Monnaie

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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
CHAPITRE 18
LA MONNAIE
La monnaie joue un rôle fondamental au niveau macro-économique : il existe une interaction
importante entre la monnaie et les marchés des capitaux via le taux d’intérêt. Il n’est pas
facile de comprendre le rôle de la monnaie dans l’économie. Dans ce chapitre, nous allons
aborder la monnaie dans une économie fermée, en faisant abstraction du taux de change et de
considérations liées à la balance de paiement, aux réserves de change, etc. Tous ces aspects
internationaux seront introduits dans le chapitre suivant.
1. FONCTIONS DE LA MONNAIE
Quelles sont les fonctions de la monnaie?
1.1.Fonction de moyen de paiement
La monnaie est le moyen d’échange dans les transactions : les biens sont vendus contre des
billets ou contre paiement sur dépôt bancaire. Il existe cependant des situations où, par
exemple, des cigarettes (en URSS, en 1991) servent de moyen de paiement. En Allemagne,
après la Seconde Guerre Mondiale, il y avait de l’hyperinflation et la situation était
similaire : les cigarettes faisaient office de moyen de paiement car plus personne ne voulait
accepter des marks.
Pourquoi est-il nécessaire d’avoir un moyen de paiement? S’il n’y avait pas de moyen de
paiement, quel qu’il soit (billets, cigarettes,...), on échangerait des biens contre des biens
(comme dans une économie de troc). Pour que cet échange puisse se faire, il faut une double
coïncidence des désirs, ce qui est très compliqué et entraîne des coûts de transaction
extrêmement élevés. Il est donc beaucoup plus facile d’acheter et de vendre lorsqu’on a de la
monnaie.
Evidemment, pour que la monnaie puisse servir de moyen de paiement, il faut qu’elle soit
généralement acceptée par tous et que tous sachent qu’elle l’est, et que tous sachent que tous
savent qu’elle est acceptée par tous et ainsi de suite. Son acceptation générale doit être
connaissance commune.
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1.2. Fonction d’unité de compte
Les biens sont évalués en euros: la monnaie sert d’unité de compte pour les paiements
immédiats. Cette notion d’unité de compte n’est pas nécessairement respectée : lorsqu’il y a
eu l’hyperinflation allemande, en 1923, les gens payaient en marks alors que l’unité de
compte était le dollar.
L’unité de compte est également utilisée dans le cas de paiements différés: un emprunt doit
être remboursé, par exemple un an plus tard, sous forme d’une somme exprimée en euros.
Pour que cela soit possible, il faut que les euros de demain aient une valeur.
1.3. Fonction de réserve de valeur
La monnaie garde de la valeur dans le futur. Si on est payé en tomates, celles-ci sont
périssables et n’ont donc pas de valeur dans le futur. Cette fonction de réserve de valeur est
partagée par tous les actifs financiers. Ceux-ci sont, en général, de meilleures réserves de
valeur que la monnaie. Une obligation à 1 an qui a une rentabilité de 10 % est une meilleure
réserve de valeur que l’argent qui dort sur un compte bancaire sans intérêt. La monnaie a une
fonction de réserve de valeur mais cette fonction est clairement dominée par les autres actifs
financiers non liquides, c’est-à-dire qui ne peuvent pas servir immédiatement de moyen de
paiement.
2. DIFFÉRENTES SORTES DE MONNAIE
2.1. Monnaie métallique
Ce sont les pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes.
2.2. Monnaie fiduciaire
Il s’agit, en général, des billets de banque. La monnaie fiduciaire a cours légal, c’est-à-dire
que la loi indique que ces billets sont acceptés légalement comme moyen de paiement.
2.3. Monnaie scripturale
C’est la forme de loin la plus importante dans les économies modernes et ce sont les dépôts
bancaires à vue. Les chèques, les cartes de crédit ne sont pas de la monnaie, ce sont
simplement des instruments utilisés sur la monnaie scripturale. Ce type de monnaie étant la
forme la plus importante nous amène à nous intéresser à l’activité bancaire.
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3. L’ACTIVITÉ BANCAIRE
3.1. Les orfèvres
L’historique de l’activité bancaire nous ramène aux orfèvres. Ils connaissaient le métier de
l’or qui était utilisé comme moyen de paiement et ce beaucoup plus qu’à l’heure actuelle.
Mais il était relativement encombrant et dangereux de conserver l’or sur soi (risque
d’attaques, de vols, d’assassinats). A cette époque, les individus préféraient déposer leur or
chez les orfèvres, qui jouaient donc le rôle de coffre-fort.
Ces derniers se sont rendus compte qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer directement un
paiement en or. Il suffisait de donner au vendeur une lettre lui transférant la propriété d’une
certaine partie de l’or. Avec cette lettre, le vendeur allait ensuite chez l’orfèvre réclamer le
montant en or. Cette pratique se généralisa car elle était plus sûre. Ce sont les débuts de
l’activité bancaire. De ce fait, l’or circulait de moins en moins directement et restait dans les
coffres-forts de l’orfèvre pendant que le nombre d’échanges augmentait.
Puisqu’une grande partie de l’or “dormait” dans leurs coffres-forts - les titres de propriété
changeaient de mains mais l’or ne sortait pas -, les orfèvres se sont rendus compte qu’ils
pouvaient prêter de l’or.
Au départ, le bilan d’un orfèvre avait la forme suivante:
Actif
Or
Passif
100
Dépôts
100
Les dépôts étaient des titres de dette de l’orfèvre vis-à-vis des propriétaires de l’or. L’orfèvre
détenait une quantité d’or égale à 100 mais était redevable de cette même quantité d’or
auprès des propriétaires. Le titre de dépôt donnait donc droit, à ses détenteurs, à un retrait
d’or équivalent à ce qu’ils avaient déposé.
Si l’or ne circule pas, l’orfèvre peut prêter. C’est le début du crédit Supposons que l’orfèvre
prête pour 10.
Actif
Or
Crédit
Passif
90
10
Dépôts
100
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Ces comptes permettent de définir la notion de
réserves
coefficient de trésorerie =
dépôts
Quand l’orfèvre ne prêtait rien, le coefficient de trésorerie était de 100 %.
