L`évolution du métier de manipulateur en radiothérapie Intégrer les

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L’évolution du métier de manipulateur en radiothérapie
Bulletin infirmier du Cancer. Volume 9, Numéro 2, 63-6, Avril - Mai - Juin 2009, Métiers
Auteur(s) : Christian Depenweiller, Cadre supérieur de santé médicotechnique, Service de cancérologie-radiothérapie, hôpital Saint-Louis, 1,
avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris christian.depenweiller@9online. fr .
Illustrations
ARTICLE
La radiothérapie est une des armes de l’arsenal thérapeutique utilisée par
la cancérologie pour lutter contre la maladie cancéreuse qui touche plus de
300 000 personnes tous les ans en France (dont 2/3 auront un traitement
de radiothérapie). Le manipulateur qui exerce dans un centre de
radiothérapie est un soignant à part entière. Si la composante médicotechnique, en évolution permanente, est fondamentale dans ce métier
souvent mal connu du grand public et même des professionnels de santé,
la mission d’accompagnement du malade est essentielle, notamment dans
le domaine de la prise en charge psychologique, les attentes des malades
ayant évolué avec de nouvelles exigences fortes. Ce dualisme qui
caractérise historiquement la profession est actuellement remis en
question par la force des événements qui s’imposent au monde de la
radiothérapie avec l’intrusion d’un troisième élément : la sécurité.
Intégrer les mutations technologiques au quotidien
(images)
Au premier abord les fondamentaux de la réalisation pratique des
traitements que réalise le manipulateur au quotidien n’ont guère évolué
depuis l’antique « bombe au cobalt » : les séances se succèdent toujours
avec des fractionnements et un étalement dans le temps similaires (pour la
plupart des appareils), la reproductibilité du fait de la répétition des
séances demeure érigée en dogme et la rigueur doit être la qualité
première d’un professionnel performant dont la préoccupation permanente
s’enrichit de la relation au patient. Pourtant cette activité a connu depuis
une dizaine d’années une véritable révolution technologique qui a impacté
le travail quotidien du manipulateur avec une occurrence très forte. Dans
un rapport datant de mars 2007, l’Observatoire national de l’emploi et des
métiers de la fonction publique hospitalière reconnaît que la « particularité
du métier (de manipulateur) est de savoir s’adapter à une mutation
technologique constante depuis de nombreuses années… ». La rapidité du
transfert des nouvelles technologies, du milieu contrôlé du développement
à la pratique courante, nécessite une adaptabilité réactive d’autant plus
forte que ce transfert doit être effectué avec la plus grande sûreté : cette
capacité est une vraie compétence du métier qui est un métier apprenant
par excellence. En pratique, outre le remplacement des appareils de
cobalthérapie par des accélérateurs, la principale évolution technologique
pérenne est la radiothérapie dite conformationnelle. Elle doit son
émergence au progrès de l’imagerie et de l’informatique et répond au «
Graal » du radiothérapeute : « irradier la tumeur, toute la tumeur, rien que
la tumeur » dans un processus de maximalisation de la dose au volume
tumoral et de protection des organes à risque (OAR). La radiothérapie
conformationnelle exige trois éléments : un accélérateur linéaire produisant
des rayons X de haute énergie équipé d’un collimateur multi-lames (MLC),
un système de dosimétrie 3D et un scanner volumique multi-coupes qui
fournira une imagerie 3D. La précision ainsi obtenue est optimale mais elle
induit une problématique déjà connue mais renforcée : le positionnement
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effectif du patient sur la table de traitement par rapport à la prévision (en
simulation virtuelle) doit être reproduit avec une précision millimétrique. Le
manipulateur sera confronté au problème du positionnement, à chaque
séance de traitement, avec la même acuité. Il est aidé, dans cette difficile
mais importante tâche, par l’utilisation d’accessoires performants comme
les systèmes de contention spécifiques (plans inclinés en carbone) ou les
dispositifs personnalisés (masques ou capelines thermoformés…), qu’il est
amené à réaliser lors de l’étape de Scanner de simulation. La réalisation
du scanner à visée dosimétrique qui remplace le centrage classique
incombe au manipulateur de radiothérapie. Il doit ainsi maîtriser cet
appareil de haute technicité dont la version dédiée à la radiothérapie est
spécifiquement équipée, notamment de lasers mobiles. Il doit s’approprier
des procédures complexes et les appliquer tout en poursuivant son travail
habituel. Le deuxième temps de cette phase de préparation du traitement
est réalisé sur la console de simulation virtuelle qui est un outil logiciel
sophistiqué, il permet de définir en 3D les caractéristiques géométriques
optimales des faisceaux de traitement par rapport aux structures
anatomiques du patient (la délinéation revenant au radiothérapeute) puis
de visualiser la direction et l’enveloppe des faisceaux dans le patient (les
cas complexes sont traités en unité de physique médicale). Dans ce
processus complexe, le manipulateur exécute une étape essentielle : la
phase de mise en traitement qui permet, après l’étude dosimétrique
réalisée par l’unité de physique et avant d’effectuer la première séance
d’irradiation, de vérifier le positionnement du patient sur la table de
traitement et la balistique des faisceaux de traitement par des contrôles
d’Imagerie portale : ces images réalisées sur l’appareil de traitement seront
comparées aux images numériques reconstruites importées depuis l’outil
de planification de traitement au cours d’une étape dite de fusion-recalage
des images. Ces contrôles seront soumis à la validation du
radiothérapeute sans laquelle le traitement ne peut être réalisé. Au cours
de ces différentes phases, le manipulateur est amené à effectuer des
vérifications protocolisées, de type check-list, pour lesquelles il réalise une
traçabilité systématique. La mise en oeuvre d’un tel traitement est jalonnée
de vérifications et validations systématiques en staff médicotechnique. Ce
changement technologique n’entraîne aucune modification de la mission
traditionnelle de suivi du patient et de lien privilégié entre le malade et son
radiothérapeute référent, bien au contraire. En effet, le manipulateur est
amené à fournir des informations complémentaires concernant ces
techniques complexes. Il réalise, tout au long du traitement, des contrôles
d’imagerie portale périodiques renforcés qui feront l’objet d’une validation
médicale.
