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Même si l’idée que les insectes et les plantes aient pu évoluer ensemble est ancienne (voir
Dethier 1941), la publication d’Ehrlich et Raven (1964) a été le véritable point de départ des
recherches portant sur la diversification des insectes phytophages en réponse aux pressions de
sélection exercées par leurs plantes hôtes. Simpson (1953), qui postulait que l’entrée dans une
nouvelle zone adaptative est suivie
d’une diversification rapide, a
probablement inspiré ces derniers. Selon
Ehrlich et Raven (1964), la « courses
aux armements » entre les défenses anti-
herbivores des végétaux (principalement
des composés chimiques) et les
contournements de celles-ci par les
larves de papillons est le principal
moteur de la diversification des
Lépidoptères. Ils estiment que quand
certains individus parviennent à
coloniser une espèce de plante dont les
défenses chimiques sont assez
différentes de la plante hôte des populations dont ils sont issus, cela ouvrirait une nouvelle
zone adaptative (voir Fig. 1). La capture d’une nouvelle lignée de plantes permettrait ainsi la
diversification rapide des insectes sur les niches écologiques offertes par les espèces végétales
de cette lignée. Ce modèle sera plus tard nommé « escape and radiate ».
La théorie d’Ehrlich est Raven (1964) est encore d’actualité et de nombreuses études
cherchent à en vérifier les prédictions. Ainsi, Marvaldi et al. (2002) ont mis en évidence que
les nombreux changements d’hôtes des Gymnospermes vers des Angiospermes étaient
associés à des accélérations des taux de diversification chez les charançons (Coleoptera :
Curculionoideae). Plus récemment, ce sont Winkler et al. (2009) qui ont montré un patron
« escape and radiate » chez les mouches du genre Phytomyza (Diptera : Agromyzidae). Ils ont
en effet mis en évidence des taux de diversification significativement plus élevés chez les
lignées qui avaient effectué changement de plante hôte dans ce genre de Diptères phytophage.
Si le scénario d’Ehrlich et Raven (1964) a fortement inspiré les études sur l’évolution des
associations plantes-insectes, il a également été revisité et nuancé. Plusieurs études ont
Figure 1 : Modèle « escape and radiate ». A T0, trois espèces d’insectes
phytophages (A0, B0 et C0) sont présents sur trois espèces de plantes de la
même famille (carrés) alors que d’autres espèces de plantes d’une autre
famille (pentagones) ne sont pas occupées. A
T1
, une partie des populations
de l’espèce B0 colonise une plante d’une nouvelle famille et forme l’espèce
B1. A
T2
, la lignée B1 colonise trois nouvelles plantes de la famille
« pentagone » et, en se spécialisant sur ces trois espèces de plantes, les
populations issues de B1 forment trois nouvelles espèces d’insectes.