90
Quand il prête 10, le coefficient de trésorerie vaut
.
100
Plus le coefficient de trésorerie diminuait - autrement dit, moins l’orfèvre gardait de l’or
dans ses coffres-forts -, plus l’orfèvre prêtait cet or et pouvait recevoir un intérêt pour
augmenter son profit. Mais, en même temps, son risque (les gens qui avaient mis leur or en
dépôt viennent le retirer) s’accentuait. Quand l’orfèvre pouvait déterminer en moyenne le
retrait annuel d’or effectué par ses clients et qu’il en conservait suffisamment pour se couvrir
en gardant une marge de sécurité, le risque était minime. Mais, s’il s’avérait que l’orfèvre ne
pouvait pas rembourser ses dépôts ou que ses clients le croyaient incapable de le faire, il y
avait une panique financière car tout le monde se ruait pour retirer son or. Il s’agissait donc
d’une prophétie auto-réalisatrice qui provoquait la banqueroute de l’orfèvre. Une banque
fait banqueroute lorsqu’elle est incapable de faire face aux demandes de retraits de dépôts de
ses clients.
3.2. Analogie avec le système bancaire
Ces observations peuvent être transposées au système bancaire actuel en remplaçant l’or par
les billets. Les fonctions des banques dans l’économie moderne sont restées les mêmes que
celles de l’orfèvre. Les banques doivent faire un arbitrage entre le profit qu’elles peuvent
retirer en accordant du crédit et le danger de banqueroute. N’importe quelle panique bancaire
peut mettre tout le système bancaire à terre. Cela est arrivé très régulièrement dans l’histoire
des économies modernes, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Depuis lors, les dépôts
bancaires sont en général assurés pour éviter les paniques bancaires. Depuis laz crise
économique et financière, les dépôts sont garantis en Belgique à hauteur de 100.000 euros.
Le coefficient de trésorerie reste néanmoins un élément central de la gestion bancaire.
3.3. Détermination de la quantité de monnaie en circulation
Cette quantité de monnaie est un stock – quantité donnée à un moment dans le temps – et est
également appelée stock monétaire ou offre de monnaie. Est appelée monnaie uniquement la
monnaie en circulation. La monnaie qui ne circule pas “dort” et ne joue pas un rôle de
monnaie. Il est bien entendu impossible de mesurer exactement la monnaie qui circule et ne
circule pas, mais lorsque la banque centrale vend des devises par exemple, elle reçoit de la
monnaie qui, de ce fait, est considérée comme ne circulant pas.
Dans le cas de l’orfèvre, la quantité de monnaie est définie comme étant égale à l’or en
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circulation + les dépôts. Des chèques peuvent être écrits sur les dépôts. Ces derniers
fonctionnent comme monnaie. Avant qu’il y ait crédit, tout l’or est chez l’orfèvre. Il n’y a
donc pas d’or en circulation et l’offre de monnaie vaut 100, soit le total des dépôts. Dès que
du crédit est accordé (10 ici), l’or en circulation égal 10. Le stock monétaire est donc de 10 +
100 = or en circulation + dépôts. Or, la contrepartie des dépôts est l’or chez l’orfèvre et les
crédits (l’or prêté). Donc, la quantité de monnaie est égale à l’or en circulation plus la
contrepartie des dépôts, c’est à dire l’or chez l’orfèvre + le crédit. L’or en circulation et chez
l’orfèvre équivaut au stock d’or existant. La quantité de monnaie est donc égale à l’or + le
crédit. On voit donc que les crédits augmentent le stock monétaire.
Dans le système bancaire moderne, les banques ont le droit de faire des crédits. Si elles
augmentent le crédit, les dépôts bancaires s’accroissent. Ex.: en accordant un crédit de
100.000 €, la banque augmente les dépôts à concurrence du crédit qu’elle a donné.
Voyons comment les banques créent de la monnaie. Supposons un pays ou il y a dix
banques et où le coefficient de trésorerie est de 10 %. Il n’y a que des dépôts à vue, qui ne
rapportent pas d’intérêts et les crédits rapportent un même taux d’intérêt r. Dans ce contexte
considérons qu’un agent économique décide de déposer une somme de 100 € sur son
compte à vue dans une banque privée A.
Banque A
Actif
Trésorerie
Passif
100
Dépôts
100
La banque va vouloir prêter, une partie de cette somme. Elle prête 90 (= 90 % du dépôt) qui
est le maximum qu’elle peut prêter étant donné le coefficient de trésorerie (de 10 %). Au
moment où le crédit est accordé, les dépôts sont de 190, les 90 additionnels étant ceux créés
par le crédit. Le crédit crée donc des dépôts. C’est là la base de la création monétaire par les
banques.
Banque A
Actif
Trésorerie
Crédit
Passif
100
90
Dépôts
190
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Le crédit de 90 est ensuite utilisé. Les billets dans la trésorerie bancaire sont retirés et
passent à 100 - 90 = 10.
Banque A
Actif
Trésorerie
Crédit
Passif
10
90
Dépôts
100
Le crédit de 90 va circuler et passer de main en main. Si 10% de ce montant se retrouve dans
chaque banque, la banque va recevoir un dépôt de 9.
Banque A, B, C, …
Actif
Trésorerie
Crédit
Passif
19
90
Dépôts
109
Suite au nouveau dépôt de 9 un crédit de 90% de 9, soit 8,1 peut être accordé.
Banque A
Actif
Trésorerie
Crédit
Passif
19
98,1
Dépôts
117,1
Bien entendu, ces 8,1 vont circuler. Les 8,1 vont quitter la banque et se retrouver en
circulation.
Banque A
Actif
Trésorerie
Crédit
Passif
10,9
98,1
Dépôts
109
10% se retrouveront ensuite à la banque et ainsi de suite...
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Dans l’ensemble du système bancaire, le cheminement est le même que s’il n’y avait qu’une
seule banque.
