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Troubles de voisinage
Plantations n° 111
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal civil de Bruxelles (16ème ch.), Jugement du 13 novembre 2000
Les jardins et les terrasses d'immeubles orientés sud/sud-est doivent, en principe, profiter du soleil et de la lumière pendant
toute l'année. Un tel constat théorique doit évidemment être tempéré par la présence éventuelle de constructions érigées dans le
voisinage ou d'arbres et végétations plantés dans les jardins contigus, particulièrement en zone urbaine largement arborée.
Cependant, les propriétaires des maisons situées dans une commune verte peuvent également s'attendre à tirer parti de leurs
habitations en terme de qualité de vie, comprenant notamment le bénéfice, sinon du soleil, à tout le moins de la lumière, source
d'équilibre psychologique dans nos sociétés industrialisées.
Lorsque les jardins et une partie des habitations de ce type sont anormalement privés de lumière aux périodes les plus sombres
de l'année pendant toute la matinée, voire jusqu'à l'heure de midi, privation persistante au printemps et en été, ce trouble excède
les inconvénients normaux du voisinage.
Le juge peut, par des mesures en nature, rétablir l'équilibre rompu, pour autant qu'elles n'aboutissent pas à mettre fin à l'activité
génératrice du trouble. Tel est le cas de l'élagage régulier et de l'étêtage si nécessaire des arbres litigieux, de manière à les
maintenir à une hauteur donnée, ces mesures ne visant pas à interdire au propriétaire du fonds responsable du
trouble de disposer d'un jardin arboré, mais à maîtriser l'ampleur de la végétation (JT 2001, p.275).
Jugement du 13 novembre 2000
La Tribunal,
• de déterminer s'il existe une possibilité d'élaguer et
d'étêter la haie de thuyas allumi, se trouvant sur le
terrain des parties Sussenaire et Tumelaire afin de
permettre aux autres fonds mitoyens de jouir d'un
ensoleillement agréable;
Que l'expert a déposé son rapport le 2 août 1995;
(…)
Vu les pièces de la procédure et notamment:
- le jugement avant dire droit, prononcé par la
quinzième chambre de ce tribunal le 8 février 2000;
- le rapport complémentaire de l'expert Siosse, déposé
le 16 mars 2000;
1. - Objet de l'appel et des demandes nouvelles.
Attendu que par son jugement du 3+ mars 1994, le juge
de paix du canton d'Uccle a désigné l'expert Laurent
Siosse, avec pour mission:
• d'examiner les arbres litigieux et de décrire les
essences et leurs qualités d'arbres à hautes ou basses
tiges;
• de déterminer si certains arbres ont été plantés à des
distances non conformes au Code rural le long de la
clôture mitoyenne;
• de déterminer si ces arbres doivent être arrachés ou
élagués afin de permettre aux autres fonds mitoyens de
jouir d'un ensoleillement agréable;
• d'indiquer si les arbres litigieux sont plantés dans des
conditions similaires aux arbres existants dans le
quartier de l'avenue de l'Equateur et de l'avenue
Circulaire ou s'il existe dans ce quartier de nombreux
arbres à haute tige et similaires et le cas échéant, de
mesurer la luminosité existante sur les fonds litigieux et
dans les environs, daans.le quartier;
Attendu que l'action principale originaire, après le
dépôt de ce rapport, mue par les parties Surkyn et
Vandiepenbeeck tendait à entendre condamner les
parties Sussenaire et Tumelaire à faire élaguer le chêne
à une hauteur de neuf mètres et à faire étêter la haie de
thuyas pour la ramener à une hauteur de quatre mètres
sous peine d'une astreinte de 15.000 BEF par jour de
retard, outre la désignation d'un jardinier chargé de
procéder d'office aux travaux ordonnés;
que les demandeurs originaires sollicitaient également
qu'il soit dit que les défenderesses seront tenues de
procéder auxdits travaux chaque année au premier jour
de l'automne, sous peine d'une astreinte de 5.000 BEF
par jour de retard;
Attendu que les parties Sussenaire et Tumelaire ont
formé une demande reconventionnelle tendant à
ordonner un complément d'expertise ou une descente
sur les lieux;
Que le premier juge a, par son jugement du 29 mai
1996, déclaré l'action principale recevable et
partiellement fondée; qu'il a dit la demande
reconventionnelle recevable, mais non fondée;
Qu'ainsi, les parties Sussenaire et Tumelaire ont été
condamnées à faire élaguer et étêter le chêne à une
hauteur de neuf mètres et la haie de thuyas à une
hauteur de quatre mètres, sous peine d'une astreinte de
1.000 BEF par jour de retard à défaut d'exécution le
premier jour de l'automne;
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Plantations n° 111
Que le premier juge a dit que ces mêmes parties seront
tenues de procéder auxdits travaux chaque année au
premier jour de l'automne, sous peine d'une astreinte de
1.000 BEF par jour de retard;
Attendu que l'appel principal mû par les parties
Sussenaire et Tumelaire tend à la réformation des
jugements entrepris en toutes leurs dispositions, sauf en
tant que le premier juge a désigné un expert;
Que le tribunal a déjà déclaré les actions originaires
recevables par son jugement avant dire droit;
Que les appelantes demandent au tribunal de dire ces
actions non fondées; qu'elles forment une demande
nouvelle tendant à condamner les parties intimées à
leur payer des dommages et intérêts de 200.000 BEF,
pour avoir exécuté le second jugement attaqué;
Attendu que les parties Surkyn et Vandiepenbeeek
concluent à la cconfirmation des jugements entrepris ;
(…)
