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1077, en Germanie
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La querelle des Investitures : Canossa
Depuis le réveil de la fonction impériale, en 924 (
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), la couronne est allée à la Maison de
Saxe, puis à la Maison de Franconie. Les empereurs saxons Otton (I, II et III) avaient une
conception particulière de la gestion des hauts personnages de l’état, mélangeant le
temporel et le spirituel. Investis de la mission de « représenter Dieu dans l’empire », ils
nommaient non seulement les ducs et les comtes, mais aussi les évêques ! Pendant un
temps, les différents papes agréèrent, de plus ou moins bonne grâce, cet état de choses.
La situation se gâte quand un pontife moins malléable accède au Saint Siège. Grégoire VII, pape
de grande envergure, élu en 1073, lutte sans merci contre la simonie et la corruption, et il est le
promoteur de la grande « Réforme grégorienne ». Ce pontife sexagénaire revendique pour lui-
même la nomination des évêques. Il se heurte alors violemment au nouveau « roi des
Romains »(*), le jeune franconien Henri IV (il a 27 ans), qui applique la théorie de ses
prédécesseurs saxons, suivant laquelle un évêque est un serviteur de l’État, dont la nomination
ressort du domaine politique.
En 1076, Henri désigne un homme à lui pour prendre la tête de l’évêché de Milan (l’Italie du nord
étant alors « Terre d’Empire »). Le pape, qui vient d’interdire officiellement cette pratique, casse
la décision impériale. Henri refuse de plier. Le pape excommunie et dépose l’empereur, libérant
ainsi tous les vassaux du serment d’allégeance qu’ils avaient prêté.
La Querelle des Investitures prend une ampleur démesurée. Henri IV étant excommunié et
déchu, les Grands doivent procéder à une nouvelle élection … à moins que l’empereur n’obtienne
son pardon. Henri se rend à Canossa, pieds nus dans la neige, en janvier 1977. Après cette
humiliante démarche auprès de pape, Henri réunit, en 1080, un concile de prélats allemands qui
destituent Grégoire et élisent un « antipape », Clément, lequel élève officiellement Henri à la
dignité impériale …
Canossa et la querelle des investitures est l’un des moments clés de la vie politique en Germanie,
l’empereur et le pape se prétendant chacun supérieur à l’autre. La lutte se poursuivra : Henri V,
fils d’Henri IV, sera excommunié par le pape Gélase II, l’un des successeurs de Clément VII, pour
une raison identique.
La Querelle des Investitures prendra fin en 1122, avec le Concordat de Worms. Aux termes de ce
concordat, l’évêque sera élu par le clergé en présence d’un représentant de l’autorité politique, il
prêtera serment d’allégeance à l’empereur, et sera alors consacré par l’archevêque représentant
l’autorité papale. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure complexe que le nouvel évêque sera en
mesure d’exercer son ministère.
(*)
« Roi des Romains » est le titre qui désigne le futur empereur, choisi pour occuper ce poste, mais avant qu’il ne soit
officiellement élevé par le pape à la dignité impériale : il est « empereur désigné ». L’utilisation, ici, du mot empereur à propos d’Henri
IV, allant à Canossa avant son élévation officielle à la dignité impériale, est un peu irrégulière, mais elle est pratique.