NOTICE HISTORIQUE
SUR
LE LYCÉE DU MANS
Parue en juillet 1896 dans le bulletin du palmarès,
écrite par M. D. REBUT.
I La fondation du Lycée du Mans remonte à l’année 1599. A cette époque, Claude d’Angennes,
évêque du Mans, changea le presbytère de la cure de Saint-Ouën1 en un collège et séminaire qu’il dota
richement. Des lettres-patentes de 1601 confirmèrent l’établissement de ce Collège-Séminaire.
Des écoles de Grammaire, nommées le Collège de Saint-Benoît, existaient au Mans longtemps
avant l’établissement du Collège de l’Oratoire, auquel elles vinrent plus tard s’incorporer. Cet ancien
collège avait eu pour principal bienfaiteur et fondateur Me Jean Dugué, chanoine de l’église cathédrale,
ainsi que le prouve un acte du 28 août 1532, conservé aux archives de la Société d’Agriculture. Le
Collège de Saint-Benoît fut florissant pendant le XVIe siècle et au commencement du XVIIe. On y
enseignait la grammaire, les humanités et la rhétorique. Mais la fondation du Collège du Mans devait
arrêter l’essor de sa prospérité.
En 1624, Charles de Beaumanoir, évêque du Mans, ayant procuration du cardinal de Bérulle,
confia la direction de l’établissement aux prêtres de l’Oratoire, à l’exclusion des Jésuites, qui la
demandaient depuis 1619. Les Oratoriens s’engageaient, par le contrat d’établissement : à entretenir
six
régens
1 et les gages, un pour la Théologie, un pour la Philosophie, et quatre pour les « Secondes
lettres humanités grecques et latines » ; à faire le Catéchisme une fois par semaine ; à entretenir six
pauvres boursiers, et un septième boursier de la fondation de Michel Aubourg, ancien principal du
Séminaire. Le Recteur de l’Académie de Paris fit opposition à l’exécution du contrat d’établissement ;
mais de nouvelles lettres-patentes, données au mois d’avril 1625, confirmèrent les prêtres de l’Oratoire
dans leurs fonctions.
Les habitants de la ville du Mans s’imposèrent de grands sacrifices pour la construction des
bâtiments du Collège-Séminaire. Ils furent aidés dans cette tâche, d’abord par les chanoines de la
cathédrale, par le général de l’Oratoire, par l’évêque du Mans et le clergé, puis par le présidial du Mans
et par l’Hôtel de Ville, qui se montrèrent fort généreux à cet égard. Il n’en fallut pas moins imposer
extraordinairement la province du Maine de la somme énorme de 138 500 livres, à laquelle on en ajouta
un autre de 25 000 livres pour achever les constructions nécessaires. La rétribution payée par les
écoliers était relativement minime, ce qui explique ces dons et ces impositions.
Dans le principe, les classes commençaient le 18 octobre, ou le 19 si le 18 était un dimanche.
Il y avait, dans le cours de l’année, de nombreux congés, et on peut affirmer, sans crainte d’erreur,
qu’ils étaient aussi fréquents que ceux d’aujourd’hui. Les études se terminaient vers la fin de juillet
pour les écoliers de Théologie et de Physique, et vers la fin d’août pour ceux des autres classes. On
donnait des prix de différents formats suivant les classes et suivant les facultés. Les
Enigmes
, les
Thèses
, les
Tragédies
, la
Déclamation
(en Rhétorique), avaient lieu soit dans le cours de l’année, soit le
jour même de la distribution des prix.
En 1660, les classes au nombre de 7
(Physici, Logici, Rhetores, Humanistoe, Tertiani,
Quartani, Quintani)
, comptaient 737 élèves ; en 1661, 889 élèves. Cette prospérité dura assez
longtemps, et les registres conservés aux archives du Lycée en font foi. Mais de 1780 à 1783, on
constate une diminution surprenante ; toutes les classes réunies donnent un total de 293, 289, 281
élèves. Cette diminution avait pour cause un dissentiment survenu entre l’Évêché et la Congrégation de
l’Oratoire. Le professeur de philosophie avait émis, dans ses cahiers, des propositions entachées de
Jansénisme, à propos des vertus théologales. Le chapitre incriminé avait pour titre :
de Virtutibus et
vitiis
. L’Évêque, usant de son autorité, déféra les propositions à la Faculté de Théologie de Paris ; il ne
1 J’ai respecté l’orthographe. (A. Vivet)
voulut plus recevoir au grand séminaire les élèves sortant du collège, et menaça même les Oratoriens de
leur retirer la direction de l’établissement. La soumission des Pères mit un terme à la querelle ; mais le
coup était porté, et le nombre des élèves n’atteignit plus jamais les chiffres que nous avons relevés.