Le système bancaire
Actif
Trésorerie = R
Crédit = Cr
Passif
100
900
Dépôts = Df
1000
Pour l’ensemble du système bancaire, les crédits se retrouvent intégralement en dépôts. Le
phénomène de multiplicaton monétaire implique qu’à partir d’une trésorerie de 100, des
crédits pour un montant de 0.9*100 seront créées, et redéposés dans les banques. Cette
augmentation des réserves de 0.9*100 donneront lieu à de nouveaux crédits, pour un
montant de 0.9*(0.9*100), et ainsi de suite. En d’autres termes, le dépôt final sera de
Df: Dépôt final = 100 + 0.9*100 + 0.9*0.9*100 + …
= (1+0.9+0.9²+0.9³+…)*100
= 100*(1/(1-0.9))=1000
Les reserves du système bancaire s’élèreont à
R = 0.1*100+0.1*0.9*100+0.1*0.9²*100+…
= 0.1*(1+0.9+0.9²+0.9³+…)*100
= 100
Et le crédit à
Cr = 0.9*100 + 0.9*0.9*100 + …
= (1+0.9+0.9²+0.9³+…)*0.91*00
= 0.9*100*(1/(1-0.9))=900
Sachant que Di est un dépôt initial et que cb est le coefficient de trésorerie , on voit que
Di
cb 
. En effet, Di est le dépôt initial qui équivaudra aux réserves de trésorerie (R) du
Df
système bancaire dans son ensemble (puisque de l’argent retiré dans une banque sera
redéposé dans une autre).
Le coefficient de trésorerie est également le ratio trésorerie/dépôts. La relation suivante peut
donc être aisément établie:
cb 
R
R Di
, car Di = R
 Df 

Df
cb cb
Avec un dépôt initial de 100 qui restera dans la trésorerie des banques, 100 doivent être 10 %
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Chapitre 18
des dépôts finaux. 100/0,1 = 1000 = Df. Un dépôt initial de 100 va, avec un coefficient de
trésorerie de 10 % donner un total de 1000, soit un accroissement du stock de monnaie de
900, c’est à dire l’ensemble des crédits (Cr) accordés par le système bancaire.
Le stock monétaire dans l’économie est :
M1 = billets et pièces en circulation + dépôts à vue.
En ayant 100 de billets au départ qui vont se retrouver dans le système bancaire et cesser de
circuler, les banques vont faire du crédit et vont créer des dépôts à concurrence de 1.000 €
si cb = 10%. Le dépôt initial a été multiplié par 10 grâce à ce qu’on appelle le multiplicateur
bancaire qui est le phénomène par lequel le crédit bancaire transforme des billets en dépôts
d’une somme plus large.
Le coefficient de trésorerie influence le stock monétaire. Il reflète l’arbitrage entre le profit
que l’on peut tirer des crédits et le risque d’un retrait brutal d’une certaine quantité de
trésorerie. Mais, ce coefficient de trésorerie peut également être influencé par les autorités
bancaires qui peuvent obliger les banques à détenir un certain pourcentage des dépôts sous
forme de trésorerie. Si les autorités bancaires augmentent le coefficient de trésorerie, elles
diminuent la création de dépôts à vue.
On a vu que la création de dépôts dépendait des billets dans les banques. On va voir
comment les banques centrales peuvent influencer la création de monnaie par les banques.
3.4. La base monétaire
La banque centrale – pour les pays qui ont adhéré à l’union monétaire européenne, la Banque
Centrale Européenne – a le contrôle de l’émission de billets.
Définition :
Base monétaire = monnaie métallique et fiduciaire en circulation + celle détenue par les
banques.
Les billets et les pièces circulent dans l’économie pour plusieurs raisons :
1) la simplicité (écrire un cheque pour acheter un journal serait aberrant !) ;
2) l’existence d’une économie parallèle ou d’une économie de l’ombre (aux Etats-Unis,
une grande partie des dollars en billets existants sont aux mains de la mafia et
circulent sans laisser de trace) ;
3) la manque de confiance dans les banques (surtout chez les générations plus âgées qui
ont connu les banqueroutes des banques dans les années trente) ; le réflexe du bas de
laine, raisonnement tenu par des populations issues de pays ou le système bancaire
n’est pas développé (le Vietnamiens, émigres du Vietnam aux Etats-Unis, n’aiment
pas déposer leur argent à la banque et ils se font voler par des gangs qui savent que
leur épargne est détenue à domicile).
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Chapitre 18
3.5. Relation entre la base monétaire et le stock monétaire
Billets en
circulation
Réserves de billets
des banques
H
C
R
D
M1
Dépôts à vue
De façon algébrique :
D = dépôts
R = réserves de billets détenues par les banques
cb = coefficient de trésorerie
R = cb D
Réserves = coeff.trés. x dépôts
C = cash désiré par les ménages (en circulation)
cp = taux du cash désiré
H = base monétaire
C = cp D
H = C + R = (cb + cp) D
M1= C + D = (cp + 1) D
Le rapport entre le stock monétaire et la base monétaire est donné par la relation suivante:
M1 
cp 1
cb  cp
H
autrement dit, le stock monétaire est un multiple de la base monétaire. Le ratio M1/H est
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Chapitre 18
appelé le multiplicateur bancaire. L’activité bancaire, par le crédit qui forme des dépôts et
ainsi de suite, multiplie la base monétaire de l’ordre de ce multiplicateur pour obtenir M1.
Ex.: cp = 0,15 ; cb = 0,02 
1,15
7
0,17
A ce moment, le stock monétaire est 7 fois plus grand que la base monétaire. Le
multiplicateur bancaire est de 7.
Les autorités centrales contrôlent le stock monétaire grâce à deux paramètres:
cb : le coefficient de trésorerie bancaire. Si on augmente cb, les dépôts créés par les banques
diminuent ainsi que M1 et inversement, ceci par le biais du multiplicateur bancaire.
cp : cp est un paramètre institutionnel qui dépend de plusieurs facteurs. Si, par exemple, les
salaires sont payés en billets - ce qui était le cas il y a une dizaine d’années -, cp est
important; si les salaires sont payés directement sur les comptes bancaires - ce qui est
maintenant de plus en plus courant -, alors cp est beaucoup plus faible.