Les technologies en cours de développement
(images)
La radiothérapie conformationnelle est un standard de la radiothérapie
moderne. De nombreux centres ont poursuivi le développement de cette
technique : c’est la radiothérapie conformationnelle avec modulation
d’intensité. Ces dernières années, des techniques de plus en plus
complexes ont vu le jour, intégrant notamment la radiothérapie guidée par
l’image (IGRT) dont on peut dire qu’il s’agit d’une évolution majeure
puisqu’elle va permettre une plus grande précision dans la répétition
quotidienne des séances de traitement à partir d’un repositionnement
automatisé (actuellement 19 % des centres en sont équipés). Dans cette
technologie, l’accélérateur « embarque » un scanner (imagerie
embarquée). Ainsi, avant la séance de traitement, une imagerie est
réalisée sur la table de traitement et la position réelle du patient est
comparée à la position prévue. En cas de décalage, un repositionnement
automatique est effectué par le dispositif piloté par le manipulateur.
L’arcthérapie dispose également de cette évolution. La stéréotaxie intra ou
extracrânienne ne concerne qu’un nombre limité de centres (18 et 10). La
tomothérapie et le Cyberknife sont des appareils de technologie innovante
et de grande sophistication ; ils sont actuellement en phase d’évaluation
dans quelques centres sélectionnés et bénéficient d’un financement
spécifique. Le tableau ci-dessous précise le parc d’appareils utilisés en
France au 31 décembre 2007.
ACCÉLERATEURS
THOMOTHÉRAPIE
CYBERKNIFE
384
4
3
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TÉLÉCOBALTS RESTANTS
Ces nouvelles technologies s’accompagnent d’une nouvelle organisation et
de nouveaux processus de traitements, ce qui induit la nécessité d’une
adaptation et d’une remise en question permanente pour le manipulateur
(tout comme d’ailleurs pour les autres métiers de la spécialité…). La
formation continue indispensable ne peut être envisagée de façon
classique. La clé pour l’acquisition des compétences individuelles et
collectives est très certainement le principe d’organisation apprenante au
sein des équipes et des services. La curiethérapie n’est pratiquée que
dans 70 centres. Les évolutions majeures concernent les dispositifs : haut
débit de dose, débit pulsé ainsi que la curiethérapie de prostate réalisée de
façon quasi confidentielle du fait d’une très grande sophistication.
Mesures nationales pour la radiothérapie
À la suite des événements qui ont secoué le monde de la radiothérapie
française, des mesures nationales ont été prises afin de renforcer la
sécurité des traitements. Parmi ces mesures, des critères d’agrément ont
été édictés et vont profondément modifier l’organisation des 176 centres
de radiothérapie.
Dispositif d’annonce consultation paramédicale
Dans le cadre du dispositif d’annonce du dernier plan cancer, les services
de radiothérapie ont créé des consultations paramédicales assurées par
des manipulateurs.qui ont souvent bénéficié d’une formation de psychooncologie. L’objectif de ces consultations est d’assurer une prise en charge
spécifique en raison d’épreuves nombreuses vécues par le patient :
- de la confrontation à un espace et des machines inconnues ;
- de l’information insuffisante ou inadaptée ;
- des effets secondaires et de leur signification ;
- de banalisation du traitement par une équipe soignante accaparée par un
planning impératif ;
- de la solitude dans un contexte social et familial parfois difficile. Écoute,
relation d’aide, explication du traitement et éducation thérapeutique en sont
les points déterminants. Elle permet également d’assurer des liens
fonctionnels avec d’autres services (patients hospitalisés, traitements de
radiochimio concomitants).
Éléments prospectifs
Les objectifs sécuritaires vont impacter en profondeur les missions du
manipulateur déjà confronté à une importante révolution technologique. De
nombreuses mesures sont déjà en application tels les comités de retour
d’expérience, dont le but est de déclarer et d’analyser des événements
précurseurs porteurs de risque et ainsi d’apporter des actions correctives
au système. Ils engendrent un véritable changement culturel ce qui
représente une autre révolution dont le patient est le premier bénéficiaire.
Les nouvelles conditions d’exercice du métier, affiché comme sensible par
la DHOS, se feront dans le cadre du partage et du repositionnement
d’activité entre professionnels. Ce transfert d’activités, réalisé entre
personnels médicaux et paramédicaux, n’est possible qu’à travers une
expertise soignante marquée par un renforcement des compétences des
acteurs paramédicaux concernés. Le projet de réforme en profondeur que
constitue le dispositif LMD en cours d’évaluation impactera le métier de
manipulateur en radiothérapie pour lequel, il faut bien le reconnaître, la
seule reconnaissance forte demeure celle des patients.
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