Introduction
Une lésion maligne secrète des facteurs d'angiogenèse stimulant l'élaboration d'une
néovascularisation pour assurer sa croissance. Par rapport à la vascularisation nor-
male du sein, ces néo-vaisseaux sont de distribution focalisée, plus perméables (dis-
continuité de l’endothélium allant de quelques microns à 400-600 nm) et distri-
buent un espace interstitiel plus important (60 % du volume tumoral). C'est donc
en injectant un produit de contraste en bolus et en imageant rapidement le sein à
étudier que cette angiogenèse anormale peut être détectée et analysée (angio-mam-
mographie, échographie, scanner, IRM). Si la sensibilité et la valeur prédictive néga-
tive de cancer de l’IRM sont élevées (> 90 %, peu de faux négatifs pour les cancers
infiltrants); sa spécificité varie en fonction du type de lésion et du risque de cancer
des populations étudiées (la spécificité augmentant avec le risque).
Technique IRM
Tout d’abord, il est très important d’expliquer à la patiente le déroulement et le but
de l’examen afin d’obtenir sa coopération optimale (absence de mouvements lors de
l’acquisition dynamique). En dehors de l’exploration spécifique de prothèse(s)
mammaire(s) (silicone), une voie d’abord périphérique sera systématiquement
mise en place avec un long raccord permettant d’injecter le produit de contraste
(sels de gadolinium) sans déplacement du lit d’examen. La patiente est installée en
procubitus, les seins placés dans les orifices prévus à cet effet. Le protocole d’examen
(trente minutes) comporte l’acquisition de plusieurs séquences : une série anato-
mique de pondération T1, une séquence de pondération T2 avec ou sans saturation
de la graisse (non systématique), une séquence dynamique avec injection de sels de
gadolinium en bolus (écho de gradient 3D, temps d’acquisition autour d’une
minute trente secondes) répétée une fois avant, puis après injection sur une durée
d’au moins sept minutes (1).
Place de l’IRM en sénologie
A. Tardivon
La première édition BI-RADS-IRM de l’ACR (American College of Radiology)
est disponible en français depuis octobre 2004 (éditée par la Société Française de
Radiologie) (2). En l’absence de protocole standardisé, seules des recommandations
générales sont proposées : utilisation d’une antenne dédiée au sein, injection en
bolus du produit de contraste (type de produit, dose, mode d’injection), région
d’intérêt (mesures quantitatives des prises de contraste) d’au moins trois pixels cen-
trée sur la zone lésionnelle de rehaussement maximal.
Le compte-rendu doit préciser :
le contexte de la réalisation de l’examen (histoire clinique actuelle, antécédents,
données cliniques et de l’imagerie standard) ;
– la période du cycle ou la prise d’un THS. En effet, il existe des prises de contrastes
physiologiques du tissu mammaire normal à l’origine de faux positifs dans ces
deux situations cliniques. Pour les femmes réglées, l’examen IRM devra être idéa-
lement programmé durant la deuxième semaine du cycle (3). En ce qui concerne
traitement substitutif, le risque de faux positifs s’observe surtout en cas de traite-
ment combiné. Ce ne sont pas, bien sûr, des contre-indications à l’examen ; mais,
si les résultats sont ambigus, l’IRM devra être répétée, soit à la bonne période du
cycle, soit après un arrêt de six semaines du traitement substitutif ;
l’application d’une compression mammaire (qui doit rester d’intensité modérée
afin de ne pas faire disparaître une prise de contraste) ;
– le descriptif des séquences IRM utilisées ;
pour l’étude dynamique, le nombre d’acquisitions après injection et l’intervalle de
temps entre les séquences doivent être précisés ;
– le descriptif du traitement des images ;
la présence et l’intensité d’artefacts éventuels (mouvements de la patiente, etc.)
pouvant gêner l’interprétation de l’examen.
Bases d’interprétation d’une IRM
Le BI-RADS-IRM propose un lexique descriptif des anomalies IRM rencontrées (2).