Toutes sortes de changements institutionnels diminuent le paramètre cp. Par exemple,
l’utilisation de cartes de crédit diminue la détention de billets et de pièces.
Les banques ont intérêt à réduire la monnaie en circulation sous forme de billets et de pièces
afin que la plus grande partie du stock monétaire se trouve sous forme de dépôts à vue.
Ainsi, les banques peuvent augmenter leur profit d’intermédiation. Toutes les innovations
comme les cartes de crédit, les distributeurs, ont été créées dans l’intérêt bien compris des
banques.
3.6. La gestion bancaire
Le coefficient de trésorerie peut être imposé par les autorités bancaires. Sinon, il dépend de
la gestion bancaire et donc, de différents facteurs: le taux d’intérêt, le risque de retraits, les
régulations bancaires, etc. L’un de ces facteurs est la possibilité de faire des prêts liquides,
c’est-à-dire des prêts remboursables très facilement. Si une banque peut faire des prêts
extrêmement liquides, elle doit garder un montant de moins en moins important sous forme
de trésorerie. En cas de retrait, il suffit à la banque de demander le remboursement des prêts
qu’elle a consentis.
Un problème important dans la gestion bancaire est la sélection adverse. Supposons que
deux types de clients sont présents: les bons payeurs et les mauvais payeurs. Si la demande
de crédit augmente et que la banque décide d’équilibrer le marché en augmentant le taux
d’intérêt, la logique du marché voudrait que les projets non rentables à ce taux d’intérêt plus
élevé soient rejetés (si l’information est parfaite) et par conséquent la demande de crédit va
baisser. Mais, si l’information n’est pas parfaite et que la banque ne connaît pas les types de
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Chapitre 18
projets concernés, lorsque la demande de crédit augmente et que la banque augmente le taux
d’intérêt, elle encourt le risque que les bons payeurs cherchent un financement plus
intéressant ailleurs et de ne garder que les mauvais payeurs. Plutôt que d’augmenter le taux
d’intérêt, la banque préférera rationner le crédit en choisissant ses débiteurs.
La sélection adverse est donc une cause importante de rationnement du crédit. Le
rationnement du crédit est, à son tour, une des raisons majeures pour laquelle les marchés
financiers ne sont pas parfaits. Le rationnement du crédit est une des raisons essentielles de
l’existence de contraintes de liquidité pour les agents économiques.
3.7. Autres définitions du stock monétaire
Il existe d’autres définitions du stock monétaire.
A titre indicatif, une autre définition, qui n’est quasiment plus utilisée aujourd’hui:
Ml + dépôts à 6 mois = M2.
La mesure alternative du stock monétaire la plus utilisée à l’heure actuelle est:
Ml + totalité des dépôts à terme = M3.
Les innovations financières de ces dix dernières années ont permis d’avoir des dépôts à
terme qui rapportent l’intérêt mais qui sont de plus en plus liquides, c’est-à-dire qui peuvent
être convertis extrêmement facilement en moyens de paiement.
Les différentes formes d’innovations financières rendent difficile l’estimation de la véritable
valeur du stock monétaire.
4. LA BANQUE CENTRALE
Les banques centrales n’ont pas toujours existé : la banque centrale américaine, la Federal
Reserve Board, a été créé seulement en 1913; la banque d’Angleterre était une banque privée
jusqu’en 1947.
La banque centrale a le privilège de l’émission de la monnaie. Elle ne peut jamais faire
banqueroute. Avant la guerre 14-18, les billets pouvaient être échangés contre de l’or. Ce
n’est plus possible aujourd’hui. La monnaie a cours forcé. La monnaie émise par la banque
centrale doit être acceptée comme moyen de paiement et n’est plus échangeable contre de
l’or.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
4.1. La banque centrale, banquier des banques
La banque centrale est le banquier des banques. Dans la plupart des pays, la banque centrale
est responsable du secteur bancaire. En Belgique, c'était la Commission bancaire et
financière et des assurances (CBFA) qui assumait cette fonction. Depuis avril 2011, la
surveillance et le contrôle est exercé par la Banque Nationale de Belgique et l’Autorité des
services et marchés financiers (FSMA).
De plus, au niveau européen, le système européen de surveillance financière (ESFS) a été
mis en place suite à la crise financière. Il a pour objectif d’assurer la stabilité du système
financier et le bon fonctionnement des marchés financiers. Ses missions sont doubles : d’une
part assurer la surveillance macro-prudentielle, c’est-à-dire des évolutions
macroéconomiques et du système financier dans son ensemble ; d’autre part, assurer la
surveillance micro-prudentielle, c’est-à-dire des établissements financiers individuels. Ces
tâches sont assurées par les autorités nationales de surveillance et une autorité supranationale et de coordination. En Belgique, ces missions sont assurées par la Banque
Nationale et la FSMA.
4.2. Les instruments d’une banque centrale
Le bilan d’une banque centrale se présente comme suit:
Banque centrale
Actif
Devises , or , certificats du trésor
Crédits au banques
Autres actifs
Passif
Billets en circulation
Dépôts des banques
Dépôts du gouvernement
Quels sont les instruments à la disposition de la banque centrale pour contrôler l’offre de
monnaie?
1) Le coefficient de trésorerie
La banque centrale, en jouant sur les coefficients de trésorerie, peut influencer à la hausse ou
à la baisse les dépôts à vue créés par les banques.
Exemple: si les réserves sont de 1 milliard et le coefficient de trésorerie est de 5%, les dépôts
seront de 1/0,05 = 20 milliards. Si le coefficient de trésorerie augmente de 5
points, les dépôts passent à 1/0,1 = 10 milliards et baissent ainsi de moitié.
2) Le taux d’escompte
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Traditionnellement, les taux d’escompte étaient liés aux lettres de change, qui sont des
promesses de paiement (faites par exemple par un client à un fournisseur devant livrer des
marchandises dans un délai de 3 mois) pouvant être vendues à la banque contre un taux
d’escompte.
