’étaient n’étai ni un jeu ni le remplissage d’une obligation académique me permettant permettant d’obtenir mon diplôme ; il s’agissait au contraire d’enjeux fondamentaux mais surtout bien réels réels qui régissent nos existences et notre avenir. J’ai été plusieurs fois, même si cela semble avec le recul toujours un peu ridicule, relativement bouleversé par certaines conversations portant sur notre système économique, d’une extrême violence, et qui n’a pourtant toujours pas pas trouvé de concurrent sérieux ; conversations portant également sur les potentielles catastrophes qui attendent J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 144 l’humanité à brève échéance, la question environnementale me paraissant l’une des plus pressantes, parallèlement à la relative insouciance dans laquelle nous baignons. C’est pourtant à nous, collectivement, qu’il appartient de juguler le réchauffement climatique, d’anticiper l’ « oil peak » ou l’explosion démographique à venir. Ce sont nos entreprises qui feront l’économie de demain. Au-delà Au delà des clichés que peuvent constituer les dernières propositions, je souhaite revenir à Hans Jonas : l’homme a la possibilité de s’anéantir, à plus ou moins brève échéance certes, et c’est tout de même quelque chose d’extrêmement fort. Seulement, comme cet anéantissement sera consécutif d’une « a-responsabilité responsabilité »80 collective qu’aucun individu ou même groupe d’individu ne peut contrecarrer seul, chacun adopte suivant la théorie des jeux une position d’attente, d’attente les « firts-movers » risquant de ne pas être suivis prenant le maximum de risques risque pour un gain on ne peut plus incertain. Pourtant si personne ne fait rien, ou si l’on attend trop, trop les conséquences seront désastreuses. Mais ici encore, chacun semble faire le pari qu’il sera « épargné », sauf que finalement tout le monde risque fort d’être perdant, j’en ai peur. Et en tant qu’individu, en tant que diplômé HEC à l’heure de chercher un premier emploi, m’est-il il possible d’éluder ces questions et de continuer comme si de rien n’était. « Il le faut bien », « il faut bien que tu travailles », « c’est le système, c’est comme ça » ai-je pu entendre à gauche ou à droite. Mais est-ce est une attitude responsable ? Pour être honnête je ne le pense pas. Adopterai-je pour autant une attitude responsable, après cinq mois passés à réfléchir sur la responsabilité ? Peut-être être pas, pas, et cela ne me pousse guère à l’optimisme compte-tenu compte des enjeux déjà évoqués par Jonas il y a près de quarante ans. 80 SOLE, A. (octobre 1997). "A propos de l'a-responsabilité l'a responsabilité du dirigeant d'entreprise", Revue Ethique des affaires, Editions ESKA, p. 13-31. 13 J.Lacaze – Le « dirigeant d’entreprise responsable » pour les HEC – Octobre 2009 145 Conclusion Je reconnais bien volontiers ne jamais avoir imaginé un seul instant que ce mémoire de recherche me ferait tenir un tel discours, mais je ne le regrette pas un instant : je pense qu’il faut aller au bout de ses démarches, et ne pas avoir peur de regarder ce qui arrive devant soi. Je voudrais pour terminer remercier très sincèrement mon tuteur Andreu Solé pour son aide inestimable, ainsi que les quinze diplômés HEC qui ont pris la peine de me recevoir en entretien et les 167 autres qui ont eu la patience de remplir mon questionnaire, en espérant que leurs réponses aient été les plus sincères possible, de sorte sorte que les tendances issues de ce travail puissent être considérées comme éclairantes. éclairant J’ai dans tous les cas eu un grand plaisir à travailler sur ce thème, et senti au cours de nombreuses discussions un vif intérêt des HEC pour cette problématique, ce qui ne peut que m’enchanter. Et même si ce travail est à prendre avec toutes ses insuffisances et comporte des limites bien palpables,, le lecteur ne doit pas douter de la grande sincérité et ardeur avec lesquelles j’ai essayé de le mener à bien,, espérant qu’il q contribue ne serait-ce ce qu’un peu à alimenter le débat et donne à réfléchir. En ce qui me concerne, c’est acquis ! 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