L’époque à laquelle commençaient les
classes a varié fréquemment ; mais quelle qu’elle ait
été, voici les principales dispositions du règlement
qui présidait aux études. Après la messe du Saint-
Esprit, une harangue latine était prononcée par le
professeur de seconde, ou de troisième,
alternativement.
On n’admettait les élèves nouveaux dans une
classe qu’après s’être assuré de leur capacité à la
suivre. La durée des classes était de 2 heures, ou
de 2 heures ½ ; la rigueur du froid pouvait la faire
abréger d’un quart d’heure ou d’une demi-heure. Il n’y
avait jamais de classe le samedi soir, et le congé de la semaine, fixé au mercredi, pouvait être
retranché, ou abrégé de la demi-journée, s’il se trouvait, dans la semaine, une fête chômée. Dans le
cours de l’année, des congés, outre ceux que l’on accordait à Noël, au Carnaval, à Pâques et à la
Pentecôte, étaient donnés dans les circonstances qui intéressaient la ville, la province ou l’Etat, et à la
demande des divers corps de la ville. L’émulation des élèves était stimulée par les
exercices publics
,
les
examens de passage
fort sévères, et par les récompenses décernées à la distribution des prix.
Cette solennité était précédée d’une messe d’action de grâces, à l’issue de laquelle on chantait le Te
Deum. Les distributions étaient accompagnées de tragédies, de comédies, de pastorales, jouées par les
élèves, de morceaux de chant et de musique, de dialogues ; elles étaient annoncées par une chanson ou
un compliment, et terminées par un remerciement.
Le programme des études n’est pas fixe, et il n’est guère facile de le déterminer. On est
réduit, à cet égard, à des conjectures ; aussi, nous n’insisterons pas sur ce sujet.
En 1789, le 17 avril, l’Ordre de la Noblesse de la province du Maine fonda un prix, avec
accessit, de sagesse et de vertu, pour ceux des élèves qui se seraient distingués, sous ce double
rapport, à l’intention de leurs condisciples et de leurs professeurs.
La classe de Théologie comprenant deux sections, on lui accorda deux accessits. La liste des élèves
couronnés était envoyée à l’Assemblée de l’Ordre. Ces récompenses ne furent décernées qu’une seule
fois.
II En effet, la Révolution de 1789 apporta des changements profonds dans l’organisation du
Collège-Séminaire. Si les Oratoriens restèrent
chargés du pensionnat, trois seulement faisaient une
classe ; trois autres classes étaient confiées à des
professeurs laïques externes, et « tous vivaient en
bonne intelligence ».
En 1792, le Collège du Mans comprend les
salles de Physique et de Mathématiques, de Logique,
Métaphysique et morale, de Rhétorique, de Seconde,
etc. On y donne aussi l’Instruction religieuse d’après
l’Évangile et le Catéchisme, en ayant soin d’écarter toute
digression inutile et dangereuse. Il y a, dès lors, un vrai
programme d’études, et la tâche de chaque professeur
est nettement indiquée. Si ce programme n’est pas
parfait, il indique un plan assez bien conçu, un but
déterminé, et il faut lui rendre cette justice qu’il tend à faire des citoyens sages et éclairés.
Le collège de l’Oratoire vers 1750 (maquette moderne)
Le collège en 1789.
En 1794, le Collège national du Mans comprend : 1° une école civique, divisée en trois classes ;
2° un cours de Latinité, limité à trois années ; 3° un cours de sciences, et, enfin, une école de Dessin.
Telle fut l’organisation jusqu’au jour où fut inaugurée l’
École Centrale
., 1er ventôse an VI2. Les
Sciences physiques et naturelles, les Mathématiques, les Belles-Lettres, l’Histoire et la Géographie, les
Langues anciennes et le Dessin : tel était le programme des études de l’École Centrale. Ce programme
subit, en l’an 10 (1802), quelques modifications, qui ne changèrent pas le fond même des études ; on y
ajouta la législation avec des éléments de droit civil et criminel ; c’était une heureuse innovation.
Un décret du 16 floréal an XI3 supprima l’École Centrale, qui fut remplacée par une École
Secondaire Communale, (décret du 11 thermidor an XII4) ; et, encore, cette école n’entra en exercice que
le 11 brumaire an XIII5.
On y admettait des pensionnaires, avec un uniforme, et des externes. Les élèves faisaient
deux classes en un an, pour passer d’une classe dans l’autre, ils devaient subir deux examens, l’un au 1er
germinal ( 22 mars), l’autre au 15 fructidor ( 2 septembre). L’enseignement était donné dans chaque classe
par le même professeur. On se servait des livres adoptés pour les lycées. Il y avait un professeur de
dessin, et on donnait des leçons de langue anglaise aux élèves qui le désiraient. Les élèves, pensionnaires et
externes, pouvaient concourir pour les places gratuites dans les lycées.
En 1810-1811, nouvelle transformation. L’École Secondaire Communale devient le
Collège
du
Mans, et fait partie de l’Académie d’Angers. Les professeurs prennent le nom de
régents
, qu’ils
conserveront longtemps. C’est à cette époque que l’organisation se manifeste le plus clairement. Il y a un
bureau d’administration, un Principal, des Régents et des Maîtres d’étude jouissant de traitements fixes et
de certains avantages, tels que le logement et la nourriture. Le professeur de musique est en dehors du
Lycée, ainsi que le professeur de musique, et tous deux doivent être agréés par le Principal et le Bureau.
On trouve aussi, à cette date, la mention d’un
cahier académique
, les élèves de la seconde année
d’humanités inscrivaient leurs meilleurs devoirs de
l’année.
La Restauration ne fit pas grand chose. On installa, en
1817, un sous-principal ; les professeurs durent faire la
classes en robe d’étamine noire, avec la
chausse
(pour
ceux qui y avaient droit) ; le Régent de Mathématiques
était dispensé de cette formalité. Un règlement du 27
août de la même année fixe les conditions d’admission au
collège, le prix de la pension, les heures des différents
exercices de la journée, les sorties, les vacances.
A partir de ce moment, il ne se passe rien qui mérite
d’être signalé. Il faut aller jusqu’en 1839, pour noter
quelque fait saillant : on a construit de nouveaux dortoirs, vastes et bien aérés ; la chapelle s’est enrichie
d’un orgue ; la philosophie se fait désormais en français ; on reçoit à demi-pension des élèves d’un âge
encore tendre que les parents ont l’intention de mettre plus tard en pension entière.
III C’est en 1851 seulement que le Collège du Mans est érigé en Lycée ; du moins, le décret est
rendu au mois de décembre 1850. L’inauguration solennelle eut lieu au mois de mars suivant. Ce fut une
véritable fête pour la ville du Mans.
Depuis cette époque, notre Lycée a vu dans ses murs bon nombre d’élèves, dont quelques-uns
uns ont conquis par leur travail une place éminente dans la société : sénateurs, députés, conseillers
généraux, officiers des armées de terre et de mer, médecins, avocats, professeurs, ingénieurs, tels sont
les titres que l’on trouve dans la liste des anciens élèves ; d’autres, suivant des voies différentes, ont su
néanmoins se faire une position distinguée dans le commerce et dans l’industrie.
2 19 février 1798.
3 6 mai 1803.
4 30 juillet 1804.
5 2 novembre 1804.
La chapelle et le collège en 1820
Le Lycée du Mans a brillé dans les Concours académiques et dans les Concours généraux. La
liste serait longue des succès qu’il a remportés ; nous nous bornerons à signaler les résultats suivants : aux
Concours académiques, de 1865 à 1880 (époque à laquelle le Concours académique a été supprimé) le Lycée
du Mans a remporté 19 prix et 75 accessits ; au Concours général, depuis 1868 jusqu’à notre époque, 3 prix
et 14 accessits, soit 22 prix, 89 accessits, en tout
cent onze
nominations ; et encore il peut se faire que
n’ayons pas tout retrouvé.
L’Association amicale des anciens élèves a été fondée en 1876, et reconnue d’utilité publique
par décret de Président de la République, en date du 5 mai 1886.
Extrait de l’Histoire du Lycée du Mans, par
D. REBUT,
Professeur au Lycée.
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