Aujourd’hui, le taux d’escompte est l’intérêt demandé aux banques pour les crédits qui leur
sont accordés par la banque centrale. Lorsque la banque centrale augmente son taux
d’escompte, le crédit coûte plus cher aux banques qui, en conséquence, veulent détenir
moins de réserves, ce qui diminue la masse monétaire en circulation, à coefficient de
trésorerie donné. Dans le bilan, les dépôts des banques auprès de la banque centrale vont
diminuer et, puisque les réserves dans le secteur bancaire diminuent, la monnaie en
circulation va diminuer.
Le bilan de la banque centrale va varier comme suit:
Actif
Diminution des crédits au banques
Passif
Diminution des dépôts des banques
3) Les opérations d’open market
La banque centrale achète ou vend des certificats du trésor.
Lorsqu'elle achète ces certificats, elle va devoir mettre des billets en circulation. Donc,
l’augmentation des certificats du trésor signifie l’augmentation du nombre de billets en
circulation dans l’économie, c’est-à-dire un accroissement de la base monétaire.
Inversement, lorsqu’elle vend des certificats du trésor, la banque centrale reçoit des billets en
échange. Ceux-ci sont retirés de la circulation, ce qui diminue la base monétaire et partant le
stock monétaire.
Du point de vue de la banque centrale, on a:
Actif
Variation des certificats
Passif
Variation des billets
En vendant ou en achetant aux banques, on a:
Actif
Passif
393
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Variation des certificats
Chapitre 18
Variation des dépôts des banques
Du point de vue monétaire, vendre au public ou à une banque est relativement équivalent. En
effet, les individus paient en général avec des chèques, d’où ils diminuent leurs dépôts
bancaires. Si les dépôts bancaires diminuent, les banques vont réduire leur trésorerie et donc
leurs dépôts auprès de la banque centrale. En règle générale, la variation des certificats du
trésor de la banque centrale va surtout affecter les dépôts des banques auprès d’elle.
4.3. La banque centrale comme prêteur en dernier ressort
Ce rôle est lié au problème de la panique bancaire. Supposons que les gens veulent retirer
leur argent des banques. A ce moment-là, la banque centrale émet suffisamment de billets de
façon à ce que les banques puissent payer. Elle leur donne tout le crédit nécessaire et de ce
fait-là, il n’y aura pas de raison d’avoir une panique bancaire. La connaissance de cet état de
choses permet de maintenir la confiance, de diminuer les fluctuations dans les retraits de
dépôts, et de diminuer les incertitudes liées à la gestion de trésorerie.
4.4. La banque centrale comme banquier du gouvernement
La banque centrale est responsable du contrôle du stock monétaire et dans certains pays elle
joue aussi le rôle de banquier du gouvernement en finançant le déficit budgétaire, si
nécessaire.
Lorsque le gouvernement est confronté à un déficit budgétaire, deux possibilités s’offrent à
lui:
- financer le déficit budgétaire par l’emprunt, en émettant des obligations d’État;
- créer de la monnaie (par la planche à billets).
4.4.1. Financement du déficit par l’emprunt
Le gouvernement vend à la banque centrale des certificats du trésor. Le bilan de la banque
centrale va varier comme suit:
Actif
Augmentation des certificats
Passif
Augmentation des dépôts des banques
Si la banque centrale ne veut pas qu’il y ait une augmentation du stock monétaire, elle va
vendre les emprunts aux banques.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Actif
Diminution des certificats
Passif
Diminution des dépôts des banques
Le raisonnement est le même s’il y a vente directe aux individus. Ceux-ci baissent leurs
dépôts, les banques réduisent leurs trésoreries bancaires en conséquence, et donc leurs dépôts
auprès de la banque centrale.
A la fin du processus, la banque centrale a servi de banquier au gouvernement : les emprunts
publics se trouvent aux mains du secteur privé mais le stock monétaire reste inchangé.
4.4.2. Financement du déficit par la planche à billets
La banque centrale achète les certificats du trésor et émet pour cela des billets. Les dépôts du
gouvernement augmentent et un nombre accru de billets circule dans l’économie au fur et à
mesure que le gouvernement effectue ses dépenses. Le stock monétaire augmente.
Du point de vue du bilan de la banque centrale, on a tout d’abord:
Actif
Augmentation des certificats
Passif
Augmentation des dépôts du gouvernement
Quand le gouvernement a utilisé son dépôt, on a:
Actif
Passif
Diminution des dépôts du gouvernement
Augmentation des billets
La banque centrale, dans toutes ses opérations, doit faire attention dans la gestion de la dette
publique. Chaque année, il y a de nouveaux emprunts mais il y a également des dettes qui
viennent à échéance et qu’il faut rembourser. Dans ce cas, il y a une diminution des
certificats du trésor et une diminution des dépôts du gouvernement: le stock monétaire
diminue. Dans le cadre de la gestion de la dette, la banque centrale doit faire attention aux
effets conjugués de ces emprunts et de ces remboursements et déterminer si ces effets sont
désirés ou non, si la masse monétaire augmente ou pas, etc.
La question de savoir dans quelle mesure la banque centrale est indépendante du
gouvernement est fondamentale. En effet, lorsque la banque centrale est relativement
dépendante du gouvernement, ce dernier peut l’obliger à financer un déficit budgétaire par la
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
planche à billets. Certaines banques centrales sont tout-à-fait indépendantes du
gouvernement et peuvent résister à de telles pressions. Leur rôle est simplement le contrôle
du stock monétaire et la stabilité des prix et c’est une tâche qu’elles mènent indépendamment
du gouvernement. La banque centrale qui avait la meilleure réputation d’indépendance au
monde était la Bundesbank, la banque centrale allemande.
Pour la construction de l'Europe, où la création d’une monnaie unique à impliqué la création
d’une banque centrale européenne, un problème crucial a été de garantir l’indépendance de
celle-ci.
En résumé, la banque centrale est responsable de l’offre de monnaie dans l’économie.
En Belgique aujourd’hui, depuis la création de l’euro et de la Banque Centrale Européenne
en 1999, le conseil des gouverneurs des banques centrales nationales de la zone euro
s’accorde sur les décisions de politique monétaire.
