Numéro 1 Novembre 201 4 De l'été 1 91 4 à la fin du mois d'octobre 1 91 4 L'écho des tranchées la guerre en direct le journal de la Grande Guerre des collégiens de Brassac Les élèves de l'atelier journal font le récit, cent années après, d es évènements marquants de la Première Guerre mondiale. l'été 1 91 4: la marche vers la guerre L'attentat de Sarajevo et ses conséquences Le 28 juin 1914, l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'empire d'Autriche-Hongrie, ainsi que sa femme, Sophie, furent abattus à Sarajevo par un Serbe de Bosnie: cet évènement entraîne la guerre. En Bosnie (une province de l'empire d'Autriche-Hongrie), des séparatistes serbes se sont livrés à des attentats contre les autorités austro-hongroises. Le gouvernement autrichien avait reçu un avertissement précis faisant état d'un projet d'assassinat à l'encontre de l'archiduc, héritier d'Autriche-Hongrie, mais la visite se déroula comme prévu. Son annulation aurait sonné comme un aveu que les Habsbourg (la famille qui régne sur l'Autriche-Hongrie) ne contrôlaient pas pleinement l'une des provinces de leur empire. L'itinéraire ainsi que l'emploi du temps de l'archiduc avaient été rendus publics avant sa visite Dans la foule se trouve sept conjurés, Princip l’un d’entre eux sortit son pistolet et tira à deux reprises, touchant l’archiduc au cou et sa femme à l’abdomen. Après cet assassinat, l'Autriche-Hongrie accusa la Serbie et émis des exigences inacceptables. Le rejet par la Serbie fournirait le prétexte à une intervention de l’armée. Personne n’envisageait alors un conflit généralisé, mais plutôt une invasion punitive rapide. Les alliances entre les grands pays européens vont entraîner une guerre générale: la Russie, alliée de la France et du Royaume-Uni dans la Triple Entente, veut protéger la Serbie. L’Allemagne s’est unie avec l’empire austro-hongrois et l'Italie dans la Triple alliance. Fin juillet 1914, la guerre est en marche. . Jaurès, la dernière chance pour la paix, assassiné Jean Jaurès, très grand homme politique français, né à Castres le 3 septembre 1859, a été assassiné le 31 juillet 1914 à Paris par un nationaliste : Raoul Villain. Depuis des semaines, des journaux nationalistes appelaient à faire taire Jaurès qui réclamait la paix. Le député socialiste a perdu la vie au café du Croissant, à 21 heures 40, par une balle qui lui a été tirée dans la nuque : il mourut sur le coup. Son meurtrier est vite attrapé : on retrouve sur lui une somme d’argent, le meurtre avait-t-il été commandité ? Avant sa mort il allait publier un article dans « l’Humanité » pour dénoncer le gouvernement, qui d’après lui, « se laissait entrainer sur la voie de la guerre par son allié russe. » Jaurès défendait depuis longtemps la paix alors que l'Europe était en marche vers la guerre. Tout le monde est chamboulé par la mort de Jaurès. Dans les milieux populaires, sympathiques à Jaurès, ce crime provoqua pour la majorité une intense émotion : tristesse et douleur. Chez les plus grands hommes politiques aussi, la tristesse est présente comme par exemple chez l’écrivain et député Maurice Barrés, un grand adversaire de Jaurès. Le soir des obsèques, le 4 août, les députés socialistes firent un discours en l’honneur de Jaurès : « Eloquent magnifique, généreux, cœur voué tout entier à la justice sociale et à la fraternité humaine […], grand foyer de lumière […]. » Mais le 3 août, la France était déjà en guerre. Jaurès, l’homme politique au grand cœur, reprenait le slogan « Travailleurs de tout les pays unissez vous ». Jaurès assassiné, la paix était condamnée. L’Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’AutricheHongrie et son épouse sur les marches de l’Hôtel de ville de Sarajevo le 28 juin 1914 Pourquoi la Serbie et l'AutricheHongrie entrent-elles en guerre? La guerre commence le 28 juillet 1914 entre l'Autriche-Hongrie et la Serbie. Qu'est-ce qui divise ces deux pays et les pousse à la guerre ? En 1878 la Bosnie (ancienne région de l'Empire ottoman) est occupée par l'Autriche-Hongrie. En 1908 l'Autriche-Hongrie annexe la plus grande partie de la Bosnie. Mais cela ne plait pas aux pays slaves du Sud, notamment la Serbie car la Bosnie est peuplées de nombreux Serbes. Cela entraîne un très fort sentiment nationaliste, contre les Autrichiens. La région des Balkans avait longtemps été dominée par l'Empire Ottoman (la Turquie), mais celui-ci avait perdu de nombreux territoires suite aux guerres balkaniques qui ont eu lieu au début du XXe