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La langue, ni déléguée de la pensée, ni responsable de la pénurie d’idées
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Abdelhamid Charif
Professeur, King Saud University, Riyad
Plus qu’un véhicule de communication de savoir et d’idées, la langue contribue à forger la
personnalité dun individu et influe sur sa vision de la vie, en le subjuguant par tout un
ritage culturel, et en mettant à sa disposition des outils spécifiques dappréciation,
raisonnement et jugement. Selon Fellini, « Chaque langue voit le monde d'une manière
différente ». Et pour Benjamin Whorf, « La langue façonne notre façon de penser et
détermine ce à quoi nous pouvons penser ».
Il est ainsi aide prendre conscience des limitations et vulnérabilités de l’unilinguisme
conditionnant et contraignant, ainsi que les vertus émancipatrices du multilinguisme. Pour
Goethe, « Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre
langue ». « Qui apprend une nouvelle langue acquiert une nouvelle âme », Juan Jimenez.
Langue et identité nationale
« On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre »,
Emil Michel Cioran.
Le peuple algérien est amazigh ne cesse-t-on de répéter ! On cite beaucoup de rois
célèbres et dynasties berbères glorieuses. Pourtant personne ne nous dévoile le nom de la
toute première personne amazigh, et encore moins ses parents ! Et en remontant plus loin
dans le temps, toutes ces autres races, noire, jaune, rouge, blanche, ne sont-elles pas en fin
de compte que des cousins germains, voire frères et sœurs, car simplement toutes issues du
même couple, Adam et Eve ? Est-il, oh Bon Dieu, si difficile de circonscrire et garder
cette trivialité dans un crâne humain ? Et dans ce cas, que resterait-t-il alors aux races et au
racisme à se disputer ?
Nos ancêtres ont vu filer beaucoup de civilisations et de religions ; et n’ont jamais
abdiqué, y compris devant les arabes ! Plus que toute autre nation, les amazighs ont étudié
et adopté les trois religions monothéistes sans aucun chauvinisme ni contrainte. Et c’est de
plein gré, la tête haute et loin dêtre soumis, qu’ils ont choisi et adopté cette religion
universelle, et se sont même sacrifiés afin de l’étendre vers l’Europe. La Kahina (Dihya),
dernière reine et icône des berbères, sur son lit de mort a conseillé elle-même à ses enfants
et tout son peuple dembrasser l’Islam, pourtant apporté par ses ennemis ! Cest cette fière
berbérité, et ce brave berrisme qui nous ont été légués ! Et qu’ont glorieusement ensuite
portés et hissés Tarek Ibn Ziad, l’Emir Abdelkader, Fatma N’Soumer, Amirouche, Ben
Boulaid, Abane, Si El Haoues, Ben Mhidi, Krim, et bien dautres encore. Une liste si
longue et qui fait envier tant d’autres pays ! Pourquoi doit-on alors rechercher un
berbérisme antérieur ? La recommandation de Dihya, dont la légitimité fait l’unanimité,
n’est-elle pas implicitement cautionnée par Massinissa, Yughurta, Juba, Takfarinas, et tous
les rois berbères ? Ne serait-ce pas que de les trahir tous, que de renier l’Islam et la langue
du Coran ?
Plus que tous les autres peuples convertis à lislam, les berbères en sont devenus les
leaders et ont porté son étendard encore plus loin que les arabes. Contrairement à d’autres
nations islamisées, telles la Turquie et l’Iran, ils ont adopté la langue du Coran et en sont
devenus des maitres et des érudits. L’Arabe choisi par nos ancêtres, c’est la langue du
Coran et du Prophète (Prière et Salut sur Lui). Le nombre d’arabes minables et répugnants
qui pouvaient les en dissuader n’était pas moins important qu’aujourd’hui. Sans Islam,
point d’Arabité en Algérie !
Amazighité, Islam, Arabité. Chacun choisit son ordre préféré, ou hypocritement celui qui
convient à son audience. Ne s’agit-il pas d’une trinité qui ne dit pas son nom ? Ou du
moins qui risque de le devenir ? Notre religion, et celle de nos ancêtres, c’est l’Islam !
