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130 Hegel Vol. 6 N° 2 - 2016
Théorie quantique et médecine :
le point de vue d’un physicien
Quantum theory and medicine: a physicist’s point of view
Claude Aslangul
Professeur émérite à l’Université Pierre et Marie Curie
Laboratoire de Physique Théorique de la Matière Condensée, 2, place Jussieu, 75252 Paris cedex 05
Résumé
Dans un premier temps, on rappellera pourquoi est née la théorie quantique (TQ), et les objectifs
qui lui sont assignés. Quelques unes de ses applications dans le champ de l’analyse médicale
ayant permis des progrès fulgurants dans le diagnostic et les traitements seront ensuite passées
en revue. Enn, on citera des dérives stupéantes auxquelles conduit la récupération indue d’une
théorie certes difcile mais dont les subtilités n’autorisent pas qu’elles deviennent les fondements
autoproclamés de pseudo-sciences.
Mots-clés
Théorie quantique
Abstract
Firstly, we should recall the reasons for which the Quantum Theory has been built and the aims
it pursues. Secondly, Quantum Theory has fostered some major scientic progress in the medical
eld, such as the use of MRI scans for diagnosis. Finally, we will mention the extreme digressions
which misuse the complex terminology of quantum theory to create a pseudo-science misleading
people.
Keywords
Quantum theory
Ce qu’est la Théorie quantique
La TQ1 a été construite au début du XXe siècle en raison d’une longue série d’expériences cruciales
démontrant à l’évidence l’incapacité de la physique classique à rendre compte des phénomènes
atomiques ou subatomiques, et des propriétés du rayonnement électromagnétique dont l’étude a
1. On évitera de parler de physique quantique pour la raison suivante. La description ne des phénomènes
microscopiques utilise nécessairement les concepts (et le formalisme) quantiques, que ces phénomènes constituent
une problématique pour le physicien, le chimiste ou le biologiste. La théorie quantique fournit le cadre général de
travail à ces spécialités, que l’on peut naturellement qualier de quantiques à la condition expresse de désigner ainsi
une certaine méthodologie. Par exemple, la chimie quantique vise à décrire les propriétés chimiques des molécules
à partir de la détermination de leurs fonctions d’onde, ce qui permet d’en déduire les propriétés responsables de la
réactivité, la conformation, la stabilité, etc.
De la même façon, on ne doit parler de biologie quantique que dans la mesure sont effectivement pertinentes
certaines propriétés des molécules impliquées dans le processus analysé. De ce point de vue, et comme la photosynthèse
est cruciale pour l’émergence de la vie, on peut se croire fondé à afrmer doctement que la vie est quantique... mais
une telle sentence est une trivialité absolue tant qu’elle n’a pas reçu de contenu précis. Le propre d’une afrmation
vide étant d’être ni vraie et fausse puisque qu’elle ne dit rien, celle-ci ne peut donc être l’objet d’une réfutation ou
d’une acceptation, seulement être au cœur de stériles polémiques.
DOI : 10.4267/2042/60007
Théorie quantique et médecine
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donnénaissance àla notion de champ inventéepar Maxwell vers 1850. La genèse de la théorie a
procédéd’unedémarche par essai et erreur,comme il en va toujours en physique oùla cléde voûte
méthodologique est une confrontation systématique entre expérience et théorie, conduisant peu àpeu
àun cadre logiquement cohérent permettant de comprendre l’ensemble des observations et d’en rendre
compte par les mathématiques et, lorsqu’il s’agit du monde quantique, les mathématiques sont le seul
langage approprié.Sil’enfantement fut dif®cile, s’étendantsur plus de deux décennies après l’hypothèse
fracassante de Planck (14 décembre 1900), l’instant crucial fut la charnière 1925-1926 avecles articles
fondateursdeHeisenberg et de Schrödinger.Depuis cette date, des armées de physiciens avecleur
cohortes de prix Nobel et leurs régiments de fantassins ont utiliséce cadre théorique, cherchant même
parfois àle torturer ;àce jour,aucune expériencen’a invalidéla théorie, ycompris dans ses prévisions
les plus surprenantes, quand elles ne sont pas tout simplement incompréhensibles pour le sens commun
puisqu’elles ne peuvent justement s’exprimer que dans le langage avancédes mathématiques, toute
tentativededescription avec les mots ordinaires étant vouéeàl’échec, la contradiction ou l’absurdité
quand elle ne conduit pas àdes délires intellectuels constituant le triste univers des pseudo-sciences2.
