Rapport scientifique 2009sONCFS [ 43 ]
La prise en compte du grand tétras dans la gestion forestière
et pastorale est un des fondements de la conservation de la
sous-espèce propre aux Pyrénées, dont le déclin n’est pas encore
enrayé. Cet effort de conservation doit avoir une portée transfron-
talière, puisque la pérennité de l’espèce dans la chaîne dépend
des effectifs français, andorrans et espagnols. Pour cette raison, la
rédaction d’un guide spécifique à ce thème est l’une des actions
d’un programme INTERREG (Gallipyr), qui regroupe neuf parte-
naires français, andorrans et espagnols, et dont les objectifs sont la
connaissance et la conservation transfrontalières et coordonnées
des galliformes de montagne des Pyrénées.
L’enjeu est de taille, du fait de la spécificité de la population
pyrénéenne de grand tétras : une sous-espèce génétiquement à
part, un contexte montagnard avec des influences climatiques
très différentes (atlantiques et méditerranéennes), une niche
écologique élargie à celle du tétras-lyre (i.e. la capacité à utiliser
des habitats quasiment non forestiers), cinq entités politiques, de
nombreux gestionnaires, et bien d’autres fonctions assignées à
ces espaces… En outre, le grand tétras est listé dans les annexes I
et II de la Directive « Oiseaux », et l’espèce a été validée comme
déterminante des « Trames Verte et Bleue », deux raisons supplé-
mentaires pour une prise en compte sérieuse de ses exigences
dans la gestion des milieux montagnards.
L’ouvrage doit permettre à tout gestionnaire des espaces
concernés de connaître et de comprendre les exigences du
grand tétras à quatre échelles : micro-locale (choix au moment
du martelage), de la parcelle (condition de vie de l’individu),
de la forêt (définition de sa capacité d’accueil actuelle et
potentielle), du paysage (définitions d’objectifs stratégiques en
fonction de la connectivité, de la population source, des corridors).
La manière d’établir un diagnostic sur l’intérêt actuel des habitats
à ces quatre échelles est également présentée dans ce guide,
ainsi que l’évaluation du temps nécessaire pour atteindre une
situation optimale et la faisabilité technique et financière d’une
amélioration de la situation. La mise en cohérence de l’objectif
de conservation et/ou d’amélioration des habitats du grand tétras
avec les autres objectifs et documents cadres s’appliquant à ces
espaces [Stratégie nationale « Grand tétras » en France et en
Espagne, orientations régionales forestières, guides de sylvicultures,
directives régionales, nationales ou européennes s’appliquant aux
autres habitats d’espèces ou habitats naturels (ours brun, Directive
Habitat)] est également abordée.
Déterminer les « bons gestes » au moment des martelages et
des travaux culturaux (respect ou dégagement d’arbres favorables
à l’hivernage, attention particulière aux lisières intra et supra-
forestières, par exemple) est une étape essentielle. De même, un
itinéraire technique doit être établi en fonction du diagnostic. À
l’échelle de la parcelle ce seront, par exemple, le type de sylvicul-
ture et les modalités de l’exploitation forestière et du débardage
qui seront définis. Des objectifs pourront être assignés à l’échelle
de la forêt, et des zones où les interventions devront être plus
soutenues seront délimitées. Enfin, à l’échelle du paysage, la création
ou la restauration de corridors, l’établissement de schémas de
mobilisation des bois ou, plus généralement, des efforts ciblés sur
des forêts revêtant une importance particulière pour la conservation
pourront être envisagés. Le cas échéant, des opérations de génie
écologique adaptées aux situations locales et aux facteurs limitant
identifiés seront concevables.
Les études et expérimentations réalisées dans les chaînes
pyrénéenne et cantabrique depuis 25 ans revêtent une grande
importance dans la rédaction de ce guide afin d’adapter la
démarche au contexte des reliefs de l’Europe du Sud-Ouest, telles
que les Pyrénées.
Valorisation des connaissances acquises
sur la gestion des habitats du grand tétras
Échelle de
perception
Impact sur le grand tétras Acteurs concernés
Micro-locale
(de l’arbre, à
quelques ares)
Conservation ou
restauration d’éléments
importants du paysage
(arbre perchoir, tâche de
myrtille, micro-tourbière).
Bûcheron, ouvrier
forestier, agent
marteleur, éleveurs…
Parcelle
(10-25 hectares)
Conservation
ou restauration du milieu
de vie à l’échelle
d’un individu.
Technicien et Ingénieur
forestier, technicien
pastoraux…
Forêt
(300-5 000 hectares)
Conservation ou
restauration de l’habitat
d’une ou quelques places
de chant.
Aménagistes forestiers
publics et privés, DDT…
Paysage
(Pyrénées)
Conservation
ou restauration
de la connectivité entre
noyaux de population, et
maintien ou redéploiement
de l’aire de répartition.
Organismes
planificateurs
et organismes
gestionnaires (ONF,
CRPF, DREAL, DRAAF,
Commissariat de massif,
politiques).
Tableau 1. Relation entre les quatre échelles de perception de l’habitat du grand
tétras, leur impact sur l’espèce, et les acteurs concernés.
CNERA – Faune de montagne
Exemple d’études et recherche
© D. Maillard/ONCFS