l`activité physique, outil de prévention et de lutte contre les effets

Revue de l’Education Physique, vol. 55, 2015.1 5
Malgorzata KLASS, Andrea GOMBOS et Michel LAMOTTE
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE, OUTIL DE PRÉVENTION ET DE LUTTE
CONTRE LES EFFETS SECONDAIRES DES TRAITEMENTS DU
CANCER
Associée à une alimentation équilibrée, l’activité
physique est reconnue aujourd’hui comme étant le
meilleur moyen de prévention du surpoids, du
diabète et des pathologies cardiovasculaires.
L’activité physique permet également de ralentir
l’involution naturelle liée à l’âge. De ce fait, elle
s’inscrit pleinement dans les stratégies nationales
et internationales de lutte contre les effets de la
sédentarité, du vieillissement et des pathologies
chroniques sur la sanet la qualité de vie de la
population. L’exercice physique fait également
partie intégrante de l’arsenal thérapeutique après
un incident cardiaque ou suite au diagnostic d’une
hypertension artérielle, d’une
hypercholestérolémie ou hyperglycémie. Ses
effets bénéfiques sont d’ailleurs bien souvent
supérieurs à ceux de traitements médicamenteux
et présentent moins d’effets secondaires
(Brambilla et coll. 2010).
Un des effets de l’exercice physique moins connu
du grand public est sa capacité à diminuer le
risque de développer un cancer et à réduire les
nombreux effets secondaires des traitements du
cancer. Il diminue également les risques de
récidive de certains cancers traités (Lahart et coll.
2015).
Depuis plusieurs années, nous observons une
augmentation importante du nombre de personnes
atteintes d’un cancer. Chez la femme, le plus
fréquent est le cancer du sein avec chaque année
plus de 10500 nouveaux cas en Belgique et, chez
l’homme, c’est le cancer de la prostate avec 8290
nouveaux cas (Belgium Cancer Registry, derniers
chiffres datant de 2012). Grâce à l’amélioration du
dépistage et des traitements, le nombre de
survivants du cancer est en constante
augmentation. Par contre, la qualité de vie de ces
patients considérés souvent comme « guéris de
leur maladie » est fréquemment altérée pendant
plusieurs années par les effets secondaires des
traitements. L’objectif du présent article est donc,
après une rapide présentation des effets
secondaires des traitements, de discuter des
bénéfices d’une activité physique adaptée et des
récentes recommandations et précautions
éventuelles pour ce public.
Effets secondaires des traitements
La chirurgie est souvent un des premiers
traitements des cancers localisés afin de procéder
à l’ablation de la tumeur (cancer du sein,…).
Revue de l’Education Physique, vol. 55, 2015.1 6
Les effets secondaires les plus courants sont des
douleurs/tensions de la cicatrice, une perte de
mobilité et de force du membre supérieur, un
œdème,…
Un des traitements fréquemment utilisé dans tout
type de cancer est la chimiothérapie, associée ou
non à une radiothérapie locale. Les effets
secondaires de la chimiothérapie sont nombreux et
dépendent bien entendu du type de
chimiothérapie.
Les effets le plus souvent rapportés sont un
affaiblissement de l’état général, une fatigue
importante, des nausées ou vomissements, une
chute de cheveux, des diarrhées, aphtes et
problèmes de la fertilité.
Certains produits peuvent être à l’origine de
douleurs articulaires et musculaires, de
perturbations métaboliques (diminution de la
sensibilité à l’insuline,…), de troubles de la
mémoire et concentration (« chemo brain ») et
d’une cardiotoxicité. Cette dernière peut, chez un
faible pourcentage des patients, induire une
dysfonction du ventricule gauche et à plus long
terme accroitre le risque de développer une
pathologie coronarienne et d’accident cardiaque
(Khan & coll. 2011). Quelquefois une prise de
poids est constatée durant la chimiothérapie, plus
souvent chez les femmes traitées pour un cancer
du sein
Certaines tumeurs expriment à leur surface des
récepteurs sensibles aux hormones sexuelles. Ceci
est le cas dans 60% des cancers du sein. Les
patientes suivent alors pendant plusieurs années
une hormonothérapie qui va inhiber le taux de ces
hormones. L’objectif est bien sûr de limiter le
risque de récidive. Cependant l’hormonothérapie
induit une ménopause et plusieurs effets
secondaires associés. En fonction du type
d’hormonothérapie, les effets négatifs, qui
affectent la qualité de vie et augmentent le risque
de développer d’autres pathologies, sont des
raideurs musculaires et articulaires, une perte de
masse osseuse (ostéopénie/ostéoporose), des
bouffées de chaleur et des problèmes
gynécologiques. La chimiothérapie et
l’hormonothérapie induisent également chez une
partie des patientes une prise de poids qui,
contrairement à ce qui est observé lors d’une prise
de poids classique, est accompagnée d’une perte
de la masse musculaire (Vance et coll. 2011).