Dans le domaine quantique, plus que partout ailleurs, Galiléearaison3.
On ne peut mieux résumer le statut actuel de cette théorie qu’en citant Roger Penrose pour qui la TQ est
«laplus exacte et la plus mystérieuse de toutes les théories physiques »[1]. En effet, pourvu que l’on
s’arrête en deçà du mur de Planck4qui est aujourd’hui l’horizon du physicien ,cette théorie fournit
une explication aujourd’hui irréfutable du monde observable, du noyauatomique aux étoiles àneutrons,
et ce, avecune précision diabolique jamais atteinte dans l’histoire des sciences. La TQ accomplit ainsi
intégralement le programme dévolu àtoute théorie physique être douéedecohérence interne, rendre
compte des expériences effectuées,etprévoir de nouveaux phénomènes non encore observés;ce
succès presque vertigineux justi®ed’adhérer pleinement àla révolution conceptuelle qu’elle impose.
Mais c’est aussi ce succèsetles mystères qui l’accompagnent qui, en en faisant l’attrait et la séduction,
sont aussi son talon d’Achille pour prêter le ªanc àdes récupérations saugrenues voire burlesques dont
je citerai certaines dans la dernière partie de cet article.
La plus mystérieuse en effet, car la TQ remet radicalement en cause quelques dogmes héritésde
siècles d’observations des lois naturelles, observations ayant toutes en commund’être un regard sur
le monde tel que les sens humains peuvent l’appréhender directement éventuellement au moyen
d’instruments ,qu’il s’agisse du mouvement des particules browniennes ou des irrégularitésdel’orbite
d’Uranus, dogmes qui, soit dit en passant, avaient et ont d’ailleurs toujours leur raison d’être et
leur (désormais exclusif)domaine de validité,celui du monde macroscopique.Car c’est au moment où
la question de la nature de l’inÒniment petit (comme on dit) avraiment commencéàse poser sur des
bases expérimentales que ces dogmes ont révéléleurs limites et se sont littéralement effondrésquand,
tout naturellement, on aentrepris de les exporter dans un monde jusque-làinconnu car inobservable. Il
convient d’en citer quelques uns car ce sont précisément ceux-làqui, invoquésàtort et àtravers, sont
brandis en étendards par les tenants de pseudo-sciences.
La première notion qui disparaîtdans le domaine quantique est celle de trajectoire, c’est-à-dire de
la ligne parcourue dans l’espace par un mobile, qu’il soit petit ou grand, qu’il s’agisse d’un grain de
poussière, d’un obus de canon ou d’une étoile. L’expérience des fentes d’Young démontre àl’évidence
que dèslors qu’il s’agit d’un trèspetit objet (un électron, un atome, une grosse molécule comme un
fullerène...), la trajectoire au sens de la penséeclassique n’existe pas, tout simplement. Sa traduction la
plus élémentaire est ce qui fut historiquement appeléle Principe d’incertitude de Heisenberg,expression
n’ayant de valeur que dans le contexte de l’époque oùelle a étéforgéemais àlaquelle aucun physicien,
aujourd’hui, n’attribue plus un sens littéral:iln’y aniincertitude, ni principe au contraire de ce que
croient ceux qui convoquent àtort et àtravers ce «principe »qui n’en est plus un. Il en va d’ailleurs
de même pour la relation de de Broglie que l’on voit manipuléesans vergogne avecpour seul effet de
révéler l’ignorance de ceux qui croient pouvoir en faire la pierre angulaire de leurs divagations ;c’est
cette relation qui afondél’énigmatique dualitéonde-corpuscule,mais cette dualitén’existe pas puisque
les petits objets ne sont ni des ondes ni des corpuscules. Cela n’empêchepas certains [2, 3] d’établir
2. Le terme pseudo-science désigne des «théories »et des doctrines qui, en utilisant un langage savant, se
donnent un air de science sans cependant satisfaire les standards de la scienti®cité.
3. «Illibro della natura e’ scritto coi caratteri della Geometria. »
4. Al’heure actuelle, on ne sait pas comment réunir dans un même corpus théorique la TQ et la relativitégé-
nérale (RG) d’Einstein (théorie de la gravitation). Cette impossibilitéinterdit de décrire des phénomènesoùles effets
quantiques et les effets gravitationnels sont comparables ;lecritère correspondant conduit aux échelles de Planck
(longueur,temps, et énergie) qui dé®nissent une sorte de barrière infranchissable vers un monde dont la description
exige une théorie qui aujourd’hui n’est pas disponible. La longueur de Planck vaut 2x10-35 m, le temps de Planck est
voisin de 5x10-44 s, l’énergie de Planck est àpeu près5x1019 GeV.
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un parallèle grotesque entre cette (fausse) dualitéet la dualitécorps-esprit, étalant tout àla fois leur
incompréhension du sens que l’on auntemps attribuéàla relation de de Broglie et leur sidérante
prétention intellectuelle.
Ces expressions sont nées àune époque oùSchrödinger le premier [4], parlant des images traduites
par les vocables onde et corpuscule forgées par nos habitudes mentales, pouvait écrire àjuste titre :
«[il s’agit d’] images que nous sommes obligésdegarder toutes les deux parce que nous ne savons pas
encore comment nous en débarrasser »5;mais elles ont malheureusement la vie longue, réapparaissant
de façon incontinente dans des discours où l’approximation est au service de l’ignorance et fait ®de
la compréhension en profondeur des bizarreries du monde quantique, compréhension qui aexigédes
décennies d’intense réªexion constamment af®néepar les expériences les plus subtiles et les plus
dif®ciles.
Oui, le monde quantique est bizarre, très bizarre, et la plongéedans l’in®niment petit ne se réduit pas
àun simple changement d’échelle faisant croire qu’un électron est une petite bille comme celle que l’on
lançait autrefois dans les cours des écoles àceci prèsqu’elle est simplement toute petite (et invisible à
l’œil humain). Pourquoi ?Parce que la Nature en adécidéainsi comme dit Feynman :lélectron n’est pas
une petite bille, et parce qu’il n’en est pas une, il n’a pas de trajectoire dans l’espace.
Une autre étrangetéquantique réside en ce qu’elle bannit l’hypothèse de séparabilitéselon laquelle
deux systèmes éloignésl’un de l’autre vivent toujours chacun sa vie indépendamment de l’autre;
dans le monde directement perceptible aux sens, ceci semble être non seulement une triviale évidence
mais encore une nécessitéméthodologique car comment analyser, étudier et décrire un système en
soi s’il est impossible de lui assigner en propre un état, l’objectif étant justement de quali®er cet état
et d’en faire une description quantitative?Lefait est que l’une des conséquences immédiates des
équations quantiques fondamentales est la suivante :deux systèmes ayant interagi et donc partagéun
peu d’existence commune ne sont plus séparables au sens où,même s’ils sont àune distance l’un de
l’autreaussi grande que l’on veut, il n’est plus possible d’assigner àchacun individuellement un état dont
l’autren’est pas partie prenante. Cette bizarrerie areçulenom d’intrication6et, on l’imagine aisément,
est le point de départ de visions holistiques délirantes ignorant que la valeur intrinsèque d’une théorie
physique se mesure au moyendelamodélisation, seule capable d’assurer la liaison raisonnéeentre le
fait expérimental et le formalisme théorique ;unmodèle permet sans pour autant remettre en cause
les fondements de la théorie —d’en nuancer les af®rmations péremptoires et légitimes grâce àsa prise
en compte du monde réel dont la théorie apour objectif de donner une description incontestéeauvu
des expériences.
Ce que dit précisément la TQ est que tant que ces deux systèmes ne sont soumis àaucune autre
inÑuence aprèsleur interaction, leur cohérence quantique est préservéeetils sont en effet intriqués,
aussi grande que soit leur distance spatiale. Alors, agir sur l’un c’est agir sur l’autre(d’oùla téléportation
quantique), manifestation la plus irréductible du caractère essentiellement non-local de la TQ qu’elle
est d’ailleurs la seule àposséder.L’expérience, trèsdélicate, a étéfaite àde nombreuses reprises avec
des photons ou des atomes, nul ne doit douter que sur ce point (comme sur les autres) la TQ dit vrai.
Mais bien évidemment, si l’on fait interagir deux électrons et si on les laisse partir sans précaution dans
le monde réel oùils sont inévitablement en contact avecunenvironnement quel qu’il soit, alors au bout
d’un temps extrêmement court, chacun atotalement oubliél’autre,vit sa vie de son côté7ayant de
facto tout effacéde son éphémère compagnonnage :c’est d’ailleurs bien aussi ce que dit la théorie de
la décohérence,mêmesicelle-ci ne répond pas àd’autres questions fondamentales comme la sélection
d’une valeur unique pour la grandeur mesurée.
En tout cas, adieu le holisme !Lamêmedécohérence permet aussi de comprendre pourquoi les objets
macroscopiques n’ont apparemment rien de directement quantique dans leurs manifestations et leurs
comportements, Feynman ayant autrement montrédepuis longtemps commentlapetitesse ànotre
échelle de la constante de Planck8est un ingrédient essentiel pour tracer une frontière, certes ªoue mais
5. A®ndenepas faire dire àSchrödinger ce qu’il n’a jamais dit (et encore moins prétendre propager une
penséequ’il n’a sans doute jamais eue) et aussi pour pouvoir mesurer la perplexitédes pères fondateurs de la
mystérieuse théorie tout autant que leur modestie et leur humilité,onsedoit de renvoyerles «experts »àson
Avant-Propos préfaçant l’ouvrage citédans la référence [4].
6. En anglais entanglement.Schrödinger fut semble-t-il le premier àemployerlemot Verschränkung [5].
7. C’est pourquoi, parler de «l’intrication des oligo-éléments dans l’intestin »[6] apparaîtclairement comme
une vaste fumisterie, sauf àla considérer comme un canular de potache cultivé.
8. On peut entendre des af®rmations du genre «Peu importe la valeur de la constante de Planck... »[6].
Eh bien si, justement elle importe, car c’est sa valeur,minuscule ànotre échelle humaine, qui autorise àtracer une
frontière indiscutable entre le monde macroscopique perceptible par nos sens et l’in®niment petit. Auxauteurs de
telles inepties, on ne peut que conseiller la lecture du petit livre de George Gamow [7].
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àla réalitéindiscutable, entre le monde quantique et celui que nous observons avecnos yeux ou par
l’intermédiaire d’un microscope optique9.Decefait,parler de l’intrication quantique de deux systèmes
macroscopiques est une énormitéàdeux étages —ondoit pouvoir faire pire mais c’est dif®cile. Quant
àceux qui ont le verbe si facile àpropos d’intrication, savent-ils seulement qu’elle se produit lorsque
le vecteur d’état est un produit tensoriel non factorisable ?Ales lire ou les écouter,ilest permis d’en
douter !
Fort heureusement, d’autres étrangetésquantiques n’ont pas encore semble-t-il fait l’objet de récupération
et j’ose espérer que les évoquer ne va pas donner de mauvaises idées àcertains. Parexemple, l’effet Zénon
quantique, mais là,autantfortement conseiller de ne pas yavoir recours :le«praticien quantique »qui
prendrait trop bien soin de son malade en l’observant méticuleusement et avecinsistance l’empêcherait
de guérir !Quant àla cryptographie quantique, déjàutiliséepar certains banquiers pour garantir le secret
bancaire, il n’est pas vraiment nécessaire de la recommander àun médecin rédigeant une prescription à
remettre au pharmacien :lesecret médical n’en est pas àce point.
Trêvedeplaisanteries :jeconclurai cette partie en redisant d’abord l’importance de la notion de
modélisation quand il s’agit d’utiliser un arsenal théorique (exit le Chat de Schrödinger10 !), et surtout
en répétant que si la théorie quantique apour objet premier le monde de l’in®niment petit —etpeut
donc théoriquement venir àla rescousse des réductionnistes purs et durs elle n’est toutefois d’aucun
secours pour décrire, comprendre et prévoir les phénomènes observables àl’échelle humaine, et ceci
même pour des systèmes que l’on peut dé®nir objectivement sans la moindre ambiguïté—neparlons pas
de l’organisme humain dans sa globalitéet sa complexitéqu’il serait illusoire et vain de vouloir réduire
àun ensemble de mécanismes élémentaires. Et d’ailleurs, sur un plan épistémologique, il convient de
rappeler que les physiciens eux-mêmes n’ont pas tout élucidédu passage continu (àsupposer qu’il
existe) entre les mondes microscopique et macroscopique. Peut-on leur en vouloir ?Certes non, en
raison de l’insondable subtilitéde la théorie et des extravagances qu’elle semble imposer àl’esprit
au point de la rendred’ailleurs au sens strict incompréhensible,voire ahurissante, quand les mots
sont seuls àdisposition parce que le langage mathématique, pourtant exclusivement appropriéen la
circonstance, doit être remisé.Cen’est pas sans raison que Franck Laloë,l’un des plus grands experts de
la théorie quantique, a écrit il yapeu un ouvrage [8] au titre révélateurComprenons-nous vraiment
la mécanique quantique ? »:tout un programmequi n’autorise nullement que les mystères quantiques
deviennent des outils au service des plus extravagantes billevesées.
