Les comportements
adoptés par la direction
influent sur les résultats
des programmes de
mieux-être au travail
Le mod
è
le ILHD
Shivani Parihar et Michael J. Rouse
École de gestion Ivey
Université Western
London, Ontario, Canada
LIVRE BLANC
Copyright ©Ivey Business School. 2014
RÉSUMÉ
Nous passons en revue et synthétisons la littérature publiée sur les facteurs déterminants de l’efficacité des
programmes de mieux-être au travail et nous proposons le Modèle d’implication et de leadership de la
haute direction (ILHD). Ce modèle montre les éléments constituants de l’implication exigée des
gestionnaires du niveau supérieur lorsqu’on établit les bases du mieux-être dans une organisation. Il
montre en outre les comportements idéaux et les priorités auxquels doivent aspirer ces dirigeants lorsqu’ils
mobilisent les employés en faveur de ce type d’initiatives liées à la santé. Nous pensons que ce modèle
met en lumière les comportements que doit adopter la haute direction pour assurer le succès d’un
programme de mieux-être au travail et qu’il pose les fondements de la recherche future dans ce domaine.
CONTEXTE
Le bien-être et la productivité des employés sont essentiels à la prospérité d’une organisation. Un nombre
plus élevé de comportements qui sont à risque pour la santé des employés peut se traduire par des coûts
importants de soins de santé et des niveaux de productivité moindres en raison de l’absentéisme et du
présentéisme ( Cancelliere et collègues, 2011; Parks et Steelman, 2008). Des études laissent entendre que
50 % de l’état de santé d’une personne résultent de comportements et que 75 % des coûts liés aux soins de
santé peuvent être réduits en modifiant les comportements se rapportant au style de vie (Rosen et
Spaulding, 2009). Par conséquent, pour diminuer les frais médicaux qui sont liés aux habitudes de vie
malsaines des employés et pour accroître la productivité, un nombre grandissant d’organisations
encouragent leurs employés à adopter des comportements plus sains en instaurant des programmes de
mieux-être (Rosen et Spaulding, 2009). Une analyse des programmes de mieux-être a permis aux
chercheurs de constater que les entreprises qui mettent en place ce type de programmes enregistrent un
rendement de leur investissement représentant 3,27 $ par dollar investi. En outre, l’absentéisme baisse et
génère déjà un rendement du capital investi (RCI) de l’ordre de 2,73 $ par dollar quelques années à peine
après la mise en place du programme ( Baicker, Culter et Song, 2010). D’autres études montrent que le
RCI peut atteindre jusqu’à 6 $ par dollar investi dans le cas des programmes de mieux-être complets et
bien gérés (Baun, Berry et Mirabito, 2010). Les programmes de mieux-être au travail prévoient un
éventail de modifications de comportements et d’initiatives de formation visant à aider les employés, et
souvent même leurs personnes à charge, à adopter un style de vie plus sain. Parmi les activités prévues par
les programmes de mieux-être, se trouvent des groupes de soutien, des séances d’exercice physique, des
consultations sur les habitudes alimentaires saines et des examens physiques annuels (Weiner, Lewis et
Linnan, 2008). En 2010, un sondage mené aux États-Unis auprès d’employeurs a permis d’établir que
74 % des entreprises qui ont un programme de frais médicaux à l’intention de leur personnel ont
également mis en place au moins un programme de mieux-être au travail (Lerner et coll., 2013). Pour que
ces programmes de mieux-être aient un effet sur les mesures de résultat en matière de santé de tous leurs
employés, les entreprises doivent mettre au point leur stratégie santé pour qu’elle touche le plus grand
nombre d’employés possible, y compris ceux atteints de maladies chroniques ou de problèmes de santé
graves -- ou ceux qui ne souffrent ni de l’un ni de l’autre de manière à pouvoir prévenir l’apparition de
tout risque pour la santé.
