Gérard Roland, Economie Politique Chapitre 18
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CHAPITRE 18
LA MONNAIE
La monnaie joue un rôle fondamental au niveau macro-économique : il existe une interaction
importante entre la monnaie et les marchés des capitaux via le taux d’intérêt. Il n’est pas
facile de comprendre le rôle de la monnaie dans l’économie. Dans ce chapitre, nous allons
aborder la monnaie dans une économie fermée, en faisant abstraction du taux de change et de
considérations liées à la balance de paiement, aux réserves de change, etc. Tous ces aspects
internationaux seront introduits dans le chapitre suivant.
1. FONCTIONS DE LA MONNAIE
Quelles sont les fonctions de la monnaie?
1.1. Fonction de moyen de paiement
La monnaie est le moyen d’échange dans les transactions : les biens sont vendus contre des
billets ou contre paiement sur dépôt bancaire. Il existe cependant des situations où, par
exemple, des cigarettes (en URSS, en 1991) servent de moyen de paiement. En Allemagne,
après la Seconde Guerre Mondiale, il y avait de l’hyperinflation et la situation était
similaire : les cigarettes faisaient office de moyen de paiement car plus personne ne voulait
accepter des marks.
Pourquoi est-il nécessaire d’avoir un moyen de paiement? S’il n’y avait pas de moyen de
paiement, quel qu’il soit (billets, cigarettes,...), on échangerait des biens contre des biens
(comme dans une économie de troc). Pour que cet échange puisse se faire, il faut une double
coïncidence des désirs, ce qui est très compliqué et entraîne des coûts de transaction
extrêmement élevés. Il est donc beaucoup plus facile d’acheter et de vendre lorsqu’on a de la
monnaie.
Evidemment, pour que la monnaie puisse servir de moyen de paiement, il faut qu’elle soit
généralement acceptée par tous et que tous sachent qu’elle l’est, et que tous sachent que tous
savent qu’elle est acceptée par tous et ainsi de suite. Son acceptation générale doit être
connaissance commune.
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1.2. Fonction d’unité de compte
Les biens sont évalués en euros: la monnaie sert d’unité de compte pour les paiements
immédiats. Cette notion d’unité de compte n’est pas nécessairement respectée : lorsqu’il y a
eu l’hyperinflation allemande, en 1923, les gens payaient en marks alors que l’unité de
compte était le dollar.
L’unité de compte est également utilisée dans le cas de paiements différés: un emprunt doit
être remboursé, par exemple un an plus tard, sous forme d’une somme exprimée en euros.
Pour que cela soit possible, il faut que les euros de demain aient une valeur.
1.3. Fonction de réserve de valeur
La monnaie garde de la valeur dans le futur. Si on est payé en tomates, celles-ci sont
périssables et n’ont donc pas de valeur dans le futur. Cette fonction de réserve de valeur est
partagée par tous les actifs financiers. Ceux-ci sont, en général, de meilleures réserves de
valeur que la monnaie. Une obligation à 1 an qui a une rentabilité de 10 % est une meilleure
réserve de valeur que l’argent qui dort sur un compte bancaire sans intérêt. La monnaie a une
fonction de réserve de valeur mais cette fonction est clairement dominée par les autres actifs
financiers non liquides, c’est-à-dire qui ne peuvent pas servir immédiatement de moyen de
paiement.
2. DIFFÉRENTES SORTES DE MONNAIE
2.1. Monnaie métallique
Ce sont les pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes.
2.2. Monnaie fiduciaire
Il s’agit, en général, des billets de banque. La monnaie fiduciaire a cours légal, c’est-à-dire
que la loi indique que ces billets sont acceptés légalement comme moyen de paiement.
2.3. Monnaie scripturale
C’est la forme de loin la plus importante dans les économies modernes et ce sont les dépôts
bancaires à vue. Les chèques, les cartes de crédit ne sont pas de la monnaie, ce sont
simplement des instruments utilisés sur la monnaie scripturale. Ce type de monnaie étant la
forme la plus importante nous amène à nous intéresser à l’activité bancaire.
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3. L’ACTIVITÉ BANCAIRE
3.1. Les orfèvres
L’historique de l’activité bancaire nous ramène aux orfèvres. Ils connaissaient le métier de
l’or qui était utilisé comme moyen de paiement et ce beaucoup plus qu’à l’heure actuelle.
Mais il était relativement encombrant et dangereux de conserver l’or sur soi (risque
d’attaques, de vols, d’assassinats). A cette époque, les individus préféraient déposer leur or
chez les orfèvres, qui jouaient donc le rôle de coffre-fort.
Ces derniers se sont rendus compte qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer directement un
paiement en or. Il suffisait de donner au vendeur une lettre lui transférant la propriété d’une
certaine partie de l’or. Avec cette lettre, le vendeur allait ensuite chez l’orfèvre réclamer le
montant en or. Cette pratique se généralisa car elle était plus sûre. Ce sont les débuts de
l’activité bancaire. De ce fait, l’or circulait de moins en moins directement et restait dans les
coffres-forts de l’orfèvre pendant que le nombre d’échanges augmentait.
Puisqu’une grande partie de l’or “dormait” dans leurs coffres-forts - les titres de propriété
changeaient de mains mais l’or ne sortait pas -, les orfèvres se sont rendus compte qu’ils
pouvaient prêter de l’or.
