Environnement Inde Sur le terrain Prêt à la Fondation Good Planet : Financer des biodigesteurs et participer au marché volontaire des crédits carbone Contexte Les négociations internationales sur le climat visent à trouver un nouveau cadre pour succéder au Protocole de Kyoto dont la première période arrivera à échéance en 2012. Compte tenu des enjeux économiques très importants pour les pays (plusieurs centaines de milliards de dollars seront nécessaires pour l’adaptation au changement climatique et pour l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre - GES), les négociations sont tendues. Les pays du Sud défendent leur droit au développement et reprochent aux pays du Nord leur contribution historique à l’accroissement du stock de GES. Il est donc très important, pour faciliter le bon aboutissement des négociations, que de nombreux projets concrets puissent démontrer (i) qu’il est possible de concilier droit au développement et lutte contre le changement climatique, (ii) que les pays du Nord s’engagent dans un soutien additionnel aux pays du Sud. Le projet de construction de biodigesteurs dans le district de Kolar de l’Etat du Karnataka, soutenu par GoodPlanet, s’inscrit dans la politique publique indienne développée dans le cadre du « National Project on Biogas Development ». Depuis 1981 cette stratégie a permis de développer 4 millions de biodigesteurs. A ce jour, le Ministère des Sources d’Energies Non Conventionnelles (MNES) estime le potentiel pour les digesteurs familiaux à 12 millions d’unités (dont 700 000 au Karnataka) et maintient des objectifs de construction d’environ 100 000 unités supplémentaires par an (dont 4 000 au Karnataka). Il y a donc un potentiel très important pour le développement des biodigesteurs dans ce pays (pour mémoire, on compte 30 millions de foyers équipés d’un biodigesteur en Chine). En pratique, le niveau des subventions mises en place par le gouvernement ne permet pas de répondre à la demande des foyers ruraux. La subvention pour l’investissement dans un biodigesteur, de l’ordre de 2800 Rp (40 euros), représente 15% du coût de construction du biodigesteur. Cette aide est très insuffisante surtout si l’on considère que le coût d’un biodigesteur équivaut au revenu annuel moyen d’une famille rurale. Les ONG viennent ainsi compléter l’effort de l’Etat indien. Afin de les aider et de renforcer leurs actions, l’idée est venue d’un mécanisme financier permettant de mobiliser d’importantes ressources extérieures : valoriser sur le marché carbone les économies de CO2 réalisées par la substitution du biogaz aux énergies fossiles. Objectifs L’objectif de ce projet est d’accélérer et de réaliser à plus grande échelle les programmes des ONG qui contribuent à l’atténuation des émissions de GES. Ce projet doit servir de pilote pour démontrer à une échelle unitaire que le montage financier est pertinent et pourrait être étendu à d’autres ONG ou être mis en œuvre à une échelle plus importante. Si l’objectif visé par l’AFD est principalement axé sur la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité, il faut rappeler que ce projet vise également à : - améliorer les conditions de vie des ménages ruraux indiens (suppression de la corvée de bois, réduction de la pollution domestique), - leur donner des revenus supplémentaires (vente d’engrais naturel) L’amélioration des conditions de vie des femmes s’inscrit dans ces différents objectifs (suppression de la corvée de bois réalisée par les femmes et les filles, revenus de la vente d’engrais gérés exclusivement par les femmes) Descriptif du projet Les revenus du carbone (ou autrement dit les ventes de réductions d’émissions de GES) sont étalés sur la durée de vie des biodigesteurs. Il est donc difficile pour des ONG de financer des programmes de grande ampleur, puisque celles-ci doivent vendre par anticipation les crédits carbone attendus d’un projet avant de disposer des ressources nécessaires à l’investissement. En revanche, ces revenus carbone peuvent couvrir les échéances d’un prêt concessionnel. D’où l’idée pour l’AFD de préfinancer les ventes futures de crédits carbone au travers d’un prêt qui permet de réaliser des investissements additionnels eux-mêmes générateurs de revenus carbone. Le montage repose sur quelques principes de base : • • disposer d’une ONG (SKG Sangha) ayant une longue expérience dans la mise en œuvre de projets de développement qui participent aussi de la réduction des émissions de GES, associer cette ONG à une autre ONG (GoodPlanet) ayant une expertise dans la finance carbone (vente des crédits carbone et génération de ces crédits - enregistrement du projet dans les registres du marché volontaire et vérification/émission de ces crédits tous les