La haute direction joue un rôle important dans le programme de promotion de la santé de l’organisation, et
nous pensons que son implication est nécessaire à la réussite de ces programmes. Dans le présent
document, nous examinons la littérature publiée sur l’influence des hauts dirigeants au sein de
l’organisation et leur comportement à l’égard de la mise en place d’un programme efficace de mieux-être
au travail à l’intention des employés. Forts de nos constatations, nous créons le Modèle d’implication et de
leadership de la haute direction (ILHD) qui analyse les responsabilités des hauts dirigeants à l’égard de
l’établissement d’un programme réussi de mieux-être dans leur organisation, y compris l’instauration
d’activités et de valeurs particulières. Enfin, nous partons du postulat que des recherches importantes
seront faites dans l’avenir pour perfectionner notre modèle.
La mobilisation des dirigeants, condition du succès
La faible participation des employés aux activités prévues empêche parfois de récolter les avantages des
programmes de mieux-être au travail. La participation des employés s’entend des employés qui s’engagent
activement et délibérément dans un programme de promotion de la santé proposé par leur employeur
(Linnan et coll., 2001). Souvent, les participants d’un programme de mieux-être sont des personnes qui
ont déjà des habitudes de vie saines, tandis que les employés qui en tireraient le plus de profit prétendent
qu’ils n’ont pas le temps d’y participer et n’en comprennent pas le but (Zoller, 2004; Chapman, 2006). De
plus, ces employés affirment souvent qu’ils ne sont pas au courant des activités proposées au titre du
programme de mieux-être ou que la santé ne fait pas partie intégrante de la stratégie de l’organisation ni
de son infrastructure. D’autres obstacles nuisent à la participation des employés, notamment le manque
d’intérêt à modifier leurs comportements, la difficulté de maintenir les nouveaux comportements à long
terme et l’absence de mesures d’incitation officielles proposées par l’employeur (Schult et coll., 2006). La
faiblesse de la participation peut donc nuire à la réalisation des avantages des programmes de mieux-être
au travail et faire en sorte que ces programmes soient jugés inefficaces (Linnan et coll., 2001; Schult et
coll., 2006).
On peut soutenir qu’il incombe à la haute direction d’influencer l’opinion des employés qui ne prennent
pas part aux activités de mieux-être et de créer une atmosphère qui incite les employés à améliorer leurs
comportements en matière de santé. Les dirigeants des organisations influencent plusieurs des résultats
traditionnels des organisations, notamment l’attitude des employés et leur engagement, de même que la
performance sur les plans organisationnel et économique (Barling, Christie et Hoption, 2011). Dans cet
ordre d’idée, la littérature permet de conclure que le succès des programmes de mieux-être au travail est
lié à l’implication des cadres supérieurs, cela en raison de leur poste, de leur standing et de leur pouvoir
(Brown, Trevino et Harrison, 2005). Un leadership bien exercé aura une influence sur l’atteinte des
objectifs des personnes, des équipes et de l’organisation dans son ensemble. Souvent, la haute direction
peut inspirer et motiver les employés à adhérer à la mission de l’organisation et les aider à composer avec
les changements. En outre, la présence de hauts dirigeants qui prennent position en faveur des initiatives
de mieux-être de l’organisation contribue à la crédibilité du programme aux yeux des employés. Ces
derniers sont plus enclins à participer aux programmes de mieux-être lorsqu’ils ont confiance qu’un
leadership véritable existe pour guider l’organisation ( Linnan et coll., 2001).