II. - Les faits.
Attendu que les parties originairement défenderesses,
actuelles appelantes, sont propriétaires d'une maison
avec jardin, située avenue de l'Equateur, 48;
Que plusieurs arbres à haute tige ont été plantés dans ce
jardin, et, en particulier un chêne et six conifères
(thuyas);
Que les propriétaires des maisons voisines avec jardins,
sises avenue Circulaire, 108 et 110 se plaignent de ce
que ces arbres empêchent le soleil de pénétrer dans leur
jardin et dans leur maison, dans la mesure où ils ne sont
pas maintenus à une hauteur raisonnable;
Qu'à la suite de l'exécution du jugement du 29 mai
1996, les parties intimées se déclarent satisfaites, sous
réserve de la présence d'un houx, à proximité du chêne
litigieux, dont la hauteur atteindrait près de six mètres
et d'un arbuste, planté à moins de deux mètres de la
ligne séparative des fonds.
III. - Discussion.
Quant au chêne et aux thuyas.
Attendu que les parties Surkyn et Vandiepenbeeck
fondent leur action sur la base des articles 1382 et 1383
du Code civil et, subsidiairement, sur celle de l'article
544 du même Code;
Attendu qu'il n'est pas ou plus contesté que les arbres
litigieux ont été plantés dans le respect de l'article 35 du
Code rural, à l'exception apparemment de quatre thuyas
qui sont plantés à une distance très légèrement
inférieure à la distance légale (cf. conclusions du
rapport d'expertise); qu'aucune demande tirée de cette
disposition n'est formée en ce qui concerne ces quatre
thuyas;
Attendu que les appelantes n'ont pas l'obligation légale
de procéder à l'élagage ou à l'étêtage des arbres à haute
tige plantés régulièrement sur le fonds; que l'action, en
tant qu'elle est basée sur l'article 1382 du Code civil,
manque en l'espèce de fondement;
Attendu qu'il convient d'apprécier si l'absence d'élagage
ou d'étêtage des arbres à haute tige concernés est de
nature à priver les intimés de la possibilité d'exercer
normalement leur droit de propriété, ce dans une
mesure qui excéderait les inconvénients normaux du
voisinage;
Attendu que les intimés ne se plaignent pas de la
présence d'arbres à haute tige, mais de la privation de
lumière exagérée qu'ils entraînent dans une partie de
leurs propriétés (balcon, terrasse et jardin) à certaines
périodes de l'année, en raison de leur croissance non
contrôlée;
Que si le premier juge, dans la mission qu'il a confiée à
l'expert, paraît avoir défini le point de rupture de
l'équilibre entre les droits respectifs des voisins, par la
notion « d'ensoleillement agréable», à laquelle le
tribunal ne peut souscrire dans le cadre de l'article 544
du Code civil, l'expert s'est attaché à mesurer,
concrètement, les zones d'ombres provoquées par les
arbres litigieux, à certaines dates clés de l'année;
Attendu que les jardins et terrasses des intimés sont
orientés sud/sud-est;
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Plantations n° 111
Qu'il en résulte que ces fonds devraient profiter en
principe du soleil et de la lumière la majorité de la
journée, pendant toute l'année;
Qu'un tel constat théorique doit évidemment être
tempéré par la présence éventuelle de constructions
érigées dans le voisinage ou d'arbres et végétations
plantés dans les jardins contigus, particulièrement en
zone urbaine, largement arborée comme en l'espèce;
Que cependant, les propriétaires de maisons situées
dans une commune verte peuvent également s'attendre
à tirer parti de leurs habitations en terme de qualité de
vie, comprenant notamment le bénéfice, sinon du soleil,
