Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
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Culture et peau
Retentissement psychosocial du vitiligo
et des autres dépigmentations cutanées
Psychosocial e ects of vitiligo and other hypomelanotic skin disorders
N. Kluger
(Service de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier)
Vitiligo • Hypopigmentation • Psychologie • Image corporelle.
Vitiligo • Hypopigmentation • Psychology • Body image.
La peau joue un rôle essentiel dans nos rapports
avec l’extérieur, tout particulièrement
dans nos relations avec l’autre,
dans la structuration de notre psychisme
et dans la genèse des comportements
psychopathologiques (1). La peau détermine
notre apparence. Cette dernière est devenue
fondamentale de nos jours dans une société
où les critères de beauté, véhiculés par la mode
et les médias, incluent, entre autres,
une carnation parfaite. Elle in uence considérablement
la perception de notre image par les autres,
notre communication sociale et notre sexualité (2).
Au-delà de l’inconfort physique et de la gêne occasionnés par
certaines dermatoses chroniques, celles-ci peuvent infl uer
directement sur la vie personnelle et sociale d’un individu :
émotions négatives (honte, embarras, anxiété), perte de
confi ance en soi, sentiment d’infériorité, de discrimination,
de stigmatisation, etc. Par ailleurs, les facteurs psychologiques
peuvent être en soi des facteurs déclencheurs ou aggravants
de poussées de la maladie à travers des mécanismes psycho-
somatiques entraînant un véritable cercle vicieux
(3)
.
Les dépigmentations cutanées, le vitiligo en premier, ne font
pas exception à cette règle. Le vitiligo touche près de 1 % de la
population générale et constitue l’une des principales causes
de défi guration
(4)
. Les dyschromies cutanées ne sont pas des
maladies mortelles, mais elles peuvent s’accompagner d’un
retentissement physique important (photosensibilité, carcino-
genèse cutanée). En revanche, elles sont souvent considérées
par le corps médical comme un problème essentiellement
cosmétique. Pourtant, l’impact des hypomélanoses sur le bien-
être psychique et social ne doit pas être négligé.
Les conséquences des troubles pigmentaires sur la qualité de
vie ont été relativement peu étudiées
(5)
. Une grande partie des
publications sur le retentissement psychique et social concerne
le vitiligo. Néanmoins, par extension, toutes les autres hypomé-
lanoses, comme l’albinisme oculocutané ou le rare syndrome
de Vogt-Koyanagi-Harada, peuvent être à l’origine de consé-
quences similaires.
Le contexte socioculturel dans les pays en voie de développe-
ment et les variations ethniques doivent également être pris en
compte dans les effets psychosociaux des dermatoses dépig-
mentantes, les lésions étant plus visibles sur une peau foncée
et les conséquences parfois catastrophiques
(5)
.
Retentissement émotionnel du vitiligo
Le retentissement émotionnel et les conséquences sociales
du vitiligo ont été rapportés dès la fi n des années 1970. Près
des deux tiers des personnes concernées déclarent se sentir
“embarrassées”, et beaucoup sont inquiètes. L’extension et
les zones atteintes conditionnent les choix vestimentaires des
patients. Certains utilisent des cosmétiques couvrants pour
masquer les lésions. Un sentiment de stigmatisation, avec
une sensation d’être “regardé”, est noté par les patients, qui
se sentent moins à l’aise quand ils rencontrent des inconnus.
Par ailleurs, 20 % ont fait l’objet de réfl exions grossières et
certains ont été confrontés à une discrimination au travail
(6-9)
. L’atteinte des zones exposées (visage, mains, cou) a un
retentissement plus sévère
(fi gure 1)
.
Il n’existe pas d’instrument spécifi que pour mesurer l’impact
du vitiligo sur la qualité de vie. Le
dermatology life quality
index
(DLQI) et le
general health questionnaire
(GHQ) sont
les questionnaires le plus souvent utilisés. Les résultats des
études ne sont néanmoins pas toujours similaires. Ainsi,
certaines ont montré un retentissement sur la qualité de vie
plus important chez les femmes que chez les hommes, tandis
que d’autres études n’ont retrouvé aucune différence
(10)
. Le
vitiligo généralisé aurait un retentissement plus important
dans les populations à peau foncée, celle-ci rendant le vitiligo
encore plus visible
(10)
. Le soutien des autres membres de la
famille affectés par la maladie ou en ayant déjà une certaine
connaissance peut avoir en revanche un effet bénéfi que.
Le vitiligo a un impact négatif sur la sexualité, principalement
attribué à l’embarras du sujet vis-à-vis de l’autre. Certaines