Régulation médicale des appels au SAMU pour une urgence en ophtalmologie Rachel RICARD Praticien Hospitalier Urgentiste Responsable UF Ophtalmologie Médicale CH Mont de Marsan Les appels au SAMU pour une urgence ophtalmologique représentent en moyenne 1% de la totalité des dossiers, mais il sʼagit dʼune spécialité où les médecins généralistes et urgentistes sont moins à lʼaise pour définir une conduite à tenir, et les patients angoissés par lʼidée dʼune atteinte de leur capital visuel. Un interrogatoire complet est capital pour une orientation adaptée et pour permettre au spécialiste éventuellement contacté dʼavoir tous les éléments nécessaires pour pouvoir donner dʼemblée un avis. De façon surprenante les appelants sont souvent plus compliants pour répondre à cet interrogatoire détaillé que lorsquʼil sʼagit dʼautres motifs dʼappel. Les éléments à recueillir lors dʼun INTERROGATOIRE téléphonique ou lors dʼun examen sont les suivants : • • • • • • • • • • • • • • DEBUT DES SIGNES (rechercher la notion de traumatisme, même datant de plusieurs jours) MODE DʼINSTALLATION (la notion de début brutal pour une baisse dʼacuité visuelle oriente vers une étiologie vasculaire) DOULEUR (faire différencier la douleur profonde de la simple sensation de gêne ou de corps étranger dans lʼœil) BAISSE DʼACUITE VISUELLE (distinguer la cécité totale de la persistance dʼune perception lumineuse) ŒIL ROUGE OU BLANC ? (parler du « blanc de lʼœil » pour la conjonctive, la rougeur est-elle diffuse ou localisée et circonscrite ?) Y a-t-il une PHOTOPHOBIE ? Y a-t-il un BLEPHAROSPASME ? (demander si le patient garde acilement les yeux ouverts) Rechercher une amputation du CHAMP VISUEL et faire préciser quelle zone est atteinte Faire décrire les PUPILLES (sont-elles symétriques ? bien rondes ? réagissentelles à la lumière ?) Rechercher des PHOSPHENES (les flashs lumineux sont-ils fixes toujours au même endroit ou mobiles ?) Rechercher des MYODESOPSIES (mouches volantes ou filamentsdans le champ visuel) Rechercher une DIPLOPIE dans les 9 directions du regard, cette diplopie persiste-t-elle en mettant une main devant un œil puis lʼautre ? Y a-t-il un LARMOIEMENT (les yeux sont-ils collés le matin ?) Rechercher des SIGNES GENERAUX pouvant orienter vers une pathologie • • neurologique, ou les signes accompagnant un glaucome aigu par fermeture de lʼangle. Et enfin demander les ANTECEDENTS OPHTALMOLOGIQUES ET GENERAUX, ainsi que les TRAITEMENTS (certaines pathologies ophtalmologiques ou troubles de la réfraction prédisposent à des complications précises, certaines pathologies et médications ont des répercussions sur les yeux. Pour un patient examiné au SAU ou en cabinet médical, préciser si la douleur est soulagée par une goutte dʼanesthésique local (douleur dʼorigine cornéenne) et si la cornée retient la fluorescéine. Les appels pour des projections dans les yeux justifient le conseil de rinçage immédiat sur place avant dʼaller consulter. Les traumatismes pénétrants doivent être orientés immédiatement vers un centre spécialisé chirurgical. Toute baisse dʼacuité visuelle brutale totale justifie dʼune VS-CRP en urgence et dʼune orientation sans délai vers une consultation spécialisée. Le glaucome aigu par fermeture de lʼangle doit être vu par un spécialiste dans les 3 heures, lʼuvéite antérieure aiguë dans les 24 heures. Les conjonctivites, ophtalmies des neiges, coups dʼarc, irritations après projections accidentelles peuvent être orientées en premier lieu vers le médecin généraliste voire bénéficier dʼune téléprescription. Nous avons pu constater au SAMU 40 une nette amélioration de la régulation des appels pour urgences en ophtalmologie après une formation spécifique de régulation dʼune durée de 2 heures. RAPPEL DES PRINCIPALES ETIOLOGIES RENCONTREES I. ŒIL BLANC ŒIL BLANC AVEC DOULEUR ET NOTION DE TRAUMATISME Penser au Corps Etranger intra-oculaire et faire une radio de lʼorbite ou un TDM en urgence ŒIL BLANC AVEC DOULEUR LORS DES MOUVEMENTS DU GLOBE OCULAIRE Penser névrite optique ou uvéite postérieure Le patient doit être vu par un spécialiste dans les 24 heures ŒIL BLANC AVEC BAISSE DʼACUITE VISUELLE BRUTALE TOTALE (pas de perception lumineuse) Occlusion Artère Centrale de la Rétine , Penser Maladie de Horton si plus de 50 ans et risque de bilatéralisation +++ VS-CRP en urgence, Corticoides et consultation spécialisée dans les 3 heures ŒIL BLANC ET BAISSE ACUITE VISUELLE LOCALISEE PROGRESSIVE Penser au décollement de rétine surtout si phosphènes au préalable et terrain myope. Consultation spécialisée dans les 24 heures. ŒIL BLANC ET BAISSE DʼACUITE VISUELLE BRUTALE DIFFUSE MAIS PAS TOTALE (Perception lumineuse, boit bouger la main, compte les doigts) Penser occlusion veineuse rétinienne ou hémorragie du vitré. Consultation spécialisée dans les 24 heures. ŒIL BLANC ET BAISSE DʼACUITE VISUELLE PROGRESSIVE Cataracte, rétinopathie, glaucome chronique… consultation spécialisée obligatoire mais non urgente. ŒIL BLANC AVEC PHOSPHENES ET MYODESOPSIES Sans aucun autre signe associé et plus de 50 ans, penser au décollement postérieur du vitré qui est physiologique avec lʼâge. Justifie dʼune consultation ophtalmologique dans les 3 jours surtout si phosphènes et dans les 24 heures si amputation du champ visuel (décollement de rétine) ou baisse dʼacuité visuelle diffuse (hémorragie du vitré) II. ŒIL ROUGE ŒIL ROUGE AVEC DOULEU AVEC BAISSE DʼACUITE VISUELLE (BAV) GLAUCOME AIGU PAR FERMETURE DE LʼANGLE : BAV majeure, SEMI-MYDRIASE aréflexique, terrain hypermétrope, signes généraux (nausées, vomissements, malaise vagal) : consultation spécialisée dans les 3 heures, myotiques, mannitol, Diamox . UVEITE ANTERIEURE AIGUE ou IRIDOCYCLITE : BAV importante (compte les doigts à 1 m), photophobie, MYOSIS, iris décoloré, pupille déformée : consultation spécialisée dans les 24h, collyre mydriatique. KERATITE : douleur soulagée par un anesthésique local, photophobie, acuité visuelle peu modifiée. PAS DE CORTICOIDES +++(risque dʼaggravation en cas de virus herpétique). Antibiotiques locaux, vitamine A, larmes artificielles. Consultation spécialisée si la douleur persiste au-delà de 48h. SANS BAISSE DʼACUITE VISUELLE EPISCLERITE : douleur modérée, dilatation des vaisseaux, épiscléraux superficiels qui disparait avec 1 goutte de néosynéphrine 10%, traitement local SCLERITE : douleur importante, œil rouge vif avec parfois zones grisâtres ou bleutées, rougeur ne disparait pas avec néosynéphrine, 50% associé à la maladie systémique ; Dans les 2 cas consultation spécialisée dans les 3 jours, motivée par la douleur ++ ŒIL ROUGE SANS DOULEUR ROUGEUR LOCALISEE HEMORRAGIE SOUS CONJONCTIVALE Consultation spécialisée dans les 24 heures en cas de traumatisme. Contrôle TA et coagulation par médecin généraliste suivant les antécédents et le traitement. Pas de traitement spécifique. ROUGEUR DIFFUSE CONJONCTIVITE Sensation de grains de sables dans les yeux, qui sont collés le matin. Traitement par lavage au sérum physiologique et collyre antiseptique. Consultation spécialisée si persistance des signes à J5. PAS DE CORTICOIDES sans avis spécialisé ++++ Attention à la contagiosité +++ Antibiotiques uniquement si conjonctivite bactérienne sévère ou facteurs de risque. ŒIL ROUGE TRAUMATIQUE Dans un contexte traumatique tout œil rouge douloureux avec baisse dʼacuité visuelle, photophobie, plaie perforante, plaie de paupière doit être adressé en milieu spécialisé dans les 3 heures avec pansement stérile et coque de protection. Les simples ulcérations de cornée (douleur soulagée par une goutte dʼanesthésique local et test à la fluorescéine positif) justifie de traitement antibiotique local et cicatrisant (idéalement des formes pommades qui font un écran protecteur) et peuvent être revues par le spécialiste au bout de 2 ou 3 jours si la gêne persiste. Lʼophtalmie des neiges, la soudure à lʼarc, les projections de produits non caustiques donnent des kératites ponctuées superficielles qui cicatrisent en 24 à 48 h avec une pommade antibiotique ou cicatrisante.