5. LA DEMANDE DE MONNAIE
5.1. Les raisons de la détention de monnaie
La monnaie est un stock qui circule dans une économie à un moment donné. Ce n’est pas la
richesse des individus. C’est ce que les agents économiques ont dans leurs poches, leurs
sacs, leur compte en banque à un moment donné.
Détenir de la monnaie a un coût d’opportunité égal à l’intérêt que l’on perd à détenir sous
forme liquide un actif que l’on pourrait détenir sous forme de comptes à terme ou sous forme
d’obligations, par exemple.
En dépit du coût d'opportunité, plusieurs raisons expliquent pourquoi on détient de la
monnaie.
5.1.1. Le motif de transaction
On détient de la monnaie en fonction des dépenses prévues. Mais est-ce bien nécessaire
puisque, aujourd’hui, des facilités telles que les distributeurs automatiques existent? En fait,
on détient de la monnaie pour motif de transaction parce que les recettes et les paiements ne
sont pas synchrones. Si les revenus et les paiements se faisaient exactement en même temps,
il n’y aurait pas de raison de détenir de la monnaie. Un salarié touche son salaire une fois par
mois ou par quinzaine et le dépense entre deux paies. Plutôt que de détenir de la monnaie
pour motif de transaction, on pourrait, par exemple, acheter des actions pour une courte
durée - entre deux paiements - mais on aurait un taux d’intérêt peu intéressant en regard des
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
frais de transaction que cela entraînerait ainsi que de la perte de temps et d’énergie. Même si
on pouvait prévoir exactement quelles dépenses on va faire et à quel moment, il est plus
facile de détenir de la monnaie que de mettre sur pied des transactions financières de ce type.
La demande pour la monnaie est une demande pour de la monnaie réelle. Supposons que les
prix doublent du jour au lendemain. A ce moment-là, les agents voudront détenir plus de
monnaie parce que les dépenses envisagées, en terme de monnaie optimale, auront doublé.
Par conséquent, pour une même quantité de dépenses réelles, il faudra détenir deux fois plus
de monnaie nominale. Par conséquent, pour une même quantité de dépenses réelles, il faudra
détenir deux fois plus de monnaie nominale. C’est la raison pour laquelle les prochains
graphiques étudieront les encaisses réelles (soit M/P).
Dans l’ensemble de l’économie, comment approcher cette demande de transaction? S’il y a
T transactions qui se font à un prix P, PT est la valeur des transactions. La valeur des
transactions diffère du revenu national ou de la production car certaines transactions portent
sur des biens qui n’ont pas été produits (ex. la construction d’une nouvelle maison rentre
dans la comptabilité nationale, mais pas si cette maison existait et a été vendue). Si, dans une
même année, elle est revendue à un autre individu, c’est une autre transaction. La valeur
totale des transactions est donc plus élevée que le revenu national : et elle est donc un
multiple k du revenu national Y. On a:
PT = kY , k>1.
La valeur des transactions dans l’économie n’est pas enregistrée statistiquement, au contraire
du revenu national. Mais il est raisonnable de supposer que le paramètre k est relativement
constant. Une augmentation du revenu national permet d’effectuer une très bonne
approximation de l’augmentation des transactions dans l’économie. La demande de monnaie
va augmenter dans l’économie lorsque le revenu national augmente.
Il est évident que plus la valeur des transactions est élevée - plus les dépenses prévues sont
importantes - plus la demande de monnaie sera importante.
Plus le degré de synchronisation entre les recettes et les dépenses sera grand, plus faible sera
la demande de monnaie. Le degré de synchronisation évolue très peu dans l’économie et la
demande de monnaie pour motif de transaction augmente dès lors essentiellement lorsque le
revenu national augmente.
5.1.2. Le motif de précaution
Le motif de précaution est relatif à l’incertitude vis-à-vis des dépenses futures: les gens ne
savent pas quand ils vont devoir dépenser. Le public veut détenir de la monnaie pour faire
face aux imprévus ou aux bonnes affaires non anticipées.
Même s’il y a une incertitude concernant les transactions futures, le niveau moyen des
dépenses que l’on va faire est connu. D’autre part, le degré d’incertitude va influencer la
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
demande de monnaie. Ex. : en Union Soviétique, avant la transition, les Soviétiques
détenaient de grosses liasses de billets où qu’ils soient car, étant donné la grande incertitude
sur la possibilité de trouver un bien de consommation rare, ils voulaient pouvoir l’acquérir si
une opportunité se présentait. Donc, un grand degré d'incertitude favorise la détention de
monnaie.
Si le degré d’incertitude est plus ou moins constant, c’est la moyenne des dépenses anticipées
qui déterminera la demande de monnaie. On peut considérer ici aussi que le revenu national
sera un bon baromètre de la demande de monnaie pour motif de précaution.
5.2. Le coût d’opportunité
Le coût d’opportunité de la monnaie est-il le taux d’intérêt nominal ou le taux d’intérêt réel?
Si un particulier place sa fortune en obligations, elle lui rapporte un taux d’intérêt réel
r  i  pˆ ; s’il détient de la monnaie, il perd une partie correspondant à l’inflation :  p̂ .
Autrement dit, le coût d’opportunité de détenir de la monnaie est : i  pˆ  ( pˆ )  i , c’est-àdire le taux d’intérêt nominal.
Supposons qu’un particulier possède des obligations indexées sur l'inflation, c’est-à-dire des
obligations qui lui garantissent un taux d’intérêt réel. Si le revenu national reste constant et
qu’il y a une augmentation des prix, c’est à dire augmentation de l’inflation, le taux d’intérêt
nominal va augmenter. Plus l’inflation est élevée, plus cher reviendra la détention de
monnaie. Ce processus peut persister jusqu’au moment où l’inflation est tellement forte que
plus personne ne veut détenir de la monnaie.
Sachant qu’il y a des innovations financières qui proposent des comptes bancaires
relativement liquides tout en procurant des intérêts, la définition de la monnaie peut être
élargie pour se prêter à la même analyse. Le coût d’opportunité de détention de la monnaie
sous forme de ces comptes bancaires est à nouveau égal à la différence de taux.