ans) Les réductions d’émissions réalisées par les biodigesteurs ont deux origines distinctes, à savoir : • • l’évitement de la déforestation grâce à la substitution du bois par du biogaz : à l'heure actuelle, la plupart des familles des régions rurales de l'Inde dépendent du bois de chauffage pour la cuisine. Ce bois provient de forêts dont le renouvellement n’est pas assuré, ce qui se traduit par une émission nette de CO2. l’utilisation des gaz provenant de la fermentation des excréments des bovins pour l’alimentation des foyers en énergie : les familles possèdent quelques vaches et buffles, dont les excréments sont ramassés et rassemblés pour produire du compost. Le processus de fermentation anaérobique produit du méthane qui sans le projet serait relâché dans l’atmosphère. Les biodigesteurs permettent de stocker et de canaliser le méthane pour une utilisation pour les besoins en énergie des foyers (principalement cuisson des aliments et un peu d’éclairage). Enfin les résidus qui restent dans les biodigesteurs sont collectés et permettent de produire un vermicompost qui améliore les rendements agricoles. Le projet fournira des unités de production de biogaz et de vermicompost à 1 900 familles du district. Impacts Effets économiques Les effets économiques de ce projet sont nombreux et ne sont pas tous mesurables facilement. Sans hiérarchisation particulière, on peut citer comme effets : - - - les ressources financières supplémentaires dont disposent les femmes grâce à la vente du vermicompost. Cet argent sera utilisé au bénéfice de la famille comme le montrent les études réalisées dans différents pays et qui concluent à un meilleur usage de l’argent quand il est géré par les femmes plutôt que par les hommes, le temps libéré pour les femmes et les filles, grâce à la suppression de la corvée de ramassage du bois. De nombreuses études démontrent que ce temps est généralement employé à des activités ayant une forte valeur économique (école pour les filles, meilleure éducation des enfants par les mères…), l’amélioration de la santé des populations grâce à la réduction de la pollution domestique qui provenait des fumées de combustion du bois, la préservation de la biodiversité, ce projet contribuant à réduire la déforestation, source importante de biodiversité, la génération de crédits carbone par la réduction des émissions de GES : une étude du CIRED, financée par l’AFD, avait conclu à une valeur économique de la tonne de CO2 de 70$ à l’horizon 2020 et 80$ en 2040. Effets environnementaux En l’absence du projet, les déchets animaux sont stockés dans des fosses et leur fermentation produit du méthane et du CO2 qui se diffusent dans l’atmosphère. Les biodigesteurs permettent de maximiser la production de méthane et de l’utiliser comme source d’énergie pour cuire les aliments. La combustion du méthane permet de détruire une molécule dont le pouvoir réchauffant est 21 fois plus important que celui du CO2. De plus, en l’absence du projet, les familles ont recours au bois comme source d’énergie ce qui, compte tenu de l’absence de gestion durable des forêts se traduit par une déforestation (avec des effets induits négatifs sur la biodiversité). Action Carbone estime que la combinaison de ces deux effets entraîne une réduction des émissions de GES supérieure à 5 tCO2eq par an et par biodigesteur. Au total, les 1 900 biodigesteurs de la phase 2 permettront de réduire les émissions de GES de 10 000 tonnes CO2eq chaque année. Effets sociaux La plupart des familles indiennes vivant en milieu rural dépendent du bois de feu pour la cuisine. Les femmes et les enfants ont souvent la charge de collecter le bois pendant 2 à 3 heures plusieurs jours par semaine. L’installation des biodigesteurs supprime cette corvée pour les femmes et les enfants, et libère du temps pour d’autres activités (éducation…). L’appropriation par les femmes des revenus de la vente d’engrais tiré des biodigesteurs renforce, selon SKG Sangha, leur positionnement au sein des familles. Par ailleurs, elles utilisent généralement ces revenus au profit de l’amélioration des conditions de vie de leur famille. Effets institutionnels Le caractère pilote de ce projet avec son montage financier innovant pourrait être répliqué à plus grande échelle. Le recours à la finance carbone dans les projets des ONG pourrait être accru si l’on démontre que ces revenus permettent de couvrir les échéances des prêts à l’investissement. Dates et montants Date de signature : 15 octobre 2009 Durée : 12 ans dont 4 de différé Catégorie : prêt concessionnel non souverain Montant : 500 000 Euros Investissement total : 1,6 millions d’Euros Montant décaissé : 100% Mise à jour : Mars 2011 Pour en savoir plus, rendez-vous sur : www.afd.fr