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l’immixtion, l’élévation sociale, l’accession à des sphères
professionnelles, cultivées, scientifiques et laïques, qui
tendent à relativiser les chimères divines et leur influence
ontologiques. L’astrophysique et la physique quantique
sont le meilleur moyen de se détacher des croyances
antédiluviennes, comme de toute entéléchie déifiée qui
prétend placer l’émergence dans une main divine.
Cependant, le croyant n’aura que rarement le courage
ou l’envie de rejeter ses anciennes attaches cultuelles, car le
renoncement à ses racines résulterait d’un abandon d’une
partie profonde de lui-même. Beaucoup de croyants non
pratiquants observent leur culte plutôt dans l’esprit de la
tradition, alors que d’autres, parcourus de doutes ou par
manque d’intérêt, regardent la foi de leur communauté
comme ils consulteraient un album de photos ; avec
attachement et nostalgie ou bien neutralité et réserve. En
l’occurrence, abjurer serait bien inutile, car l’ignorance
dans l’oubli est moins perturbante que de s’impliquer dans
une volteface radicale de l’épistémè cohérentiste d’une foi.
En effet, apostasier peut être ressenti comme une
blessante occultation de la mémoire familiale, jusqu’à effacer
l’empreinte empathique de sa propre identité. En clair, le
croyant n’a aucune implication originelle dans les Écritures
sacralisées dans lesquelles il a été immergé depuis l’enfance,
et personne de raisonnable ne songerait à l’obliger de s’en
écarter ou d’y renoncer. En échange, le monde
démocratique est fait pour aider les citoyens à disposer de
leur libre arbitre, donc à se remettre en cause s’ils le veulent.
Ce pourquoi, beaucoup de Musulmans, à l’instar de tout
autre fidèle pratiquant un culte différent, vivent passivement
leur religion, plutôt dans leurs souvenirs d’enfance, la
famille et le folklore, sans y mêler leur empreinte identitaire