à tout le moins de la lumière, source d'équilibre
psychologique dans nos sociétés industrialisées;
Attendu que les tableaux dressés par l'expert doivent
être compris dans leur vocation dynamique et non
statique;
Que statiquement :
• L'ombre reprochée porte sur l'ensemble des jardins et
balcons au solstice d'hiver et ce, jusqu'à environ 15 h,
• Les zones d'ombre sont négligeables compte tenu de
la position verticale du soleil au solstice d'été;
• Le 21 mars et le 21 septembre les zones d'ombres
portent sur l'intégralité du jardin du 110 et une bonne
moitié du jardin du 108 et ce, essentiellement pendant
l'heure de midi;
Attendu que d'un point de vue dynamique, il faut en
déduire que:
- L'ombre est gênante le matin, pendant tout l'hiver;
- L'ombre est présente toute l'année à l'heure de midi
mais dans une moindre mesure entre avril et août (il
faut relever que même au solstice d'été, une partie non
négligeable du jardin du 108 est ombragée à cette
même heure);
- L'après-midi (après 15 h) n'est pas concernée par le
trouble allégué, quelle que soit la saison;
Que ce constat n'est pas énervé par la circonstance que
le chêne perd ses feuilles à l'automne compte tenu de la
physionomie de l'arbre litigieux, au houppier
relativement dense;
Qu'il apparaît de ces constatations que les jardins et une
partie des habitations des intimés sont anormalement
privés de lumière aux périodes les plus sombres de
l'année pendant toute la matinée, voire jusqu'à l'heure
du midi, privation de lumière persistante au printemps
et en été le midi;
Que ce trouble excède les inconvénients normaux du
voisinage, dans l'environnement décrit ci-dessus,
compte tenu des exigences actuelles de la vie en
société;
Attendu que la jurisprudence majoritaire des
juridictions de fond est favorable au principe d'une
compensation en nature (Verheyden-Jeanmart,
Coppens et Mostin, « Les biens Chronique de
jurisprudence », et réf. cit.);
Que le tribunal se rallie à la doctrine ci-dessus, en ce
qui concerne la portée de l'arrêt de la Cour de cassation
du 14 décembre 1995 (JLM.B., 1996, p. 966 , P.
Henry) qui ne refuse pas au juge le droit, par des
mesures en nature, de rétablir l'équilibre rompu, pour
autant qu'elles n'aboutissent pas à mettre fin à l'activité
génératrice du trouble;
Qu'en l'espèce, les mesures sollicitées ne visent pas à
interdire aux appelantes de disposer d'un jardin arboré,
mais à maîtriser l'ampleur de la végétation, de telle
sorte que la zone d'ombre qu'elle projette soit plus
limitée;
Que le tribunal doit évidemment veiller à ne pas créer
un nouveau déséquilibre entre les parties, par les
mesures qu'il ordonne;
Qu'à cet égard, l'expert a insisté sur la distinction qu'il
convenait de faire entre l'étêtage et l'élagage, le
principe de l'élagage étant de conserver une silhouette
harmonieuse de l'arbre pour une hauteur donnée, tout
en préservant l'équilibre biologique de ce dernier;
Attendu qu'il s'indiquera dès lors, de procéder à
l'élagage et à leur étêtage si nécessaire du chêne et des
thuyas, de manière à maintenir le premier à une hauteur
de neuf mètres et les seconds à une hauteur de quatre
mètres;
Que compte tenu du caractère manifestement
satisfaisant des mesures prises à 1996, dont les effets
paraissent encore apparents à ce jour, il s’indique un
élagage bisannuel, plutôt qu’annuel ;
Qu’une astreinte de 250 Bef par jour de retard
sanctionnera efficacement le non-respect de ces
dispositions ;
Que l’appel sera dès lors dit très partiellement fondé ;
(…)
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