L’Amazigh et l’Arabe sont nos langues et cultures officielles, avec ou sanscret ! Et tout
ce que véhiculent ces deux cultures d’incompatible avec l’islam a été ou doit être banni à
jamais ! Et de ces sacrifices, nos ancêtres berbères, lucides et responsables, étaient plus
conscients que nous. Sacrifices jugés tout simplement superflus ! Serait-il tout aussi
superflu de mentionner que l’auteur de cette contribution est un amazigh pur, ne parlant
que Chaoui jusqu’à l’âge de dix ans.
Très jeune jà, Fatma NSoumer, digne héritière de La Kahina, récitait le Coran par
cœur, et dut prendre ensuite la relève de son illustre père, leader religieux et militaire, pour
combattre l’ennemi français, et écrire en lettres d’or des pages universelles uniques
d’héroïsme féminin.
Colonisation culturelle
La politique coloniale de la France en Algérie était explicitement affichée dés le départ
[1]. L’objectif officiel de la colonisation était de civiliser la population en lui imposant la
culture et la langue françaises. Un rapport français stratégique et confidentiel, établi en
1830 [1], à la veille de l’invasion, estimait à pas moins de 40 % le taux de personnes
lettrées en Algérie ! Un taux remarquablement élevé, même par rapport aux normes
internationales actuelles ! Vingt ans plus tard, ne restait qu’à peine la moitdu nombre
d’écoles ; et le système éducatif, compoessentiellement d’écoles coraniques, ne tarda
pas à être démantelé. Ainsi donc s’inaugurait la civilisation de l’Algérie par la France.
L’enseignement forcé de la langue française se mit en place au détriment de l’Arabe
littéraire classique [1]. L’Arabe dialectal devint ainsi le seul langage quotidien, et fut
coupé de toute source intellectuelle de développement. Seuls des termes français
pouvaient ainsi s’ajouter au fur et à mesure à ce dialecte qui séloignait davantage de son
origine. A cela s’ajoute aussi la transformation des grandes mosquées en églises, ainsi que
l’implantation des « Pères Blancs », ces missionnaires ayant ajouté aux serments
d’obéissance et chasteté celui dévangélisation des colonies, dans beaucoup de régions,
notamment en Kabylie [2,3]. La singularisation de cette région n’était pas fortuite et faisait
partie de la stratégie « Diviser pour régner » [1,3].
Empreinte coloniale
Laissons d’abord parler quelques illustres hommes de lettres et sciences français :
« Écrire proprement sa langue est une forme de patriotisme », Lucie Delarue-Mardrus
(1874-1945). « Le premier instrument du génie d'un peuple, c'est sa langue », Stendhal
(1783-1842). « Voulez-vous apprendre les sciences avec facilité ? Commencez par
apprendre votre langue », Etienne De Condillac (1715-1780).
Il ne saurait être question de « langue vivante » ou de multilinguisme que chez une
personne libérée et dont l’identi elle-même est vivante, autrement dit qui maitrise
d’abord sa propre langue. La colonisabilité et son corollaire de complexe d’infériorité ne
se contentent pas de faire parler la langue du colon, ils la font aimer, admirer ; et par
ricochet, cet envoutement fait haïr et mépriser sa propre langue à la pauvre victime !
Le pays de la colonisabili est le seul au monde des responsables politiques n’arrivent
pas à formuler une phrase, voire prononcer un mot, correctement, même en Arabe
dialectal ! Une simple sélection au tirage sort ne nous aurait-elle pas épargné tant
d’humiliations ? Sur quelle base choisit-on des individus intellectuellement limités et
incapables jusqu’à apprendre leur propre langue, pour représenter la nation ? Et s’agit-il
seulement d’une déplorable médiocrité ?