Au départ, le bilan d’un orfèvre avait la forme suivante:
Actif
Passif
Or 100
Dépôts 100
Les dépôts étaient des titres de dette de l’orfèvre vis-à-vis des propriétaires de l’or. L’orfèvre
détenait une quantité d’or égale à 100 mais était redevable de cette même quantité d’or
auprès des propriétaires. Le titre de dépôt donnait donc droit, à ses détenteurs, à un retrait
d’or équivalent à ce qu’ils avaient déposé.
Si l’or ne circule pas, l’orfèvre peut prêter. C’est le début du crédit Supposons que l’orfèvre
prête pour 10.
Actif
Passif
Or 90
Crédit 10
Dépôts 100
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Ces comptes permettent de définir la notion de
coefficient de trésorerie =
pôts
serves
Quand l’orfèvre ne prêtait rien, le coefficient de trésorerie était de 100 %.
Quand il prête 10, le coefficient de trésorerie vaut
100
90
.
Plus le coefficient de trésorerie diminuait - autrement dit, moins l’orfèvre gardait de l’or
dans ses coffres-forts -, plus l’orfèvre prêtait cet or et pouvait recevoir un intérêt pour
augmenter son profit. Mais, en même temps, son risque (les gens qui avaient mis leur or en
dépôt viennent le retirer) s’accentuait. Quand l’orfèvre pouvait déterminer en moyenne le
retrait annuel d’or effectué par ses clients et qu’il en conservait suffisamment pour se couvrir
en gardant une marge de sécurité, le risque était minime. Mais, s’il s’avérait que l’orfèvre ne
pouvait pas rembourser ses dépôts ou que ses clients le croyaient incapable de le faire, il y
avait une panique financière car tout le monde se ruait pour retirer son or. Il s’agissait donc
d’une prophétie auto-réalisatrice qui provoquait la banqueroute de l’orfèvre. Une banque
fait banqueroute lorsqu’elle est incapable de faire face aux demandes de retraits de dépôts de
ses clients.
3.2. Analogie avec le système bancaire
Ces observations peuvent être transposées au système bancaire actuel en remplaçant l’or par
les billets. Les fonctions des banques dans l’économie moderne sont restées les mêmes que
celles de l’orfèvre. Les banques doivent faire un arbitrage entre le profit qu’elles peuvent
retirer en accordant du crédit et le danger de banqueroute. N’importe quelle panique bancaire
peut mettre tout le système bancaire à terre. Cela est arrivé très régulièrement dans l’histoire
des économies modernes, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Depuis lors, les dépôts
bancaires sont en général assurés pour éviter les paniques bancaires. Depuis laz crise
économique et financière, les dépôts sont garantis en Belgique à hauteur de 100.000 euros.
Le coefficient de trésorerie reste néanmoins un élément central de la gestion bancaire.
3.3. Détermination de la quantité de monnaie en circulation
Cette quantité de monnaie est un stock quantité donnée à un moment dans le temps et est
également appelée stock monétaire ou offre de monnaie. Est appelée monnaie uniquement la
monnaie en circulation. La monnaie qui ne circule pas “dort” et ne joue pas un rôle de
monnaie. Il est bien entendu impossible de mesurer exactement la monnaie qui circule et ne
circule pas, mais lorsque la banque centrale vend des devises par exemple, elle reçoit de la
monnaie qui, de ce fait, est considérée comme ne circulant pas.
Dans le cas de l’orfèvre, la quantité de monnaie est définie comme étant égale à l’or en
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circulation + les dépôts. Des chèques peuvent être écrits sur les dépôts. Ces derniers
fonctionnent comme monnaie. Avant qu’il y ait crédit, tout l’or est chez l’orfèvre. Il n’y a
donc pas d’or en circulation et l’offre de monnaie vaut 100, soit le total des dépôts. Dès que
du crédit est accordé (10 ici), l’or en circulation égal 10. Le stock monétaire est donc de 10 +
100 = or en circulation + dépôts. Or, la contrepartie des dépôts est l’or chez l’orfèvre et les
crédits (l’or prêté). Donc, la quantité de monnaie est égale à l’or en circulation plus la
contrepartie des dépôts, c’est à dire l’or chez l’orfèvre + le crédit. L’or en circulation et chez
l’orfèvre équivaut au stock d’or existant. La quantité de monnaie est donc égale à l’or + le
crédit. On voit donc que les crédits augmentent le stock monétaire.
Dans le système bancaire moderne, les banques ont le droit de faire des crédits. Si elles
augmentent le crédit, les dépôts bancaires s’accroissent. Ex.: en accordant un crédit de
100.000 €, la banque augmente les dépôts à concurrence du crédit qu’elle a donné.
Voyons comment les banques créent de la monnaie. Supposons un pays ou il y a dix
banques et le coefficient de trésorerie est de 10 %. Il n’y a que des dépôts à vue, qui ne
rapportent pas d’intérêts et les crédits rapportent un même taux d’intérêt r. Dans ce contexte
considérons qu’un agent économique décide de déposer une somme de 100 € sur son
compte à vue dans une banque privée A.
Banque A
Actif
Passif
Trésorerie 100
Dépôts 100
La banque va vouloir prêter, une partie de cette somme. Elle prête 90 (= 90 % du dépôt) qui
est le maximum qu’elle peut prêter étant donné le coefficient de trésorerie (de 10 %). Au
moment le crédit est accordé, les dépôts sont de 190, les 90 additionnels étant ceux créés
par le crédit. Le crédit crée donc des pôts. C’est la base de la création monétaire par les
banques.
Banque A
Actif
Passif
Trésorerie 100
Crédit 90
Dépôts 190
1 / 27 100%
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