Par exemple, dans un autre contexte, une étude qui s’interrogeait sur la manière dont les dirigeants
pouvaient influencer le «virage vert» d’une organisation en modifiant les comportements des employés a
conclu qu’un leadership transformationnel exercé en tenant compte de l’environnement était l’approche la
plus efficace (Barling et Robertson, 2013). Ce style de leadership transformationnel implique de
convaincre et d’inspirer les employés à s’engager moralement à penser non seulement à ce qui est le
meilleur pour eux en particulier, mais à des comportements bénéfiques pour l’environnement naturel
qu’ils peuvent embrasser. Barling et Robertson (2013) indiquent que cette approche du leadership par la
direction permet d’établir des liens significatifs avec les employés pour qu’ils puissent transférer leurs
valeurs concernant l’environnement, discuter des préoccupations en ce qui touche les priorités
environnementales et -- sans doute est-ce le comportement le plus influent -- donner eux-mêmes
l’exemple par leurs propres comportements environnementaux. Goldstein, Griskevicius et Cialdini (2007)
ont constaté qu’en faisant en sorte que les employés puissent suivre l’exemple d’un dirigeant, on leur
permet de faire l’économie d’efforts qu’exigeraient les processus décisionnels cognitifs et, au bout du
compte, d’adopter plus rapidement le comportement voulu. Le leadership transformationnel vise à
influencer certains comportements qui permettent aux employés de comprendre mieux les valeurs de leurs
dirigeants et de leur organisation et, finalement, à donner une idée claire de leur rôle et à les sensibiliser
davantage (Beehr et Glaser, 2005; Arnold et coll., 2007; Nielsen et coll., 2008). Cette forme d’implication
par un dirigeant dans un domaine particulier est dite «leadership transformationnel spécialisé» ou
«leadership transformationnel spécifique d’un domaine» (Barling, Loughlin et Kelloway, 2002; Judge et
Piccolo, 2004).
Suite à cette étude, on a examiné la possibilité d’appliquer ce comportement spécialisé des dirigeants au
leadership transformationnel spécifique du domaine de la santé. On a peu étudié le leadership propre au
domaine de la santé, mais les théoriciens de la promotion de la santé mentionnent souvent que
l’engagement manifeste d’un dirigeant à l’égard du mieux-être de ses employés est essentiel au succès des
programmes de promotion de la santé de l’organisation (Zimolong et Elke, 2006). Une étude réalisée en
Suède à propos d’un organisme de services sociaux a révélé l’importance d’une préoccupation visible de
la direction à l’égard de la santé de ses employés (Dellve, Skagert et Vihelmsson, 2007). Une méta-
analyse vient confirmer cette constatation et valide ces découvertes en montrant la corrélation positive
entre le leadership transformationnel et le bien-être au travail (Kuoppala et coll., 2008) que l’on explique
par le fait que le leadership transformationnel spécifique à la santé englobe des comportements,
notamment accepter la responsabilité du bien-être des employés, traiter de questions concernant le bien-
être, choisir la stratégie de promotion du mieux-être au travail et encourager les employés à participer aux
activités. De plus, non seulement cette attitude des dirigeants est nécessaire à l’efficacité des initiatives de
mieux-être, mais la constance à long terme de cette implication des dirigeants est tout aussi cruciale
(Mullen, Kelloway et Teed, 2011). Ainsi que le démontrent les constatations ci-dessus, essentiellement, le
niveau de mobilisation et d’implication des dirigeants est un indice révélateur de l’efficacité des
programmes de mieux-être au travail mis en place dans une organisation.
LE MODÈLE D’IMPLICATION ET DE LEADERSHIP DE LA HAUTE DIRECTION (ILHD)
Ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, on s’est interrogé sur le rôle nécessaire de l’implication
des hauts dirigeants et de leur engagement à l’égard des programmes de mieux-être au travail, en
s’intéressant plus particulièrement à leur effet sur la structure organisationnelle d’une entreprise et les
comportements des dirigeants. Dans la présente revue, nous travaillons à élaborer un modèle que les
cadres de la haute direction pourront utiliser et appliquer dans leur organisation pour mettre en place des
programmes de mieux-être au travail qui connaîtront du succès. Les cinq éléments de l’implication qui
sont exigés de la haute direction pour qu’un programme de mieux-être au travail soit efficace sont
l’harmonisation et le soutien organisationnels, la communication appropriée, la participation personnelle,
l’engagement des ressources et la délégation appropriée des responsabilités (Figure 1).
FIGURE 1. Modèle ILHD proposé. Pour quun programme de mieux-être au travail soit efficace,
il faut prendre en considération les comportements et les actions de la direction qui influencent la
participation des employés aux initiatives en matière de santé.
P1a.
Harmonisation et
soutien
organisationnels
P1e.
Délégation des
responsabilités
P1b.
Communication
Implication
de la haute
direction
P1d.
Engagement
des
ressources
P1c.
Participation
1 / 16 100%