Une prise de contraste se définit comme un rehaussement d’intensité supérieure
à celui du parenchyme mammaire normal à un temps donné. La stratification de la
classification s’effectue en fonction des données de la séquence anatomique avant
injection (séquence en écho de spin de pondération T1).
Le rehaussement focal correspond à une lésion avant injection
On qualifiera alors la prise de contraste de masse, et on en décrira les différents
items qui la caractérisent sur la séquence dynamique où son intensité est maximale
(forme : ronde, ovale, lobulée, irrégulière ; contours : circonscrits, irréguliers, spi-
culés ; rehaussement interne : homogène/hétérogène, périphérique ou central, la
présence de septa internes en hyposignal ou prenant le contraste). Il faut rappeler la
nécessité d’une séquence de résolution spatiale correcte pour apprécier sa morpho-
68 Cancer du sein68 Cancer du sein
logie, et l’intérêt des reconstructions multi-planaires (imagerie 3D) dans cette ana-
lyse.
Les signes plaidant en faveur de la bénignité sont : une forme ronde, ovale ou
lobulée avec des contours bien circonscrits, l’absence de rehaussement ou un
rehaussement homogène ou avec des septa internes en hyposignal (fibroadénome)
et une courbe cinétique ascendante. En faveur de la malignité : une forme et/ou des
contours irréguliers ou spiculés, un rehaussement hétérogène (en cocarde périphé-
rique) et une courbe cinétique avec lavage.
Le rehaussement focal ne correspond pas à une lésion avant injection
Si le rehaussement est de forme ronde, homogène, et mesure moins de 5 mm, on
parlera alors de focus. Il correspond le plus souvent à du tissu mammaire normal
(objet brillant non identifié décrit par les auteurs allemands). Quand ils sont plus
nombreux et sans systématisation topographique, on parlera de foci. Ces rehausse-
ments doivent être cependant nettement séparés les uns des autres.
Le rehaussement ne correspond pas à une lésion avant injection et n’a pas
l’aspect d’un focus
On doit le caractériser par sa distribution spatiale et son type de rehaussement :
distribution spatiale : focale (rehaussement occupant moins de 25 % d’un qua-
drant), linéaire (suivant une ligne), canalaire (topographie d’un galactophore et se
dirigeant vers le mamelon), segmentaire (en forme de cône ou de triangle dessi-
nant l’arborisation d’un arbre galactophorique), régionale (forme géographique
sans contours convexes), diffus (occupant tout le sein, homogène et de même
intensité que le tissu mammaire normal) ;
– type de rehaussement : homogène versus hétérogène, symétrique ou asymétrique
(comparaison avec l’autre sein), micronodulaire (rehaussement de 1 à 2 mm,
multiples sans systématisation), punctiformes (foci dessinant des « pavés » avec
tendance à la confluence dans le temps), réticulaires ou dendritiques.
Plaident en faveur de la bénignité : la distribution spatiale régionale ou diffuse, le
rehaussement bilatéral et symétrique, homogène, micronodulaire (tissu mammaire
normal, mastopathies fibro-kystiques) ; en faveur de la malignité : la distribution
canalaire ou segmentaire, le rehaussement hétérogène et asymétrique, punctiforme
ou réticulaire (lésions de carcinomes soit in situ, soit lobulaire infiltrant ou inflam-
matoire).
Place de l’IRM en sénologie 69Place de l’IRM en sénologie 69
Classification BI-RADS de l’ACR
Sept catégories de VPP croissantes de cancer doivent venir conclure le compte-
rendu :
catégorie BI-RADS 0 : examen à compléter (échographie de seconde attention,
comparaison avec des bilans antérieurs non disponibles) ou IRM à refaire du fait
de problèmes techniques ;
– catégorie BI-RADS 1 : examen IRM normal ;
catégorie BI-RADS 2 : les anomalies IRM décrites sont bénignes. Entrent dans cette
catégorie des lésions sans rehaussement : cicatrices, kystes huileux, fibro-adé-
nomes hyalinisés, galactocèles, kystes, hamartomes, présence d’implants ;
catégorie BI-RADS 3 : anomalie probablement bénigne. Un suivi IRM rapproché
(4-6 mois) est recommandé. Il n’y a pas de descriptif lésionnel dans cette édition
(rentre dans cette catégorie, la masse de morphologie bénigne avec rehaussement
homogène et septa internes en hyposignal, sans lavage sur la courbe cinétique) ;
catégorie BI-RADS 4 : anomalie IRM suspecte nécessitant un diagnostic histolo-
gique. Il n’y a pas de descriptif lésionnel. Intuitivement, il s’agit de lésions présen-
tant, soit des caractéristiques morphologiques suspectes avec une cinétique en
faveur de la bénignité, soit l’inverse ;
catégorie BI-RADS 5 : anomalie IRM évoquant une pathologie maligne jusqu’à
preuve du contraire (morphologie et cinétique d’aspect malin) ;
catégorie BI-RADS 6 : l’anomalie décrite en IRM a un diagnostic connu de mali-
gnité (prouvé par cytologie ou biopsie). Cette nouvelle catégorie lésionnelle est
utile, par exemple, dans un contexte de bilan IRM d’un cancer.
Indications et résultats de l’IRM
Exploration des prothèses en silicone
Si l’IRM est la meilleure technique d’imagerie (sensibilité de 78 % pour une spéci-
ficité de 91 %) pour le diagnostic de rupture intra-capsulaire d’une prothèse en sili-
cone ; ses indications doivent être réservées aux cas restant ambigus après imagerie
standard (4-7). Il faut souligner que l’IRM n’est pas un examen de dépistage, ces
performances étant moindres dans une population asymptomatique (7).
L’exploration IRM doit comporter au minimum deux plans d’étude, afin de bien
différencier des replis prothétiques complexes ou des microperforations avec suffu-
sion de gel d’une véritable rupture intracapsulaire. Les simples replis prothétiques
se traduisent par des hyposignaux linéaires, épais, partant de l’enveloppe et se per-
dant dans le gel de la prothèse. Les suffusions débutantes de gels se traduisent par
des images de petite taille et peu nombreuses en forme de « lasso » ou de « trous de
serrure ». La rupture intracapsulaire avérée se traduit par la détection d’une ligne
fine en hyposignal (correspondant à l’enveloppe prothétique) partant de la coque
dans le gel en hypersignal et revenant vers la capsule (linguin sign des Anglo-Saxons)
70 Cancer du sein70 Cancer du sein
Place de l’IRM en sénologie 71
(figure 1) ; la présence de nombreuses images en « lasso » ou en « trous de serrure »
doit faire évoquer également le diagnostic de rupture.
Figure 1 - Rupture intra- et extra-capsulaire (prothèse en silicone). L’enveloppe capsulaire
apparaît sous forme d’un hyposignal linéaire dans le gel de silicone en hypersignal. À noter
la présence de gel de silicone en dehors de la capsule (sein gauche).
Récidive locale d’un cancer du sein
Cette indication fut la première validée pour l’IRM. En effet, dans ce contexte, sa
sensibilité et sa spécificité sont excellentes, supérieures à 90 % ; le risque de faux
positif étant fortement réduit par la fibrose post-radique (la cytostéatonécrose
inflammatoire étant la cause la plus fréquente de faux positifs) (figure 2) (8-11). Le
délai optimal à respecter entre la fin de la radiothérapie (inflammation à l’origine
de faux positifs) et la réalisation d’une IRM pour une suspicion de récidive locale a
évolué dans le temps : deux ans, puis un an (probablement optimal), voire quasi nul
au vu d’une publication récente (12). Les indications de l’IRM sont larges : anomalie
clinique non expliquée par l’imagerie standard, anomalie suspecte détectée par
l’imagerie, surveillance de seins à risque accru de récidive locale et difficiles en cli-
nique et en radiologie standard. Du fait de la sanction chirurgicale radicale en cas
de récidive avérée et du coût de l’IRM, ces indications sont à mettre en balance avec
des gestes interventionnels simples. En particulier, en cas de micro-calcifications
isolées, les macrobiopsies stéréotaxiques sont à privilégier, sachant le taux variable
de faux négatifs de l’IRM dans les lésions in situ (4).
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