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12_VIVRE_NOVEMBRE 2005
dossier Les Français inégaux face au cancer
L’héritage ne renvoie pas seu-
lement à la génétique. Il n’est
pas exclusivement inné. C’est
aussi un processus d’apprentissage
qui permet d’acquérir les modèles cul-
turels de la société dans laquelle nous
vivons. Il est à la fois une contrainte
imposée par certains agents sociaux
et une interaction entre l’individu
et son environnement. Autrement
dit, nous sommes les légataires d’une
famille et d’un milieu socioculturel
(l’école, le milieu professionnel, les
amis, etc.), lesquels sont à l’origine
de nos pratiques et modifications com-
portementales à risque comme celles
de boire et/ou de fumer, de nos habi-
tudes ou influences alimentaires, mais
aussi de nos savoirs, de nos aptitudes,
de nos attitudes, de nos valeurs, de
nos idéaux, sans oublier de nos res-
sources financières. Si nous naissons
tous libres et égaux – c’est écrit dans
la Déclaration universelle –, nous
sommes aussi tributaires d’une édu-
cation, d’une culture et plus généra-
lement d’une classe sociale. La repro-
duction sociale chère au sociologue
français Pierre Bourdieu serait-elle
déclinable sur le terrain du cancer ?
Plus simplement, l’appartenance à
une catégorie socioprofessionelle
favorise-t-elle la survenue du cancer ?
A chaque milieu, son cancer ?
L’ascendance sociale ne place pas
les hommes à égalité face au cancer.
Guy Launoy, président du réseau
Francim des registres de cancer et
directeur de l’équipe « Cancers &
Populations » à l’Inserm, a publié
plusieurs articles qui l’affirment.
« La mortalité par cancer varie beau-
coup selon les classes sociales. C’est
vrai partout, mais la France est le
pays d’Europe où le gradient social
est le plus élevé », assure-t-il. Chez
un individu, la provenance sociale
exerce une influence avant et après
l’apparition d’un cancer. « Une fois le
cancer déclaré, affirme Guy Launoy,
le pronostic est invariablement plus
sombre dans les classes les plus défa-
vorisées. »Cependant, il y a des can-
cers que l’on contracte plus souvent
dans les milieux aisés. « Dans cer-
tains cas, on l’explique assez bien,
précise Guy Launoy. Ainsi, le risque
de cancer du sein est minimisé par
les grossesses précoces et nom-
breuses, peu conciliables avec des
études longues. » Observations qui,
du moins dans un passé récent, ne
caractérisaient guère les milieux
les plus favorisés. Dans un autre
registre, il y a des cancers des villes
comme les tumeurs colorectales qui
sont aussi plus fréquentes dans
les milieux aisés.
Mais d’autres cancers, comme celui
Les inégalités
socioculturelles devant le
cancer sont évidentes.
du poumon, sont plus fréquents dans
les milieux paupérisés. Certes, on y
fume plus, mais pour quelles rai-
sons ? Par manque d’information ?
Parce que fumer est un plaisir plus
accessible que le caviar ou le golf ?
Parce qu’au fond, quand on est fau-
ché, l’hypothèse d’un cancer ne pèse
pas lourd face aux tracas du quoti-
MILIEU SOCIOCULTUREL
Le cancer, « produit »
d’une classe sociale?
NOUS SOMMES
LES LÉGATAIRES
D’UNE FAMILLE ET
D’UN MILIEU
SOCIOCULTUREL.
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