Enfin, parallèlement aux effets physiques, le
cancer et ses traitement causent également de
nombreuses séquelles psychologiques :
dépression/anxiété, peur de la récidive, perte de
l’estime de soi, perturbation de l’image du corps,
de la libido, qui altèrent grandement la qualité de
vie des survivants et retardent le retour vers une
vie « normale ».
Effets bénéfiques de l’activité physique
1. Prévention primaire
Chez les sujets très actifs par rapport aux sujets
sédentaires une diminution du risque de
développer un cancer a été démontrée par
plusieurs études.
Revue de l’Education Physique, vol. 55, 2015.1 7
Cette diminution du risque est de 20 à 30% pour
le cancer de sein, 10 à 20% pour le cancer de la
prostate, 20 à 25% pour le cancer du côlon, 40 à
50% pour le cancer du pancréas et de 20 à 40%
pour le cancer du poumon (Kruk et Czerniak
2013). Elle semble être dépendante de l’intensité
et de la quantité d’activi physique pratiquée
(Volaklis et coll. 2013).
L’étude de McTiernan et coll. (2003) qui s’est
intéressée à la diminution du risque de développer
un cancer du sein après la ménopause a en effet
montré que, par rapport à des femmes qui ne
pratiquaient pas d’activités physiques, le risque
était diminué de 18% et de 22% chez les femmes
qui pratiquaient des activités correspondant à
respectivement 5.010 équivalents métaboliques-
heures/semaine (1.25-2.5h/sem de marche rapide)
et > 40 équivalents métaboliques-heures/semaine
(>10h/sem de marche rapide ou activités plus
intenses permettant d’atteindre la même dépense
énergétique en moins de temps). Cet effet de
l’activité physique était plus marqué chez les
femmes présentant un BMI inférieur à 24.
2. Pendant les traitements actifs du cancer
Plusieurs études se sont intéressées à la faisabilité
et aux effets de différents programmes d’activités
physiques pendant la chimiothérapie. Si cette
approche semble a priori difficilement réalisable à
cause des nombreux effets secondaires de la
chimiothérapie, les travaux de Courneya et coll.
(2003 et 2013) qui ont comparé les effets de
différents programmes d’activités physiques
montrent des résultats très encourageants.
En effet, ils ont non seulement prouvé que des
séances d’activités physiques de type aérobie,
renforcement musculaire ou combinées (travail de
l’endurance et renforcement musculaire) étaient
réalisables pendant et juste après la
chimiothérapie, mais également qu’elles
permettaient de limiter le déconditionnement, la
perte de force musculaire, la fatigue, la douleur et
certains autres effets de la chimiothérapie. L’effet
observé était dose-dépendant, c’est à dire que les
programmes proposant des séances (3x/sem)
d’endurance de 50-60 min ou combinées
montraient des effets supérieurs aux séances de
20-30 min (Courneya et coll. 2013). En plus de
limiter les effets physiques de la chimiothérapie,
l’inclusion d’un programme d’activités physiques
a permis d’améliorer l’adhérence au traitement.
Détail intéressant, même si le programme est
proposé pendant la phase des traitements actifs,
l’auteur principal de ces travaux a une formation
de base en éducation physique et non dans le
domaine médical…
En pratique courante, la poursuite d’activités
physiques pendant la phase de chimiothérapie doit
bien sûr être proposée sur base individuelle étant
donné que les effets secondaires sont patient et
traitement dépendants. Certains peuvent être une
contre-indication à la pratique de l’exercice
physique ou exiger une adaptation particulière du
programme d’activités physiques.
Revue de l’Education Physique, vol. 55, 2015.1 8
3. Après la fin des traitements actifs
3.1. Bénéfices
Chez la plupart des patients, la pratique d’activités
physiques diminue après le diagnostic et reste plus
basse plusieurs mois après la fin des traitements
(Volaklis et coll. 2013). L’étude d’Irwin et coll.
(2003) a en effet rapporté que les survivantes d’un
cancer du sein diminuaient leur pratique
d’activités physiques de 2h/sem en moyenne
comparativement à l’année avant le diagnostic.
Pourtant, il est aujourd’hui clairement établi que
pratiquer une activité physique régulière après le
diagnostic permet de diminuer la mortalité
spécifique au cancer (Chen et al 2011 ; Lahart et
coll. 2015) et le risque de développer d’autres
pathologies (cardio-vasculaires, diabète,..). Les
patients ne sont cependant pas toujours
systématiquement informés par l’équipe médicale
des effets bénéfiques potentiels.
En plus des effets à long terme pour la santé, la
littérature scientifique montre qu’une activité
physique adaptée permet d’atténuer les effets
secondaires de la chimiothérapie, qui peuvent
persister plusieurs mois, voire années, après la fin
du traitement, et de l’hormonothérapie :
déconditionnement, fatigue, troubles cognitifs,
douleurs, prise de poids, perte de masse
musculaire, ostéoporose,… Les effets bénéfiques
rapportés semblent plus marqués lorsque le
programme d’activités physiques est supervisé et
inclut des exercices visant à développer
l’endurance et des exercices de renforcement
musculaire (Fong et coll. 2012 ; Egan et coll.
