Le Grand-Duc N°77 – décembre 2010 14
Découverte d’un nid de Cassenoix moucheté
(Nucifraga caryocatactes) sur le Massif du Mézenc
(Haute-Loire).
Christophe TOMATI
Le Cassenoix
moucheté (Nucifraga
caryocatactes) est présent depuis plus d’une quinzaine
d’années sur le massif du Mézenc (Haute-Loire et
Ardèche), sans que sa reproduction n’ait pu être
observée et prouvée. Le 28 août 2009, la découverte
d’un nid constitue la première preuve tangible de sa
reproduction en Auvergne.
Historique
En Auvergne, l’année 1993 a compté des observations
en nombre important en Haute-Loire sur le Pic du
Lizieux (Massif du Meygal), dans le Cantal à Brezons
(Bois de Granval) et près de Ruynes-en-Margeride,
ainsi que dans le Puy-de-Dôme au Puy de Lassolas et
même en zone urbaine à Clermont-Ferrand (ENGLES &
GILARD, 1994). Cette accumulation d’observations, sur
une période restreinte, est le signe d’une petite invasion
dont l’espèce est coutumière. Depuis 1994, les
observations sur l’ensemble du Massif du Mézenc sont
continues, le plus souvent à partir 1000m d’altitude.
Antérieurement, quelques observations sont
mentionnées en Haute-Loire : un oiseau tué en 1978 sur
la commune de Grèzes en Margeride, un individu
contacté en avril 1982 vers Vorey-sur-Arzon, puis
quelques observations sur le Massif du Devès en
octobre 1993, sur les communes de Cayres et de
Séneujols, et un oiseau tué par un chasseur près du lac
du Bouchet (Cayres) en 1995. Plus récemment, la
vallée de la Gagne (commune de Montusclat) fournit
des données avec un individu en novembre 1997, un les
4 et 10 septembre 2005 et un le 1er février 2006. Enfin,
un oiseau est contacté du 26 novembre au 3 décembre
2005 sur la commune de Varennes-Saint-Honorat, sur
un secteur éloigné du massif du Mézenc. A noter
également une observation non retenue par le Comité
d’Homologation Départemental en Margeride, sur
Pinols, en janvier 2006. En dehors de ces données
contemporaines, il faut se reporter aux mentions faites
par Moussier au XIXème siècle qui classe le Cassenoix
parmi les oiseaux accidentels et de passage, évoquant
une périodicité d’apparition de huit à dix ans (ENGLES
& GILARD, 1994).
Massif du Mézenc : une présence
continue depuis 1994
La présence dans le sud-est de la Haute-Loire de cette
petite population, sur un secteur restreint, est à ce jour
la plus occidentale de son aire de distribution (un
couple avait niché en 1977 en Lozère, mais sans suite -
LHERITIER, 1978-).
La continuité des observations depuis plus d’une
quinzaine d’année, en toutes saisons, à laquelle s’ajoute
la nature sédentaire du Cassenoix, confirment qu’il
s’est installé durablement aux confins de la Haute-Loire
et de l’Ardèche. Les deux interrogations majeures,
découlant de cette installation, étaient alors d’évaluer
l’effectif que le massif du Mézenc pouvait héberger et
d’apporter une preuve tangible de nidification.
Plusieurs ornithologues locaux se sont alors intéressés
au corvidé dont la discrétion en période de nidification,
la reproduction précoce (la neige recouvrant encore le
massif aux mois de mars, avril voire début mai, ne
facilitant pas les recherches), la mue simultanée et enfin
le petit nombre de couples potentiels n’ont pas favorisé
les découvertes. Ainsi, aucune observation d’oiseau en
transport de matériaux, de nid actif ou de jeune volant
nourri par un adulte n’a été rapportée.
Cette discrétion, que tous les observateurs ont relevée
de mi-mars à fin mai, laisse place à des observations
plus régulières et plus faciles, parfois de plusieurs
individus, à partir de juin et surtout en pleine période
estivale lors de la récolte des graines de Pins cembros
(Pinus cembra) que stockent les Cassenoix. Le massif
du Mézenc abrite la seule station auvergnate de Pin
cembro (ou Arole) qui est vraisemblablement le facteur
ayant favorisé l’implantation du Cassenoix.
L’interdépendance entre le corvidé et cette essence a
été très étudiée dans les cembraies alpines (CROCQ,
1990). A cette période, il est alors difficile de
différencier adultes et jeunes, ces derniers ayant alors
leur première mue (CROCQ, 1990). Ces groupes
peuvent compter plus de 10 oiseaux. Ces mouvements
sont alors facilement observables, principalement entre
les sommets de l’Alambre et du Mézenc, voire certains
autres monts alentour (Mont Tourte).
Découverte d’un nid vide le 28 août
2009
La découverte d’un nid de Cassenoix n’est pas aisée.
Que ce soit en période de construction du nid ou de
nourrissage des oisillons, les adultes font preuve d’une
extrême vigilance et n’évoluent pas à découvert, allant
même jusqu’à faire des détours pour plus de discrétion
(CROCQ, 1990). Je me suis intéressé à l’espèce depuis
plusieurs années, sans pour autant y consacrer le temps
nécessaire à une étude pointue. Néanmoins, j’ai pu, lors
de prospections hivernales (février, mars), localiser
certains secteurs sur lesquels les contacts étaient