Les applications de la Théorie quantique
Comme dit plus haut, la TQ permet aussi de comprendre le monde macroscopique qui nous est
directement perceptible ;celui-ci ressemble ®nalement àune sorte de boîte noire au sein de laquelle se
déroulent, invisibles car sur des échelles de temps et d’espace proprement inhumaines,des phénomènes
dont la compréhension ®ne est acquise quant aux fondements mais n’est nullement pertinente pour
l’accomplissement de nos actions quotidiennes, de même que se verser un verre d’eau n’exige pas de
connaître la mécanique des ªuides ou que gonªer un pneu de bicyclette ne suppose pas la maîtrise
préalable de la loi des gaz réels. Il n’existe aucune contradiction, aucune incompatibilité,entre ce
qu’af®rme la TQ et le monde tel qu’il apparaîtaux sens humains.
Parce que la TQ explique aussi le monde du quotidien, on n’en ®nirait pas de dresser l’inventaire de ses
applications puisque application présuppose l’intelligence des phénomènesqui sont àl’action, intelligence
qui seule permet de concevoir les appareils ou les instruments susceptibles de remplir la fonction qui leur
aétéassignée. Si l’inventaire serait sans ®n, il semblerait de surcroîtahurissant àtoute personne s’étant
endormie du sommeil du juste depuis quelques décennies et qui, se réveillant aujourd’hui, serait sidérée
en nous voyantmanipuleravectant de facilitéces extraordinaires machines, petites ou grandes, qui lui
apparaîtraient forcément comme des objets de sorcellerie.
C’est une banalitéde dire que la plupart des appareils techniques qui envahissent la vie de tous les
jours sont des applications directes ànotre insu de la TQ et ce, dans les domaines àla fois les plus
variésetles plus inattendus. Il n’est pas exagéréde dire que sans la TQ au service de l’ingéniosité
des chercheurs, en physique et en informatique, des ingénieurs et des techniciens, ce que l’on appelle
9. Un microscope optique permet de voir directement des objets ayant une taille de l’ordre du millième de
millimètre, des particules browniennes par exemple.
10. On auratout fait dire àSchrödinger avecson chat, qu’il n’a utiliséqu’àtitre de métaphore,hélas trop souvent
récupéréepar des ignorants ou des faiseurs. Des expériences ont certes étéfaites avecdes chatons et donnent raison
àla TQ mais ces chatons sont vraiment tout petits, petits, petits !
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aujourd’huilarévolution numérique ne se serait pas produite :sil’idéedetraduire toute information11
par une suite de 0etde1n’est pas nouvelle (c’est ce que faisait déjàavecses bandes de carton le
métier inventépar Jacquard en 1801 !), on sait bien que la transmission d’un message trèssimple exige
déjàun nombre de bits considérable, àla fois pour le codage et pour en assurer la ®able transmission.
De fait, cette révolution n’aurait pu voir le jour sans la mise au point de machines capables d’ingérer
une somme colossale de bits et de les traiter àla vitesse de la lumière selon des algorithmes complexes
dont la mise au point exige d’ailleurs des machines du même type mais encore plus sophistiquées bel
exemple d’endogamie.
Extraordinaires mais devenues routinières, ces machines sont nos ordinateursduXXIesiècle. L’équivalent
en puissance de celui que nous avons aujourd’hui dans notre poche qui nous sert àpresque tout
(téléphoner,naviguer sur le Web, se repérer en mer ou sur la route,...) n’aurait pas tenu dans un hangar
de forteresses volantes au temps de l’opération Manhattan,etcemalgréle génie de John vonNeumann :
ce qui faisait défaut àl’époque est la technologie d’aujourd’hui. Toutefois, les ordinateurs ne sont qu’un
exemple parmi bien d’autresdes retombées d’uneautre révolution rendue permise par la TQ :que l’on
pense aux mille et une applications du laser dont les pionniers, Kastler et Townes, seraient stupéfaits de
voir comment leurs découvertes fondamentales ont permis la mise au point d’instruments intervenant au
quotidien dans presque toutes les activitéshumaines. Que l’on pense aussi au GPS,qui réalise l’exploit de
marier la TQ et la relativitéd’Einstein dans la conception et la réalisation d’un système de positionnement
d’une précision àpeine croyable :sans la TQ,onnesaurait construire des horloges atomiques d’une
®délitéinvraisemblable, de l’ordre de 2x10-18 en valeur relative(pas plus d’une seconde d’écart sur une
duréeégale àl’âge de l’univers, soit environ 14 milliards d’années !) et sans les corrections relativistes,
la localisation GPS n’aurait qu’une précision de plusieurs kilomètres, autrement dit ne servirait àrien
quand il faut prendre la troisième sortie àun rond-point !