siècle. Cette région des Balkans intéresse aussi l'Empire russe qui veut y étendre son influence : il se dit le protecteur de la Serbie et des Slaves. Par conséquent, en 1914, dans la région des Balkans (sud de l'Europe), il y a de fortes et anciennes tensions. Lors de la recherche du coupable de l'attentat de Sarajevo, les policiers austro-hongrois découvrent que les armes utilisées appartenaient à la Serbie, l'assassin de l'archiduc est un Serbe de Bosnie. L'AutricheHongrie y voit là l'opportunité de s'expliquer pour de bon avec la Serbie. L'ultimatum qu'elle envoit à la Serbie le 23 juillet est inacceptable, la guerre est inévitable. les premiers mois de guerre: d'août à octobre La mobilisation générale Le 1er aout 1914, l'ordre de mobilisation générale est placardé dans toutes les villes de France. La mobilisation générale c'est le rassemblement de tous les hommes en état de se battre qui doivent rejoindre leur caserne. Pour certains cette annonce est inattendue, pour d'autres ce n'est pas une surprise et elle est accueillie avec calme et une patriotique dignité. Au début de la mobilisation, cela ne signifiait pas la guerre, quant au gouvernement il assure que : « la mobilisation est le meilleur moyen d'assurer la paix dans le monde ». Donc en 1914 la France n'est pas sur le pied de guerre. Comment les Français participent à cette mobilisation ? Des images d'époque montrent les soldats partir au front en souriant et dans des scènes de joie. La réalité est plus complexe: ils étaient à la fois tristes et enthousiastes mais accomplissaient surtout leur devoir de citoyen. Beaucoup d'hommes pourtant « inaptes » se portèrent volontaires pour partir, ce qui nous montre le fort nationalisme qui existait chez des soldats. 5e journée de mobilisation à Paris le 6 août 1914 Un début de guerre catastrophique pour la France et ses alliés Dès août 1914, l'attaque allemande est foudroyante. Elle applique le plan Schlieffen. Les Allemands franchissent la frontière belge début août. L'armée belge résiste mais elle est écrasée par le grand nombre d'hommes allemands, et les Allemands arrivent à Bruxelles. Les frontières de la France sont forcées et la route de Paris est ouverte. Les Français sont dans une situation délicate et perdent beaucoup de batailles. Le 22 août il y a eu 27000 morts dans l'armée française : ces défaites sont terriblement coûteuses en vies humaines. Les troupes françaises sont talonnées par les armées allemandes fgh A la fin du mois d'août 1914 les troupe françaises et britanniques sont talonnées par les armées allemandes, elles se replient le plus vite possible. Et les Allemands en profitent pour envahir tout le Nord du territoire français, et menacer Paris. Les armées françaises marchent à court d'eau de nourriture, les pieds en sang, c'est une très mauvaise période pour l'armée. Paris est prise d'un vent de panique et les Français prennent des décisions drastiques. Il faut repousser l'Allemagne ! Les Français parviennent à contenir les offensives allemandes devant Nancy et Verdun. Le corps expéditionnaire britannique et la 5° armée française battent en retraite en franchissant la Marne le 2 septembre. Le plan Schlieffen : un plan bien conçu Le plan Schlieffen prévoit qu'en cas de guerre sur fronts (la France et la Russie) il doit vaincre les Français en premier puislesse deux r contre la Russie. Cela impose une victoire éclair sur le front ouest de laretourne France, pour ce faire le plan Schlieffen consiste à passer par la Belgique et le Luxembourg pour prendre à revers la France et envelopper Paris . La bataille de la Marne: la bataille qui sauve la France Suite aux désastres militaires français du mois d'août 1914 , la bataille de la Marne est un affrontement décisif qui remet un peu d'espoir dans les troupes françaises. Jusqu'à la première semaine de septembre, le conflit se solde par une remarquables séries de victoires allemandes. Sur tout le front, à l'Ouest de Verdun, les armées françaises entament repli sur repli, les nouvelles se succèdent, toujours mauvaises. L'armée française, ainsi que ses alliés belges et anglais, ne semblent pas capables d'arrêter l'offensive allemande qui a parcouru sans reculer près de 400 km. Les troupes allemandes se rapprochent de Paris et de Verdun. C'est alors qu'arrive le « miracle de la Marne ». Soldat français réconfortant un camarade blessé couché à terre Rol, agence photographique, 1914. Du 20 août au 24 août l'armée française su bit un e série de défai tes san glantes perd an t plu s de 40000 homm es. L'armée française et ats découvrent la violence dusesfeu sold de guerre moderne, domaine dans lequella les Allemands lui sont supérieurs en 191 4 : avec leurs mitraille ou encore avec les Mauser desusessoldats Allemands (des fusils qui t jusqu'à 15 coups par minutes précistiren à 600 m). Les soldats français portent sur eux plus de 30 kg et leur uniform en fait des cibles faciles pour leurs adveersa (voir article sur l'équipement du soldires at en 191 4). le front Ouest en 1 91 4 Le 10 septembre les Allemands sont contraints d'opérer à leur tour une retraite jusqu'à l'Aisne (une rivière beaucoup plus au Nord). Le plan Schlieffen a échoué. La France est sauvée. Joffre est alors salué comme le sauveur de la France. Des taxis célèbres Cette bataille est aussi connue pour un de ses épisodes de bravoure : les taxis de la Marne . Dans la nuit du 7 au 8 septembre, les taxis de Paris réquisitionnés auraient permis de gagner la bataille de la Marne. Cet épisode est tout de même moins héroïque que ce que l'on pense car les taxis n'ont transporté que 4000 hommes épuisés des combats précédents dans la nuit du 7 au 8 septembre. Et ces hommes arrivent alors que la bataille est déjà commencée. Au lieu d'envelopper Paris, l'une des armées allemandes fonce vers sur le Sud Est. L'armée de Paris est lancée sur les flancs découverts de ces troupes allemandes. Le général Joffre (chef de l'armée française) qui a massé des troupes sur Paris et sur la Marne jusqu'à la ville de Verdun décide de lancer à partir du 6 septembre une grande contre-offensive. C'est une attaque générale : une immense bataille s'engage sur 300 km parallèlement à la Marne entre Verdun et Paris. Les soldats français, épuisés par trois semaines de retraite, se ruent pourtant à l'assaut : ils sont maintenant en nombre supérieur et leurs adversaires un conducteur de Taxi le 7 septembre 1914 sont éparpillés entre la Belgique et la Marne. La course à la mer Après la bataille de la Marne, les Français et leurs alliés se retrouvent bloqués sur l'Aisne face à l'armée allemande au milieu du mois de septembre. Une guerre de mouvement va faire rage conduisant les armées jusqu’à la mer. Les Français et les Allemands, bloqués face à face en septembre 1914, étendent leurs front vers l'Ouest puis vers le Nord : les commandements allemands et français décident des manœuvres de débordement, là où les forces adverses n'ont pas encore renforcé leur position. Des batailles éclatent un peu partout au Nord de la France. Arras est sauvée par les Français, Lille est prise par les Allemands. On se rapproche de la mer du Nord et de la Manche. : c'est la « course à la mer ». Chacun tente de déborder l'autre pour contrôler les ports de la Manche. Les Allemands voudraient acquérir les ports de la Manche pour empêcher les Anglais d'aider les Français. Les armées belges, reculant devant les Allemands se joignent aux Français et aux anglais. Une des dernières batailles de cette « course à la mer » est la bataille de l'Yser où les armées alliées inondent le front pour repousser les armées allemandes. Et sur le front Est: Tannenberg La guerre sur le front de l'Est débuta en 1914 avec l'invasion de la Prusse orientale (Allemagne) par la Russie. La défaite d'une armée russe à Tannenberg le 29 août 1914 fut reçue comme une délivrance miraculeuse par le peuple allemand. Plus de 90000 soldats russes furent faits prisonniers à Tannenberg Les Russes parvinrent à se remettre. Les combats allaient aussi se poursuivre sur le front Est, surtout que les Russes rencontraient plus de succès en Galicie contre l'AutricheHongrie. . soldats allemands à Tannenberg en France, dans le monde... L'armée allemande : une armée brutale ? Dès août 1914, des récits sur la brutalité des soldats allemands contre les populations parviennent des territoires envahis par les armées allemandes, en France et en Belgique. Qu'en penser aujourd'hui ? « La brutalité des allemands n'a pas de limites, ils assassinent de nombreuse femmes, jeunes filles et vieillards. Des maisons de citoyens sont pillées et incendiées. » Dans la presse française de 1914, on parle d'atrocités, d'odieuse sauvagerie. Il y a bien eu des violences de l'armée allemande. Le 3 septembre 1914, des bombardements allemands commencent sur la cathédrale de Reims ; elle sera bombardée toute la guerre. Ce symbole national a reçu 3000 obus. 85 % de ce symbole de la royauté française est détruit à la fin de la guerre. Il faudra attendre la veille de la deuxième guerre mondiale pour qu'elle soit reconstruite. Mais ce sont aussi les populations qui sont victimes de ces violences. Les historiens on fait un bilan chiffré de ces violences exercées par l'armée allemandes sur les fronts occidentaux: 6425 personnes furent tuées dont plus de 4000 en Belgique. La presse française exagère ces violences En France, la presse parle alors beaucoup de ces violences, mais elle les exagère. Cela permet de faire des Allemands des « barbares » contrairement aux Français, qui représentent « la civilisation ». Cela permet de donner un sens à la guerre : en indiquant que les deux camps possèdent des valeurs opposées. Au contraire, au mois d'octobre 1914, 93 intellectuels Allemands de renommée mondiale se réunissent et rejettent les accusations contre leur armées. Ils plaident la légitime défense : ce n'est pas l'Allemagne qui est l'agresseur dans cette guerre, elle ne fait que se défendre. Les Allemands ne sont pas des barbares. Des violences ont bien eu lieu, mais pas autant qu'ont voulu le dire les ennemis de l'Allemagne pendant la guerre. Une explication à ces violences : l'armée allemande se croit confrontée à une résistance civique dans les pays qu'elle occupe. La peur a poussé des soldats à s'en prendre à des civils. Si la situation avait été inversée, comment auraient réagi les Français ? La guerre de 1 4-1 8 est vraiment une guerre mondiale De l'Afrique à l'Asie On ne se bat pas qu'en Europe, il y a de nombreux autres fronts ailleurs dans le monde dès 1914. En voici quelques exemples: - 21 aout 1914 : combats à la frontière du Cameroun allemand et du Tchad français. - 26 aout 1914 : le Togo allemand est attaqué par ses voisins la Gold coast britannique et le Dahomey français . Disposant de très peu de troupes face aux soldats des alliés, le Togo se rend très vite. Les choses n’iront pas si vite dans les autres colonies allemandes, comme le Cameroun ou l’actuelle Tanzanie, territoires plus vastes aux reliefs plus accentués et au climat plus hostile. - 23 septembre 1914 : la flotte japonaise (le Japon se déclare en faveur de la Triple Entente) s'empare des iles Marshall (alors dominées par l'Allemagne) dans l'océan Pacifique. Les Britanniques occupent les iles Carolines. - 31 octobre: début de l'offensive japonaise sur le port de Quingdao (sous influence allemande) en Chine. Pourquoi on se bat en dehors de l'Europe? la cathédrale de Reims et l'archevêché après l'incendie, le 17 septembre 1914 Equipements et armes au début de la guerre Le fantassin de 1 91 4 Les armées sont surtout composées de fantassins. Un fantassin est un combattant à pied. L'équipement des fantassins français n'était pas adapté à cette guerre nouvelle: en 1914, beaucoup sont tués par les mitrailleuses de l'armée allemande. L'uniforme au pantalon rouge garance est très voyant, les soldats sont des cibles faciles, et le képi bleu en feutre ne protège pas la tète. Le fantassin français de 1914 est très vulnérable. Le canon de 75 Ce modèle de canon date de 1897. Il fait la fierté de l'armée française. C'est un canon moderne qui peut tirer rapidement (jusqu'à 20 coups par minute, soit deux fois plus que son rival allemand). Pour le déplacer il est tiré par 5 à 6 chevaux. Les artilleurs sont en arrière du front où combattent les fantassins, mais ils sont la cible de l'artillerie adverse. troupes arabes et berbères de l'armée française, venues du Maghreb et d'Afrique noire Parce que les grandes puissances du vieux continent se sont taillé de vaste empires coloniaux en Asie et en Afrique. De plus, les États d'Europe en guerre on fait venir des troupes d'Afrique et d'Asie pour combattre à leurs côtés. Par exemple, les troupes arabes et berbères de l'armée française d'Afrique sont amenées depuis l'Algérie, le Maroc et la Tunisie dès le début du conflit : ces soldat coloniaux se retrouvèrent rapidement en première ligne. Saint-Thierry mise en place d'une pièce d'artillerie de 75 mm, Septembre 1914 ECPAD Rédacteurs, enquêteurs, maquettistes de l'atelier Journal qui ont réalisé ce numéro: AGAR Matty, AHAMADA Houssamdine-Ben, ALBERT Carmen, BEL Amélie, BUGEARD Pierre, CAUQUIL Vincent, COURTIN Manon, GARNIER Nathan, GREMONT Lucas, INES Luna, MALHIE Oceane, MARSAIS Lou, MASSOT Teddy, REYJAUD Marjorie, SIGUIER Adrien sources photographiques: sites internet Assemblée nationale, Gallica, Centenaire, BNF guerre14, BDIC, laguerre14-18, ECPAD / 1914-1918, l'Encyclopédie de la Grande Guerre