Le mystère de la sacramentalité de l’Eglise et de son ministère
1. L’incarnation du Verbe, sacrement de la Trinité
A la source du mystère de l’Eglise il y a le mystère de la Trinité : « Ce peuple
unifié par la Trinité sainte, c’est l’Eglise, gloire de ta sagesse, corps du Christ et
Temple de l’Esprit » chante la 8e préface des dimanches, reprenant LG no 4
notamment. On se représente l’unique nature divine comme une activité intense
de pensée et d’amour, une communion ineffable entre trois personnes égales, le
Père, le Fils et le Saint Esprit. « L’élan de pensée part de la personne du Père
pour fructifier dans son Fils, son Verbe, sa Parole, sa Sagesse »
1
: ce sont ses
noms. Le Père donne au Fils tout ce qu’il est, sauf sa relation de paternité et il va
lui communiquer tout l’amour dont il est la source. Cet élan d’amour procédant
simultanément du Père et du Fils est un souffle, Esprit est le nom de la troisième
personne de la Trinité. « Le terme dans lequel il fructifie est Don des deux
premières personnes à la troisième »
2
. Il scelle leur amour : et à ce titre il porte
le nom d’amour aussi.
Chacun des trois points quon marque sur la circonférence d’un cercle possède
sans le partager tout le cercle. Ainsi chacune des trois personnes divines possède
sans la partager la divinité tout entière.
Lorsque la deuxième personne de la Trinité est envoyée dans le monde pour
assumer une humanité semblable à la-nôtre elle entre dans le temps, habite
parmi les hommes, il ne change pas d’identité divine mais demeure le Verbe de
Dieu faisant personnellement sienne une nature humaine parfaitement assumée.
1
Ch. Journet, Entretiens sur l’Eglise et les sacrements, Parole et Silence, Paris, 2008, p. 15.
2
Id., p. 16.
Celui qui dans cette nature humaine est aimé ou haï, c’est le Verbe de Dieu.
Dans la personne du Verbe incarné la nature divine et la nature humaine se
trouvent indissolublement jointes et nouées ensemble : « Sous la cendre de son
humanité se cachait le feu de sa divinité » (Catherine de Sienne)
3
.
Toute la Trinité, les trois personnes comme un seul principe, est à lœuvre dans
le mystère de l’incarnation : elle forme et oint de l’onction messianique le corps
humain et l’âme humaine dont se revêtit la seule personne du Fils. Lui seul
devient corporellement présent dans le monde. Mais les trois personnes divines,
distinctes l’une de lautre, sont inséparables l’une de l’autre : ou lune est
présente, la sont aussi présentes les deux autres. Il y a trois raisons qui nous
donnent de comprendre comment elles communiquent entre elles : leur
immanence dans l’essence divine (Dieu est un) ; leurs relations mutuelles (si
Jésus est le Fils c’est qu’il n’est pas séparé du Père : qui dit Fils dit Père aussi
après l’événement de lincarnation) ; enfin leur origine : la pensée du Père
fructifie dans le Fils, et de l’amour du Père et du Fils fructifie l’Esprit. Les trois
personnes divines sont donc transparentes l’une à l’autre, elles sont
indissociables, inséparables : où se trouve l’une se trouve les deux autres
4
.
Elles sont toutes trois présentes, mais pas de la même façon : le Verbe incarné
est présent selon le mode d’incarnation, il est corporellement là ; en lui le Père et
l’Esprit ne sont pas présents sous un mode de présence corporelle (leur présence
reste purement spirituelle), mais parce que l’une des trois personnes est
corporellement présente, les deux autres sont nouvellement présentes au monde,
elles sont rendues plus proches du monde qu’elles ne l’avaient jamais été. Donc
la présence incarnée du Verbe de Dieu a pour conséquence une présence
nouvelle de la Trinité dans le monde. La présence corporelle de la personne du
3
Cf. id., p. 17-18.
4
Cf. id., p. 19-20.
Fils est une porte inouïe qui s’ouvre sur le mystère des trois personnes divines
telles qu’elles subsistent en Dieu.
En cela on peut dire que la présence d’incarnation du Verbe est le sacrement de
la Trinité (Jn 14, 9-11 : « Voilà si longtemps que je suis avec vous et tu ne me
connais pas Philippe ? Qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : montre-
nous le Père ? ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même : le Père demeurant
en moi accomplit ses œuvres. Croyez-moi, je suis dans le Père et le Père est en
moi » ; Jn 8, 29 : « Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul,
parce que je fais toujours ce qui lui plaît » ; Mt 24, 35ss : « Tout m’a été remis
par mon Père et nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul non plus ne
connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler »).