Graphiquement, la relation entre taux d’intérêt et demande d’encaisses réelles est donnée
dans le graphique 18.1:
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Graphique 18.1: LA DEMANDE D’ENCAISSES REELLES
i
i0
L=M/P
L0
L
Le taux d’intérêt nominal est représenté par i et les encaisses réelles sont représentées par L.
Celles-ci représentent les encaisses nominales corrigées par l’inflation. On prend les
encaisses nominales d’une période de base et on divise par l’indice des prix de façon à avoir
des encaisses corrigées pour l’inflation. C’est pourquoi on écrit L = M/P où P est l’indice des
prix.
La relation de demande de monnaie montre que lorsque le taux d’intérêt augmente, le public
veut détenir moins de monnaie ; lorsqu’il baisse, il en détient plus.
Le bénéfice marginal à la détention de monnaie peut être défini comme suit: plus on détient
de la monnaie, plus faible sera le bénéfice marginal de détenir de la monnaie. Si les agents
économiques sont rationnels, ils vont vouloir maximiser leur utilité et donc détenir une
quantité de monnaie telle que le bénéfice marginal soit égal au coût marginal. Le coût
marginal est le coût d’opportunité de détention de la monnaie, c’est-à-dire i0, D’où la
quantité de monnaie que l’on va détenir sera L0.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Lorsque le taux d’intérêt augmente, le coût marginal va augmenter et on va détenir moins de
monnaie L1, soit une quantité plus faible avec un bénéfice marginal plus élevé.
Graphique 18.2: EFFET D’UNE HAUSSE DU TAUX
D’INTERET NOMINAL SUR LA DEMANDE
D’ENCAISSES REELLES
i
i1
i0
L
L=M/P
L1
L0
L
Lorsque le revenu augmente, à taux d’intérêt constant, on va vouloir détenir plus de
monnaie. Il y aura un déplacement de la demande de L vers L’ et on voudra détenir L0’ pour
un taux de i0, car à i0 constant le bénéfice marginal de détention d’encaisses réelles
augmente.
400
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Graphique 18.3: EFFET D’UNE HAUSSE DU REVENU NATIONAL
SUR LA DEMANDE D’ENCAISSES REELLES
i
i0
L’=M’/P
L=M/P
L0
L0’
L
Pour résumer, détenir des encaisses réelles implique donc un avantage. On voudra détenir de
la monnaie pour motif de transaction et de précaution ; dans les deux cas, lorsque le revenu
national augmente, on voudra, toutes choses égales par ailleurs, détenir plus de monnaie.
Détenir de la monnaie implique également un désavantage : le coût d’opportunité.
Finalement, on peut établir trois relations économiques relatives à la demande de monnaie:
1) Lorsque le revenu national augmente, la demande de monnaie augmente;
2) Lorsque le taux d’intérêt augmente, la demande de monnaie diminue.
Il devient plus coûteux de détenir de la monnaie et, donc, plus avantageux
relativement de détenir des actifs rentables;
3) Lorsque les prix augmentent, la demande de monnaie augmente en proportion.
Autrement dit, la demande de monnaie réelle dépend du revenu national ou du taux d’intérêt
nominal.
401
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
6. L’ÉQUILIBRE MONÉTAIRE
Rappelons que dans ce chapitre, nous raisonnons dans le cadre d’une économie fermée.
Nous faisons donc abstraction des interrelations entre le marché monétaire du pays et la
balance des paiements.
La banque centrale contrôle l’offre de monnaie réelle, LO. L’offre est égale à la demande
d’encaisses réelles L au point d’équilibre E lorsque le taux d’intérêt est en iE.
Graphique 18.4: L’EQUILIBRE MONETAIRE
i
LO
L
E
iE
A
i1
LE
B
L
Si le taux d’intérêt est égal à i1, l’offre monétaire étant totalement inélastique, l’offre est en A
et la demande est en B. Donc, il y a demande excédentaire.
Comment revient-on à l’équilibre en iE?
Ce n’est pas simple car le marché monétaire ne ressemble pas au marché des biens et
services. En fait, le marché monétaire est en relation directe avec le marché des capitaux et
les mécanismes qui permettent d’arriver à l’équilibre en iE sont des mécanismes liés au
marché des capitaux.
402
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
S’il n’y a que des obligations sur le marché des capitaux, un investisseur a le choix entre
deux actifs : la monnaie ou les obligations.
La richesse (W) est répartie en partie en obligations (B0) et en partie en encaisses réelles
(L0):
W = L0 + B0.
Chaque individu décide combien il désire garder sous forme de monnaie et sous forme
d’obligations. Il y a une demande Ld pour les encaisses réelles et une demande réelle Bd pour
les obligations. La somme de ces demandes est bien entendu égale à la disponibilité dans
l’économie. Donc, on a:
W = Ld + Bd.
D’où,
L0 + B0 = Ld + Bd
 B0 - Bd = Ld – L0
Donc, la demande excédentaire d’encaisses sera toujours égale à l’offre excédentaire
d’obligations, quelle que soit la répartition de la richesse.
Si le taux d’intérêt est i1, il y a une demande excédentaire de monnaie et les ménages vont
vouloir se débarrasser d’obligations pour avoir de la monnaie en échange. L’offre
d’obligations est excédentaire et leur prix va baisser sur le marché des capitaux, ce qui va
entraîner nécessairement une augmentation du taux d’intérêt. Par exemple, une obligation
achetée au cours de 100 euros et qui rapporte un coupon annuel fixe de 5 euros a un return
de 5/100=5%. Si le cours de l’obligation passe à 90, le retrun devient 5/90=. Le return d’une
obligation sera plus important, les banques vont offrir des taux d’intérêts plus élevés, donc
les taux d’intérêt vont augmenter dans leur ensemble jusqu’au moment où l’équilibre sur le
marché monétaire est atteint.
L’équilibre sur le marché monétaire est donc la contrepartie de l’équilibre sur le marché des
capitaux. L’égalisation de l’offre et de la demande de monnaie passe par le marché financier.
On paie la monnaie avec des obligations et le taux d’intérêt est le prix de la monnaie.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
6.1. Variations de l’équilibre monétaire
Qu’est-ce qui détermine les variations du stock monétaire?
6.1.1. Une variation du stock monétaire
Le stock monétaire baisse de LO à LO’. Ceci peut se faire par différents moyens : la banque
centrale peut par exemple faire de l’open market - vendre des obligations - ou augmenter le
coefficient de trésorerie.
Graphique 18.5: EFFET D’UNE VARIATION DU STOCK
MONETAIRE
i
LO’
LO
E’
iE’
E
iE
L
LE’
LE
L
Cette baisse du stock monétaire va entraîner une augmentation du taux d’intérêt. Si la
banque centrale vend de nouvelles obligations sur le marché, l’offre des obligations est
excédentaire et leur prix baisse, d’où il y a une augmentation du taux d’intérêt jusqu’au
nouvel équilibre, avec moins de monnaie en circulation et un taux d’intérêt plus élevé en iE’.
404
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
6.1.2. Une variation du revenu réel
Si le revenu réel augmente, la droite de demande se déplace de L en L’ et l’équilibre initial
en iE passe en iE’.
Graphique 18.6: EFFET D’UNE VARIATION DU REVENU
NATIONAL REEL
i
L
iE’
iE
L’
LO
E’
E
LE = LE’
L
En effet, lorsque le revenu national augmente, le bénéfice marginal de détention de la
monnaie va augmenter et, au taux d’intérêt i0, la demande de monnaie sera supérieure à
l’offre de monnaie. L’offre d’obligations est excédentaire ce qui entraîne une baisse du prix
des obligations et une hausse du taux d’intérêt. Le stock monétaire ne va pas varier ici et, de
ce fait, seule une augmentation du taux d’intérêt peut diminuer la demande de monnaie pour
compenser l’augmentation de la demande de monnaie liée à l’augmentation du revenu
national.
A l’équilibre, la détention d’obligations ne varie pas car LO reste constante. Lorsque Ld > LO,
B0 > Bd, mais la hausse du taux d’intérêt amène à l’équilibre (la baisse du prix des
obligations entraînant une baisse de l'offre et une hausse de la demande d’obligations).
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Si une concurrence très importante des banques les incitait à donner à leurs clients des
intérêts sur les dépôts à vue, quel serait l’effet sur la demande de monnaie?
La demande de monnaie augmenterait, L se déplacerait vers la droite, parce que le coût
d’opportunité de détenir de la monnaie aurait diminué. Mais, si l’offre de monnaie reste fixe,
cette augmentation de la demande va aboutir néanmoins à une augmentation du taux
d’intérêt nominal.
7. PROBLÈMES DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE
Le coefficient de trésorerie obligatoire. Les banques vont chercher différents moyens pour
contourner ce coefficient de trésorerie obligatoire qui limite les possibilités de crédit qu’elles
peuvent donner à leurs clients. S’il y a, par exemple, un coefficient de trésorerie obligatoire
en Belgique, les banques belges vont installer des filiales à l’étranger, là où il n’y a pas de
coefficient de trésorerie obligatoire, et vont indiquer à leurs clients qu’ils peuvent s’adresser
à ces filiales pour obtenir le crédit. C’est une façon de circonvenir la réglementation.
L’internationalisation des marchés financiers rend une règle, telle que le coefficient de
trésorerie, de moins en moins efficace et, de plus en plus, les banques centrales donnent aux
banques la liberté d’établir elles-mêmes leur coefficient de trésorerie. Ce coefficient est
déterminé par les règles de la gestion bancaire, l’arbitrage entre le profit et le risque. Cette
dérégulation nationale tend néanmoins à être contrée par des règles internationales visant à
uniformiser les coefficients de trésorerie ou d’autres ratios de gestion bancaire.
L’open market. La banque centrale doit jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. Elle ne
peut jamais refuser un prêt à une banque. Ceci limite la capacité de la banque centrale à
contrôler le stock monétaire puisque, chaque fois que les banques vont demander de la
trésorerie nouvelle pour augmenter leurs réserves, la banque centrale ne peut pas le leur
refuser. Une politique d’open market visant à une contraction de la masse monétaire par une
vente de bons du trésor peut être contrecarrée par le rôle de banquier en dernier ressort. La
banque centrale garde cependant de l’influence sur la demande de réserve des banques par
l’intermédiaire du taux d’escompte.
Le taux d’escompte. Le taux d’intérêt demandé par la banque centrale pour des crédits de
trésorerie peut, d’une certaine façon, servir de régulateur de la masse monétaire. La banque
centrale peut décider de le changer d’une semaine à l’autre, et, en instaurant cette flexibilité,
peut décourager la demande de crédit des banques. Cela équivaut à dire que la banque
centrale va manipuler le taux d’intérêt pour fixer le stock monétaire.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 18
Graphique 18.7: EFFETS D’UN CHOIX DU TAUX
D’ESCOMPTE
i
L’
L
i1
iE = iE’
L1
LE
LE’
L
Si l’objectif de la banque centrale est d’avoir un stock monétaire LE, elle peut l’obtenir en
fixant le taux d’intérêt à iE. Effectivement, fixer le stock monétaire et voir quel va être le
taux d’intérêt d’équilibre sur le marché monétaire ou fixer le taux d’intérêt en fonction du
stock monétaire que l’on veut obtenir c’est, d’une certaine façon, équivalent... si on connaît
exactement la demande de monnaie dans l’économie. On peut se tromper et fixer, par
exemple, un taux d’intérêt i1 qui serait trop élevé et pour lequel on aurait une demande de
monnaie trop faible L1 par rapport à ce que la banque peut obtenir.
D’autre part, la demande de monnaie évolue et lorsque la banque centrale fait son calcul,
même si elle a une idée de la demande de monnaie, elle peut se tromper par exemple entre L
ou L’. En particulier, si les banques commerciales décident de donner un certain intérêt sur
les dépôts, il y a un déplacement vers la droite de L et, à ce moment-là, en fixant le taux
d’intérêt à iE, la masse monétaire sera plus importante que prévu.
De façon générale, les banques essaient de circonvenir les limites que la banque centrale
essaie d’imposer à la masse monétaire en circulation dans l’économie et cherchent toutes
sortes de moyens pour parvenir à cette fin.
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