Toutes ces applications sont les fruits de la diabolique théorie quantique mais ce constat ne justi®e
pas que l’on voie en elles la main et les œuvres du diable ou d’un magicien gogopathe nous incitant à
croire, pourquoi pas, àla mémoire du vide12 aprèsavoir tentéde nous faire gober celle de l’eau, ou àla
transmission d’information entre des cellules biologiques ayant appris la langue de Maxwell13 :sielles
font des merveilles, c’est parce qu’elles sont le miracle de l’intelligence humaine guidéepar la raison
et qu’elles procèdentd’une démarche scienti®que reposant de façon irréfutable et impitoyable sur la
confrontation expérience-théorie.
Bien évidemment et presque nécessairement, la TQ aaussi des implications dans le domaine médical.
Elles ont en fait commencébien avant la construction de la TQ elle-même puisqu’elles remontent àla
découverte des rayons Xpar Röntgen en 1895, découverte qui lui avalud’être le premier lauréat Nobel
de physique. Tout le monde connaîtlaphoto historique de la main de son épouse qui aouvert la voie au
développement de la radiographie X, pour laquelle les rayons utilisables proviennent d’une cascade entre
niveaux atomiques quanti®ésséparéspar une grande énergie.
Longtemps aprèscette découverte, l’imagerie médicale apris un nouvel essor en exploitant une variété
de phénomènes microscopiques, donnant lieu peu àpeu au développement de diverses techniques. L’une
des plus connues est l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM)14,qui exploite le phénomène
de résonance magnétique nucléaire (RMN) découvert en laboratoire par Bloch et Purcell en 1946:en
raison de leurs propriétésquantiques (l’existence du spin nucléaire), les noyaux de certains atomes
(hydrogène, carbone, etc.) expriment leur susceptibilitéàl’action conjuguéed’un champ magnétique
et d’une excitation de radiofréquence en émettant unsignal mesurable traduisant leur relaxation après
11. Une autre cible des dérives scientistes :lathéorie de l’information édi®éepar Claude Shannon et Norbert
Wiener dans les années 1920. Sans en avoir fait la statistique précise, je crois pouvoir af®rmer que les deux mots les
plus galvaudésdans certains cercles sont quantique et information.Heisenberg, Schrödinger,Dirac, vonNeumann,
Shannon, Wiener et tant d’autres s’en retournent dans leurs tombes.
12. Pour les curieux : «Laréaliténous apparaîtcomme des blocs. Mais la réalitéquantique nous dit que ces blocs
se parlent par le vide ».Ou encore : «Levide est capable de propager une onde électromagnétique. Qui dit onde, dit
forcément un milieu supportant cette onde [l’éther est de retour !].Laseule conclusion est que le vide n’est pas vide.
Le vide, c’est-à-dire l’absence de matière, contient une structure topologique permettant l’impédance ou permettant
aux ondes de se propager ».Ces deux citations sont extraites de l’article [9].
13. «L’ensemble des biophotons de l’organisme constitue un champ cohérent porteur d’information, sous forme
d’hologrammes, qui dirige les processusvitaux de l’organisme et maintient son intégrité.Grâce àces rayonnements,
les cellules communiquent entre elles et envoient des informations sur leur état énergétique et sanitaire ».Pour tout
savoir sur les «biophotons »sans avoir jamais oséle demander,voir [10], oùl’on pourraaussi apprendre que l’ADN
aunlangage fractal, qu’il est un bio-ordinateur utilisant la téléportation quantique et également un laser àphotons
(parce qu’il yades lasers sans photons ?), etc.
14. On devrait dire plus précisément IRMN,mais le Nde nucléaire a étésuppriméa®ndenepas effrayerlegrand
public.
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