2. L’humanité du Christ, sacrement de la vie divine
A linstant l’humanité de Jésus est conçue dans le sein de la Vierge Marie
elle est assumée par la 2e personne de la Trinité : cette humanité là, c’est le
Verbe de Dieu. La divinité du Verbe s’approprie son humanité. Mais son
humanité, comme la nôtre, est une réalité bien différente de sa divinité : elle est
d’une autre nature, elle est créée, elle est limitée. La divinité du Verbe va donc
investir l’humanité du Christ par ce qu’on appelle la grâce du Christ, lonction
messianique : elle est une participation créée et humainement « supportable »
mais surnaturelle de l’humanité du Christ à la divinité du Verbe. Elle est la
divinité du Verbe qui surabonde dans l’humanité du Christ et que le Christ veut
communiquer, veut déverser sur le monde : « Oui, de sa plénitude nous avons
tous reçu grâce pour grâce. Car la Loi fut données par Moïse ; la Grâce et la
Vérité nous sont venues par Jésus-Christ » (Jn 1, 16-17). Par cette onction
messianique de l’Esprit le Christ devient le sacrement de la vie divine en tant
qu’elle est, à partir de lui, à partir de son humanité, rendue communicable au
monde. (Mt 11, 25-28 : « Si quelqu’un a soif qu’il boive. Celui qui croit en moi,
des fleuves d’eau vive jailliront de son sein »).
a. Les activités du Christ
La puissance divine de Jésus Christ (il est le Verbe de Dieu) déborde de son
humanité « comme d’un instrument d’une merveilleuse délicatesse, doué de
sensibilité d’intelligence, d’amour »
5
, pour opérer des effets qui dépassent
l’ordre du créé. A travers son humanité Jésus communique la vie divine à celles
et ceux qu’il rencontre. C’est le contenu de l’Evangile : on pense bien entendu à
tous les miracles opérés par Jésus qui passent toujours par un contact avec le
Christ, avec l’humanité du Christ : une parole, une prière, une intention, un
toucher, un geste pour communiquer la vie divine, recréer la créature malade,
possédée, décédée, pécheresse etc. Mais on peut aussi penser simplement à des
effets plus discrets : quand il parlait on était frappé par son enseignement car il
parlait avec autorité, non pas comme les scribes ; quand les soldats du temple
viennent arrêter Jésus au jardin des oliviers il tombent à la renverse quand Jésus
leur dit « c’est moi » ; quand on apporte un paralytique au Christ pour qu’il le
guérisse il scrute toute la personne du paralytique et lui pardonne ses péchés ;
quand il fait remplir les jarres deau on en ressort du vin ; quand il met du vin
dans sa coupe le soir du jeudi saint cela devient son sang.
L’humanité de Jésus Christ est donc le sacrement de la vie divine comme la
transfiguration de la matière par l’esprit, la transfiguration de l’humain par le
divin. La divinité s’exprime dans et par l’humanité du Christ, dans les paroles et
les actes humains de Jésus. Il n’y a pas de « spiritualité » qui tombe du ciel : la
5
Id., p. 27.
spiritualité chrétienne est à chercher dans l’humanité de Jésus qui vient toucher
notre humanité. On ne peut pas faire fi dans la foi chrétienne de deux
humanités : celle du Christ et la nôtre : ça ne passe que par là !
3. L’Eglise : sacrement de la vie divine communiquée
6
Cette vie divine communiquée par l’humanité du Christ, c’est l’Eglise. Ce qui
constitue l’Eglise c’est la communication de la vie divine par lhumanité de
Jésus. Ce que nous appelons donc la « sacramentalité » est au cœur du mystère
de l’Eglise. Si elle est l’évangile qui continue (selon la formule de Bossuet) elle
est cette réalité divino-humaine qui communique aux hommes lœuvre du Christ
et donc la présence de Dieu Trinité.
a. L’enseignement du concile Vatican II
Le concile Vatican II a rappelé avec force cette vérité.
Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile
souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne
nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui
resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15). L’Église étant, dans le
Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen
de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se
propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde
entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents Conciles, sa propre
nature et sa mission universelle. À ce devoir qui est celui de l’Église, les
6
Cf. id., p. 33-53.
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