2013). De même la quantité d’activité physique et
son intensité doivent être adaptées mais
suffisantes pour induire une amélioration de la
condition physique et de la composition corporelle
(Fong et coll. 2012 ; Irwin et coll. 2009).
Malgré ces évidences, ce type de programme est
malheureusement trop rarement proposé aux
patients à Bruxelles et en Wallonie.
3.2 Recommandations
Une fois les traitements terminés, la plupart des
personnes se posent beaucoup de questions quant
à ce qu’ils/elles peuvent faire pour aller mieux et
rester en bonne santé. Que peut-on leur proposer ?
Puisqu’ils sont « guéris » peuvent-ils s’engager
dans une activité similaire à tout le monde ou au
contraire faut-il adapter le programme à cause de
certaines limitations ou des effets des
traitements ?
Etant donné toutes ces questions et le peu de
choses qui sont proposées dans ce domaine, le
Centre de Réadaptation Physique
Pluridisciplinaire (CRPP, Erasme), la Faculté des
Sciences de la Motricité (FSM, ULB) et l’Institut
Bordet se sont associés pour lancer un programme
d’activités physiques adapté pour les patientes qui
sont en phase de rémission d’un cancer du sein.
Même si la plupart des patientes accueillies dans
le cadre du programme ne présentent pas de
limitations importantes à l’effort, comme certains
traitements peuvent altérer la capacité à l’effort
(anémie, fatigue, dysfonctions cardiaques, etc.),
nous recommandons de réaliser un test d’effort
(avec ECG) avant de proposer un programme
d’entrainement incluant des activités d’intensité
modérée à intense.
Revue de l’Education Physique, vol. 55, 2015.1 9
Cela permettra, d’une part, de limiter les risques
éventuels et, d’autre part, d’adapter au mieux le
programme d’activités physiques pour chaque
participant(e).
Au-delà de ce test d’effort et d’une discussion
avec la personne pour connaitre les autres
limitations éventuelles, les recommandations
d’activités physiques pour les survivants d’un
cancer, sont similaires à celles de la population
générale (tableau 1) : 150 min/sem d’activités
physiques modérées à intenses (50-80% FCmax)
ou 75 min/sem d’activités physiques très intenses
(70-90% FCmax) ou une combinaison des deux
(ACSM guidelines 2010). L’intensité et la
quantité d’activité doivent bien r être
augmentées progressivement et adaptées au
niveau et aux éventuelles limitations du
participant. Certaines précautions doivent en effet
être prises en fonction du type de cancer (tableau
1).
Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, les
effets bénéfiques sont cependant plus marqués
pour les activités d’intensi plus importante
(>70% FCmax) et de durée suffisante (séances de
30-45 min au moins), donc ces recommandations
devraient être progressivement atteintes (Mishra
et al 2012). Etant donné qu’il est souvent difficile
pour les personnes déconditionnées de maintenir
une intensité suffisante pendant toute la durée
d’une séance, le travail par intervalles permet
d’atteindre une intensité moyenne correspondant
aux recommandations en alternant des phases à
intensité relativement élevée (80-90% FCmax) et
des phases de récupération active ou passive. Les
personnes peu actives et/ou déconditionnées
perçoivent ce type d’entrainement comme moins
rébarbatif.
De plus, il permet en un temps plus court
d’atteindre des gains équivalents, voire même
supérieurs, à un travail en continu au niveau de la
capacité d’effort (↑VO2max), de la composition
corporelle, des paramètres métaboliques
(sensibilité à l’insuline,...) et de la qualité de vie
(Weston et coll. 2013).
Pour limiter les effets négatifs à long terme de la
chimiothérapie et de l’hormonothérapie au niveau
de la masse musculaire et de la densité osseuse, il
apparait également important d’inclure des
exercices de musculation qui appliquent des
contraintes suffisantes au niveau des muscles et
du tissu osseux (tableau 1). Combiner
entrainement aérobie et renforcement musculaire
est également important pour lutter contre la
fatigue chronique dont souffrent une grande partie
des survivants d’un cancer. Cette fatigue est la
cause et la conséquence du déconditionnement
physique et mène bien souvent à un cercle vicieux
(fatigue–moins d’activité physique–
déconditionnementaggravation de la fatigue) qui
doit être absolument rompu (Volaklis et coll.
2013).
Chez les personnes présentant des pertes de
mobilité à cause d’une cicatrice en cas de
chirurgie (cancer du sein,..), des exercices de
mobilisation générale et des étirements devraient
également être proposés. Ils peuvent être
facilement inclus en fin de séance en guise de
phase de retour au calme (tableau 1).
1 / 8 100%

l`activité physique, outil de prévention et de lutte contre les effets

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !