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int. L, feu a de la paille dans le ventre"
La guerre des imams
A Marseille, des cheft religieux proches du II-ont islamique du Salut se disputent
le contrôle de la communauté musulmane. Mais sont-ils vraiment représentatift ?
Quand Mohamed
Alili ne s'occupe
pas de religion, il
donne un coup de
main à la cuisine.
Mohamed Alili
dirige la plus an-
cienne mosquée
de Marseille, por-
te d'Aix. Il tient
aussi un petit res-
taurant, à deux
pas de la salle de
prière, rue du Bon-Pasteur. C'est là qu'il
accueille le visiteur. Sur les murs, il a affiché des
versets du Coran, des gravures de La Mecque.
Mais ses clients regardent tous le poste de
télévision qui trône dans la salle, allumé en
permanence, à plein volume. Ce jour-là, pen-
dant que Mohamed Alili explique pourquoi les
musulmanes portent le voile, des mannequins
haute couture, vêtus de dentelles transparentes,
défilent sur l'écran. Etormant mélange. Aussi
déroutant que Mohamed
Ce quinquagénaire débonnaire et volubile
d'origine kabyle, installé à Marseille depuis
trente-sept ans, est membre du Corif, le Conseil
de Réflexion sur l'Islam en France, créé en 1990
lorsque Pierre Joxe était ministre de l'Intérieur.
Ainsi, on attend de Mohamed Alili une certaine
réserve, de la prudence et beaucoup de sagesse.
Mais depuis longtemps il multiplie les « dérapa-
ges ». Ainsi quelques jours avant le début de la
guerre du Golfe se rend-il en Irak pour un
congrès musulman. Pendant les combats, il
fustige les Américains et les Saoudiens
« responsables de la honte et de l'humiliation des
lieux saints ».
Et en juillet, après l'assassinat du
président algérien Mohamed Boudiaf, il déclare :
«
Voilà le résultat quand on cautionne l'injustice.
Sa mort ne vaut pas plus cher que celles des
autres. »
11 est immédiatement rappelé à l'ordre
par Paul Quilès qui lui demande de s'abstenir
désormais de «propos provocateurs ».
Aujourd'hui, Mohamed Alili prend des pré-
cautions avant de livrer le fond de sa pensée. Il ne
provoque plus. Il suggère,i
En Algérie,
explique-
t-il,
toute la population réclame un changement
radical. Lors des dernières élections, le FIS
représentait cet espoir. Mais on a tué le bébé
avant la naissance. On a décrété qu'il serait un
monstre. On n'a pas respecté la volonté du
peuple. On interdit aux Algériens d'être ce qu'ils
veulent
être.
Pourtant,
les valeurs de l'islam, c'est
24 / LE NOUVEL OBSERVATEUR/DOSSIER
Abdelhadi Doucit; imam ala mosquée de la Madrague
Un croissant bleu blanc rouge
Un croissant bleu blanc rouge accroché
comme n'importe quel pin' s à la boutonnière
pour lutter contre le délit de faciès, les
musulmans de France ont choisi de s'affi-
cher. L'idée vient de la FNMF (Fédération
nationale des Musulmans de France). Elle a
été préférée à une épinglette en forme d'hexa-
gone et aux couleurs musulmanes.
leur culture. C'est tout ce qu'ils ont. Ils ne vont
pas importer un autre modèle pour faire plaisir à
l'Occident. » Les dangers de l'intégrisme, de
l'islam radical? «L'intégrisme, cela n'existe pas!,
dit Mohamed Alili.
Tout croyant est intégriste.
Plus exactement, il est intègre. Il respecte ses
valeurs. Les non-musulmans nous accusent de
mélanger la politique ét la religion. Mais le
politique est toujours religieux. De Gaulle était
catholique. Il allait à la messe à Colombey-les-
Deux-Eglises tous les dimanches. On ne
l'a
pourtant pas accusé de détourner la Constitu-
tion. Maintenant, si vous dites que de Gaulle est
intégriste, moi aussi je le suis ! »
Mohamed Alili explique tout cela en grillant
ses Marlboro. Le FIS menace-t-il la liberté des
femmes algériennes ? « Si
le peuple est d'accord
avec une nouvelle loi pour les femmes, celle du
FIS
par exemple, pourquoi une minorité
s'oppo-
serait-elle à ce choix majoritaire ? »
Et dans la
foulée, il dénonce les intellectuels, «
les Rachid
Mimouni »,
les «
Parisiens algériens qui croient
pouvoir transformer Bab-el-Oued en Champs-
Elysées ».
Il en a aussi après Kofi Yamgnane, le
ministre de l'Intégration, en visite à Marseille ce
jour-là. «
Il nous demande de nous intégrer. Je
veux bien. Mais moi, je suis en France depuis
les
années 50. Et à cette époque, les ancêtres de Kofi
étaient encore cannibales »
Quartiers nord de Marseille. Au milieu d'im-
menses entrepôts, des hommes se pressent pour
aller à la prière. A l'entrée d'un hangar, une petite
pancarte indique une mosquée. La mosquée de la
Madrague, «
la plus grande du sud de la France »
selon son imam Abdelhadi Doudi, le grand rival
de Mohamed Alili. Ce cheikh-là n'a pas la même
jovialité ni la même décontraction que son
confrère de la porte d'Aix. La quarantaine,
2
barbu, l'ceil noir, vêtu d'une austère tunique
grise, il reçoit dans son bureau, rempli
.
de livres
2
savants. Contrairement à Alili, il a une solide
formation théologique. Il a étudié dans l'ùne des
plus prestigieuses universités coraniques, à al-
Azhar, au Caire. Et de retour à Alger, dans les
années 70, il a prêché dans les mosquées des
banlieues populaires. Il raconte qu'à cette époque
Ali Belhadj, qui deviendra plus tard l'un des
leaders du FIS, était assis à ses pieds, parmi
d'autres disciples. Il précise aussi que son beau-
frère s'appelait Mustapha Bouyali. Cet Algérien,
tué dans une fusillade avec les gendarmes en 1987,
était le chef des maquis islamistes. Il dirigeait le
MIA, ce même mouvement qui revendique
aujourd'hui les attentats en Algérie.
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