Il n’est pourtant pas nécessaire d’être éloquent en langue arabe pour représenter dignement
son pays. Un niveau décent peut être acquis en quelques semaines seulement, et c’est à la
compétence de faire le reste, comme l’observe pertinemment Jean Cazalet : « Je parle
l'anglais bien mieux que je ne le comprends, parce que quand je le parle, c'est moi qui
choisis les mots ».
Les pièges de l’éloquence
L’éloquence est un talent certain, qui parfois se suffit pour être admi au-delà même des
propos tenus. Et c’est pour cette raison justement que, comme toute autre beauté artistique,
l’éloquence constitue aussi un piège. Les emballages et les outils ne doivent jamais primer
par rapport aux contenus et objectifs. Il n’y a pas plus éloquent, plus pertinent, et plus
persuasif que la raison et la vérité, fussent-elles muettes. Une manière sublime, littéraire
ou poétique, de dire des bêtises ne trompe que les dupes, l’auteur en premier. L’éloquence
des poètes arabes avant l’Islam demeure, aux yeux de beaucoup, presque inégalable. Et
pourtant, quen dit le Coran 26/224-226 :
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« Quant aux poètes, ce sont les égarés qui les suivent. Ne vois-tu pas qu’ils errent au gré
de leurs caprices, et qu’ils se vantent de choses qu’ils n’ont jamais accomplies ? »,
Provoqué une fois avec ces versets, le poète de la révolution, Moufdi Zakaria répondit :
« Moi je fais partie des exceptions évoquées dans le verset suivant ! ».
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« Excepté ceux qui croient et font de bonnes œuvres, qui invoquent souvent Allah et se
défendent contre les torts qu'on leur fait. Les injustes verront bientôt le sort funeste qui
les attend ! », Coran 26/227
Berbérisme et Baâthisme, ennemis alliés dans l’anti-islamisme
Qu’il parle Arabe ou pas, un musulman quelconque, même sans la griffe de « bon
musulman », ne peut éprouver de la haine envers la langue du Coran, nime être
indifférent. « Ah comme je vous envie de pouvoir lire et comprendre le Coran en Arabe ! »
Très nombreux, à travers le monde, sont les musulmans à admettre cette jalousie à leurs
homologues arabes. Et une partie non négligeable finit souvent par apprendre à lire,
réciter, comprendre et apprécier le livre sacré, dans sa langue d’origine.
Le bilinguisme, voire trilinguisme, en Algérie est un état de fait. Il n’y a absolument
aucune raison de démentir ceux qui considèrent cela comme un avantage, et dans une
certaine mesure un butin. C’est l’unilinguisme, sous ses deux visages odieux, et auquel est
livré le pays, qui cause tant de torts ! De mauvais avocats prétendant défendre des causes
nobles et justes ! Des incompétents unidirectionnels fantasmant sur une distinction par
exclusion et élimination de l’adversité et diversité linguistiques ! Et comme par hasard
fermement unis, quand il s’agit dévacuer et éloigner la religion, contraignante et gênante,
aux calendres grecques !
La civilisation anglo-américaine domine, et c’est à juste titre que l’Anglais est la première
langue. Rien n’est toutefois acquis pour de bon, et dans quelques décennies le Chinois
peut bien le supplanter. La langue arabe traine loin derrière, et la faute n’incombe quaux
arabes et musulmans ! Et des comptes devront bien être rendus tôt ou tard !
Le Coran et sa langue survivront seuls ce jour là, quand toutes les autres langues, tous les
livres, toutes les cultures et doctrines, toutes les civilisations, ainsi que tout l’univers
seront rangés comme un simple livret.
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« Ce jour Nous plierons le ciel comme on plie des livres. Tout comme Nous avons
commencé la première création, ainsi Nous la répéterons; c'est une promesse qui Nous
incombe et Nous l'accomplirons ! » Coran 21/104.
Références :
[1] : http://countrystudies.us/algeria/53.htm (Source: U.S. Library of Congress)
[2] : http://www.kabyleuniversel.com/2013/05/29/qui-sont-les-peres-blancs/
[3] : http://cdlm.revues.org/3333
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