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Gaston
Gross
C’est donc le contexte linguistique, autrement dit son environnement, qui détermine le
sens d’un terme.
Ce petit exercice scolaire permet d’envisager de façon nouvelle la notion de
polysémie. Comme on le sait, la plupart des dictionnaires signalent dans leur préface
l’étendue de leur nomenclature et précisent le nombre déterminé de significations
auxquelles correspondent ces entrées. Cette différence justifie la notion de polysémie.
Le nombre de significations est parfois impressionnant, comme dans le cas du verbe
prendre.
Or,
il
se pourrait que le concept même de polysémie soit un artefact de la
lexicographie. En effet, dans un texte et de façon générale dans tout discours, les mots
ne sont que très rarement ambigus. L’ambiguïté peut apparaître en cas de télescopage de
constructions syntaxiques, comme le faisaient remarquer avec insistance les premiers
travaux de la grammaire générative (cf.
N.
Chomsky,
1956:
Les Américains jugent les
Vietnamiens coupables:).
Quant
à
la polysémie proprement dite, on observera qu’il
n’existe aucun prédicat qui ait plusieurs significations dans un environnement constant.
La polysémie n’est donc pas un problème textuel,
à
la différence de la synonymie, qui
correspond
à
une vraie réalité linguistique.
Les conséquences thkoriques qu’on doit tirer de ces observations sont nombreuses et
bouleversent les découpages habituels de l’analyse linguistique. Si un mot ne peut pas
être défini en lui-miime, c’est-à-dire hors contexte, mais seulement dans un
environnement syntaxique donné, alors le lexique ne peut pas être séparé de la syntaxe,
c’est-à-dire de la combinatoire des mots. La sémantique n’est pas autonome non plus
:
elle est le résultat des éléments lexicaux organisés d’une façon déterminée
(distribution). Qu’il en soit ainsi est confirmé par les auteurs de dictionnaires eux-
mêmes qui, timidement et sans aucune méthode, notent pour un prédicat donné, le
ou
les arguments qui permettent de séparer un emploi d’un autre. Pas de sémantique sans
syntaxe donc, c’est-à-dire sans contexte.
2.
CONTEXTES ALÉATOIRES ET CONTEXTES
APPROPRIES
Nous allons examiner, dans ce qui suit, ce que nous entendons par le mot
a
contexte
D
et
qui ne saurait être assimilé
à
ce que l’on appelle quelquefois, de façon superficielle, les
environnements de gauche et de droite d’un mot.
2.1.
Contextes
aléatoires
On peut être tenté de dire que toutes les informations nécessaires
à
la reconnaissance du
sens d’un mot sont définies par ses environnements stricts, susceptibles d’être dégagés
à
l’aide de logiciels d’extraction opérant
sur
de vastes corpus.
I1
suffirait d’éliminer les
doublons pour déterminer ainsi comment ces environnements permettent de sélectionner
le sens d’un mot en contexte. Or, cette recherche des Co-occurrents ne peut pas être
mécanique. Une requête consistant
à
sélectionner les cinquante caractères qui précèdent
ou
qui suivent immédiatement un verbe, par exemple, ne sauraient constituer les
conditions nécessaires
,à
cette expérimentation. En effet, les éléments contextuels qui
définissent un mot ne lui sont pas nécessairement contigus, comme on le postule par
définition pour les éléments de la phrase simple,
où
les arguments encadrent strictement
le prédicat. En effet, dans les textes, on observe souvent entre un prédicat et ses
arguments des insertions de diverses natures, qui n’appartiennent pas en propre au
schéma d’arguments et qu’il faut banaliser si l’on veut retrouver la distribution qui rend
compte du sens du prédicat. Ces insertions peuvent être
: